Le jeudi 31 janvier
1946.
105> 373.1 – Jésus entre dans le Temple et dès les premiers pas qu'il y
fait, il est facile de comprendre les sentiments des âmes envers le Nazaréen.
Regards mauvais, ordres pour les gardes du Temple de surveiller le
"perturbateur", et donnés ouvertement pour que tous voient et
entendent ; paroles de mépris pour ceux qui sont avec Lui ; et même
heurts volontairement donnés à des disciples... En résumé, la haine est telle
que les splendides pharisiens, scribes et docteurs prennent des poses et ont
des manières de débardeur, et pire encore. Ils ne pensent pas, tellement ils
sont aveuglés par la haine, qu'ils s'avilissent au plus haut point en
agissant ainsi.
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106> Jésus passe tranquillement, comme si
cette attitude ne le concernait même pas ! Il est le premier à saluer
dès qu'il voit un personnage qui pour son rang dans le Temple ou par son
autorité est un "supérieur" du monde hébraïque. Et si quelqu'un ne
répond pas au salut respectueux que Jésus lui adresse, Jésus ne change pas
pour cela son comportement. Certes son visage, quand il passe de l'un de ces
orgueilleux à l'un ou à plusieurs de ces humbles si nombreux, change
d'expression — et nombreux sont les mendiants et les pauvres malades qu'il a
rassemblés hier et qui, par une chance impensable qu'ils ont eue, peuvent
faire une Pâque comme peut-être depuis des années ils n'en faisaient pas, et
qui réunis en petits groupes, en petites compagnies formées spontanément,
s'en vont acheter les agneaux à immoler, heureux d'être, eux, les délaissés,
égaux aux autres pour leurs vêtements et leurs moyens — alors son visage
s'épanouit en un très doux sourire. Et il s'arrête avec bienveillance pour
écouter leurs propos, leurs récits étonnés, leurs bénédictions... Vieillards,
enfants, veuves, infirmes hier : aujourd’hui guéris ; misérables
hier, déchirés, affamés, délaissés ; aujourd'hui bien vêtus, et heureux
d'être comme les autres hommes pendant les journées de la grande Fête des
Azymes !
Les voix très variées, depuis celles argentines des petits jusqu'à celles
tremblantes des vieillards et, au milieu des deux extrêmes, les voix émues
des femmes, saluent, accompagnent, suivent Jésus. Les baisers pleuvent sur
ses vêtements, sur ses mains. Jésus sourit et bénit pendant que ses ennemis,
livides de dépit autant que Lui est lumineux de paix, se rongent de colère
impuissante.
373.2 – J'entends
des fragments de conversations...
"Tu parles bien, toi, mais si nous passions à des voies de fait, eux (et
un pharisien montre le peuple qui entoure Jésus) nous mettraient en
morceaux."
..."Pensez !" dit un homme qui était peut-être hier infirme et
mendiant. "Il nous a recueillis, rassasiés, vêtus, guéris, et beaucoup
ont trouvé travail et assistance par l'intermédiaire des disciples riches.
Mais c'est par Lui que tout est venu, que Dieu le sauve toujours !"
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107>..."Je
crois bien ! C'est ainsi qu'il achète le menu peuple, ce séditieux, pour
le lancer contre nous !" murmure entre ses dents un scribe qui
parle à un collègue.
"Une de ses disciples
a noté mon nom et m'a dit d'aller chez elle après la Pâque. Elle me conduira
dans ses propriétés à Béther. Tu
comprends, femme ? Mes enfants et moi. Je vais travailler. Mais
qu'est-ce qu'un travail protégé et sûr ? C'est de la joie ! Et mon
Lévi ne s'éreintera pas aux travaux agricoles, car la disciple qui nous prend
le met aux roseraies... Un jeu, je te dis ! Ah ! que l'Éternel
donne gloire et bien à son Messie !" dit la veuve
de la plaine de Saron à une
Israélite aisée qui l'interroge.
"Oh ! et moi, je ne pourrais pas ?... Vous êtes tous placés,
maintenant, vous qu'il a rassemblés hier ?" dit la riche Israélite.
"Non, femme. Il y a encore d'autres veuves avec des enfants et d'autres
hommes."
"Je voudrais Lui dire qu'il me fasse la grâce de l'aider."
"Appelle-le"
"Je n'ose pas."
"Va, toi, mon Lévi, dire qu'il y a une femme qui veut Lui
parler..."
L'enfant s'y rend vivement et rapporte la chose à Jésus.
373.3 – À
ce moment-là un sadducéen rudoie un vieil homme qui pontifie au milieu d'une foule
venue d'au-delà du Jourdain, et qui fait l'éloge du Maître de Galilée.
Le vieillard se défend en disant :
"Qu'est-ce que je fais de mal ? Tu voulais que je te loue,
toi ? Tu n'as qu'à faire ce que Lui fait. Mais toi, que Dieu te
pardonne, aux cheveux blancs et à la misère, c'est du mépris que tu donnes et
non de l'amour. Faux Israélite qui ne respectes pas le Deutéronome en ayant
pitié des pauvres."
