Le mercredi 4 septembre 1946.
458> 487.1 - Le Temple est encore plus bondé que
la veille. Et dans la foule qui l'emplit et s'agite dans la première cour, je
vois beaucoup de gentils (=païens), beaucoup plus qu'hier. Ils sont tous dans
une attente anxieuse, tant les Israélites que les gentils. Et ils parlent,
les gentils avec les gentils, les hébreux avec les hébreux, en groupes
disséminés ça et là, sans perdre de vue les portes.
Les docteurs, sous les portiques, se fatiguent à élever la voix pour attirer
et faire étalage d'éloquence. Mais les gens sont distraits, et ils parlent à
des élèves peu nombreux. Gamaliel
est là, à sa place. Mais il ne parle pas. Il va et vient sur son somptueux
tapis, les bras croisés, la tête inclinée, méditant, et son long vêtement, son
manteau encore plus long qu'il a ouvert et qui pend retenu aux épaules par
deux agrafes d'argent, lui font par derrière une traîne qu'il repousse du
pied quand il revient sur ses pas. Ses disciples, les plus fidèles, adossés
au mur, le regardent en silence, craintifs, et ils respectent la
méditation de leur maître.
Des pharisiens, des prêtres, font semblant d'avoir beaucoup à faire et ils
vont et viennent... Les gens, qui comprennent leurs véritables intentions, se
les montrent du doigt, et quelque commentaire part comme une fusée allumée
pour brûler leur hypocrisie. Mais ils font semblant de ne pas entendre. Ils
sont peu nombreux par rapport au grand nombre de ceux qui ne haïssent pas Jésus et qui par contre les haïssent eux.
Aussi ils trouvent prudent de ne pas réagir.
487.2 - "Le voilà ! Le voilà ! Il vient
par la Porte Dorée aujourd'hui !"
"Courons !"
"Je reste ici. C'est ici qu'il viendra parler. Je garde ma place."
"Et moi de même, et même ceux qui s'en vont font place à nous qui
restons."
"Mais le laisseront-ils parler ?"
"S'ils l'ont laissé entrer !"
"Oui, mais c'est autre chose. Comme fils de la Loi, ils ne peuvent
l'empêcher d'entrer, mais en tant que rabbi, ils peuvent le chasser, s'ils le
veulent."
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459> "Que de différences ! S'ils le
laissent aller pour parler à Dieu, pourquoi ne devraient-ils pas le laisser
parler à des hommes ?" (c'est un gentil (=païen) qui parle).
"C'est vrai, dit un autre gentil. Nous, parce que nous sommes impurs,
ils ne nous laissent pas aller là, mais ici, oui, dans l'espoir qu'on
devienne circoncis..."
"Tais-toi, Quintus.
C'est pour cela qu'ils le laissent nous parler, espérant nous tailler comme
si nous étions des arbres. Au contraire, nous venons prendre ses idées comme
des greffes pour les sauvageons que nous sommes."
"Tu dis bien. Le seul qui ne nous dédaigne pas !"
"Oh ! pour cela ! Quand on va faire des achats avec une bourse pleine,
les autres non plus ne nous dédaignent pas."
"Regarde ! Nous gentils, nous sommes restés maîtres de la place. Nous
entendrons bien ! Et nous verrons mieux ! Il me plaît de voir le visage de
ses ennemis. Par Jupiter ! Un combat de visages..."
"Tais-toi ! Qu'on ne t'entende pas nommer Jupiter. C'est défendu
ici."
"Oh ! entre Jupiter et Jéhovah,
il n'y a que peu de différence. Et entre dieux, on ne s'en offense pas... Je
suis venu avec un vrai désir de l'entendre, pas pour me moquer. On en parle
tant partout de ce Nazaréen ! J'ai dit : la saison est bonne, et je vais
l'entendre. Il y en a qui vont plus loin pour entendre les oracles..."
"D'où viens-tu ?"
"De Pergé"
"Et toi ?"
