Le mercredi 11 décembre 1946.
357> 538.1 – Jésus est derrière le Temple,
près de la Porte des Troupeaux, hors de la ville.
Il a autour de Lui les apôtres et les disciples bergers, sauf Lévi,
effrayés et même furieux. Je ne vois aucun autre des disciples qui étaient
auparavant au Temple avec Lui.
Ils discutent entre eux. Je pourrais dire qu'ils discutent entre eux et avec
Jésus, et avec Judas
de Kérioth en particulier. Ils reprochent à ce
dernier les colères des juifs et le font avec une ironie quelque peu
mordante. Judas les laisse parler et répète :
"J'ai parlé avec des pharisiens, des scribes et des prêtres, et il n'y
avait aucun d'eux parmi les gens."
Ils reprochent à Jésus de ne pas avoir arrêté la discussion après l'avoir
fait tomber une première fois. Et Jésus répond :
"Je devais compléter ma manifestation."
Et encore, ils sont en désaccord sur l'endroit où aller, maintenant que le
sabbat est proche et que ce sont des jours de fête. Simon Pierre propose Joseph
d'Arimathie, étant donné qu'il n'y a pas lieu
d'aller à Béthanie causer du dérangement, surtout depuis que Jésus a déclaré
qu'il ne faut plus aller à Béthanie.
Thomas
répond :
"Joseph n'est pas chez lui, ni non plus Nicodème.
Ils sont partis à cause de la fête. Je les ai salués hier quand nous
attendions Judas et ils me l'ont dit."
"Chez Nikê,
alors" propose Matthieu.
"Elle est à Jéricho
pour la fête" répond Philippe.
"Chez Joseph
de Sephoris" dit Jacques
d'Alphée.
"Hum ! Joseph... dit Pierre. Nous ne lui ferons pas un cadeau ! Il a eu
des ennuis et... mais oui, je le dis ! Il vénère le Maître, mais il veut être
tranquille. Il ressemble à une barque prise entre deux courants opposés... et
pour être toujours à flot... il tient compte de tout le lest, même du petit Martial...
au point que cela lui semble trop beau de l'avoir passé à Joseph
d'Arimathie."
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358> "Ah ! c'est pour cela qu'il
était avec lui hier ? !" s'exclame André.
"Bien sûr ! Il vaut mieux donc le laisser apaiser dans un petit port
bien tranquille... Hé ! on n'est pas très courageux ! Et le Sanhédrin fait peur à tout le
monde !" dit encore Pierre.
"Parle pour toi, je t'en prie. Moi, je n'ai peur de personne" dit
l'Iscariote.
"Moi non plus. Pour défendre le Maître je défierais toutes les légions.
Mais nous, c'est nous... Les autres... Hé ! Ils ont leurs affaires, leurs
maisons, leurs épouses, leurs filles... Ils y pensent."
"Nous aussi, nous les avons." observe Barthélemy.
"Mais nous sommes les apôtres et..."
"Et vous êtes pareils aux autres. Ne critiquez personne car l'épreuve
n'est pas encore venue" dit Jésus.
"Elle n'est pas venue ? Et que veux-tu de plus que celles que nous avons
déjà passées ? Et pourtant tu as vu aujourd'hui comme je t'ai défendu ! Tous
nous t'avons défendu. Mais moi, plus que tous ! J'ai fait de la place avec
certaines poussées qui auraient chaviré une barque !...
538.2 – Une idée ! Allons à Nobé. Le vieillard sera heureux !"
"Oui. Oui. À Nobé."
Tous sont d'accord. Mais Jésus intervient :
"Jean n'y est pas. Vous feriez la route
pour rien. Vous pouvez aller à Nobé, mais pas chez Jean."
"Vous pouvez ! Et toi, tu ne peux pas ?"
"Je ne veux pas, Simon
de Jonas. J'ai déjà où aller pour ces soirs
des Encénies.
Mais, Moi absent, vous pouvez être tranquilles n'importe où. C'est pour cela
que je vous dis : allez où vous voulez. Je vous bénis. Je vous rappelle de
rester unis de corps et d'esprit, soumis à Pierre votre chef, mais pas comme
à un maître, plutôt comme à un frère aîné. Dès que Lévi sera de retour avec mon sac nous
nous séparerons."
