Le jeudi 8 novembre
1945.
186> 324.1 – Les apôtres sont de nouveau dans
la maison d'Antioche et avec eux les deux disciples et tous les hommes
d'Antigonée, qui ne sont plus vêtus de leurs courts habits de travail, mais
de longs habits de fête. J'en conclus que c'est le sabbat.
Philippe prie les apôtres de parler au moins une fois à tout
le monde, avant leur départ désormais imminent.
"Sur quoi ?"
"Sur ce que vous voulez. Vous avez entendu ces jours-ci nos
conversations, inspirez-vous-en."
Les apôtres se regardent l'un l'autre. À qui cela revient-il ? À Pierre, c'est naturel. C'est le
chef ! Mais Pierre ne voudrait pas parler, et il donne à Jacques ou à
Jean de Zébédée l'honneur de le faire. Et c'est seulement quand il les voit
inexorables, qu'il se décide à parler.
"Aujourd'hui, nous avons entendu
expliquer dans la synagogue le chapitre 52 d'Isaïe. Doctement selon le monde,
défectueusement selon la Sagesse, a été fait le commentaire.
Mais il n'y a pas lieu de le reprocher au commentateur, qui a donné ce qu'il
pouvait avec sa sagesse mutilée de ce qu'il y a de meilleur : la
connaissance du Messie et du Temps nouveau amené par Lui. Nous ne faisons
pourtant pas de critiques, mais des prières pour qu'il arrive à connaître ces
deux grâces et puisse les accepter sans y mettre obstacle.
Vous m'avez dit que pendant la Pâque vous avez entendu parler avec foi, mais
aussi avec mépris, du Maître. Et que c'est seulement à cause de la grande foi
qui remplit les cœurs de la maison de Lazare, tous les cœurs, que vous avez
pu résister à l'embarras que les insinuations des autres vous mettaient au
cœur, d'autant plus que ces autres étaient justement les rabbis d'Israël.
Mais être savants ne signifie pas être
saints ni posséder la Vérité. La Vérité, la voilà : Jésus de Nazareth est le Messie promis, le Sauveur de qui
parlent les Prophètes, dont le dernier repose depuis peu dans le sein
d'Abraham après le glorieux martyre qu'il a souffert pour la justice. Jean
Baptiste a dit, et ici sont présents ceux qui ont entendu ces paroles :
"Voici l'Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde".
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187> Ces paroles ont été crues par les plus humbles de ceux
qui sont ici, car l'humilité aide à parvenir à la Foi, alors que pour les
orgueilleux le chemin est difficile - empêtrés comme ils le sont - pour
atteindre le sommet de la montagne où, chaste et lumineuse, vit la Foi. Ces
humbles, parce qu'ils étaient tels et parce qu'ils ont cru, ont mérité d'être
les premiers dans l'armée du Seigneur Jésus.
Voyez donc combien l'humilité est nécessaire
pour avoir une foi prompte et combien on est récompensé de savoir croire,
même contre les apparences contraires.
Moi, je vous exhorte et je vous pousse à avoir en vous ces deux qualités et
alors vous appartiendrez à l'armée du Seigneur et vous conquerrez le Royaume
des Cieux...
324.2 – À toi, Simon le Zélote. Moi, j'ai fini.
Toi, continue."
Le Zélote, pris ainsi à l'improviste, et si clairement indiqué comme second
orateur, doit s'avancer sans retard ni récrimination, et il le fait en
disant :
"Je vais continuer le discours de Simon
Pierre, notre chef à tous, par la volonté du Seigneur. Et ce sera en
m'appuyant sur le chapitre 52 d'Isaïe, vu par quelqu'un qui connaît la Vérité
Incarnée dont il est le serviteur, pour toujours. Il est dit :
"Lève-toi, revêts-toi de ta force, ô Sion, prends des vêtements de fête,
cité du Saint".
Vraiment, il devrait en être ainsi. Car, quand une promesse s'accomplit, une
paix se fait, une condamnation cesse et arrive le temps de la joie, les cœurs
et les cités devraient prendre des vêtements de fête pour relever les fronts
courbés, lorsqu'ils prennent conscience de n'être plus haïs, vaincus,
frappés, mais aimés et délivrés.
