Le lundi 19 novembre
1945
264> 334.1 – La
vallée du Kishon, bien que le soleil resplendisse dans un ciel serein, est
froide, parcourue par un vent glacial qui vient, après avoir franchi les
collines du nord, ruinant les tendres cultures qui frissonnent et se
recroquevillent brûlées, destinées à mourir dans leur verdeur nouvelle.
"Mais est-ce que ce froid va durer encore longtemps ?" demande
Matthieu qui s'enveloppe encore plus dans son manteau, duquel sort
uniquement une partie de la figure, c'est-à-dire les yeux et le nez.
La voix étouffée par son manteau qu'il a lui aussi jusque sur la bouche, Barthélemy lui répond :
"Peut-être le reste de la lune."
"Nous voilà frais, alors ! Mais patience ! Heureusement qu'à
Nazareth nous resterons dans des maisons hospitalières... Et pendant ce temps
cela passera."
"Oui, Matthieu. Mais pour moi, c'est déjà passé, voyant Jésus moins
accablé. Ne te semble-t-il pas plus allègre ?" demande André.
"Il l’est. Mais moi... voilà, il me paraît impossible qu'il ait été
aussi mal en point à cause de ce que nous savons. N'y a-t-il eu vraiment rien
de nouveau à votre connaissance ?" demande Philippe.
"Rien, absolument rien. Je te dis qu'aux frontières syro-phéniciennes il
eut même beaucoup de Joie à cause des esprits croyants et il fit ces miracles
dont nous t'avons parlé" assure Jacques d'Alphée.
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265> "Il est beaucoup avec Simon de Jonas depuis
quelques jours. Et Simon est très changé... Mais, vous êtes tous
changés ! Je ne sais pas... Vous êtes plus... austères, voilà" dit
Philippe.
"Mais ce n'est qu'une impression ! En réalité, nous sommes tels que
nous étions. Certainement, de voir le Maître ainsi affligé pour tant de
choses ne nous a pas fait plaisir, et aussi de voir comme ils sont acharnés
contre Lui... Mais nous, nous le défendrons. Oh ! Ils ne Lui feront rien si nous sommes avec Lui.
334.2 – Hier
soir je Lui ai dit, après avoir entendu ce que disait Hermas, qui est un
homme sérieux et que l'on peut croire : "Tu ne dois plus rester
seul. Désormais tu as des disciples qui, tu le vois, font et font très bien
et dont le nombre ne cesse d'augmenter. Nous resterons donc avec Toi. Je te
dis que tu ne feras pas tout. Il est temps de te soulager, mon Frère. Mais
Toi, tu resteras avec nous, parmi nous, comme Moïse sur la montagne, et nous
nous battrons pour Toi, prêts à l'occasion à te défendre même matériellement.
Ce qui est arrivé à Jean Baptiste ne doit pas t'arriver". Car enfin, si les disciples du Baptiste n'avaient pas été
réduits à deux ou trois, incapables de le défendre, il n'aurait pas été pris.
Nous sommes douze au fond, et je veux le persuader d'unir, de garder près de
Lui, au moins quelques-uns des disciples les plus fidèles et les plus
énergiques. Ceux qui étaient avec Jean à Machéronte,
par exemple. Créatures fidèles et courageuses : Jean, Matthias et même
Joseph. Vous savez que ce jeune promet beaucoup ?"
dit le Thaddée.
"Oui. Isaac est un ange mais sa
force est toute spirituelle. Mais Joseph est fort, même physiquement. Il a le
même âge que nous."
"Et il apprend facilement. Tu as entendu ce qu'a dit Hermas ?
"S'il avait étudié, il serait un rabbi en plus d'être un juste" Et
Hermas sait ce qu'il dit."