"De Tarse"
"Je suis presque juif. Mon père était un helléniste d'Iconium. Mais il épousa une
romaine à Antioche de Cilicie, et il mourut avant ma naissance. Mais la
semence est hébraïque."
"Il tarde à venir... L'auraient-ils pris ?"
"Ne crains pas. Les cris de la foule nous le diraient. Ces hébreux
crient comme des pies inquiètes, toujours..."
"Oh ! le voilà justement. Va-t-il venir vraiment ici ?"
"Tu ne vois pas qu'ils ont occupé exprès tous les endroits sauf ce coin
? Entends-tu toutes ces grenouilles qui coassent pour faire croire qu'elles
sont les maîtresses ?"
"Celui-là se tait, cependant. Est-il vrai que c'est le plus grand
docteur d'Israël ?"
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460> "Oui, mais... quel pédant ! Je
l'ai écouté un jour, et pour digérer sa science, j'ai dû boire plusieurs
coupes de Falerne
de Tito à Bézéta."
Ils rient entre eux.
487.3 - Jésus approche lentement. Il passe
devant Gamaliel, qui ne lève même pas la tête, et puis il va à sa place de la
veille.
Les gens, maintenant un mélange d'Israélites, de prosélytes et de gentils,
comprennent qu'il va parler et ils murmurent :
"Voilà qu'il parle en public, et ils ne Lui disent rien."
"Peut-être que les Princes et les Chefs ont reconnu en Lui le Christ.
Hier, Gamaliel, après le départ du Galiléen, a parlé longuement avec des
Anciens."
"Est-ce possible ? Comment ont-ils fait pour le reconnaître tout d'un
coup, alors qu'il y a peu de temps, ils le considéraient comme méritant la
mort ?"
"Peut-être Gamaliel possédait-il des preuves..."
"Et quelles preuves ? Quelles preuves voulez-vous qu'il ait en faveur de
cet homme ?" réplique quelqu'un.
"Tais-toi, chacal. Tu n'es que le dernier des copistes. Qui t'a
questionné ?"
Et ils se moquent de lui. Il s'en va.
Mais d'autres surviennent, qui
n'appartiennent pas au Temple, mais qui sont certainement des juifs
incrédules :
"Les preuves, nous les avons, nous. Nous savons d'où il vient, Lui. Mais
le Christ, quand il viendra, personne ne saura d'où il vient. Nous n'en
connaîtrons pas l'origine. Mais de Lui !!! C'est le fils d'un menuisier de
Nazareth, et tout son village peut apporter ici son témoignage contre nous,
si nous mentons..."
À ce moment on entend la voix d'un gentil qui dit :
"Maître, parle-nous un peu, aujourd'hui. On a dit que tu affirmes que
tous les hommes sont venus d'un seul Dieu, le tien. Au point que tu les
appelles fils du Père. Des poètes stoïques de chez nous ont eu aussi cette
même idée. Ils ont dit : "Nous sommes de la race de Dieu". Tes
compatriotes nous disent plus impurs que des bêtes. Comment concilies-tu les
deux tendances ?"
La question est posée conformément aux coutumes des discussions
philosophiques, du moins je le crois. Et Jésus va répondre, quand s'élève
avec plus de force la discussion entre les juifs incrédules et ceux qui
croient, et une voix perçante répète :
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461> "Lui est un homme ordinaire.
Le Christ ne sera pas comme cela. Tout sera exceptionnel en Lui : forme,
nature, origine..."
487.4 - Jésus se tourne dans cette direction
et il dit à haute voix :
"Vous me connaissez donc et vous savez d'où je viens ? En êtes-vous bien
sûrs ? Et même ce peu que vous savez ne vous dit rien ? Il ne vous confirme
pas les prophéties ? Mais vous ne connaissez pas tout de Moi. En vérité, en
vérité je vous dis que je ne suis pas venu de Moi, et d'où vous croyez que je
suis venu. C'est la Vérité elle-même, que vous ne connaissez pas, qui m'a
envoyé."