Nous ne sommes pas ici pour faire un procès à Jérusalem. La charité, la
première entre toutes les vertus, le défend. Cessons donc d'observer le cœur
des autres et regardons le nôtre. Revêtons de force notre cœur par cette foi
dont a parlé Simon, et prenons des vêtements de fête parce que notre foi
séculaire au Messie est maintenant couronnée par la réalisation de la chose.
Le Messie, le Saint, le Verbe de Dieu est réellement parmi nous. Et ce ne
sont pas seulement les âmes qui entendent les paroles de la Sagesse qui les
fortifient et versent en elles la sainteté et la paix, ce sont aussi les
corps qui par l’œuvre du Saint, auquel le Père a tout accordé, qui se voient
délivrés des maladies les plus atroces et jusque de la mort, pour que les
terres et les vallées de notre patrie résonnent des hosannas au Fils de David
et au Très-Haut qui a envoyé son Verbe comme Il l'avait promis aux
Patriarches et aux Prophètes.
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188> Moi, qui vous parle, j'étais
lépreux, destiné à mourir après des années d'angoisse cruelle, dans la
solitude des bêtes fauves réservée aux lépreux. Un homme me dit : "Va vers Lui, le
Rabbi de Nazareth, et tu seras guéri". J'ai eu foi. J'y suis allé. J'ai
été guéri. Dans mon corps, dans mon cœur : sur l'un, disparue la maladie
qui sépare des hommes, dans l'autre, disparue la rancœur qui sépare de Dieu.
Et avec une âme nouvelle, après avoir été proscrit, malade,
inquiet, je suis devenu son serviteur, appelé à l'heureuse mission d'aller
parmi les hommes pour les aimer en son nom, pour les instruire de la seule
connaissance nécessaire : celle que Jésus de Nazareth est le Sauveur et
que bienheureux sont ceux qui croient en Lui.
324.3 – Parle, toi, maintenant, Jacques d'Alphée."
"Je suis le frère du Nazaréen. Mon père et son père
étaient frères nés d'un même sein, mais pourtant je ne puis me dire son
frère, mais son serviteur. Car la paternité de
Joseph, le frère de mon père, ne fut qu'une paternité spirituelle et, en
vérité, je vous dis que le vrai Père de Jésus, notre Maître, c'est le
Très-Haut que nous adorons. Il a permis que sa Divinité, Une et Trine,
s'incarne dans la Seconde Personne et qu'Elle vienne sur la terre tout en
restant unie à Celles qui habitent le Ciel. Car Dieu peut le faire, Lui
l'infiniment Puissant, et Il le fait par l'Amour qui est sa nature.
Jésus de Nazareth est notre Frère, ô hommes, parce qu'il est né d'une femme,
et semblable à nous dans son humanité. il est notre Maître car il est le
Sage, il est la Parole même de Dieu, venue pour nous parler de Dieu, pour
nous faire appartenir à Dieu. Et il est notre Dieu, étant un avec le Père et
l'Esprit Saint, avec lesquels il est toujours en union d'amour, de puissance,
et de nature.
Que cette vérité, qui par des preuves manifestes fut par grâce connue du
Juste qui fut mon parent, soit en votre possession. Et à l'encontre du monde
qui cherchera à vous arracher au Christ en disant : "C'est un homme
quelconque", répondez :
"Non. C'est le Fils de Dieu, c'est l'Étoile née de Jacob, c'est la Verge
qui se lève ici, en Israël, c'est le Dominateur". Ne vous laissez
détourner par rien. Cela c'est la Foi.
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189> 324.4 – À toi, André."
"Cela, c'est la Foi. Moi, je suis un pauvre pêcheur du
lac de Galilée, et dans les silencieuses nuits de pêche, sous la lumière des
astres, j'avais de muettes conversations avec moi-même. Je disais :
"Quand viendra-t-Il ? Serai-je encore vivant ? Il manque
encore plusieurs années, d'après la prophétie ".
