Vision du
vendredi 18 mai 1945.
(vendredi avant la Pentecôte).
43> 166.1
- À mi-pente, Jésus rencontre de
nombreux disciples, ainsi que beaucoup de gens qui se sont peu à peu unis aux
disciples ; ce qui les a amenés là, à cet endroit isolé, c’est le besoin de
miracle ou le désir d’entendre parler Jésus. Ils y sont venus en toute
assurance, sur l’indication de gens ou par instinct spirituel. Je pense que ce sont leurs anges gardiens qui ont
guidé vers le Fils de Dieu ceux qui désiraient Dieu.
Je ne crois pas que ce soit de l’imagination. Si l’on réfléchit à la rapidité
et à l’astuce constantes avec lesquelles Satan amenait des ennemis à Dieu et
à son Verbe dans les moments où l’esprit du démon pouvait faire apparaître
aux hommes une apparence de faute chez le Christ, il est permis de penser –
plus que permis, d’ailleurs, il est juste de penser – que les anges ne se
sont pas montrés inférieurs aux démons et ont amené au Christ des âmes libres
de toute emprise démoniaque.
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44> À toutes ces personnes qui l’ont
attendu sans fatigue ni crainte, Jésus prodigue des secours en miracles et en
paroles. Que de miracles ! C’est une floraison semblable à celle qui orne les
pentes de la montagne
: des miracles éclatants, comme celui d’un enfant qu’on a arraché à une meule
de foin en flammes, atrocement brûlé. On l’a amené sur une civière, tel un
amas de chair à vif qui geint plaintivement sous le drap dont on l’a
recouvert tant son aspect est atroce. Il allait mourir. Jésus le guérit en
soufflant sur lui et fait disparaître totalement les brûlures. L’enfant se
lève, tout nu, et court allègrement vers sa mère qui, en pleurant de joie,
caresse son corps complètement guéri, sans la moindre trace de cicatrice.
Elle donne un baiser sur ses yeux qu’elle croyait perdus et qui, au
contraire, sont pleins de vivacité et brillent de joie ; elle embrasse ses
cheveux, courts comme si la flamme les avait coupés sans les détruire.
Il y a aussi le miracle de ce vieillard pris par des quintes de toux qui dit
:
«Ce n’est pas pour moi, mais parce que je dois servir de père à mes
petits-enfants orphelins ; or je ne peux travailler le sol avec ces humeurs
qui me restent dans la gorge et m’étouffent…»
Et encore ce miracle invisible, mais non moins certain, que provoque cette
parole de Jésus :
«L’un de vous pleure en son âme et n’ose pas demander “Aie pitié !” Je lui
réponds : Qu’il en soit comme tu le demandes. Toute pitié. Afin que tu saches
que je suis la Miséricorde. Seulement, à mon tour je te demande : “Fais
preuve de générosité. Montre-toi généreux avec Dieu. Romps tout lien avec le
passé. Tu entends Dieu, et puisque tu l’entends viens à lui d’un cœur libre
et avec un amour plénier.»
Dans toute cette foule, je ne sais à qui s’adressent ces mots
.
166.2
- Jésus dit encore :
«Voici mes apôtres. Ils sont autant de Christ, car je les ai choisis pour cela.
Adressez-vous à eux en toute confiance. Ils ont appris de moi tout ce dont
vous avez besoin pour vos âmes…»
Les apôtres regardent Jésus d’un air effaré.
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45> Mais lui sourit et poursuit :
«… et ils apporteront à vos âmes la lumière des étoiles et le
rafraîchissement de la rosée pour vous empêcher de languir dans les ténèbres.
Ensuite, je viendrai et je vous procurerai la plénitude du soleil et des
flots, ainsi que toute la sagesse pour vous rendre forts et heureux d’une
force et d’une joie surnaturelles. Paix à vous, mes enfants. D’autres
m’attendent, qui sont plus malheureux et plus pauvres que vous
.