Un cri d'indignation s'élève du côté des ennemis.
"La Vérité elle-même. Mais vous ne connaissez pas ses œuvres, vous ne
connaissez pas ses chemins, les chemins par lesquels je suis venu. La Haine
ne peut connaître les voies et les œuvres de l'Amour. Les Ténèbres ne peuvent
supporter la vue de la Lumière.
Mais Moi je connais Celui qui m'a envoyé parce que je suis sien, je fais partie
de Lui, et je suis un Tout avec Lui. Et Il m'a envoyé, pour que j'accomplisse
ce que veut sa Pensée."
Un tumulte se produit. Les ennemis se précipitent pour mettre la main sur
Lui, s'emparer de Lui, le frapper. Les apôtres, les disciples, le peuple, les
gentils, les prosélytes, réagissent pour le défendre D'autres assaillants
accourent au secours des premiers et peut-être réussiraient, mais Gamaliel,
qui jusqu'à ce moment paraissait étranger à tout, quitte son tapis et vient
vers Jésus, poussé sous le portique par ceux qui veulent le défendre.
Il crie :
"Laissez-le tranquille. Je veux entendre ce qu'il dit."
Plus que le détachement des légionnaires qui accourent de l'Antonia pour
apaiser le tumulte, agit la voix de Gamaliel. Le tumulte tombe comme un
tourbillon qui se brise, et les cris s'apaisent pour devenir un simple
bourdonnement. Les légionnaires, par prudence, restent près de l'enceinte
extérieure, mais sont désormais inutiles.
487.5 - "Parle, ordonne Gamaliel à Jésus.
Réponds à ceux qui t'accusent."
Le ton est impérieux mais pas méprisant.
Jésus s'avance vers la cour. Tranquille, il recommence à parler. Gamaliel
reste où il est, et ses disciples s'affairent à lui apporter son tapis et son
siège pour qu'il soit plus à l'aise, mais il reste debout, les bras croisés,
la tête penchée, les yeux fermés, tout concentré pour écouter.
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462> "Vous m'avez accusé sans
raison, comme si j'avais blasphémé au lieu de dire la vérité. Moi, ce n'est
pas pour me défendre mais pour vous donner la Lumière, afin que vous puissiez
connaître la Vérité, que je parle. Et ce n'est pas pour Moi-même que je
parle, mais je parle pour vous rappeler les paroles auxquelles vous croyez et
sur lesquelles vous jurez. Elles témoignent de Moi. Vous, je le sais, vous ne
voyez en Moi qu'un homme qui vous ressemble, qui vous est inférieur. Et il
vous paraît impossible qu'un homme puisse être le Messie. Vous pensez du
moins qu'il devrait être un ange, ce Messie, d'une origine tellement
mystérieuse qu'il ne pourrait être roi qu'à cause de l'autorité que le
mystère de son origine suscite. Mais quand donc dans
l'histoire de notre peuple, dans les livres qui renferment cette histoire -
et qui seront des livres éternels
autant que le monde car c'est à eux que les docteurs de tous les pays et de
tous les temps s'adresseront pour fortifier leur science et leurs recherches
sur le passé à l'aide des lumières de la vérité - quand donc est-il dit dans
ces livres que Dieu ait parlé à un de ses anges pour lui dire : "Tu
seras dorénavant pour Moi un Fils, parce que Je t'ai engendré ?"
Je vois Gamaliel qui se fait donner une petite table et des parchemins et qui
s'assoit pour écrire...
487.6 - "Les
anges,
créatures spirituelles, servantes du Très-Haut et ses messagères, ont été
créées par Lui comme l'homme, comme les animaux, comme tout ce qui fut créé.
Mais elles n'ont pas été engendrées par Lui. Car Dieu engendre uniquement un
autre Lui-même,
car le Parfait ne peut engendrer qu'un Parfait, un autre Être semblable à
Lui-même, pour ne pas avilir sa perfection par la génération d'une créature
inférieure à Lui-même.