"Moi, cependant... je garderais aussi tout près Étienne et Hermas et le prêtre
Jean, à cause de leur connaissance de la
Loi et du Temple. Savez-vous ce qu'est leur présence en face des scribes et
des pharisiens ? Un contrôle, un frein... Et pour les gens qui doutent,
c'est une affirmation : "Voyez qu'il y a aussi les meilleurs
d'Israël autour du Rabbi, comme élèves et comme serviteurs ?" dit Jacques d'Alphée.
"Tu as raison. Disons-le au Maître. Vous avez entendu ce qu'il a dit
hier : "Vous devez obéir, mais vous avez aussi l'obligation
de m'ouvrir votre âme et de me dire ce qui vous paraît juste, pour vous
habituer à savoir diriger dans l'avenir. Et Moi, si je vois que votre parole
est juste, j'accepterai vos pensées" dit le Zélote.
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266> "Peut-être qu'il le fait aussi pour montrer qu'il
nous aime, attendu que nous sommes tous plus ou moins convaincus d'être la
cause de sa souffrance" observe Barthélemy.
"Ou bien il est réellement fatigué de devoir penser à tout et d'être
seul à prendre des décisions et des responsabilités. Peut-être aussi
reconnaît-il que sa sainteté parfaite est… je dirais presque une imperfection
par rapport à ceux qu'il a en face de Lui : le monde qui n'est pas
saint. Nous ne sommes pas des saints parfaits. À peine un peu moins fourbes
que les autres... et par conséquent plus capables de répondre à ceux qui sont
presque comme nous" dit Simon le Zélote.
"Et de les connaître, dois-tu dire !" surenchérit Matthieu.
"Oh ! pour cela, je suis certain qu'il les connaît Lui aussi, et
même il les connaît mieux que nous, car Lui lit dans les cœurs" dit Jacques de Zébédée.
"Et alors, pourquoi parfois agit-il comme il le fait, en s'exposant à
des ennuis et des dangers ?" demande André désolé.
"Mais ! je ne sais que répondre" dit le Thaddée en haussant
les épaules et les autres avouent la même chose.
334.3 – Jean se
tait et son frère le taquine :
"Toi qui sais toujours tout de Jésus - vous semblez parfois deux
amoureux - il ne t'a jamais dit pourquoi il agit ainsi ?"
"Si. Je le Lui ai demandé encore récemment. Il
m'a toujours répondu : "Parce que je
dois le faire. Je dois agir comme si le monde était tout entier composé de
créatures ignorantes mais bonnes. À tous je donne la même doctrine et ainsi
se séparent les fils de la Vérité et ceux du Mensonge". Il m'a dit
aussi : "Tu vois,
Jean ? C'est comme un premier jugement, pas universel, collectif, mais
particulier. C'est sur la base de leurs actes de foi, de charité, de justice,
que les agneaux seront séparés des boucs. Et cela durera encore après, quand
je ne serai plus là, mais qu'il y aura mon Eglise à travers les siècles
jusqu'à la fin du monde. Le premier jugement des masses humaines s'accomplira
dans le monde, là où les hommes agissent librement, ayant devant eux le Bien
et le Mal, la Vérité et le Mensonge. Ainsi en fut-il au Paradis Terrestre, où
le premier jugement fut prononcé devant l'arbre du Bien et du Mal, violé par
ceux qui avaient désobéi à Dieu.
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267> Puis, quand viendra la mort des particuliers, sera
ratifié le jugement déjà écrit dans le livre des actions humaines par un
Esprit qui n'a pas de lacunes. En dernier lieu viendra le Grand Jugement,
le Terrible et alors, de nouveau, les hommes seront jugés en masse.
Depuis Adam, jusqu'au dernier homme. Jugés d'après ce qu'ils auront voulu pour
eux sur la terre, librement. Maintenant, si je mettais à part ceux qui
méritent la Parole de Dieu, le Miracle, l'Amour, et d'un autre côté ceux qui
ne le méritent pas - et je pourrais le faire par droit divin et par puissance
divine - ceux qui seraient exclus, fussent-ils des Satans, crieraient bien
fort, le jour de leur jugement particulier : "Le coupable c'est ton
Verbe qui n'a pas voulu nous enseigner". Mais cela, ils ne pourront pas
le dire… Ou plutôt ils le diront en mentant une fois de plus. Et ils seront
par conséquent jugés"
"Alors, ne pas accueillir la doctrine, c'est être réprouvé ?"
demande Matthieu.
