Le 4 décembre 1946.
331/332> 536.1 – Jésus, avec Pierre et Jude Thaddée,
marche rapidement dans un. endroit triste, pierreux, à côté de la ville.
Comme je ne vois pas les verts oliviers, mais un monticule, ou plutôt des
monticules peu ou pas du tout verdoyants qui sont au couchant de Jérusalem,
parmi lesquels se trouve le triste Golgotha, je pense être vraiment en dehors
du côté ouest de la ville.
"Nous pourrons donner quelque chose avec ce que nous avons pu acquérir.
Ce doit être terrible de vivre dans des tombeaux l'hiver" dit le
Thaddée, chargé de paquets comme l'est Pierre.
"Je suis content d'être allé chez les affranchis pour
avoir ces deniers pour les lépreux. Pauvres malheureux ! En ces jours de
fête, personne ne pense à eux. Tout le monde jouit... eux pensent à leurs
maisons perdues... Hélas ! Si au moins ils croyaient en Toi ! Y croiront-ils,
Maître ?" dit Pierre toujours si simple, si attaché à son Jésus.
"Espérons-le, Simon, espérons-le. Prions en attendant..."
Et ils continuent en priant.
536.2 – La triste vallée de Hinnom se
montre avec ses tombeaux de vivants.
"Allez en avant et donnez" dit Jésus.
Les deux s'en vont en parlant à haute voix. Des visages de
lépreux se font voir aux entrées des grottes et des abris.
"Nous sommes les disciples du Rabbi Jésus, dit Pierre. Il va venir et il
nous envoie pour vous donner de l'aide. Combien êtes-vous ?"
"Sept ici. Trois de l'autre côté, au-delà de En Rogel" dit l'un
d'eux au nom de tous.
Pierre
ouvre son paquet, le Thaddée
le sien. Ils font dix parts du pain, du fromage, du beurre, des olives.
L'huile, où mettre l'huile qui est dans une petite jarre ?
"Que l'un de vous apporte un récipient là sur le rocher. Vous partagerez
l'huile en frères que vous êtes et au nom du Maître qui prêche l'amour envers
le prochain" dit Pierre.
Cependant un lépreux, en boitant, descend vers eux qui sont allés près d'un
large rocher, et il y pose une cruche ébréchée. Il les regarde pendant qu'ils
versent l'huile, et demande avec étonnement :
"Vous n'avez pas peur d'être si près de moi ?"
En effet entre les apôtres et le lépreux, il n'y a que le rocher.
"Nous n'avons peur, nous, que d'offenser l'amour. Lui
nous a envoyés en disant de vous secourir car celui qui appartient au Christ
doit aimer comme le Christ aime. Que cette huile puisse ouvrir votre cœur,
lui donner la lumière comme si déjà elle était allumée dans la lampe de votre
cœur. Le temps de la Grâce est venu pour ceux qui espèrent dans le Seigneur
Jésus. Ayez foi en Lui, Lui est le Messie et il guérit les corps et les âmes.
Lui peut tout, car il est l'Emmanuel"
dit le Thaddée avec sa dignité qui toujours en impose.
Le lépreux reste avec sa cruche dans les mains et le regarde comme fasciné.
Puis il dit :
"Je sais qu'Israël a son Messie car en parlent les pèlerins qui viennent
dans la ville pour le chercher, et nous écoutons leurs conversations. Mais
moi je ne l'ai jamais vu car je suis venu ici depuis peu. Et vous dites qu'il
me guérirait ? Parmi nous, il y en a qui le blasphèment et d'autres qui le
bénissent, et moi, je ne sais pas qui croire."
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333> "Ceux qui le maudissent
sont-ils bons ?"
"Non. Ils sont cruels et ils nous maltraitent. Ils veulent les
meilleures places et les parts les plus abondantes. Et nous ne savons pas si
nous pourrons rester ici à cause de cela."
"Tu vois donc que seul celui qui loge en lui l'enfer hait le Messie.
C'est que l'enfer se sent déjà vaincu par Lui et pour cela le hait. Mais moi,
je te dis qu'il faut l'aimer, et avec foi, si on veut avoir du Très-Haut la
grâce, ici et au-delà de la Terre" dit encore le Thaddée.