Pour l'homme dont la vie est limitée, même quelques dizaines d'années sont
des siècles... Je me demandais : "Comment viendra-t-Il ?
D'où ? De qui ?" Et mon humanité obtuse me faisait rêver à des
splendeurs royales, à des demeures de roi, à des cortèges, à des sonneries
retentissantes, à une puissance, à une majesté insoutenable... Et je
disais : "Qui pourra regarder ce grand Roi ?" Je pensais
que ses manifestations inspiraient plus de terreur que Jéhovah Lui-même
sur le Sinaï. Je me disais : "Les hébreux virent la
montagne étinceler, mais ils ne furent pas réduits en cendres car l'Éternel
était au-delà des nuées. Mais ici, Il nous regardera avec des yeux mortels et
nous mourrons..."
J'étais disciple du Baptiste, et dans les pauses de la pêche, j'allais le
trouver avec d'autres compagnons. C'était un jour de cette lune
... Les rives du Jourdain étaient pleines d'une foule qui tremblait sous les
paroles du Baptiste. J'avais remarqué un jeune homme beau et calme qui, en
suivant un sentier, venait vers nous. Humble était son vêtement, plein de
douceur son aspect. Il paraissait demander et donner l'amour. Son œil bleu se
posa un moment sur moi et j'ai éprouvé une chose que je n'ai plus jamais
éprouvée. Il me parut caresser mon âme, m'effleurer avec des ailes d'anges.
Je me suis, pendant un moment, senti si loin de la terre, si différent, que
j'ai dit : "Maintenant je vais mourir ! C'est l'appel de Dieu
à mon esprit".
Mais je ne suis pas mort. Je suis resté fasciné dans la contemplation du
jeune inconnu qui, à son tour, avait fixé son regard bleu sur le Baptiste. Et
le Baptiste se retourna, courut à Lui, s'inclina. Ils se parlèrent. Et comme
la voix de Jean était un continuel tonnerre, les mystérieuses paroles
arrivèrent jusqu'à moi qui écoutais, tendu par le désir de savoir qui était
le jeune inconnu.
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190> Mon âme sentait qu'il était
différent de tout le monde. Elles disaient : "C'est moi qui devrais
être baptisé par Toi..." "Laisse faire maintenant, il convient
d'accomplir toute justice"...
Jean avait déjà dit : "Il va venir Celui auquel je ne suis pas
digne de dénouer les lacets des sandales". Il avait déjà dit :
"Parmi vous en Israël, se tient quelqu'un que vous ne connaissez pas. Il
tient déjà le van en mains et il nettoiera son aire en brûlant les pailles
par son feu inextinguible".
J'avais devant moi un jeune homme du peuple, à l'aspect doux et humble, et
pourtant j'ai senti que c'était Celui auquel le Saint d'Israël, le dernier
Prophète, le Précurseur, n'était pas même digne de dénouer les sandales. J'ai
senti que c'était Celui que nous ne connaissions pas. Mais, je n'en eus pas
peur. Au contraire, quand Jean après le super-extasiant tonnerre de Dieu,
après l'inconcevable splendeur de la Lumière en forme de colombe de paix, eut
dit : "Voici l'Agneau de Dieu", moi, par la voix de mon âme,
dans la jubilation d'avoir pressenti le Roi Messie en ce jeune homme doux et
humble d'aspect, j'ai crié avec la voix de l'esprit : "Je
crois !" C'est par cette foi que je suis son serviteur . Soyez-le vous
aussi et vous aurez la paix.
324.5 – Matthieu, à toi de raconter les autres
gloires du Seigneur."
"Moi, je ne puis me servir des paroles sereines d'André.
Lui était un juste, moi un pécheur. Aussi ma parole n'a pas l'accent joyeux
d'un air de fête, mais pourtant elle a la paix confiante d'un psaume.
J'étais un pécheur, un grand pécheur. Je vivais dans l'erreur complète.