"Cela, je ne le sais pas, si tous ceux qui n'auront pas cru seront
réellement réprouvés. Si vous vous souvenez, en parlant à Syntica, il a
fait comprendre que ceux qui agissent avec honnêteté pendant leur vie ne sont
pas réprouvés, même s'ils croient à d'autres religions. Mais nous pouvons le
Lui demander. Certainement Israël, qui a entendu parler du Messie et qui
maintenant y croit partiellement ou mal, ou le repousse, sera sévèrement
jugé."
334.4 – "Il
parle beaucoup avec toi le Maître, et tu sais beaucoup de choses que nous ne savons pas" observe
son frère Jacques.
"C'est votre faute. Moi, je l'interroge avec simplicité. Parfois je Lui
demande des choses qui doivent Lui faire apparaître son Jean comme un grand
sot. Mais il ne m'importe pas de paraître tel. Il me suffit de connaître sa
pensée, et de l'avoir en moi, pour la faire mienne. Vous, vous aussi devriez
agir ainsi. Mais vous avez toujours peur ! Et de quoi ? D'être
ignorants ? D'être superficiels ? D'être des têtes dures ?
Vous devriez avoir peur seulement de n'être pas encore préparés quand Lui
s'en ira. Il le dit toujours... et je me le dis toujours, pour me préparer à
la séparation... Mais je sens que ce sera toujours une grande
douleur..."
"Ne m'y fais pas penser !" s'écrie André.
Les autres lui font écho en soupirant.
"Mais quand cela arrivera-t-il ? Il dit toujours :
"Bientôt". Mais cela peut être dans un mois, comme dans des années.
Il est si jeune et le temps est si rapide... Qu'as-tu, frère ? Tu
deviens tout pâle..." demande le Thaddée à Jacques.
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268> "Rien ! Rien ! Je réfléchissais..."
se hâte de dire Jacques d'Alphée en baissant la tête.
Et le Thaddée se penche pour bien le voir...
"Mais tu as les larmes aux yeux ! Qu’as-tu ?"
"Mais rien de plus que ce que vous avez, vous... Je pensais à quand nous
serons seuls."
334.5 – "Mais
qu'a Simon de Jonas pour courir, en criant comme une mouette en un jour de
tempête ?" demande Jacques de Zébédée.
Et il montre Pierre qui vient de quitter Jésus et qui court en disant des
paroles que le vent empêche d'entendre.
Ils accélèrent leur marche et voient que Pierre a pris un sentier qui vient
de la ville de Sephoris, désormais proche (ainsi disent les disciples qui se
demandent s'il va à Sephoris sur l'ordre de Jésus et par ce raccourci). Mais
ensuite, en regardant bien, ils voient que les deux seuls voyageurs qui
viennent de la ville vers la grand-route ce sont Thomas et Judas.
"Tiens ! Ici ? Vraiment ici ? Oh ! qu'est-ce qu'ils
y font ? De Nazareth, tout au plus ils devaient aller à Cana, et puis à
Tibériade..." se demandent plusieurs.
"Peut-être ils venaient à la recherche des disciples. C'était leur
mission" dit prudemment le Zélote qui sent les soupçons lever sa tête de
serpent qui s'éveille dans le cœur de plusieurs.
"Hâtons le pas. Jésus est seul et il semble nous attendre…"
conseille Matthieu.
Ils vont et arrivent à Jésus en même temps que Pierre, Judas et Thomas. Jésus est très pâle, au point que Jean Lui demande :
"Te sens-tu mal ?"
Mais Jésus lui sourit et fait un signe de dénégation pendant qu'il salue les
deux qui sont revenus après une si longue absence.