"Si je voudrais avoir la grâce ! Je suis marié depuis deux ans et j'ai
un petit garçon qui ne me connaît pas. Je suis lépreux depuis peu de mois.
Vous le voyez."
En effet il a peu de marques.
"Et alors, adresse-toi au Maître avec foi.
536.3 – Regarde
! Il arrive. Avertis tes compagnons et reviens ici. Il passera et te
guérira."
L'homme monte la côte en boitant et il appelle :
"Urie ! Joab (Gioab) ! Adina ! Et vous aussi
qui ne croyez pas. Le Seigneur vient pour nous sauver."
Une, deux, trois. Trois détresses de plus en plus grandes s'avancent.
Pourtant la femme se montre à peine. C'est une horreur vivante... Peut-être
elle pleure, et peut-être elle parle, mais il n'est pas possible de
comprendre car sa voix est un son inarticulé qui sort de ce qui était la
bouche, mais qui maintenant n'est plus que deux mâchoires dépourvues de
dents, découvertes, horribles...
"Oui, je te dis qu'ils m'ont dit de venir vous appeler, qu'il vient nous
guérir."
"Moi, non ! Je n'ai pas cru les autres fois... et il ne m'écoutera
plus... et puis je ne peux plus marcher" dit plus distinctement la
femme, qui sait avec quelle difficulté.
Elle s'aide jusque de ses doigts pour tenir les lambeaux de ses lèvres afin
de se faire comprendre.
"Nous te porterons, Adina..." disent les deux hommes et celui de la
cruche.
"Non... Non... Moi j'ai trop péché..."
Et elle s'affaisse là où elle est...
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334> Trois autres accourent, comme ils
peuvent, autoritaires, et ils disent :
"Donne-nous l'huile, en attendant, et puis allez trouver Belzébuth si
vous voulez."
"L'huile est pour tous !" dit celui de la cruche en cherchant à
défendre son trésor. Mais les trois, violents, cruels, l'écrasent et lui
arrachent la cruche.
"Voilà ! C'est toujours ainsi... Un peu d'huile depuis si longtemps !...
Mais le Maître vient... Allons le trouver. Tu ne viens vraiment pas Adina
?"
"Je n'ose pas..."
536.4 – Les trois descendent vers le rocher.
Ils s'arrêtent pour attendre Jésus à la rencontre duquel sont allés les deux
apôtres. Et une fois qu'il est arrivé, ils crient :
"Aie pitié de nous, Jésus d'Israël ! Nous espérons en Toi, Seigneur
!"
Jésus
lève son visage. Il les regarde de son regard inimitable. Il demande :
"Pourquoi voulez-vous la santé ?"
"Pour
nos familles, pour nous... C'est horrible de vivre ici..."
"Vous n'êtes pas seulement chair, fils. Vous avez
une âme aussi et elle a plus de valeur que la chair. C'est d'elle que vous
devez vous préoccuper. Ne demandez donc pas seulement la guérison pour vous,
pour vos familles, mais pour avoir le temps de connaître la Parole de Dieu et
de vivre pour mériter son Royaume. Êtes-vous des justes ? Devenez-le
davantage. Êtes-vous des pécheurs ? Demandez de vivre pour avoir le temps de
réparer le mal que vous avez commis... Où est la femme ? Pourquoi ne vient-elle
pas ? Elle n'ose pas affronter le visage du Fils de l'homme, alors
qu'elle n'a pas craint d'avoir à rencontrer le visage de Dieu quand elle
péchait ? Allez lui dire qu'il lui a été beaucoup pardonné à cause de son
repentir et de sa résignation, et que l'Éternel m'a envoyé pour absoudre tous
les péchés de ceux qui se sont repentis de leur passé."
"Maître, Adina ne peut plus marcher..."
"Allez l'aider à descendre ici et apportez un autre récipient. Nous vous
donnerons encore de l'huile..."
"Seigneur, il y en a à peine pour les autres" lui dit Pierre à voix
basse, pendant que les lépreux vont chercher la femme.