J'étais endurci et je ne m'en sentais pas incommodé. Si quelquefois les
pharisiens ou le chef de la synagogue me fouettaient de leurs insultes ou de
leurs reproches, en me rappelant un Dieu qui était un Juge inexorable,
j'avais un moment de terreur... et puis je me complaisais dans la sotte
idée : "De toutes façons désormais je suis damné. Jouissons donc, ô
mes sens, tant que c'est possible". Et je sombrais plus que jamais dans
le péché.
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191> Il y a deux printemps, il vint à Capharnaüm un
Inconnu. Pour moi aussi, c'était un inconnu. Il l'était pour tout le monde,
parce que c'était le commencement de sa mission. Seuls quelques hommes le
connaissaient pour ce qu'il était réellement. Ceux que vous voyez, et
quelques autres encore. Je fus étonné par sa merveilleuse virilité, chaste
plus qu'une vierge. Ce fut la première chose qui me frappa. Je le voyais
austère et pourtant tout disposé à écouter les enfants qui venaient à Lui,
comme les abeilles vont aux fleurs. Son unique distraction c'était leurs jeux
innocents et leurs propos sans malice. Puis ce fut sa puissance qui m'étonna.
Il faisait des miracles. Je me dis : "C'est un exorciste, un
saint". Mais je me sentais tellement affreux devant Lui, que je le
fuyais.
Lui me cherchait, ou j'en avais l'impression. Il ne passait pas une fois
devant mon comptoir sans me regarder de son œil doux et un peu triste. Et
chaque fois c'était comme un sursaut de ma conscience engourdie, qui ne
revenait plus au même niveau de torpeur.
Un jour - les gens exaltaient toujours sa parole - j'eus le désir de
l'écouter. Et me cachant derrière une maison, je l'entendis parler à un petit
groupe d'hommes. Il parlait familièrement sur la charité qui est comme une
indulgence pour nos péchés... À partir de ce soir-là, moi, qui étais avide et
qui avais le cœur dur, je voulus me faire pardonner par Dieu mes nombreux
péchés. Je faisais les choses secrètement... Mais Lui savait que c'était moi,
parce qu'il sait tout. Une autre fois, je l'entendis expliquer justement le
chapitre 52 d'Isaïe : il disait que dans son Royaume, la Jérusalem
céleste, il n'y aurait pas d'impurs ni de gens qui n'ont pas le cœur
circoncis. Il promettait cette Cité céleste, de laquelle il disait les
beautés, à ceux qui viendraient à Lui, et sa parole était si
persuasive que j'en eus la nostalgie.
Et puis... et puis... Oh ! ce jour ce ne fut pas un
regard triste, mais un regard impérieux. Il me déchira le cœur, mit à nu mon
âme, la cautérisa, la prit en main, cette pauvre âme malade, et la tortura
par son amour exigeant... et j'eus une âme nouvelle. Je suis allé vers Lui
avec repentir et désir. Il n'attendit, pas que je Lui dise :
"Seigneur, pitié !" Il me dit, Lui :
"Suis-moi !"
Le Doux avait vaincu Satan
dans le cœur du pécheur. Que cela vous dise, si quelqu'un
parmi vous est troublé par ses fautes, que Lui est le bon Sauveur et qu'il ne
faut pas le fuir, mais plus on est pécheur plus il faut aller à Lui avec
humilité et repentir pour être pardonné.
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192> 324.6 – Jacques de Zébédée,
à toi de parler."
"Vraiment, je ne sais que dire. Vous
avez parlé et dit ce que j'aurais dit, car c'est cela la vérité et on n'y
peut rien changer.