"Cela non, mon Seigneur ! Te laisser aller seul, jamais de la vie
!" s'exclame Pierre.
"Toujours, si je le veux, Simon de Jonas. Mais ne crains pas. Je ne
resterai pas en ville. Personne, à moins d'être ange ou démon, ne découvrira
mon abri."
"C'est bien. Comme il y a trop de démons qui te haïssent. Moi, je te dis
que tu n'iras pas seul !"
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359> "Il y a aussi des anges,
Simon. Et Moi, j'irai."
"Mais où ? Mais dans quelle maison puisque tu as refusé les meilleures
ou volontairement ou par suite des circonstances ?! Tu n'iras certainement
pas, en cette saison, dans une grotte sur les monts ?"
"Et s'il en était ainsi ? Ce serait toujours moins glacial que les cœurs
des hommes qui ne m'aiment pas" dit Jésus comme s'il se parlait à
Lui-même, en baissant la tête pour cacher une larme qui brille dans ses yeux.
538.3 – "Voici Lévi. Il vient en
courant" dit André qui regarde du bord de la route.
"Alors donnons-nous la paix et séparons-nous. Si vous voulez aller à
Nobé, vous avez juste le temps avant le coucher du soleil."
Lévi arrive tout essoufflé :
"Ils te cherchent partout, Maître... Me l'ont dit ceux qui t'aiment...
Ils ont été dans de nombreuses maisons surtout de pauvres gens..."
"T'ont-ils vu ?" demande Jacques de
Zébédée.
"Bien sûr. Ils m'ont même arrêté. Mais moi, qui le savais déjà, j'ai dit
: "Je vais à Gabaon"
et je suis sorti par la Porte de Damas et j'ai couru derrière les murs... Je
n'ai pas menti, Seigneur, car eux et moi, nous allons à Gabaon après le
sabbat. Cette nuit, nous resterons dans les campagnes de la cité de David… Ce
sont des jours de souvenir pour nous..."
Et il regarde Jésus avec un sourire angélique sur son visage viril et barbu,
un souvenir qui réveille dans ses traits l'enfant de la nuit lointaine.
"C'est bien. Allez, vous aussi et vous
de même, j'irai Moi aussi. Chacun par son chemin. Vous me précéderez dans le
village de Salomon
où je serai dans quelques jours. Et avant de vous quitter, je vous répète les
paroles que je vous ai dites avant de vous envoyer deux par deux à travers
les villes
: 'Allez, prêchez, annoncez que le Royaume de Dieu est très proche.
Guérissez les malades, purifiez les lépreux, ressuscitez les morts de
l'esprit et de la chair en leur imposant en mon Nom la résurrection de
l'esprit, la recherche de Moi qui est la Vie, ou la résurrection de la mort.
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360> Et ne vous enorgueillissez pas de
ce que vous faites. Évitez les disputes entre vous et avec ceux qui ne nous aiment
pas. N'exigez rien pour ce que vous faites. Allez plutôt parmi les brebis
perdues de la maison d'Israël que parmi les gentils et les samaritains, et
cela non par aversion mais parce que vous n'êtes pas encore à même de pouvoir
les convertir. Donnez ce que vous avez sans vous préoccuper du lendemain.
Faites tout ce que vous m'avez vu faire, et dans un esprit semblable au mien.
Voilà, je vous donne le pouvoir de faire ce que je fais, et que je veux que
vous fassiez pour que Dieu soit glorifié."
Il souffle sur eux, les embrasse un par un et les congédie.
538.4 – Tous s'éloignent à regret, en
se retournant plusieurs fois. Lui les salue de la
main jusqu'à ce qu'il les voie tous partis, puis il descend dans le lit du
Cédron, parmi les buissons. Il s'assoit sur un rocher de la rive près de
l'eau qui bouillonne. Il boit de cette eau claire et certainement glaciale.
Il se lave le visage, les mains, les pieds, puis il reprend ses vêtements et
revient s'asseoir. Il réfléchit... Et il ne s'aperçoit pas de ce qui arrive
autour. En effet l'apôtre Jean, qui s'était déjà éloigné avec ses
compagnons, revient seul et l'imite en se cachant dans un buisson épais...