Mais je ne vous laisse pas seuls. Je vous laisse mes apôtres, et c’est comme
si je laissais les fils de mon amour aux soins des plus affectueuses et des
plus sûres des nourrices.»
Jésus fait un geste d’adieu et de bénédiction et s’éloigne en fendant la
foule qui refuse de le laisser partir. C’est alors que se produit le dernier
miracle, celui d’une petite vieille à demi paralysée, amenée là par son
petit-fils. Elle agite joyeusement son bras droit jusqu’alors inerte et
s’exclame :
«Il m’a effleurée de son manteau et me voilà guérie ! Je ne le lui demandais
même pas, parce que je suis vieille… mais il a eu pitié de mon désir secret.
Il m’a effleuré le bras de son manteau, d’un pan de son manteau, il m’a
guérie
! Ah, quel grand fils a eu notre saint David ! Gloire à son Messie ! Voyez
donc ! Regardez ! Ma jambe bouge elle aussi, comme mon bras… Oh ! je suis
comme à vingt ans !»
L’affluence d’un grand nombre de personnes vers la vieille femme, qui crie
son bonheur à pleine voix, permet à Jésus de se dégager sans en être empêché.
Les apôtres le suivent.
166.3
- Lorsqu’ils parviennent à un endroit désert, presque dans la
plaine, au milieu de bruyères touffues qui s’étendent en direction du lac,
ils s’arrêtent un moment. C’est alors que Jésus leur dit :
«Je vous bénis ! Retournez à votre travail et accomplissez-le jusqu’à ce que
je vienne comme je vous l’ai dit.»
Pierre, qui jusque-là restait muet, éclate soudain :
«Mais, mon Seigneur, qu’as-tu fait ? Pourquoi prétendre que nous avons tout
ce dont les âmes ont besoin ? C’est vrai que tu nous as donné beaucoup. Mais
nous sommes cabochards, moi du moins, et… il me reste bien peu de ce que tu
nous as donné. C’est comme si, après le repas, on ne gardait dans l’estomac
que le plus lourd : le reste n’y est plus.»
Jésus sourit franchement :
«Où donc est passé le reste de la nourriture ?
– Mais… je l’ignore. Je sais que si je mange des mets délicats, une heure
après j’ai l’impression d’avoir l’estomac vide. Alors que si je mange des
racines lourdes ou des lentilles à l’huile, il faut du temps pour que ça
descende !
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46> – Oui, il faut du temps. Mais sois
bien sûr que les racines et les lentilles, qui semblent te rassasier
davantage, sont les aliments qui te laissent le moins de substance. C’est du remplissage
qui passe sans grand profit. Au contraire, les petits plats que tu ne sens
plus une heure après ne sont plus dans l’estomac, mais sont passés dans le
sang. Quand un aliment est digéré, il n’est plus dans l’estomac, mais ses
sucs sont dans le sang et c’est le plus utile.
Vous avez l’impression, tes compagnons et toi, que rien ou bien peu de ce que
je vous ai dit demeure en vous. Peut-être vous souvenez-vous bien des
passages qui sont les plus conformes à votre tempérament : pour les violents,
les passages violents ; pour les méditatifs, les passages qui portent à la
méditation ; pour ceux qui aiment, les passages qui ne sont qu’amour. C’est
sans doute le cas.
Mais croyez-moi : vous avez tout en vous, même s’il vous semble que tout
s’est dissipé. Vous l’avez absorbé. La pensée vous le dévidera comme un fil
multicolore en y amenant des teintes douces ou sévères selon les besoins.
Pensez seulement que, moi, je sais et que jamais je ne vous aurais envoyés si
je vous avais su incapables d’agir. Adieu, Pierre ! Allons, souris ! Aie foi
! Fais un bel acte de foi en la Sagesse omniprésente. Adieu à tous. Le
Seigneur reste avec vous.»