Il embrasse d'abord Thomas, dont la mine est florissante et allègre comme
toujours. Mais pourtant il devient sérieux en voyant le Maître si visiblement
changé et il Lui demande avec empressement :
"As-tu été malade ?"
"Non, Thomas, nullement. Et toi, tu as été bien, heureux ?"
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269> "Moi, oui, Maître, toujours bien et toujours
heureux. Il ne me manquait que Toi pour rendre mon cœur bienheureux. Mon père
et ma mère te sont reconnaissants de m'avoir envoyé pour quelque temps. Mon
père était un peu malade et alors c'est moi qui ai travaillé. Je suis allé
chez ma sœur jumelle et j'ai fait la connaissance de mon neveu. Je lui ai fait
donner le nom que tu m'avais indiqué. Puis Judas est venu, et il m'a fait aller comme une
tourterelle à la saison des amours, en haut, en bas, où il y avait des
disciples. Lui, l'avait déjà fait pour son compte, et pas rien qu'un peu.
Mais main- tenant il va te parler lui, car il a travaillé comme dix et il
mérite que tu l'écoutes."
Jésus le laisse aller et c'est le tour de Judas qui a attendu patiemment et
qui s'avance avec décision, l'air dégagé, triomphant. Jésus le transperce de
son regard de saphir, mais il l'embrasse et reçoit son baiser comme pour
Thomas. Et les paroles qui suivent sont affectueuses :
"Et ta mère, Judas, elle a été heureuse de t'avoir ? Elle se porte
bien cette sainte femme ?"
"Oui, Maître, et elle te bénit de lui avoir envoyé son Judas. Elle
voulait t'envoyer des cadeaux. Mais comment aurais-je pu les apporter alors
que j'aillais çà et là par monts et par vaux ?
334.6 – Tu peux
être tranquille, Maître... Tous les groupes de disciples que j'ai visités
travaillent saintement. L'idée se répand toujours plus. J'ai voulu contrôler
personnellement ses répercussions sur les plus puissants, les scribes et les
pharisiens. J'en connaissais beaucoup et je viens d'en connaître d'autres par
amour pour Toi. J'ai approché des sadducéens, des hérodiens... Oh ! je
t'assure que ma dignité en a été bien rabaissée !... Mais pour ton amour
je ferai cela et autre chose ! J'ai essuyé des rebuffades dédaigneuses
et des anathèmes. Mais j'ai réussi à éveiller des sympathies chez certains
qui étaient prévenus contre Toi. Je ne veux pas tes louanges. Il me suffit
d'avoir fait mon devoir, et je remercie l'Éternel de m'avoir toujours aidé. J'ai dû employer le miracle dans certains cas, et j'en ai
eu de la peine parce qu'ils méritaient la foudre plutôt que la bénédiction.
Mais tu dis d'aimer et d'être patient... Je l'ai été pour l'honneur et pour
la gloire de Dieu et pour ta joie. J'espère que beaucoup d'obstacles seront
abattus pour toujours, d'autant plus que j'ai garanti sur mon honneur qu'il
n'y avait plus, auprès de Toi, ces deux qui donnaient tant d'ombre.
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270> Ensuite il m'était venu un scrupule d'avoir affirmé ce
que je ne savais pas avec certitude. Et alors j'ai voulu vérifier pour
pouvoir y parer, pour ne pas être pris en délit de mensonge, chose qui
m'aurait fait suspecter pour toujours par ceux qui doivent être convertis...
Pense ! J'ai approché même Hanne et Caïphe !... Oh ! ils ont voulu m'incendier de
reproches... Mais j'ai été si humble, si persuasif, qu'ils ont fini par me
dire : "Eh bien, si les choses sont vraiment ainsi... Nous, nous
les connaissions différentes. Les directeurs du Sanhédrin, qui pouvaient les
connaître, nous avaient rapporté le contraire et..."