Si donc Dieu ne peut engendrer les anges, ni non plus les élever à la dignité
d'être ses fils, quel sera le Fils auquel Il dit : "Tu es mon Fils.
Aujourd'hui Je t'ai engendré ?" Et de quelle nature sera-t-il si, en
l'engendrant, Il dit à ses anges en le montrant : "Et que l'adorent tous
les anges de Dieu"
?" Et comment sera ce Fils, pour mériter de s'entendre dire par le Père,
par Celui par la grâce duquel les hommes peuvent le nommer avec un cœur qui
s'anéantit dans l'adoration : "Assieds-toi à ma droite, jusqu'à ce
que je fasse de tes ennemis l'escabeau de tes pieds"
?
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463> Ce Fils ne pourra être que Dieu
comme le Père, dont Il partage les attributs et la puissance, et avec qui II
jouit de la Charité qui les réjouit dans les ineffables et inconnaissables
amours de la Perfection pour Elle-même.
Mais si Dieu n'a pas jugé convenable
d'élever un ange au rang de Fils, aurait-Il jamais pu dire d'un homme ce
qu'il a dit de Celui qui ici vous parle — et plusieurs d'entre vous qui me
combattez, étiez présent quand Il l'a dit — là-bas, au gué de Béthabara à la fin des deux années qui ont précédé
celle-ci
? Vous l'avez entendu et avez tremblé. Car la voix de Dieu ne peut se
confondre avec nulle autre, et sans une grâce spéciale de Lui, elle terrasse
celui qui l'entend et ébranle son cœur.
Qu'est donc l'Homme qui vous parle ? Serait-il né de la semence et du vouloir
de l'homme comme vous tous ? Et le Très-Haut pourrait-Il avoir placé son
Esprit pour habiter une chair, privée de la grâce comme l'est celle des
hommes nés d'un vouloir charnel ? Et le Très-Haut pourrait-Il, pour payer la
grande Faute, être satisfait du sacrifice d'un homme ? Réfléchissez. Il n'a
pas choisi un ange pour être Messie et Rédempteur, pourrait-Il alors choisir
un homme pour l'être ? Et le Rédempteur pouvait-il être seulement Fils du
Père sans assumer la Nature humaine, mais avec des moyens et des pouvoirs qui
surpassent les raisonnements humains ? Et le Premier-né de Dieu pouvait-il
avoir des parents, s'il est le Premier-né éternel ?
Ne se bouleverse-t-elle pas la pensée orgueilleuse devant ces interrogations
qui montent vers les royaumes de la Vérité, toujours plus proches d'elle, et
qui ne trouvent une réponse que dans un cœur humble et plein de foi ?
Qui doit être le Christ ? Un ange ?
Plus qu'un ange. Un homme ? Plus qu'un homme. Un Dieu ? Oui, un Dieu. Mais
avec une chair qui Lui est unie, pour pouvoir accomplir l'expiation de la
chair coupable. Toute chose doit être rachetée par la matière avec laquelle
elle a péché. Dieu aurait dû par conséquent envoyer un ange pour expier les
fautes des anges tombés, et qui expiât pour Lucifer et pour ses disciples
angéliques. Car, vous le savez, Lucifer
aussi a péché. Mais Dieu n'envoie pas un esprit angélique pour racheter les
anges ténébreux. Ils n'ont pas adoré le Fils de Dieu, et Dieu ne pardonne pas
le péché contre son Verbe engendré par son Amour. Pourtant Dieu aime l'homme
et Il envoie l'Homme, l'Unique parfait, pour racheter l'homme et obtenir la
paix avec Dieu. Et il est juste que seul un Homme-Dieu puisse accomplir la
rédemption de l'homme et apaiser Dieu.
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464> 487.7 - Le Père et le Fils se sont aimés et
compris. Le Père a dit : "Je veux". Et le Fils a dit : "Je
veux". Et puis le Fils a dit : "Donne-moi". Et le Père a dit :
"Prends", et le Verbe eut une chair dont la formation est
mystérieuse, et cette chair s'appela Jésus Christ, Messie, Celui qui doit
racheter les hommes, les amener au Royaume, vaincre le démon, briser
l'esclavage.