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335> "Il y en aura pour tous. Aie
foi, car il est plus facile pour toi d'avoir foi sur ce point qu'il ne l'est
pour ces malheureux d'avoir foi que leur corps redevienne ce qu'il
était."
Pendant ce temps, là-haut, dans les grottes, une rixe a éclaté entre les
trois lépreux mauvais pour la répartition de la nourriture...
536.5 – La femme descend, portée dans
les bras... et elle gémit, comme il lui est permis :
"Pardon ! Pour le passé ! Pour n'avoir pas demandé pardon les autres
fois !... Jésus, Fils de David, aie pitié de moi'."
Ils la déposent au pied du rocher, et sur le rocher ils déposent une sorte de
marmite toute bosselée.
Jésus demande :
"Que dites-vous ? Est-il plus facile d'augmenter l'huile dans un vase ou
de faire croître la chair là où la lèpre l'a détruite ?"
Un silence... puis justement la femme dit :
"L'huile. Mais aussi la chair parce que tu peux tout. Et tu peux me
donner aussi l'âme de mes premières années. Je crois Seigneur."
Oh ! le sourire divin ! C'est comme une
lumière qui se répand, pleine de douceur, de joie, de suavité ! Et elle est
dans les yeux, et sur les lèvres, et dans la voix quand il dit :
"À cause de ta foi, sois
guérie et pardonnée. Et vous de même. Et ayez de
l'huile et de la nourriture pour vous restaurer. Et allez vous faire voir au
prêtre. comme il est prescrit. Demain, à l'aurore, je reviendrai avec des
vêtements et vous pourrez aller en sauvegardant la décence. Allons ! Louez le
Seigneur. Vous n'êtes plus lépreux !"
C'est alors que les quatre, qui jusqu'à ce moment avaient les yeux fixés sur
le Seigneur, se regardent et crient leur étonnement. La femme voudrait se
redresser, mais elle est trop nue pour le faire. Son vêtement tombe en
lambeaux et il y a plus de nu que de couvert en elle. Elle reste à moitié
cachée par le rocher en une pudeur qui n'est pas seulement pour Jésus, mais
pour ses compagnons, avec les traits de son visage recomposés, plus effilés
seulement à cause des privations. Elle pleure en disant sans arrêt :
"Béni ! Béni ! Béni !" et ses bénédictions se mêlent aux blasphèmes
horribles des trois mauvais lépreux, rendus furieux de voir les autres
guéris. Les ordures et les pierres volent.
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336> 536.6 – "Vous ne pouvez rester
ici. Venez avec Moi. Il ne vous arrivera aucun mal. Regardez. La route
est vide. L'heure de sexte
ramène les habitants dans les maisons. Vous irez jusqu'à demain auprès des
autres lépreux. Ne craignez pas. Venez derrière Moi. Tiens, femme" et il
lui donne son manteau pour se couvrir.
Les quatre, un peu craintifs, un peu abasourdis, le suivent comme quatre
agneaux. Ils parcourent ce qui reste de la vallée de Hinnom, traversent la
route, vont vers Siloan, autre triste emplacement de lépreux. Jésus s'arrête
au pied des talus et commande :
"Montez et dites-leur que demain à prime, je serai ici. Allez et faites
la fête avec eux en annonçant le Maître de la Bonne Nouvelle."
Il leur fait donner tout ce qui reste de nourriture et les bénit avant d'en
prendre congé...
"Allons maintenant. C'est déjà plus de sexte" dit Jésus en se
retournant pour revenir sur la voie basse qui va à Béthanie.
Mais
tout de suite, un cri le rappelle :
"Jésus, Fils de David, aie aussi pitié de nous !"
"Ils n'ont pas attendu l'aube, eux" observe Pierre.
"Allons les trouver. Si peu nombreuses sont les heures où je puis faire
du bien sans que ceux qui me haïssent troublent la paix de ceux à qui j'ai
fait du bien !" répond Jésus.
Et il revient sur ses pas en tenant sa tête droite vers les trois lépreux de Siloan qui se sont présentés sur le
terre-plein de la petite colline et qui répètent leur cri, aidés par ceux qui
sont déjà guéris et qui sont derrière eux.