"Tu ne voudrais pas dire que Joseph et Nicodème ont été des
menteurs" interrompt le Zélote qui s'est contenu jusque-là mais pas
davantage, et que l'effort qu'il a fait a rendu livide.
"Et qui dit cela ? Au contraire ! Joseph m'a vu quand je
sortais de chez Anna et il m'a dit : "Pourquoi es-tu ainsi
troublé ?" Je lui ai tout raconté et comment, en suivant son
conseil et celui de Nicodème, Toi Maître, avais éloigné le galérien et la
grecque. Parce que tu les as éloignés, n'est-ce pas ?" dit Judas en
regardant fixement Jésus de ses yeux de jais,
brillants au point d'en être phosphorescents. Il semble vouloir le
transpercer par son regard pour lire ce que Jésus a fait.
Jésus, qui l'a toujours en face de Lui, très proche, dit calmement :
"Je te prie de continuer ton récit qui m'intéresse beaucoup. C'est un
rapport exact qui peut beaucoup servir."
"Ah ! je disais donc qu'Hanne et Caïphe ont changé d'opinion. Cela
est beaucoup pour nous. N'est-ce pas ? Et puis… ! Oh ! maintenant je vais vous faire rire ! Mais
vous savez que les rabbis m'ont pris au milieu d'eux et m'ont fait subir un
autre examen, comme si j'étais un enfant qui arrive à sa majorité ? Et
quel examen ! Bien. Je les ai convaincus et ils m'ont laissé aller.
Alors m'est venu le soupçon et la peur d'avoir dit une chose qui, n'était pas
vraie. Et j'ai pensé a
prendre Thomas et à aller de nouveau où il y avait des disciples, ou bien là
où je pouvais présumer que s'étaient réfugiés Jean et la grecque. Je suis
allé chez Lazare, chez Manahen, au palais de Kouza, chez Élise de Bet-Çur (Béthsur), à Béther dans les jardins de Jeanne, au
Gethsémani, dans la maisonnette de Salomon au-delà du Jourdain, à "La Belle Eau", chez
Nicodème, chez Joseph..."
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271> "Mais tu ne l'avais pas vu ?"
"Si. Et il m'avait assuré qu'il n'avait jamais plus vu ces deux. Mais tu
sais... je voulais être sûr... Bref : j'ai visité tous les endroits où
je pouvais soupçonner qu'ils se trouvent... Et ne crois pas que j'ai souffert
de ne pas le trouver. Tu me ferais tort. Toutes les fois - et Thomas peut le
confirmer - toutes les fois que je suis sorti d'un endroit sans l'avoir
trouvé, et même sans avoir eu aucun indice de sa présence, j'ai dit :
"Louange soit au Seigneur !" et je disais : "O
Eternel, fais que je ne le trouve jamais plus !" Vraiment ! Le
soupir de mon âme... Le dernier endroit fut Esdrelon...
334.7 – Ah !
à propos ! Ismaël
ben Fabi,
qui est dans son palais dans les campagnes de Mageddo, désire t'avoir comme
hôte... Mais, à ta place, je n’irais pas..."
"Pourquoi ? J'y irai sans faute. Moi aussi, je désire le voir. Et
même, nous allons nous y rendre tout de suite. Au lieu d'aller à Sephoris,
nous allons nous rendre à Esdrelon, et puis à Mageddo après-demain qui est la
veille du sabbat, et de là à la maison d'Ismaël."
"Mais non, Seigneur ! Pourquoi ? Crois-tu qu'il
t'aime ?"
"Mais si tu l'as approché et changé en ma faveur, pourquoi ne veux-tu
pas que j'y aille ?"
"Je ne l'ai pas approché... Il était dans les champs et il m'a reconnu.