Moi aussi, j'étais avec André au Jourdain, mais je ne l'ai pas remarqué avant
l'indication du Baptiste. Moi aussi, j'ai tout de suite cru. Quand Lui fut
parti après son éclatante manifestation, je suis resté comme quelqu'un qui
passe d'un sommet ensoleillé à une sombre prison. Je brûlais de retrouver le
Soleil. Le monde était privé de toute lumière depuis que m'était apparue la
Lumière de Dieu et puis qu'elle était disparue. Au milieu des hommes, j'étais
seul. Pendant que je me rassasiais, j'avais faim. Pendant le sommeil, je
veillais avec la meilleure partie de moi-même, et argent, métier, affections,
tout s'était éloigné derrière ce désir ardent que j'avais de Lui, très loin,
et n'exerçait plus sur moi aucune attirance. Comme un enfant qui a perdu sa mère,
je gémissais : "Reviens, Agneau du Seigneur ! Très-Haut, comme
Tu as envoyé Raphaël
pour conduire Tobie, envoie ton ange pour me conduire sur les chemins du
Seigneur pour que je le trouve, que je le trouve, que je le
trouve !"
Pourtant, après des dizaines de jours d'inutile attente ,
de recherches angoissées, qui par leur inutilité rendaient plus douloureuse
la perte de notre Jean arrêté une première fois, quand il apparut, venant du
désert, moi, je ne le reconnus pas tout de suite.
Et ici, frères dans le Seigneur, je veux vous enseigner une autre route pour
aller à Lui et le reconnaître.
Simon de Jonas a dit qu'il faut la foi et l'humilité pour le
reconnaître. Simon le Zélote a réaffirmé l'absolue nécessité de la Foi pour
reconnaître en Jésus de Nazareth Celui qui est, au Ciel et sur
la terre, comme il a été dit .
Et Simon le Zélote avait besoin d'une foi bien grande pour avoir aussi
l'espérance pour son corps incurable. C'est Pour cela que Simon le Zélote dit
que la Foi et l'Espérance sont les moyens pour avoir le Fils de Dieu.
Jacques, frère du Seigneur, parle de la puissance de la Force pour conserver
ce que l'on a trouvé.
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193> La Force qui empêche les pièges du
monde et de Satan d'ébranler notre Foi. André fait voir toute la nécessité d'unir
à la Foi une sainte soif de la Justice, en cherchant à connaître et à garder
la Vérité, quel que soit la bouche sainte qui l'annonce, non par orgueil
humain d'être savant mais par désir de connaître Dieu. Celui qui s'instruit
d'ans la Vérité trouve Dieu.
Matthieu, autrefois pécheur, vous indique un autre chemin pour atteindre
Dieu : se dépouiller des sens par esprit d'imitation, je dirais en
reflétant Dieu qui est Pureté infinie. Lui, le pécheur, fut d'abord frappé
par la 'chaste virilité' de l'Inconnu venu à Capharnaüm et, comme si celle-ci
avait le pouvoir de faire revivre sa continence morte, il commença par
s'interdire le sens charnel, désencombrant ainsi la route pour la venue de
Dieu et la résurrection des autres vertus mortes. De la continence, il passe
à la miséricorde, de celle-ci à la contrition, après la contrition, il se
surmonte tout entier et arrive à l'union à Dieu. "Suis-moi"
"Je viens". Mais son âme avait déjà dit : "Je
viens", et le Sauveur avait déjà dit : "Suis-
moi !", du moment où, pour la première fois, la Vertu du Maître
avait attiré l'attention du pécheur.
Imitez. Car toute expérience d'autrui, même pénible, nous guide pour éviter
le mal et trouver le bien en ceux qui sont de bonne volonté.
Moi, en ce qui me concerne, je dis que plus l'homme s'efforce de vivre par
l'esprit, et plus il est capable de reconnaître le Seigneur, et que la vie
angélique favorise cela au suprême degré. Parmi nous, disciples de Jean,
celui qui l'a reconnu après son absence, ce fut l'âme vierge. Mieux encore
qu'André il le reconnut, bien que la pénitence eût changé le visage de
l'Agneau de Dieu. Je vous dis donc : "Soyez chastes pour pouvoir le
reconnaître".
324.7 – Jude, veux-tu parler
maintenant ?"
"Oui. Soyez chastes pour pouvoir le reconnaître. Mais
soyez-le aussi pour pouvoir le garder en vous, avec sa Sagesse, avec son
Amour, avec tout Lui-même. C'est encore Isaïe qui dit au chapitre 52 :
"Ne touchez pas ce qui est impur... Purifiez-vous, vous qui portez les
vases du Seigneur ".