Sur ce, il les quitte rapidement, les laissant encore étonnés et agités par
tout ce qu’ils ont entendu dire qu’il leur fallait faire.
166.4 -
«Et pourtant il faut obéir, dit Thomas.
– Eh oui… Pauvre de moi ! J’ai presque envie de lui courir après, murmure
Pierre.
– Non, ne le fais pas. Lui obéir, c’est l’aimer, dit Jacques, fils d’Alphée.
– Et commencer alors qu’il est encore auprès de nous et peut
nous conseiller si nous nous trompons, c’est élémentaire, et même de
la sainte prudence. Nous devons l’aider, conseille le Zélote.
– C’est vrai. Jésus est plutôt fatigué. Il nous faut le soulager un peu,
comme nous le pouvons. Il ne suffit pas de porter les sacs, de préparer les
lits et les repas. Cela, n’importe qui peut le faire. Mais l’aider comme il
le désire, dans sa mission, approuve Barthélemy.
– Tu parles bien parce que tu es instruit. Mais moi… je suis presque
ignorant, gémit Jacques, fils de Zébédée.
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47> – Oh mon Dieu ! Voilà qu’arrivent
ceux qui étaient là-haut ! Qu’allons-nous faire ?» s’exclame André.
Matthieu intervient :
«Excusez-moi si je vous donne un conseil, alors que je suis le plus
misérable. Mais ne vaudrait-il pas mieux prier le Seigneur au lieu de nous
lamenter sur ce qui ne peut se résoudre par des lamentations ? Allez, Jude,
toi qui connais si bien l’Écriture,
récite en notre nom à tous la prière de Salomon pour obtenir la sagesse.
Vite ! Avant qu’ils ne nous rejoignent.»
De sa belle voix de baryton, Jude commence alors :
«Dieu de nos pères et Seigneur de miséricorde, toi qui as tout créé…», etc.
jusqu’à «par la Sagesse ont été sauvés ceux qui t’ont plu dès le commencement.»
À ce moment précis, les gens les rejoignent, les entourent, les assaillent de
mille questions pour savoir où le Maître est parti ou quand il reviendra. Ils
posent aussi cette question, dont la réponse est plus difficile : «Mais comment faire pour suivre le Maître, non pas avec
ses pieds mais de toute son âme, sur les routes de la Voie qu’il nous
montre ?»
Cette question embarrasse bien les apôtres. Ils se regardent et Judas répond
: «En recherchant la perfection», comme si c’était une réponse qui pouvait
tout expliquer !
Jacques, fils d’Alphée, plus humble et plus serein, réfléchit puis
déclare :
«La perfection, qu’indique mon compagnon, s’atteint par l’obéissance à la
Loi. Car la Loi est justice, et la justice est perfection.»
166.5
- Mais les gens ne sont pas encore satisfaits et ils demandent,
par l’intermédiaire de quelqu’un qui paraît être un chef :
«Nous sommes aussi petits que des enfants en matière de bien. Les enfants
ignorent encore la signification du bien et du mal, ils ne distinguent pas
l’un de l’autre. Et nous, sur cette Voie qu’il nous montre, nous sommes
petits au point d’être incapables de discerner.
Nous marchions sur un chemin que nous connaissions, la voie de toujours qu’on
nous a enseignée à l’école. Elle était difficile, longue et nous inspirait la
peur ! Maintenant, ses paroles nous font comprendre qu’il en est comme de
l’aqueduc que nous apercevons d’ici.
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48> Au-dessous passe le chemin des animaux
et des hommes ; au-dessus, sur les arches, une autre route s’élance dans le
soleil et l’azur près des plus hautes branches, qui bruissent sous le vent et
chantent avec les oiseaux. Elle est simple, propre, lumineuse autant que la
route d’en bas est rocailleuse, sale, sombre.