Vaincre le démon ! Un ange ne le pouvait pas, ne peut pas, accomplir ce que
le Fils de l'homme peut accomplir. Et pour cela, voilà que Dieu appelle pour
la grande œuvre non pas les anges, mais l'Homme. Voici l'Homme de l'origine
duquel vous êtes incertains, ou négateurs, ou pensifs. Voici l'Homme. L'Homme
que Dieu accepte. L'Homme qui représente tous ses frères. L'Homme comme vous
pour la ressemblance, l'Homme supérieur et différent de vous pour la
provenance, qui non d'homme, mais de Dieu engendré et consacré pour son
ministère, se tient devant l'autel élevé, afin d'être Prêtre et Victime pour
les péchés du monde, Pontife éternel et suprême, Souverain Prêtre selon
l'ordre de Melchisédech.
Ne tremblez pas ! Je ne tends pas les mains vers la tiare pontificale. Un
autre diadème m'attend. Ne tremblez pas ! Je ne vous enlèverai pas le
Rational. Un autre est déjà prêt pour Moi. Mais tremblez seulement que pour
vous ne serve pas le Sacrifice de l'Homme et la Miséricorde du Christ. Je
vous ai tant aimés, je vous aime tant que j'ai obtenu du Père de m'anéantir
Moi-même.
Je vous ai tant aimés, je vous aime tant que j'ai demandé de consumer toute
la Douleur du monde pour vous donner le salut éternel.
487.8 - Pourquoi ne voulez-vous pas me
croire ? Ne pouvez-vous croire encore ?
N'est-il pas dit du Christ : "Tu es Prêtre éternellement selon l'ordre de
Melchisédech" ?
Mais quand a commencé le sacerdoce ? Peut-être au temps d'Abraham ? Non. Et
vous le savez. Le Roi de Justice et de Paix qui apparaît pour m'annoncer, par
une figure prophétique, à l'aurore de notre peuple, ne vous avertit-il pas
qu'il y a un sacerdoce plus parfait, qui vient directement de Dieu, de même
que Melchisédech
dont personne n'a jamais pu donner l'origine et que l'on appelle "le
prêtre" et qui demeurera prêtre éternellement ?
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465> Ne croyez-vous plus aux paroles
inspirées ? Et si vous y croyez, comment donc, Ô docteurs, ne savez-vous pas
donner une explication acceptable aux paroles qui disent, et elles parlent de
Moi : "Tu es prêtre éternellement selon l'ordre de Melchisédech" ?
Il y a donc un autre sacerdoce, en outre, avant celui d'Aaron. Et de ce
sacerdoce il est dit "tu es", non pas "tu as été",
non pas "tu seras". Tu es prêtre pour l'éternité. Voilà alors que
cette phrase annonce que l'éternel Prêtre ne sera pas de la souche connue
d'Aaron, ne sera d'aucune souche sacerdotale, mais sera d'une provenance nouvelle,
mystérieuse comme Melchisédech. Il appartient à cette provenance. Et si la
Puissance de Dieu l'envoie, c'est le signe qu'il veut rénover le Sacerdoce et
le Rite pour qu'il devienne utile à l'Humanité.
Connaissez-vous mon origine ? Non. Connaissez-vous mes œuvres ? Non.
Voyez-vous leurs fruits ? Non. Vous ne connaissez rien de Moi. Vous voyez
donc qu'en cela aussi, je suis le "Christ" dont l'Origine, la
Nature et la Mission doivent être inconnues jusqu'au moment où il plaira à
Dieu de les révéler aux hommes. Bienheureux ceux qui sauront, qui savent
croire avant que la Révélation terrible de Dieu ne les écrase de son poids
contre le sol et ne les y cloue et ne les brise sous la fulgurante, puissante
vérité tonnée par les Cieux, criée par la Terre : "Lui était le
Christ de Dieu".