Jésus reste là quelque temps, puis il se lève, met son sac
en bandoulière et en suivant le Cédron, parmi les buissons, il arrive au
puits de En Rogel et puis il tourne vers le sud-ouest pour prendre la route
de Bethléem. Jean, à une centaine de mètres en arrière, le suit tout emmitouflé dans son manteau, pour n'être pas reconnu.
Ils marchent sans arrêt le long des chemins dépouillés par l'hiver. Jésus, de
son long pas, dévore la route. Jean le suit non sans peine parce qu'il doit
être prudent pour n'être pas découvert. Par deux fois Jésus s'arrête et se
retourne. La première fois en passant près de la petite colline où Judas alla
pour parler avec Caïphe et compagnie,
la seconde fois près d'un puits où il s'assoit et grignote un peu de pain en
buvant ensuite à l'amphore d'un homme. Puis il reprend sa marche, alors que
le soleil descend, descend, descend... et qu'arrive le crépuscule. Il arrive
au tombeau de
Rachel quand la dernière rougeur du couchant s'éteint en une traînée
de violet. Le ciel, vers l'occident, semble une tonnelle de glycines en
fleurs alors qu'à l'orient il a déjà le pur cobalt d'un froid firmament
hivernal d'orient et déjà les premières lueurs des étoiles apparaissent aux
plus lointaines limites du ciel.
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361> Jésus se hâte pour être en place
avant que la nuit soit complète. Mais, arrivé à un point élevé d'où l'on voit
toute la petite ville de Bethléem, il s'arrête, regarde, soupire... Puis il
descend rapidement. Il n'entre pas dans la ville, il en contourne les
dernières maisons et il va tout droit aux ruines de la maison ou tour de
David, à l'endroit où il est né. Il passe le ruisseau qui coule près de la
grotte. Il met le pied sur le petit espace couvert de feuilles sèches... Il
jette un coup d'œil à l'intérieur. Il n'y a personne. Il entre...
Jean reste plus en deçà, prudemment, pour n'être ni entendu ni vu. Il
fouille, il regarde. Plutôt à tâtons qu'avec la vue, il trouve une autre des
étables en ruines. Il y entre à son tour et fait de la lumière dans un coin.
Il y a un peu de paille, une litière sale, quelques branches, du foin dans la
mangeoire.
538.5 – Jean est content. Il se parle
à lui-même :
"Au moins... j'entendrai... et... Ou nous mourons
ensemble, ou je le sauve." Puis il soupire et il dit : "Et il est
né ainsi. Et il vient ici pour pleurer sa douleur... Et... Ah ! Dieu éternel
! Sauve ton Christ ! Mon cœur tremble, ô Dieu Très-Haut, car Lui s'isole
toujours avant de grandes œuvres... Et quelle grande œuvre peut-il faire,
sinon se manifester comme le Roi Messie ? Oh ! toutes ses paroles sont en mon
intérieur... Je suis un sot enfant et je comprends peu. Tous nous comprenons
peu, ô notre éternel Père ! Mais moi, j'ai peur. J'ai peur ! Car Lui parle de
mort, et de mort pénible et de trahison et de choses horribles... J'ai peur !
J'ai peur, mon Dieu ! Fortifie mon cœur, Seigneur éternel. Fortifie mon cœur
de pauvre enfant comme certainement tu fortifies celui de ton Fils pour les
événements à venir... Oh ! moi je le sens ! Il est venu ici pour cela, pour
t'entendre plus que jamais, et se fortifier dans ton amour. Moi, je l'imite,
Ô Père très Saint ! Aime-moi et fais que moi je
t'aime pour avoir la force de tout souffrir sans lâcheté pour réconforter ton
Fils."
Jean prie
longuement, debout, les bras levés, à la
lumière tremblante des deux branches qu'il a allumées sur le foyer primitif. Il
prie jusqu'à ce qu'il voie que le feu va s'éteindre. Puis il monte dans la
large mangeoire et s'accroupit dans le foin.