C’est une voie qui sert à de l’eau limpide qui gazouille, cette eau qui est
bénédiction, qui vient de Dieu et que caresse ce qui vient de Dieu : rayons
du soleil et des étoiles, frondaisons nouvelles, fleurs, ailes des hirondelles.
Nous voudrions monter vers cette voie plus élevée qui est la sienne, mais que
nous ne connaissons pas, parce que nous sommes écrasés, ici, en bas, par tout
le poids de la vieille construction. Comment faire ?» celui qui vient de
parler est un jeune d’environ vingt-cinq ans, brun, robuste, au regard
intelligent et à l’aspect plus raffiné que la majorité des personnes
présentes. Il s’appuie sur un autre, plus âgé que lui.
Judas, qui le voit grâce à sa grande taille, murmure à ses compagnons :
«Vite, expliquez-vous bien. C’est Hermas, avec Étienne, cet Étienne qu’aime
Gamaliel !»
Ce qui embarrasse encore davantage les apôtres…
166.6
- Finalement, Simon le Zélote répond :
«L’arche n’existerait pas sans sa base sur la voie obscure. C’est son point
d’appui, à partir de quoi elle s’élance et s’élève dans l’azur que tu
désires. Les pierres enfoncées dans le sol, qui portent tout le poids sans
profiter des rayons et du vol des oiseaux, n’ignorent pourtant pas leur
existence : en effet, de temps en temps une hirondelle trisse en descendant
jusqu’à la boue et effleure la base de l’arche, ou bien un rayon de soleil ou
d’étoile y tombe pour annoncer la beauté du firmament. C’est ainsi que, dans
les siècles passés, il arrivait de temps à autre qu’une parole céleste de
promesse, un rayon céleste de sagesse vienne caresser les pierres qui
portaient le poids du courroux divin. Car les pierres étaient nécessaires.
Jamais elles ne sont, n’ont été ou ne seront inutiles. C’est sur elles que
s’est élevée, lentement, avec le temps, la perfection des connaissances
humaines, jusqu’à atteindre la liberté du temps présent et la sagesse de la
connaissance surnaturelle.
Je devine ton objection, elle est écrite sur ta figure : c’est celle que nous
avons tous formulée avant de savoir comprendre ce qu’est ce nouvel
enseignement, la Bonne Nouvelle annoncée à ceux qui, par un processus
rétrograde, ne sont pas devenus adultes au fur et à mesure que s’élevaient
les pierres de la connaissance, mais n’ont cessé de s’enfoncer dans les
ténèbres comme un mur s’effondre dans un abîme sans lumière.
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49> Pour échapper à cette maladie
qu’est la cécité spirituelle, il nous faut dégager courageusement la pierre
de base de toutes celles qui lui sont superposées. N’ayez pas peur de démolir
ce mur, certes élevé, mais qui ne conduit pas la sève pure de la source
éternelle.
Revenez à la base. Elle ne doit pas être changée. Elle vient de Dieu. Elle
est immuable. Mais, comme toutes les pierres ne sont pas mauvaises ni
inutiles, éprouvez-les avant de les écarter, une par une, au son de la parole
de Dieu.
Si vous ne les trouvez pas dissonantes, gardez-les, employez-les pour la
reconstruction. Mais si vous y reconnaissez le son discordant de la voix
humaine ou celui, déchirant, de la voix satanique, alors brisez ces mauvaises
pierres. Vous ne pourrez vous
tromper car la voix de Dieu résonne d’amour, la voix humaine de sensualité,
et la voix de Satan de haine. Je vous dis bien de les briser, car c’est
charité de ne pas laisser derrière soi des germes ou des objets de mal qui
pourraient séduire le voyageur et l’amener à les utiliser à son détriment.