C'est bien vrai que toute âme, qui se fait sa disciple, est
semblable à un vase plein de Dieu, et que le corps qui la contient est comme
celui qui porte à Dieu le vase sacré, Dieu ne peut rester où se trouve
l'impureté.
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194> Matthieu a dit comment le Seigneur
expliquait qu'il n'y aura rien d'immonde ni de séparé de Dieu dans la
Jérusalem céleste. Oui. Mais il ne faut pas être impur ici-bas, ni séparé de
Dieu, pour pouvoir y entrer. Malheureux ceux qui attendent la dernière heure
pour se repentir. Ils n'auront pas toujours le temps de le faire. Comme ceux
qui maintenant le calomnient n'auront pas le temps de se refaire un cœur au
moment de son triomphe et ne jouiront donc pas de ses fruits.
Ceux qui dans le Roi saint et humble espèrent voir un monarque. terrestre, et
plus encore ceux qui craignent de voir en Lui un monarque terrestre, ne
seront pas préparés pour cette heure, induits en erreur, et déçus dans leur
pensée, qui n'est pas la pensée de Dieu mais une pauvre pensée humaine,
pécheront bien plus.
Il porte l'humiliation d'être l'Homme, cela nous devons nous le rappeler.
Isaïe dit que tous nos péchés tiennent la Personne Divine mortifiée sous une
apparence commune. Quand je pense que le Verbe de Dieu a autour de Lui, comme
une croûte souillée, toute la misère de l'humanité depuis qu'elle existe, je
pense avec une profonde compassion et une profonde compréhension à la
souffrance que doit en avoir son âme sans tache, La répulsion d'un homme sain
qui se voit recouvert des haillons et des souillures d'un lépreux. Il a été
vraiment transpercé par nos péchés, couvert de plaies par toutes les
concupiscences de l'homme. Son âme, qui vit parmi nous, doit trembler à ce
contact comme si elle éprouvait le dégoût de la fièvre.
Pourtant Lui ne parle pas. Il ne parle pas pour dire : "Vous me
faites horreur". Mais il ne parle que pour dire : "Venez à
Moi, pour que j'enlève vos fautes". C'est le Sauveur. Dans son infinie
bonté, il a voulu voiler son insoutenable beauté, elle qui, si elle nous
était apparue telle qu'elle est au Ciel, nous aurait réduits en cendres,
comme dit André. Maintenant elle s'est faite attrayante, comme celle d'un
doux Agneau, pour pouvoir nous approcher et nous sauver. Son accablement, sa
condamnation durera jusqu'à ce que, consumé par l'effort d'être l'Homme
parfait parmi les hommes imparfaits, il se dressera au-dessus de la multitude
des rachetés, dans le triomphe de sa royauté sainte. Dieu qui connaît la mort
pour nous donner la Vie ! Que ces pensées vous le fassent aimer
au-dessus de tout. Lui est le Saint. Je peux le dire, moi qui, avec Jacques,
ai grandi avec Lui. Et je le dis et le dirai, tout disposé à donner ma vie
pour le reconnaître, pour que les hommes croient en Lui et aient la Vie
éternelle.
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195> 324.8 – Jean de Zébédée, à toi de
parler."
"Qu’ils sont beaux sur les montagnes les pieds du
messager ! Du
Messager de paix, de Celui qui annonce la félicité et prêche le salut, de
Celui qui dit à Sion : "Ton Dieu règnera ! "
Et ces pieds cheminent inlassables depuis deux ans à travers les monts
d'Israël, appelant pour les réunir les brebis du troupeau de Dieu,
réconfortant, guérissant, pardonnant, donnant la paix. Sa paix.
Je suis vraiment étonné de voir que les collines ne tressaillent pas de joie
et que n'exultent pas de joie les cours d'eau de la Patrie, à la caresse de
ses pieds. Mais ce qui m'étonne davantage, c'est de voir que ne tressaillent
pas les cœurs et qu'ils n'exultent pas de joie en disant : "Louange
au Seigneur ! L'Attendu est venu ! Béni… Celui qui vient au nom du
Seigneur !"