Mais moi - n'est-ce pas, Thomas ? - je voulais fuir quand je l'ai vu. Je
n'ai pas pu parce qu'il m'a appelé par mon nom. Moi... Moi, je ne puis que te
conseiller de ne jamais plus aller chez aucun pharisien, ou scribe, ou gens
de même acabit. Ce n'est pas utile pour Toi. Restons entre nous, seuls, avec
le peuple, et c'est tout. Même Lazare, Nicodème, Joseph... ce sera un
sacrifice... Mais il vaut mieux le faire pour ne pas créer de jalousies, de
rancœurs, et prêter le flanc aux critiques... À table, on parle... et eux
travaillent très sournoisement sur tes paroles. Mais revenons à Jean... Maintenant
j'allais à Sycaminon, bien qu'Isaac, que j'ai trouvé aux confins de la
Samarie, m'ait juré de ne plus l'avoir vu depuis octobre."
"Et Isaac a juré la vérité. Mais ce que tu me conseilles, à propos des
relations avec les scribes et les pharisiens, est en opposition avec ce que
tu m'as dit auparavant. Tu m'as défendu... C'est ce que tu as fait, n'est-ce
pas ? Tu as dit : "J'ai abattu beaucoup de préventions sur
Toi". C'est ce que tu as dit, n'est-ce pas ?"
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272> "Oui, Maître."
"Et alors pourquoi ne puis-je pas achever Moi-même de me défendre en
personne ? Nous irons donc chez Ismaël, et toi, maintenant, retourne en
arrière et va le prévenir. Avec toi vont venir André, Simon le Zélote et
Barthélemy. Nous irons chez des paysans nous reposer. En ce qui concerne
Sicaminon, nous en venons et nous y étions à onze. Nous t'affirmons que Jean
n'y est pas. Et il n'est pas non plus à Capharnaüm ou à Bethsaïda, à
Tibériade, Magdala, Nazareth, Corozaïn, Bethléem de Galilée, et ainsi de
suite pour toutes les étapes que peut-être tu avais l'intention de faire
pour... te rassurer toi-même sur la présence de Jean avec les disciples ou
dans des maisons amies."
334.8 – Jésus
parle calmement, avec naturel... Mais pourtant il doit y avoir en Lui quelque
chose qui trouble Judas, car pendant un instant il change de couleur. Jésus
l'embrasse comme pour lui donner un baiser... Et pendant qu'il le tient
ainsi, joue contre joue, il lui murmure doucement :
"Malheureux ! Qu'as-tu fait de ton âme ?"
"Maître... je..."
"Va ! Tu sens l'enfer plus que Satan lui-même !
Tais-toi !... Et repens-toi, si tu peux."
Judas... moi je me serais échappée à toutes jambes. Mais lui ! Effronté,
dit à haute voix :
"Merci, Maître. Mais, je t'en prie, avant que je ne m'en aille, deux
mots, en secret."
Tous s'écartent de plusieurs mètres.
"Pourquoi, Seigneur, m'as-tu dit ces paroles ! Tu m'as fait
souffrir..."
"Parce que c'est la vérité. Celui qui a des relations avec Satan prend
l'odeur de Satan."
"Ah ! à cause de la nécromancie ? Oh ! quelle peur tu
m'as faite ! Une plaisanterie ! Rien de plus qu'une plaisanterie
d'enfant curieux. Et cela m'a servi pour approcher des sadducéens et en
perdre le désir. Tu vois donc que tu peux m'absoudre en tout paix. Ce sont
des choses inutiles quand on a ton pouvoir. Tu avais raison. Allons,
Maître ! ma faute est si légère !... Grande est ta sagesse, mais
qui t'a dit cela ?"
Jésus le regarde sévèrement et ne lui répond pas.
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273> "Mais vraiment as-tu vu dans mon cœur le
péché ?" demande Judas un peu effrayé.
"Et tu m'as répugné. Va ! Et n'ajoute pas un mot."
Et Il lui tourne le dos en revenant vers les disciples auxquels il donne
l'ordre de changer de direction. Il congédie d'abord Barthélemy, Simon et
André, qui rejoignent Judas, et qui partent rapidement, alors que ceux qui
restent s'en vont lentement ignorant la vérité connue de Jésus seul.
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