Brisez littéralement toute chose mauvaise qui s’est trouvée dans votre
travail, vos écrits, vos enseignements ou vos actes. Mieux vaut rester avec
peu de matériau, s’élever à peine d’une coudée mais avec de bonnes pierres,
que de monter à des mètres de hauteur avec de mauvaises pierres. Les rayons
du soleil et les hirondelles descendent même sur les murets qui sortent tout
juste du sol, et les humbles fleurs du talus parviennent aisément à en
caresser les pierres basses. Au contraire, les pierres orgueilleuses qui
prétendent s’élever, mais sont inutiles et raboteuses, n’obtiennent que les
gifles des ronces et l’étreinte des plantes vénéneuses. Démolissez pour
reconstruire et pour monter en éprouvant la qualité de vos vieilles pierres
au son de la voix de Dieu.
166.7
-Tu parles bien, homme ! Mais comment monter ? Nous t’avons dit que
nous sommes plus petits que des bébés. Qui nous fera gravir une colonne aussi
raide ? Nous testerons les pierres au son de Dieu, nous briserons les moins
bonnes. Mais comment monter ? Cette seule idée suffit à donner le
vertige !» dit Étienne.
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50> 166.8
- Jean, qui a écouté la tête inclinée, en se souriant à
lui-même, lève un visage lumineux et prend la parole :
«Mes frères, y penser donne le vertige, c’est vrai. Mais qui vous dit qu’il
faut s’attaquer à une telle escalade de but en blanc ? Cela, non seulement
les bébés ne peuvent le faire, mais pas davantage les adultes. Seuls les
anges peuvent s’élancer dans l’azur, parce qu’ils sont libres de toute
pesanteur de la matière. Et chez les hommes, il n’y a que les héros de la
sainteté qui en soient capables.
Nous en avons un exemple vivant qui, dans ce monde avili, sait être un héros
de sainteté comme les anciens qui ont fleuri en Israël au temps où les
Patriarches étaient amis de Dieu et où la parole du Code éternel était la
seule, mais obéie par toute personne droite.
Jean, le Précurseur, enseigne comment tenter directement cette ascension.
Jean est un homme. Mais la grâce que le Feu de Dieu lui a communiquée en le
purifiant dès le sein de sa mère
– tout comme les lèvres du prophète furent purifiées
par le Séraphin – lui a permis de précéder le Messie sans répandre la
puanteur du péché originel sur la voie royale du Christ ; cette grâce a donné
à Jean
des ailes d’ange et la pénitence les a fait grandir en supprimant en même
temps cette pesanteur d’humanité que sa nature d’être humain né d’une femme
lui avait gardée. Voilà pourquoi Jean, de sa grotte où il prêche la pénitence
et par son corps où brûle son âme épousée par la grâce, peut s’élancer
jusqu’au sommet de l’arche au-delà de laquelle est Dieu, notre très haut
Seigneur. Dominant les siècles passés, le présent et l’avenir, il peut
annoncer d’une voix de prophète et avec son œil d’aigle qui peut fixer le
Soleil éternel et le reconnaître : “ Voici l’Agneau de Dieu, celui qui enlève
les péchés du monde ”, puis mourir après ce chant sublime
qu’on redira non seulement dans ce temps limité, mais dans les temps sans
fin, dans la Jérusalem éternelle et bienheureuse, pour acclamer la Deuxième
Personne, lui rappeler nos misères humaines et la louer dans les splendeurs
éternelles.
166.9
- L’Agneau de Dieu, le très doux Agneau a quitté sa lumineuse demeure
des Cieux où il est Feu de Dieu dans une étreinte de feu : ô éternelle
génération du Père qui conçoit son Verbe dans sa Pensée infinie et
parfaitement sainte et l’attire à lui en produisant une fusion d’amour qui
est l’Esprit d’amour, en qui la Puissance et la Sagesse se concentrent !