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362> Ce n'est plus qu'une ombre dans
l'ombre, enveloppé comme il l'est dans son manteau foncé, et la caverne
enveloppée comme elle l'est dans les ténèbres. Jusqu'au moment où un premier
rayon de la lune pénètre par l'ouverture tournée vers l'orient, pour dire que
c'est la nuit profonde. Mais Jean, fatigué, s'est endormi. Sa respiration et
le léger bruissement du ruisseau sont les seuls bruits en cette nuit de
décembre.
En haut le ciel, sur lequel flottent des nuages légers comme des voiles que
la lune heurte, semble parcouru tout entier par des troupes angéliques...
Mais il n'y a pas de chants angéliques pourtant. Par intervalles, dans les
ruines, se répondent les "hou ! hou ! hou !" lamentables des
oiseaux de nuit, et parfois ils se terminent par cet espèce
de rire de sorcière particulier aux chouettes et, de loin, arrive une plainte
qui ressemble à un ululement. Un chien enfermé dans un bercail et qui jappe à
la lune, ou bien un
loup auquel le vent apporte l'odeur d'une proie et qui se bat
les flancs avec sa queue et ulule de désir sans oser approcher des étables
bien gardées ? Je ne sais.
538.6 – Puis voici des voix et des
bruits de pas et une lumière rougeâtre qui tremble dans les ruines. Et voilà,
l'un derrière l'autre, les disciples bergers Matthias, Jean,
Lévi, Joseph,
Daniel,
Benjamin, Élie,
Siméon.
Matthias tient élevée une branche allumée pour éclairer la route. Mais celui
qui court en avant, c'est Lévi et, le premier, il passe la tête à l'intérieur
de la grotte de Jésus. Tout de suite il se retourne et fait signe de
s'arrêter et de se taire et il regarde encore... et puis, en déplaçant sa
main droite en arrière, il fait signe aux autres de venir et il s'écarte, en
gardant un doigt sur les lèvres pour dire de garder le silence, pour laisser
la place aux autres qui, l'un après l'autre, regardent et se retirent tout
émus comme Lévi.
"Que faisons-nous ?" dit Élie dans un murmure.
"Nous restons ici à le contempler" dit Joseph.
"Non. Il n'est permis à personne de violer les secrets spirituels des
âmes. Retirons-nous" dit Matthias.
"Tu as raison. Entrons dans l'étable à côté, nous serons encore ici et
près de Lui" dit Lévi.
"Allons-y" disent-ils. Mais avant de s'éloigner, ils regardent
encore une fois, à la dérobée, à l'intérieur de la grotte de la Nativité et
puis ils se retirent, émus, en cherchant à ne pas faire de bruit.
Mais quand ils sont sur le seuil de l'étable voisine, ils entendent le
ronflement de Jean.
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363> "Il y a quelqu'un" dit
Matthias en s'arrêtant.
"Qu'est-ce que cela fait ? Entrons, nous aussi. Comme s'est réfugié ici
quelque mendiant, car c'est certainement un mendiant, de même nous pouvons
nous y réfugier" réplique Benjamin.
Ils entrent en tenant haut la branche allumée. Jean tout pelotonné sur son
lit improvisé et incommode, le visage caché par ses cheveux et son manteau,
continue de dormir. Ils s'approchent doucement dans l'intention de s'asseoir
sur la paille étendue près de la crèche, mais en le faisant Daniel jette un
coup d'œil plus attentif sur le dormeur, et il le reconnaît. Il dit :
"C'est l'apôtre du Seigneur, Jean de Zébédée. Ils se sont réfugiés ici
pour prier... et le sommeil a vaincu l'apôtre... Retirons-nous. Il pourrait
se trouver humilié de se savoir découvert endormi au lieu que livré à la
prière..."
538.7 – Ils reviennent dehors et à
regret ils entrent dans le refuge qui suit celui-là. Et même Siméon s'en
plaint :
"Pourquoi ne pas rester sur le seuil de sa grotte, et le regarder de
temps en temps ? Nous sommes restés pendant tant d'années sous la rosée et la
lumière des étoiles pour veiller les agneaux, et pour l'Agneau de Dieu, nous
ne le ferions pas ? Nous en avons bien le droit, nous qui l'avons adoré
pendant son premier sommeil !"