Celui qui répand grâces et bénédictions, paix et salut, et qui appelle au
Royaume en nous en ouvrant le chemin, Celui, surtout, qui répand l'amour par
tous ses actes ou paroles, par tous ses regards, à chacune de ses
respirations.
Qu'est donc ce monde pour être aveugle devant la Lumière qui est parmi
nous ? Quelles plaques, plus épaisses que la pierre qui ferme les
tombeaux, a donc emmuré la vue de l'âme pour qu'elle ne voie pas cette
Lumière ? Quelle montagne de péchés a-t-elle sur lui pour être ainsi
accablé, séparé, aveuglé, rendu sourd, enchaîné, paralysé, pour rester inerte
devant le Sauveur ?
Qu'est-ce que le Sauveur ? C'est la Lumière fondue avec l'Amour. La
bouche de mes frères a magnifié les louanges du Seigneur, évoqué ses œuvres,
indiqué les vertus à pratiquer pour arriver à son chemin. Moi, je vous
dis : aimez. Il n'y a pas d'autre vertu plus grande et plus semblable à
sa Nature. Si vous aimez, vous pratiquerez toutes les
vertus sans fatigue, en commençant par la chasteté. Et ce ne vous sera pas un
poids d'être chaste car en aimant Jésus, vous n'aimerez personne d'autre
immodérément. Vous serez humbles car vous verrez en Lui ses infinies
perfections avec les yeux d'un amant, et ainsi vous ne vous enorgueillirez
pas des vôtres si petites. Vous serez croyants, et qui ne croit pas en celui
qu'il aime ? Vous serez brisés par la douleur qui sauve, car votre
douleur sera droite, c'est-à-dire une douleur pour la peine qui Lui a été
donnée, non pour celle que vous méritez.
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196> Vous serez forts. Oh !
oui ! Unis à Jésus, on est fort ! Fort contre tout. Vous serez
pleins d'espérance car vous ne douterez pas du Cœur des cœurs qui vous aime
de tout Lui-même. Vous serez sages. Vous serez tout. Aimez Celui qui annonce
la vraie félicité, qui prêche le salut, qui s'en va inlassablement à travers
monts et vallées appelant son troupeau pour le rassembler. C'est sur son
chemin que se trouve la Paix, et la paix se trouve dans son Royaume qui n'est
pas de ce monde, mais qui est vrai comme Dieu est vrai.
Abandonnez toute route qui n'est pas la sienne. Dégagez-vous de toute brume.
Allez à la Lumière. Ne soyez pas comme le monde qui ne veut pas voir la
Lumière, qui ne veut pas la connaître. Mais allez à notre Père qui est le Père des
lumières, qui est Lumière sans mesure, par le Fils qui est la Lumière du
monde, pour jouir de Dieu dans l'embrasement du Paraclet qui est la
fulguration des Lumières dans une seule béatitude d'amour, qui unit les Trois
en Un. Océan infini de l'Amour, sans tempêtes, sans
ténèbres, accueille-nous ! Tous ! Les innocents comme les
convertis. Tous ! Dans ta Paix ! Tous ! Pour l'Éternité. Tous,
sur la terre, pour que nous t'aimions Toi, Dieu, et le prochain comme Tu le
veux. Tous, dans le Ciel, pour qu'encore et toujours nous aimions, non
seulement Toi et les habitants célestes, mais aussi et encore les frères qui
combattent sur la terre dans l'attente de la paix, et comme les anges de
l'amour les défendions et les soutenions dans les luttes et les tentations,
pour qu'ensuite ils puissent être avec Toi dans ta Paix, pour la gloire
éternelle de Notre Seigneur, Jésus, Sauveur, Amant de l'homme jusqu'à
l'anéantissement sans fin et sublime."
324.9 – Comme toujours, Jean, en
montant dans ses vols d'amour, emmène avec lui les âmes là où l'amour se perd
et dans le silence mystique.