L’Agneau de Dieu, donc, a quitté sa forme très pure, incorporelle, pour
enfermer son infinie pureté, sa sainteté, sa nature divine dans une chair
mortelle ; il sait que nous ne sommes pas purifiés par la grâce, pas encore ;
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51> Il sait que nous serions incapables
de nous élancer, comme cet aigle qu’est Jean, vers les hauteurs, vers le
sommet où se trouve Dieu, un et trine. Nous sommes les petits passereaux du
toit et de la route, nous sommes les hirondelles qui touchent l’azur mais se
nourrissent d’insectes, nous sommes les alouettes calandres
qui veulent chanter pour imiter les anges, mais par rapport auxquels notre
chant est le frémissement discordant des cigales en été. Cela, le doux Agneau
de Dieu, venu pour enlever les péchés du monde, le sait. Car s’il n’est plus
l’esprit infini des cieux, puisqu’il s’est enfermé dans une chair mortelle,
son infinité n’en est pas diminuée pour autant, et il sait tout, car sa
sagesse est toujours infinie.
Il nous enseigne sa voie, la voie de l’amour. Il est lui-même l’Amour qui,
dans sa miséricorde pour nous, s’est fait chair. Et cet amour miséricordieux
nous ouvre le chemin que même les petits peuvent gravir. Il est le premier à
le parcourir, non par besoin personnel, mais pour nous l’enseigner. Lui, il
n’aurait même pas besoin d’ouvrir les ailes pour se fondre à nouveau dans le
Père.
Si son esprit, je vous le jure, est enfermé ici-bas, sur cette terre
misérable, il est toujours avec le Père, car Dieu peut tout, or lui, il est
Dieu. mais il nous précède, en laissant derrière lui les parfums de la
sainteté, l’or et le feu de son amour. Observez quel est son chemin : ah ! il
atteint bien le sommet de l’arche ! Mais qu’il est tranquille et sûr ! Ce
n’est pas une ligne droite, mais une spirale, autrement dit un chemin plus
long : son sacrifice d’amour miséricordieux se manifeste dans cette longueur
où il se tient par amour pour nous, les faibles. Le chemin est plus long, mais
plus adapté à notre misère. La montée vers l’Amour, vers Dieu, est simple
comme est simple l’Amour. Mais c’est une route vers les profondeurs, car Dieu
est un abîme que je qualifierais d’inaccessible s’il ne s’était abaissé pour
se laisser rejoindre, pour se sentir embrasser par les âmes enflammées
d’amour pour lui.»
(Jean parle et pleure en souriant, tout à l’extase de révéler Dieu).
«La voie simple de l’amour est longue, car cet Abîme qui est Dieu est sans
fond et si grand qu’on pourrait y progresser à volonté. Mais l’Abîme
admirable appelle notre abîme misérable. Il nous appelle par ses lumières et
nous dit : “ Venez à moi. ” Oh ! l’invitation de Dieu, l’invitation du
Père !
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52> 166.10
- Écoutez ! Écoutez ! Les Cieux sont restés ouverts car le
Christ en a laissé les portes grandes ouvertes en y plaçant les anges de la
miséricorde et du pardon, afin qu’en attendant l’effusion de la grâce sur les
hommes, il en provienne au moins des lumières, des parfums et des chants
capables de séduire saintement le cœur des hommes, et pour que des paroles
pleines de suavité nous en arrivent. C’est la voix de Dieu qui parle et nous
dit : “Votre enfance ? Mais c’est votre plus grand trésor ! Je
voudrais que vous deveniez vraiment tout petits
pour posséder la même humilité, la même sincérité et le même amour que les
petits enfants, cet amour confiant des enfants envers leur père. Votre
incapacité ? Mais c’est ma gloire ! Ah ! venez ! Je ne vous demande même pas
d’éprouver par vous-mêmes le son des bonnes pierres ou des mauvaises. Mais
donnez-les-moi ! Je les choisirai moi-même et vous, vous reconstruirez.
L’escalade vers la perfection ? Oh non, mes petits enfants ! Montez ici main
dans la main de mon Fils, votre frère, montez à ses côtés…” Monter !