Vous dites : "Lui est de Nazareth. Son père, c'était Joseph. Sa Mère,
c'est Marie". Non, je n'ai pas de père qui m'ait engendré comme homme.
Je n'ai pas de mère qui m'ait engendré comme Dieu. Et pourtant j'ai une chair
et je l'ai assumée par l'œuvre mystérieuse de l'Esprit, et je suis venu parmi
vous en passant par un tabernacle saint. Et je vous sauverai, après m'être
formé Moi-même par la volonté de Dieu, je vous sauverai, en faisant sortir
mon véritable Moi-même du Tabernacle de mon Corps pour consommer le grand
Sacrifice d'un Dieu qui s'immole pour le salut de l'homme.
487.9 - Père, mon Père ! Je te l'ai dit au
commencement des jours : "Me voici pour faire ta Volonté".
Je te l'ai dit à l'heure de grâce avant de te quitter pour me revêtir de la
chair pour pouvoir souffrir : "Me voici pour faire ta Volonté". Je
te le dis encore une fois pour sanctifier ceux pour lesquels je suis venu :
"Me voici pour faire ta Volonté". Et je te le dirai encore,
toujours, jusqu'à ce que ta Volonté soit accomplie..."
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466> Jésus, qui a levé les bras vers le
ciel pour prier, les abaisse maintenant, les croise sur sa poitrine et incline
la tête, ferme les yeux et s'abîme dans une prière secrète.
Les gens chuchotent. Pas tous ont compris, même la plupart (et je suis du
nombre)
n'ont pas compris. Nous sommes trop ignorants. Mais nous avons l'intuition
qu'il a énoncé de grandes choses, et nous nous taisons pleins d'admiration.
Les malveillants, qui n'ont pas compris ou n'ont pas voulu comprendre,
raillent :
"Il délire !"
Mais ils n'osent pas en dire davantage et ils s'écartent ou bien se dirigent
vers les portes en secouant la tête. Tant de prudence je crois qu'elle vient
des lances et des dagues romaines qui brillent au soleil au bout du mur.
487.10 - Gamaliel se fraie un passage parmi
ceux qui sont restés. Il arrive près de Jésus qui prie encore, absorbé, loin
de la foule et de cet endroit, et il l'appelle :
"Rabbi Jésus !"
"Que veux-tu, rabbi Gamaliel ?" demande Jésus en levant la tête,
les yeux encore absorbés dans une vision intérieure.
"Une explication de Toi."
"Parle."
"Retirez-vous tous !" commande Gamaliel, et sur un tel ton que les
apôtres, les disciples, les partisans, les curieux et les disciples eux-mêmes
de Gamaliel, s'écartent en vitesse.
Ils restent, seuls l'un en face de l'autre, et ils se regardent. Jésus
toujours plein d'une suave douceur, l'autre autoritaire sans le vouloir, et
l'air involontairement orgueilleux. Expression qui lui est certainement venue
d'années d'obséquiosité exagérée.
"Maître... on m'a rapporté certaines de tes paroles dites à un
banquet... que j'ai désapprouvé parce qu'il manquait de sincérité.
Moi, je combats ou je ne combats pas, mais c'est toujours ouvertement... J'ai
médité ces paroles. Je les ai confrontées avec celles qui sont dans mon
souvenir
… Et je t'ai attendu, ici, pour t'interroger sur elles... Et auparavant, j'ai
voulu t'écouter parler... Eux n'ont pas compris. Moi, j'espère pouvoir
comprendre. J'ai écrit tes paroles pendant que tu les disais. Pour les
méditer, non pas pour te nuire. Me crois-tu ?"
"Je te crois. Et veuille le Très-Haut les faire flamboyer à ton
esprit."
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467> "Qu'il en soit ainsi. Écoute. Les
pierres qui doivent frémir, sont peut-être celles de nos cœurs ?"
"Non, rabbi. Celles-ci (et dans un geste circulaire, il indique les
murailles du Temple). Pourquoi le demandes-tu ?"