"Vous entendez ? Voilà le fruit de la doctrine de ce meneur !
Il apprend à la plèbe à offenser les saints d'Israël."
Un prêtre du Temple lui répond :
"C'est notre faute si cela arrive ! Nous nous bornons aux menaces
sans les traduire en actes !"
...Pendant ce temps, Jésus dit à la femme d'Israël :
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108> "Si tu veux t'employer vraiment à être une mère pour
les orphelins et une sœur pour les veuves, va au palais de Kouza, au Siste. Dis à Jeanne que c'est Moi qui t'envoie. Va et que tes
terres soient fertiles comme celles de l'Eden à cause de ta pitié, et que
fertile devienne ton cœur dans un amour toujours plus grand pour ton
prochain."
Jésus voit à ce moment-là les gardes traîner le vieillard qui avait parlé
auparavant. Il crie :
"Que faites-vous à ce vieil homme ? Et qu'est-ce qu'il a
fait ?"
"Il a insulté les officiers qui le réprimandaient."
"Ce n'est pas vrai. Un sadducéen m'a maltraité parce que je parlais de
Toi à ces pèlerins. Et comme il avait levé la main sur moi, parce que je suis
vieux et pauvre, je lui ai dit qu'il était un faux Israélite qui piétine les
paroles du Deutéronome."
"Relâchez ce vieil homme. Il est avec Moi. C'est la vérité qui était sur
ses lèvres. Pas la sincérité : la Vérité. Dieu, s'il parle par
les lèvres des petits enfants, parle aussi par les lèvres des vieillards. Il
est dit : "Ne méprise pas l'homme dans sa vieillesse, parce qu'ils
sont des nôtres ceux qui vieillissent". Et encore : "Ne méprise pas les paroles
de ceux qui sont âgés et sages ; que leurs maximes te soient familières,
car c'est d'eux que tu apprendras la sagesse et les enseignements de
l'intelligence", et encore : "Là où il y a des
vieillards, ne parle pas beaucoup". Que se souvienne de cela, Israël, cette partie
d'Israël qui prétend être parfaite, car autrement le Très-Haut a la
possibilité de la démentir. Père, viens à côté de Moi."
Le pauvre vieux va vers Jésus alors que les sadducéens, frappés par le
reproche, s'en vont en colère.
373.4 – "Je
suis une femme juive de la Diaspora, ô Roi attendu. Pourrais-je te servir comme
cette femme que tu as envoyée chez Jeanne ?" dit une femme qui me
paraît tout à fait celle appelée Nikê qui essuya le visage de Jésus sur le Golgotha et en eut le Suaire.
Mais ces femmes de Palestine se ressemblent beaucoup entre elles et, à
quelques mois de cette vision, je pourrais me tromper.
Jésus la regarde. Il voit une femme d'environ quarante ans, une femme bien
vêtue, d'allure franche. Il lui demande :
"Tu es veuve, n'est-ce pas ?"
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109> "Oui, et sans enfants. Je suis revenue récemment et
j'ai acquis des terres à Jéricho, pour être à proximité de la Cité Sainte.
Mais maintenant je vois que tu es plus grand qu'elle, et je te suis. Et je te
prie de me prendre pour servante. Je te connais par tes disciples, mais tu
dépasses ce qu'ils m'ont dit."
"C'est bien. Mais que veux-tu, au juste ?"
"T'aider dans les pauvres et, comme je puis, te faire aimer et
connaître. Je connais beaucoup de colonies de la Diaspora, car j'ai suivi mon
mari dans ses affaires commerciales. J'ai des moyens et je me contente de
peu. Je peux faire beaucoup par conséquent. Et je veux faire beaucoup pour
ton amour et pour aider l'esprit de celui qui m'a prise vierge il y a vingt
ans et qui a été pour moi un compagnon aimable jusqu'à son dernier soupir. Il
me le disait en mourant. Il paraissait prophétiser : "À ma mort, confie
à la tombe la chair qui t'a aimée, et va dans notre patrie. Tu trouveras le
Promis. Oh ! tu le verras ! Cherche-le. Suis-le. C'est Lui le
Rédempteur et Celui qui ressuscite, et il m'ouvrira les portes de la Vie.
Sois bonne pour m'aider à être prêt quand il ouvrira les Cieux à ceux qui
n'ont plus de dettes envers la Justice, et sois bonne pour mériter de le
rencontrer sans tarder. Jure que tu le feras et que tu changeras les larmes
stériles du veuvage en une courageuse activité. Prends Judith comme exemple,
ô mon épouse, et toutes les nations connaîtront ton nom". Mon pauvre époux ! Moi, je demande seulement
que Toi, tu me connaisses..."
"Je te connaîtrai comme une bonne disciple. Va, toi aussi, chez Jeanne
et que Dieu soit avec toi."...
373.5 – ...Ennuyeux
comme des abeilles, les ennemis de Jésus reviennent à l'assaut. Lui a fait
immoler l'agneau et il a attendu que fussent immolés ceux amenés par les
disciples pour en avoir autant qu'il en faut pour un si grand nombre. Il
retourne vers l'enceinte du Temple.