Jésus se contente de tendre les mains et de
dire :
"Qu'il vous soit fait comme vous demandez. Allez et vivez dans les voies
du Seigneur."
Il les bénit alors que la lèpre s'efface
de leurs corps comme fond au soleil une légère
couche de neige. Et Jésus s'en va en toute hâte, suivi par les bénédictions
des miraculés qui de leur terre-plein tendent leurs bras en une étreinte plus
vraie que si elle était réellement donnée.
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337> 536.7 – Ils reviennent sur le chemin
pour Béthanie, qui suit le cours du Cédron qui fait une courbe à angle aigu,
après une centaine de pas de Siloan. Mais une fois dépassé le tournant, on
peut voir l'autre partie de la route qui continue pour Béthanie et voilà,
tout seul, marchant rapidement, Judas de Kérioth.
"Mais c'est Judas !" s'écrie le Thaddée qui le
voit le premier.
"Pourquoi ici ? Seul ? Ohé ! Judas !" crie Pierre.
Judas se retourne tout d'un coup. Il est pâle, presque verdâtre. Pierre le
lui dit :
"Tu as vu le démon, que tu es de la couleur des laitues ?"
"Que
fais-tu ici, Judas ? Pourquoi as-tu quitté les compagnons ?" demande en
même temps Jésus.
Judas a déjà repris possession de lui-même. Il dit :
"J'étais avec eux, j'ai
rencontré quelqu'un qui avait des nouvelles de ma mère. Regarde..." et
il fouille dans sa ceinture. De la main il se frappe le front en disant :
"Je l'ai laissée chez cet homme ! Je voulais te faire lire la lettre...
Ou bien je l'ai perdue en route... Elle n'est pas très bien, et même elle a
été malade... Mais voilà les compagnons... Ils se sont arrêtés. Ils t'ont
vu... Maître, je suis bouleversé..."
"Je le vois."
"Maître... voici les bourses. J'en ai fait deux pour... pour ne pas
attirer l'attention... J'étais seul..."
Les apôtres Barthélemy,
Philippe,
Matthieu,
Simon
et Jacques de
Zébédée sont un peu gênés, ils s'approchent de Jésus
affectueusement, mais avec la conscience d'avoir failli.
Jésus les regarde et dit :
"Ne le faites plus. Il n'est jamais bon pour vous de vous séparer. Si je
vous dis de ne pas le faire, c'est parce que je sais que vous avez besoin de
vous soutenir mutuellement. Vous n'êtes pas assez forts pour pouvoir agir
seuls. Unis, l'un freine ou soutient l'autre. Divisés..."
"C'est moi, Maître, qui ai donné le mauvais conseil, parce que nous nous
sommes souvenus ensuite que tu avais dit de ne pas nous séparer, d'aller tous
ensemble à Béthanie, et Judas s'en était allé pour un juste motif, et nous
n'avons pas songé à aller avec lui. Pardonne-moi, Seigneur" dit
Barthélemy avec humilité et franchise.
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338> "Bien sûr que je vous pardonne. Mais je
vous le répète : ne le faites plus. Réfléchissez qu'obéir sauve toujours au moins d'un péché
: celui de présumer d'être capable
d'agir par soi-même. Vous ne savez
pas combien le démon tourne
autour de vous afin de saisir tous les motifs pour vous faire pécher, et vous faire nuire à votre Maître qui
est déjà tellement persécuté. Ce sont des temps de plus en plus difficiles pour Moi et pour l'organisme
que je suis venu former. C'est
pourquoi il faut beaucoup de précautions pour éviter qu'il soit, je ne dis pas blessé
et tué, car il ne le sera jamais
plus jusqu'à la fin des siècles, mais couvert de boue. Ses adversaires vous
regardent attentivement, ne vous perdent jamais de vue, de même qu'ils
pèsent tous mes actes et toutes mes paroles, et cela pour avoir de quoi dénigrer. Si vous vous montrez
querelleurs, divisés, imparfaits de quelque manière, même pour des
choses de peu d'importante, eux
rassemblent et manipulent ce que
vous avez fait et le lancent comme de la boue et une accusation contre Moi et mon Église qui est en train de se former. Vous le voyez !