"Parce que mon cœur a frémi quand m'ont été rapportées tes paroles du
banquet et tes réponses aux tentateurs. Je croyais que ce frémissement était
le signe..."
"Non, rabbi. C'est trop peu que le frémissement de ton cœur et celui de
quelques autres pour être le signe qui ne laisse pas de doutes... Même si
toi, grâce à un rare jugement d'humble connaissance de toi-même, tu donnes à
ton cœur le nom de pierre. Oh ! Rabbi Gamaliel, ne peux-tu pas vraiment faire
de ton cœur de pierre un lumineux autel pour accueillir Dieu ? Non dans mon
intérêt, rabbi, mais pour que ta justice soit complète..."
Et Jésus regarde avec douceur l'ancien maître qui tourmente sa barbe et passe
ses doigts sous son couvre-chef en serrant son front et en murmurant, et il
baisse la tête pour le dire :
* Je ne puis... Je ne puis encore... Mais j'espère... Ce signe, est-ce que tu
le donneras toujours ?"
"Je le donnerai."
"Adieu, rabbi Jésus."
"Que le Seigneur vienne à toi, rabbi Gamaliel."
Ils se séparent. Jésus fait signe aux siens et avec eux il se dirige hors du
Temple.
487.11 - Scribes, pharisiens, prêtres,
disciples de rabbis, se précipitent comme autant de vautours autour de
Gamaliel, qui est en train de passer dans sa large ceinture les feuilles
qu'il a écrites.
"Eh bien ? Qu'en penses-tu ? Un fou ? Tu as bien fait d'écrire ces
divagations. Elles nous serviront. As-tu décidé ? Es-tu convaincu ? Hier...
aujourd'hui... Plus qu'il n'en faut pour te convaincre."
Ils parlent tumultueusement et Gamaliel se tait pendant qu'il rajuste sa
ceinture, renferme l'encrier qu'il y a suspendu, rend à son disciple la
petite table sur laquelle il s'est appuyé pour écrire sur les parchemins.
"Tu ne réponds pas ? Depuis hier, tu ne parles pas..." lui dit pour
le décider un de ses collègues.
"J'écoute. Pas vous. Lui. Et je cherche à reconnaître dans les paroles
de maintenant la parole qui m'a parlé un jour. Ici."
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468> "Et tu y réussis, peut-être
?" disent plusieurs en riant.
"C'est comme le tonnerre dont la voix est différente selon que l'on est
plus proche ou plus loin. Mais c'est toujours le bruit du tonnerre."
"Un bruit qui ne permet pas de conclure, alors" plaisante
quelqu'un.
"Ne ris pas, Lévi. Dans le bruit peut se trouver aussi la voix de Dieu
et nous pouvons être assez sots pour croire que c'est le bruit de nuages qui
se déchirent... Ne ris pas non plus toi, Elchias,
et toi, Simon,
de peur que le tonnerre ne vienne à se changer en foudre et ne vous réduise
en cendres..."
"Alors... toi... tu dis quasi que le Galiléen c'est cet enfant qu'avec Hillel
vous croyiez prophète, et que cet enfant et cet homme soit le Messie..."
demande des railleurs, bien qu'en sourdine car Gamaliel se fait respecter.
"Je ne dis rien. Je dis que le bruit du tonnerre est toujours le bruit
du tonnerre."
"Plus proche ou plus lointain ?"
"Hélas ! Les paroles sont plus fortes comme l'âge le comporte. Mais les
vingt années écoulées ont rendu mon intelligence vingt fois plus fermée sur
le trésor qu'elle possède. Et le son pénètre plus faiblement..."
Et Gamaliel laisse retomber sa tête sur sa poitrine, pensif.
"Ha ! Ha ! Ha ! Tu vieillis et tu deviens sot, Gamaliel ! Tu prends des
fantômes pour des réalités. Ha ! Ha ! Ha !"
Et tous se mettent à rire.
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