Venir à toi, éternel Amour ! Prendre ta ressemblance, c’est-à-dire l’amour !
Aimer, voilà le secret… aimer ! Se donner… Aimer !
S’anéantir… Aimer ! Se fondre… La chair ? Ce n’est rien. La souffrance ? Ce
n’est rien. Le temps ? Ce n’est rien. Le péché lui-même se réduit à rien si
je le fonds dans ton feu, mon Dieu ! Il n’y a que l’amour. L’amour ! L’Amour,
qui nous a donné le Dieu incarné nous pardonnera tout. Et aimer, c’est ce que
nul ne sait faire mieux que les petits enfants. Et personne n’est plus aimé
qu’un petit enfant.
166.11
- Ah ! toi que je ne connais pas,
mais qui désires connaître le bien pour le distinguer du mal, pour posséder l’azur,
le soleil céleste, tout ce qui est joie surnaturelle, aime et tu le
possèderas. Aime le Christ. Tu mourras à cette vie, mais tu ressusciteras
spirituellement.
Avec une âme nouvelle, sans plus avoir besoin d’utiliser les pierres, tu
seras pour l’éternité un feu qui ne s’éteint jamais. La flamme monte. Elle
n’a besoin ni d’escalier ni d’ailes pour s’élever.
Libère ton moi de toute construction, mets en toi l’amour : tu vas flamboyer.
Laisse cela arriver sans y mettre aucune
restriction. Au contraire, avives-en la flamme en y jetant, pour l’alimenter,
tout ton passé de passions et de connaissances : ce qui est moins bon se
détruira dans la flamme, ce qui est déjà du métal noble sera purifié.
Mon frère, jette-toi dans l’amour actif et joyeux de la Trinité.
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53> Tu comprendras ce qui te paraît
aujourd’hui incompréhensible Car tu comprendras Dieu, qui n’est
compréhensible que par ceux qui se donnent sans mesure à son feu
sacrificateur. Tu te fixeras enfin en Dieu dans un embrassement de flamme, en
priant pour moi, le petit enfant du Christ qui a osé te parler de l’Amour.»
166.12
- Tous sont sidérés, les apôtres, les disciples comme les fidèles…
L’interpellé est pâle alors que Jean est tout rouge, moins en raison de la
fatigue que de l’amour. Finalement, Étienne s’exclame :
«Bénis sois-tu ! Dis-moi, qui es-tu ?»
Jean prend alors une attitude qui me rappelle beaucoup celle de la Vierge à
l’Annonciation. Il dit doucement, en s’inclinant comme pour adorer celui
qu’il nomme :
«Je suis Jean. Tu vois en moi le plus petit des serviteurs du Seigneur.
– Mais qui a été ton maître auparavant ?
– Personne d’autre que Dieu, puisque j’ai reçu le lait spirituel de Jean, que
Dieu a sanctifié d’avance, je mange le pain du Christ, le Verbe de Dieu, et
je bois le feu de Dieu qui me vient des Cieux. Gloire au Seigneur !
– Ah ! mais, moi, je ne vous quitte plus ! Ni toi, ni celui-ci, je ne quitte
personne. Prenez-moi avec vous !
– Quand… Ah ! mais Pierre est ici, c’est lui notre chef.»
Jean désigne Pierre qui en est tout abasourdi, et il
proclame ainsi qu’il est “le premier”. Pierre revient à lui :
«Mon fils, une grande mission requiert une réflexion sérieuse. Celui-ci est
notre ange, et il enflamme. Mais il convient de savoir si en nous la flamme
pourra durer. Examine-toi, puis viens au Seigneur. Nous t’ouvrirons notre
cœur comme à un frère très cher. En attendant, si tu veux mieux connaître
notre vie, reste. Les troupeaux du Christ peuvent croître sans mesure pour
permettre un choix entre les parfaits et les imparfaits, entre les vrais
agneaux et les faux béliers.»
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