Je ne vous fais pas de reproches, mais je vous donne des conseils. Pour votre
bien. Oh ! ne savez-vous pas, mes amis, que même les choses les meilleures,
ils les manipuleront et les présenteront pour pouvoir m'accuser avec un
semblant de justice ? Allons, donc. À l'avenir, soyez plus obéissants et plus
prudents."
Les apôtres sont tout émus par la douceur de Jésus. Judas de Kériot ne cesse
de changer de couleur. Il reste humblement, un peu en arrière de tous,
jusqu'à ce que Pierre lui dise :
"Que fais-tu là ? Tu n'as pas plus de torts que les autres. Viens donc
en avant avec les autres"
536.8 – Et il est bien forcé d'obéir.
Ils marchent rapidement car, bien qu'il y ait du soleil, il y a une bise qui
les invite à marcher pour se réchauffer. Et ils ont déjà fait un bout de
chemin quand Nathanaël,
qui a froid et le dit en s'emmitouflant plus que jamais dans son manteau,
remarque que Jésus n'a que son seul vêtement :
"Maître, mais qu'en as-tu fait de ton manteau ?"
"Je l'ai donné à une lépreuse. Nous avons guéri et consolé sept
lépreux."
"Mais tu dois avoir froid ! Prends le mien" dit le Zélote,
en ajoutant : "Dans les tombeaux glacials je me suis habitué au vent
d'hiver."
"Non, Simon. Regarde ! Là, c'est déjà Béthanie. Nous serons bientôt dans
la maison, et je n'ai pas du tout froid. J'ai eu aujourd'hui beaucoup de joie
spirituelle et elle est plus confortable qu'un chaud manteau."
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339> "Frère, tu nous donnes des
mérites que nous n'avons pas. C'est Toi, pas nous, qui as guéri et
consolé..." dit le Thaddée.
"Vous avez préparé les cœurs à la foi dans le miracle. Vous avez donc
avec Moi et comme Moi aidé à guérir et consoler. Si vous saviez comme je me
réjouis de vous associer à Moi en toutes mes œuvres ! Ne vous rappelez-vous
pas les paroles de Jean de Zacharie,
mon cousin : "Il faut que Lui croisse et que moi je diminue" ? Il
le disait justement car tout homme, si grand qu'il soit, fût-ce même Moïse et
Élie, s'assombrit comme une étoile enveloppée par les rayons du soleil à
l'apparition de Celui qui vient des Cieux et qui est plus que tout homme
parce qu'il est Celui qui vient du Père très Saint. Mais Moi aussi, fondateur d'un Organisme qui durera autant
que les siècles et qui sera saint comme son Fondateur et Chef, d'un Organisme
qui durera pour me représenter, et sera une seule chose avec Moi, de même que
les membres et le corps de l'homme sont une seule chose avec la tête qui
les domine, Moi je dois dire : "Il faut que ce corps s'illumine
et que Moi je perde mon éclat". Vous devrez me continuer. Moi, bientôt,
je ne serai plus parmi vous, ici sur la Terre, ici matériellement, pour
diriger mes apôtres, les disciples et ceux qui me suivent... Je serai,
cependant, spirituellement avec vous, toujours, et vos esprits sentiront mon
Esprit, recevront ma Lumière. Mais vous devrez paraître, en première ligne,
lorsque je serai retourné là d'où je suis venu. C'est pour cela que je
m'applique graduellement à vous préparer à paraître les premiers. Vous me
faites observer parfois; "Tu nous envoyais davantage les premiers
temps". Vous deviez être connus. Maintenant que vous l'êtes, maintenant
que pour ce petit coin de la Terre vous êtes déjà "les Apôtres", je
vous garde toujours unis à Moi, participant à toute mon action, de façon que
le monde dise : "Lui les a associés aux œuvres qu'il accomplit, parce
qu'ils resteront après Lui pour le continuer". Oui, mes amis. Vous devez
être toujours plus en avant, devenir plus éclairés, me continuer, être Moi,
pendant que Moi, comme une mère qui lentement cesse de soutenir son petit
enfant qui a appris à marcher, je me retire... Il ne doit pas être brusque le
passage de Moi à vous. Les petits du troupeau, les humbles fidèles en
seraient effrayés. Je les passe doucement de Moi à vous, pour qu'ils n'aient
pas l'impression d'être seuls, même un seul moment. Et vous, aimez-les,
tellement, comme Moi je les aime. Aimez-les en souvenir de Moi, comme je les
ai aimés..."