"Tu as raison comme homme et comme adorateur de
l'Homme-Dieu. Mais qu'as-tu vu, en regardant ici à l'intérieur ? L'Homme,
peut-être ? Non. Nous, sans le vouloir, nous avons franchi le seuil
infranchissable après avoir écarté le triple voile étendu pour protéger le
mystère, et nous avons vu ce que le Grand Prêtre lui-même ne voit pas en
entrant dans le Saint des Saints. Nous avons vu les amours ineffables de Dieu
avec Dieu. Il ne nous est pas permis de les épier encore. La puissance de
Dieu pourrait punir nos pupilles audacieuses qui ont vu l'extase du
Fils de Dieu. Oh ! soyons contents de ce que nous avons eu ! Nous voulions
venir ici pour passer la nuit en prière avant de nous éloigner pour notre
mission. Prier et nous rappeler la nuit lointaine... Nous avons au contraire
contemplé l'amour de Dieu ! Oh ! Il nous a vraiment beaucoup aimé l'Éternel
en nous donnant la joie de la contemplation du Tout-Petit et celle de
souffrir pour Lui, et celle de l'annoncer au monde comme disciples de
l'Enfant-Dieu et de l'Homme-Dieu ! Maintenant Il nous a accordé aussi ce
mystère... Bénissons le Très-Haut et ne désirons pas davantage !" dit
Matthias.
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364> J'ai l'impression qu'il a le plus
d'autorité parmi les bergers pour sa sagesse et sa justice.
"Tu as raison. Dieu nous a beaucoup aimés. Nous ne devons pas exiger
davantage.
538.8 – Samuel,
Joseph, et Jonathan n'ont eu que la
joie d'adorer le Tout-Petit et de souffrir pour Lui.
Jonas
est mort sans pouvoir le suivre. Isaac
lui-même n'est pas ici pour voir ce que nous avons vu. Et s'il y a quelqu'un
qui le mérite, c'est Isaac qui s'est consumé pour l'annoncer" dit Jean.
"C'est vrai ! C'est vrai ! Comme Isaac aurait été heureux de voir cela !
Mais nous le lui dirons" dit Daniel.
"Oui. Mettons tout dans notre cœur pour le lui dire" dit Élie.
"Et aux autres disciples et fidèles !" s'écrie Benjamin.
"Non, pas aux autres. Et pas par égoïsme, mais par prudence et par
respect pour le mystère. Si Dieu le veut, l'heure viendra où nous pourrons le
dire. Pour l'instant nous devons savoir nous taire, dit encore Matthias et,
s'adressant à Siméon : Tu as été comme moi disciple
de Jean. Rappelle-toi comme il nous instruisait en matière de
prudence sur les choses saintes : "Si un jour Dieu, comme déjà Il vous a
comblés de bienfaits, vous comble encore de dons extraordinaires, que cela ne
vous rende pas des bavards ivres. Rappelez-vous que Dieu se manifeste aux
esprits, qui sont enfermés dans la chair car ce sont des gemmes célestes qui
ne doivent pas être exposées aux souillures du monde. Soyez saints dans vos
membres et vos sens
pour savoir freiner toute poussée charnelle. En vos yeux comme en vos oreilles,
en votre langue comme en vos mains. Et saints dans votre pensée pour savoir
freiner l'orgueil de faire savoir ce que vous avez. Car les sens et les
organes et l'intelligence doivent servir et non pas régner. Servir l'esprit,
ne pas régner sur l'esprit. Ils doivent protéger l'esprit, non pas le
troubler. Par conséquent sur les mystères de Dieu en vous, sauf un ordre
explicite, mettez le sceau de votre prudence, comme l'esprit a celui de son emprisonnement temporaire dans la chair.
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365> Ce seraient des choses tout à fait
inutiles, mauvaises et dangereuses que la chair et l'intelligence, si elles
ne servaient pas à donner du mérite par l'affliction que nous leur donnons
pour répondre aux excitations qu'ils nous donnent, et si elles ne servaient
pas à servir de temple pour l'autel sur lequel plane la gloire de Dieu :
notre esprit". Vous vous le rappelez ? Toi, Jean et toi, Siméon ?