"Quand comptes-tu en finir avec tes attitudes de roi ? Tu n'es pas
roi ! Tu n'es pas prophète ! Jusqu'à quand vas-tu abuser de notre
bonté, homme pécheur, rebelle, cause de mal pour Israël ? Combien de
fois devrons-nous te dire que tu n'as pas le droit de faire le rabbi ici à
l'intérieur ?"
"Je suis venu
pour immoler l'agneau. Vous ne pouvez pas m'en empêcher. Mais du reste je
vous rappelle Adonias et Salomon."
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110> "Qu'ont-ils à voir ? Que veux-tu dire ?
Est-ce Toi, Adonias ?"
"Non. Adonias frauduleusement se fit roi, mais la Sagesse veillait et conseillait, et Salomon seulement fut roi. Je ne suis pas Adonias,
je suis Salomon."
"Et Adonias, qui est-ce ?"
"Vous tous."
"Nous ? Comment parles-tu ?"
"Avec vérité et justice."
"Nous observons la Loi, en tout point, nous croyons aux prophètes
et..."
"Non. Vous ne croyez pas aux prophètes. Eux me nomment et vous, vous ne
croyez pas en Moi. Non. Vous n'observez pas la Loi. Elle conseille des actes
justes, vous ne les faites pas. Même ces offrandes que vous venez faire ne
sont pas justes.
Il est dit : "Immonde est l'offrande de celui qui sacrifie un bien
mal acquis". Il est dit : "Le Très-Haut n'accepte
pas les dons des hommes iniques, Il ne tourne pas son regard vers leurs
offrandes, et Il ne sera pas propice à leurs péchés à cause du grand nombre
de leurs sacrifices". Il est dit : "Celui qui offre un
sacrifice avec le bien des pauvres est comme celui qui égorge un fils sous
les yeux de son père". Cela est dit, ô Yokhanan (Giocana) !
Il est dit : "Le pain des besogneux est la vie des pauvres, celui
qui le leur enlève est un assassin". Cela est dit, ô Ismaël !
Il est dit : "Celui qui enlève le pain de la sueur c'est comme s'il
tuait le pauvre". Cela est dit, ô Doras,
fils de Doras !
Il est dit : "Celui qui répand le sang et celui qui frustre un
travailleur de son salaire sont frères". Cela est dit, ô Yokhanan, Ismaël, Chanania, Doras,
Jonathas !
Et rappelez-vous aussi qu'il est dit : "Quiconque ferme ses
oreilles aux cris du pauvre, criera lui aussi, mais ne sera pas écouté".
Et toi, Eléazar ben Hanne, rappelle-toi et rappelle à ton père qu'il est
dit : "Que mes prêtres soient saints et ne se souillent pour aucune
raison".
Et toi, Cornélius, sache qu'il est dit : "Celui qui aura maudit
son père et sa mère qu'il soit puni de mort", et la mort ce n'est pas seulement celle que donne
le bourreau.
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111> Une plus grande attend ceux qui pèchent contre leurs
parents, une mort éternelle, redoutable.
Et toi, Tolmé, rappelle-toi qu'il est dit : "Que celui qui
s'adonne à la magie, est exterminé par Moi".
Et toi, Sadoq, scribe d'or, rappelle-toi qu'entre l'adultère et son
entremetteur, il n'y a pas de différence aux yeux de Dieu, et qu'il est dit
que celui qui jure une chose fausse est la proie des flammes éternelles. Et dis à celui qui l'a oublié que celui qui prend une
vierge et qui, repu, l'éloigné de lui par des accusations mensongères doit
être condamné. Oh ! pas ici-bas. Dans l'autre vie, à la fois pour
le mensonge, le serment faux, le tort fait à la femme et pour l'adultère.
Et quoi ? Vous fuyez ? Devant le Désarmé, qui dit des paroles qui
ne sont pas les siennes mais de ceux que vous reconnaissez pour des saints en
Israël, et vous ne pouvez donc pas dire que le Désarmé est un blasphémateur
puisqu'on le disant vous déclareriez blasphémateurs les livres sapientiels et
ceux de Moïse qui sont dictés par Dieu ? C'est devant le Désarmé que
vous fuyez ? Est-ce que par hasard ce sont des pierres mes
paroles ? Ou vous réveillent-elles, en frappant le bronze dur de votre
dur cœur, votre conscience, et elle sent qu'elle a le devoir de se purifier,
elle, non seulement les membres, en cette Parascève, pour pouvoir consommer
sans péché d'impureté l'agneau saint ? Oh ! s'il en est ainsi,
louanges au Seigneur ! Parce que la véritable sagesse, ô vous qui voulez
être loués comme sages, c'est de se connaître soi-même, de reconnaître ses
propres erreurs, s'en repentir et aller aux cérémonies avec une
"vraie" dévotion. C'est-à-dire avec le culte et le rite de l'âme et
non le rite extérieur...
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