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340> 536.9 – Jésus se tait en se perdant
dans une de ses pensées intimes. Et il en sort seulement quand, un peu en
dehors de Béthanie, il rencontre les autres apôtres venus par l'autre chemin.
Réunis, ils continuent vers la maison de Lazare. Jean dit qu'ils sont déjà attendus
car les serviteurs les ont vus et il dit que Lazare est très malade.
"Je le sais. C'est pour cela que je vous ai dit que nous resterons dans
la maison de Simon .
Mais je n'ai pas voulu m'éloigner sans le saluer encore une fois."
"Mais pourquoi ne le guéris-tu pas ? Ce serait si juste. Tes meilleurs
serviteurs, tu les laisse tous mourir. Moi, je ne comprends pas..." dit
l'Iscariote toujours audacieux, même dans ses meilleurs moments.
"Ce n'est pas nécessaire que tu comprennes à l'avance."
"Oui. Ce n'est pas nécessaire. Mais sais-tu ce que disent tes ennemis ?
Que tu guéris quand tu peux, pas quand tu veux, que tu protèges quand tu
peux... Ne sais-tu pas que ce vieillard de Terça (Tecua) est déjà mort ? Et mort assassiné ?"
"Mort ? Qui ? Éli-Anna ? Comment ?"
demandent-ils tous, agités.
Seulement Pierre demande :
"Et comment le sais-tu ?"
"Je l'ai su par hasard tout à l'heure dans la maison où j'ai été, et
Dieu sait que je ne mens pas. Il paraît que c'est un voleur, descendu en
qualité de marchand, qui au lieu de payer la place l'a tué..."
"Pauvre
vieux ! Quelle vie malheureuse ! Quelle triste mort ! Tu ne parles pas,
Maître ?" disent plusieurs.
"Il n'y a rien à dire hormis que le vieillard a servi le Christ jusqu'à
sa mort. S'il pouvait en être ainsi de tous !"
"Dis un peu, fils d'Alphée, mais n'est-ce pas peut-être comme tu disais,
hein ?" demande Pierre au Thaddée.
"C'est possible. Un fils qui par haine chasse son père, et pour une
haine de cette nature, peut être capable de tout. Mon Frère, elles sont bien
vraies tes paroles : "Et le frère sera contre son frère et le père
contre ses fils"
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de page.
341> "Oui. Et qui agira ainsi
croira servir Dieu. Yeux aveugles, cœurs endurcis, esprits sans lumière. Et
pourtant vous devrez les aimer" dit Jésus.
"Mais comment ferons-nous pour aimer ceux qui nous traiteront ainsi ? Ce
sera beaucoup si nous ne réagissons pas et si nous supportons leurs actions
avec résignation..." s'écrie Philippe.
"Je vous donnerai un exemple qui vous instruira. En son temps. Et si
vous m'aimez, vous ferez ce que je ferai."
536.10 – "Voici Maximin et Sarah.
Lazare doit être bien mal, si les sœurs ne viennent pas à ta rencontre
!" observe le Zélote.
Les deux accourent et se prosternent. Même sur leurs visages, dans leurs
vêtements, c'est l'aspect abattu qu'imprimé la douleur et la lassitude aux
membres des familles où on lutte contre la mort. Ils disent simplement :
"Maître, viens..." mais avec un air si affligé qu'il vaut plus
qu'un long discours. Et ils conduisent tout de suite Jésus à la porte du
petit appartement de Lazare, alors que les autres serviteurs s'occupent des
apôtres.
Au léger coup donné à la porte, Marthe accourt et l'entrouvre en passant
dans l'entrebâillement son visage amaigri et pâle :
"Maître ! Viens. Béni que tu es !"