J'espère que oui, car si vous ne vous rappeliez pas les paroles de notre
premier maître, vraiment il serait mort pour vous. Un maître vit tant que sa doctrine vit dans ses
disciples. Et si ensuite il est remplacé par un maître plus grand, et pour
les disciples de Jésus, par le Maître des maîtres, il n'est jamais permis
d'oublier les paroles du premier, qui nous ont préparés à comprendre et à
aimer avec sagesse l'Agneau de Dieu."
"C'est vrai. Tu parles avec sagesse. Nous t'obéirons."
538.9 – "Mais comme il est
pénible, fatigant, résister alors que l'on est ainsi tout près de Lui, de ne
pas le regarder encore une fois ! Sera-t-il encore comme il était ?"
demande Siméon.
"Qui sait ! Comme son visage resplendissait !"
"Plus que la lune par une nuit sereine !"
"II y avait sur sa bouche un sourire divin..."
"Et de ses pupilles sortait une larme divine..."
"Il ne disait pas de paroles mais, en Lui, tout était prière."
"Qu'aura-t-il donc vu ?"
"L'Éternel son Père. En doutes-tu ? Il n'y a que cette vue pour donner
cet aspect. Et, que dis-je ? Plutôt que de le voir, Il était avec Lui, en Lui
! Le Verbe avec la Pensée ! Et ils s'aimaient !... Ah … !" dit Lévi
qui parait en extase
lui aussi.
"C'est bien pour cela que je disais qu'il ne nous est pas permis de
rester ici. Considérez qu'il n'a pas même voulu son apôtre avec Lui..."
"C'est vrai ! Maître saint ! Il en a besoin, plus qu'une terre desséchée
n'a besoin d'eau, d'être inondé par l'amour de Dieu ! Si grande est la haine
autour de Lui … !"
"Mais aussi si grand est l'amour. Moi je voudrais... Oui, je le fais !
Le Très-Haut est ici présent. Je m'offre et je dis : "Seigneur, Dieu Très-Haut, Dieu et Père
de ton peuple, qui acceptes et consacres les cœurs et les autels et immoles
les victimes qui te sont agréables, que ta volonté descende comme un feu et
me consume comme
victime avec le Christ, comme le Christ et par le Christ, ton
Fils et ton Messie, mon Dieu et Maître. C'est à Toi que je me recommande.
Exauce ma prière".
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366> Et Matthias, qui a prié debout, les
bras levés, revient s'asseoir sur le tas de branchages qui leur sert de
siège.
538.10 – La lune cesse d'éclairer la
caverne, car elle tourne vers l'occident. Son éclat se répand encore sur la
campagne, mais elle n'est plus ici à l'intérieur, et ainsi les visages et les
choses disparaissent dans une seule ombre. Les paroles aussi se font plus
rares et les voix plus amorties. Jusqu'au moment où la somnolence triomphe de
la bonne volonté et il n'y a plus que des paroles détachées, parfois sans
réponses... Le froid, qui se fait piquant vers l'aube, est un stimulant
contre le sommeil, et ils se relèvent, allument des branches, réchauffent
leurs membres engourdis...
"Comment va-t-il faire, Lui, qui certainement ne pense pas au feu
?" dit Lévi qui claque presque des dents.
"Et aura-t-il au moins de la nourriture ?" demande Élie qui ajoute
: "Maintenant nous n'avons plus que notre amour et un peu de vivres
misérables... et c'est le sabbat, aujourd'hui..."
"Sais-tu ? Nous mettons toute notre nourriture sur le seuil de la grotte
et puis nous partons. Nous pourrons trouver toujours un pain avant le soir chez
Rachel ou chez Eliscià.
Et nous serons la providence de la Providence, du Fils de Celui qui a pourvu
à tout pour nous" propose Joseph.
"Oui, oui. Faisons une belle flambée pour y voir clair et nous bien
réchauffer, et puis portons tout là-bas et nous nous éloignerons avant
qu'avec l'aube Lui ou l'apôtre sorte et nous voie."
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