Ce n'est qu'après un moment que la parole revient sur les lèvres de ceux qui
écoutent. Et le premier qui parle, c'est Philippe s'adressant à Pierre :
"Et Jean,
le pédagogue, il ne parle pas ?"
"Il vous parlera continuellement à notre place. Pour l'instant,
laissez-le dans sa paix et laissez-nous un peu avec lui. Toi, Saba, fais ce
que je t'ai dit auparavant. Et, toi aussi, bonne Bérénice..."
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197> 324.10 – Tout le monde sort, en laissant
dans la grande pièce les huit avec les deux. Il se fait un silence grave. Ils
sont tous un peu pâles, les apôtres parce qu'ils savent ce qui va arriver,
les deux disciples parce qu'ils le pressentent.
Pierre prend la parole, mais il ne dit que :
"Prions", et il entonne le "Pater Noster". Puis, et il
est vraiment pâle comme il ne le sera peut-être pas le jour de sa mort, il
dit, en allant entre les deux et en leur mettant la main sur l'épaule :
"C'est l'heure des adieux, mes fils. Que dois-je dire au Seigneur en
votre nom ? À Lui qui certainement attendra avec angoisse d'avoir des
nouvelles de votre sainteté ?"
Syntica glisse à ses genoux en se couvrant le visage de ses mains et Jean
l'imite. Pierre les a à ses pieds, et machinalement les caresse de la main en
se mordant les lèvres pour ne pas céder à l'émotion.
Jean d'En-Dor relève son visage que l'émotion déchire et dit :
"Tu diras au Maître que nous faisons sa volonté..."
Et Syntica :
"Qu'il nous aide à l'accomplir jusqu'à la fin..." Mais les larmes
leur interdisent de plus longues phrases.
"C'est bien. Donnons-nous le baiser d'adieu. Cette heure devait
venir..." Pierre aussi s'arrête, la gorge serrée par un sanglot.
"Bénis-nous d'abord" lui demande Syntica.
"Non. Pas moi, il vaut mieux que ce soit un frère de Jésus..."
"Non, c'est toi le chef. Nous, nous les bénirons par un baiser.
Bénis-nous tous, tant les partants que ceux qui restent" dit le Thaddée
en s'agenouillant le premier.
Et Pierre, le pauvre Pierre, que fait rougir
l'effort qu'il fait pour donner de l'assurance à sa voix et son émotion quand
il bénit, les mains tendues, le petit groupe qui est devant lui, dit de sa
voix que la peine rend plus âpre, presque une voix de vieillard, la
bénédiction mosaïque ...
Puis il se penche, baise au front la femme comme si c'était une sœur, il
relève et embrasse intensément Jean, en lui donnant un baiser et... il
s'échappe avec courage de la pièce pendant que les autres imitent son
attitude envers les deux qui restent...
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198/199> Dehors, le char est
déjà prêt. Il n'y a de présents que Philippe et Bérénice, et le serviteur qui
tient le cheval. Pierre est déjà sur le char...
"Tu diras à mon maître qu'il soit tranquille pour les siens qu'il m'a
recommandés" dit Philippe à Pierre.
"Tu diras à Marie que j’éprouve la paix d'Euchérie depuis qu'elle est la
disciple" dit doucement Bérénice au Zélote.
"Vous direz au Maître, à Marie, à tous, que nous les aimons et que...
Adieu ! Adieu ! Oh ! nous ne les reverrons plus ! Adieu,
frères ! Adieu..."
Les deux disciples courent dehors sur le chemin... Mais le char, qui est
parti au trot, a maintenant dépassé le tournant... Disparu...
"Syntica !"
"Jean !"
"Nous sommes seuls !"
"Dieu est avec nous !... Viens, pauvre Jean. Le soleil se couche,
cela va te faire mal de rester ici..."
"Le soleil est tombé pour toujours pour moi... Il ne se lèvera plus
qu'au Ciel."
Ils entrent dans la pièce où ils étaient avant avec les autres et,
s'abandonnant sur une table, ils pleurent sans plus se retenir...
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