Jésus entre, traverse la pièce qui précède celle du malade, et entre dans la
pièce elle-même. Lazare dort, Lazare ? Un squelette, une momie jaunâtre qui
respire... C'est déjà une tête de mort son visage, et dans le sommeil est
encore plus visible sa destruction qui en fait déjà une tête décharnée par la
mort. La peau cireuse et tirée brille aux angles
pointus des pommettes, des mâchoires, sur le front, sur les orbites tellement
creusées qu'elles paraissent sans yeux, sur le nez tranchant qui semble
s'être allongé sans mesure tant est annulé le contour des joues. Les lèvres
sont pâles au point de disparaître, et il semble qu'elles ne puissent se
fermer sur les deux rangées de dents à moitié découvertes, entrouvertes...
déjà un visage de mort.
536.11 – Jésus se penche pour regarder.
Il se redresse, regarde les deux sœurs qui le regardent avec toute leur âme
concentrée dans leurs yeux, âme douloureuse, âme pleine d'espoir. Il leur
fait un signe et sans bruit retourne dehors dans la petite cour qui précède
les deux pièces. Marthe et Marie
le suivent. Elles ferment la porte derrière elles.
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de page.
342/343> Seuls, les trois entre
les quatre murs, en silence, sous le ciel bleu, ils se regardent. Les sœurs
ne savent même plus demander, ne savent même plus parler.
Mais Jésus parle :
"Vous savez qui je suis. Moi je sais qui vous êtes. Vous savez que je
vous aime. Moi, je sais que vous m'aimez. Vous connaissez ma puissance. Moi,
je connais votre foi en Moi. Vous savez aussi, toi particulièrement Marie,
que plus on aime et plus on obtient.
C'est
aimer que de savoir espérer et croire au-delà
de toute mesure et de toute réalité qui puisse démentir la foi et
l'espérance. Eh bien, pour tout cela, Moi je vous dis de savoir
espérer et croire en dépit de toute réalité contraire. Vous me comprenez
? Je dis : sachez espérer et croire en dépit de toute réalité contraire. Je
ne puis m'arrêter que quelques heures. Le Très-Haut sait combien, comme
Homme, je voudrais m'arrêter, ici avec vous, pour l'assister et le consoler,
vous assister et vous réconforter. Mais comme Fils de Dieu, je sais qu'il est
nécessaire que je m'en aille, que je m'éloigne... Que je ne sois pas ici
quand... vous me désirerez plus que l'air que vous respirez. Un jour,
bientôt, vous comprendrez les raisons qui maintenant pourront vous paraître
cruelles. Ce sont des raisons divines. Douloureuses pour Moi Homme, comme
pour vous. Douloureuses maintenant. Maintenant, parce que vous ne
pouvez en embrasser la beauté et la sagesse, et Moi je ne puis vous le
révéler. Quand tout sera accompli, alors vous comprendrez et vous jouirez…
Écoutez. Quand Lazare sera... mort. Ne pleurez pas ainsi ! Alors faites-moi
appeler tout de suite, Et, en attendant, occupez-vous des funérailles
et invitez beaucoup de gens, comme
il convient pour Lazare et pour votre maison. Lui, c'est un grand juif. Peu
l'estiment pour ce qu'il est. Mais lui en dépasse beaucoup aux yeux de
Dieu... Je vous ferai savoir où je suis pour que vous
puissiez toujours me trouver."
"Mais pourquoi n'être pas ici, au moins à ce moment-là ? Nous nous
résignons, oui, à sa mort... Mais Toi... Mais Toi... Mais Toi..."
Marthe sanglote, ne pouvant rien dire d'autre, étouffant ses pleurs dans ses
vêtements...
Marie, au contraire, regarde Jésus, fixement, fixement, comme hypnotisée...
et elle ne pleure pas.
"Sachez obéir, sachez croire, espérer... sachez dire toujours oui à
Dieu... Lazare vous appelle... Allez. Maintenant je vais venir... Et si je
n'ai plus la possibilité de vous parler à part, rappelez-vous ce que je vous
ai dit."
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