Le samedi 10
novembre 1945.
199> 325.1 – Jésus
- un Jésus très maigre et pâle, très triste, je dirais souffrant - se trouve sur la cime,
exactement sur la cime la plus haute d'une petite montagne sur laquelle il y
a aussi un village. Mais Jésus n'est pas dans le village qui se trouve au
sommet, oui, mais tourné du côté de la pente sud-est. Jésus se trouve au
contraire sur un petit éperon, le plus élevé, tourné vers le nord-ouest, en
réalité plus ouest que nord.
Sur l’esquisse de Maria Valtorta, on lit tout en haut Le lieu est comme ça. Puis à gauche, sur le versant ouest (du
haut vers le bas) : Mer
Méditerranée, Ptolémaïs, Sycaminon, Kishon, le mont Carmel ; et sur le
versant est : Aczib, là en bas ce doit
être Jiphtaël. On y voit aussi les quatre points cardinaux.
Jésus, en regardant comme il le fait de plusieurs côtés,
voit donc une chaîne ondulée de montagnes dont l'extrémité nord-ouest et
sud-ouest plonge son dernier contrefort dans la mer, au sud-ouest avec le Carmel, qui s'estompe au loin, dans la journée sereine; au
nord-ouest avec un cap tranchant comme un éperon de navire qui ressemble
beaucoup aux Apuanes italiennes avec ses veines rocheuses qui blanchissent au soleil. De
cette chaîne ondulée de montagnes descendent des torrents et des ruisseaux,
tous en crue en cette saison qui, à travers la plaine côtière, courent se
jeter dans la mer. Près de la large baie de Sicaminon, le plus abondant d'entre eux, le Kishon, débouche dans la
mer après avoir fait une sorte de miroir d'eau au confluent d'un autre
ruisselet, près de son embouchure. Le soleil, au midi d'une journée sereine,
produit des scintillements de topaze ou de saphir sur la surface de leurs
eaux, alors que la mer est un immense saphir. Veiné de légers colliers de
perles.
Le printemps du sud se manifeste déjà avec les feuilles nouvelles qui sortent
des bourgeons éclos, tendres, brillantes, je dirais virginales tant elles
sont nouvelles, ignorantes de la poussière et des tempêtes, de la morsure des
insectes et des contacts humains.
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200> Les branches des amandiers sont
déjà des flocons d'écume blanche rosée, si soyeux, si aériens, qu'ils donnent
l'impression qu'ils vont se détacher des rameaux sur lesquels ils sont nés
pour voyager dans l'air serein comme de petits nuages. Et même les champs de
la plaine resserrée mais fertile, qui s'étend entre le cap du nord-ouest et
celui du sud-ouest, présente un aspect légèrement verdoyant des blés, qui
enlève toute tristesse aux champs dénudés il y a quelque temps.
Jésus regarde. De l'endroit où il est, il voit trois chemins : celui qui
vient du village et qui vient aboutir à cet endroit, un sentier pour les
personnes seulement, et deux autres chemins qui descendent du village
bifurquant en deux directions opposées : vers le nord-ouest, vers le
sud-ouest.
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201> Combien Jésus a dû souffrir !
Marqué par la pénitence beaucoup plus que dans le jeûne du désert . Alors c'était un homme qui avait pâli, mais encore
jeune et fort, maintenant c'est un homme épuisé par un ensemble de
souffrances qui accablent à la fois les forces physiques et les forces
morales. Son œil est très triste, d'une tristesse à la fois douce et sévère.
Les joues amincies font ressortir encore davantage la spiritualité de son
profil, de son front haut, de son nez long et droit, de ses lèvres absolument
exemptes de sensualité. Un visage angélique tant il exclut la matérialité. Il
a la barbe plus longue qu'à l'ordinaire. Elle a poussé jusque sur les joues,
jusqu'à se confondre avec les cheveux qui tombent sur les oreilles, de sorte
que dans son visage il n'y a de visible que le front, les yeux, le nez et les
pommettes fines et d'une couleur d'ivoire sans la moindre trace de rose. Ses
cheveux sont peignés d'une manière rudimentaire, poussiéreux, et ils
conservent, en souvenir de la caverne où il est resté, des débris de feuilles
sèches et de brindilles accrochées dans sa longue chevelure. Son vêtement et
son manteau, chiffonnés et poussiéreux indiquent, eux aussi, l'endroit
sauvage où ils ont été portés et où ils ont servi sans arrêt.
325.2 – Jésus regarde... Le soleil de midi le réchauffe et il
semble en éprouver du plaisir car il fuit l'ombre de quelques rouvres pour
venir justement au soleil, mais bien qu'il y ait un soleil net,
resplendissant, il n'allume pas de splendeur dans ses cheveux poussiéreux,
dans ses yeux fatigués, et il ne donne pas de couleur à ses joues amaigries.
Ce n'est pas le soleil qui le restaure et avive ses couleurs, mais c'est la
vue de ses chers apôtres qui montent en gesticulant et en regardant vers le
village, de la route qui vient du nord-ouest, la plus plate. Alors se produit
la métamorphose. Son œil redevient vivant et le visage paraît moins amaigri
par l'effet d'une trace de rose qui s'étend sur les joues et du sourire qui
l'illumine : Il desserre ses bras qui étaient croisés et il
s'écrie : "Mes chers !" Il le dit en relevant son visage,
en tournant son regard sur les choses, comme pour communiquer sa joie aux
plantes, aux arbres, au ciel serein, à l'air qui déjà se ressent du
printemps.
Il resserre étroitement son manteau autour du corps pour qu'il ne s'accroche
pas dans les buissons, et descend rapidement par un raccourci à la rencontre
de ceux qui montent et qui ne l'ont pas encore aperçu. Quand il est à portée
de voix il les appelle pour les arrêter dans leur marche vers le village.
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202> Ils entendent l'appel lointain.
Peut-être que, de l'endroit où ils se trouvent, ils ne peuvent voir Jésus,
dont l'habit foncé se confond avec le feuillage du bois qui couvre la pente.
Ils regardent autour d'eux, font des gestes... Jésus les appelle de nouveau...
Finalement dans une clairière du bois il se présente à leurs yeux dans le
soleil, les bras légèrement tendus comme si déjà il voulait les embrasser.
Alors c'est un grand cri qui se répercute sur la côte :
"Le Maître !"
Et c'est une course rapide sur la pente en dehors du chemin. On s'égratigne,
on trébuche, on s'essouffle, sans plus sentir le poids des sacs, la fatigue
de la marche, emporté par la joie de le revoir…
325.3 – Naturellement, les premiers qui arrivent, ce sont les
plus jeunes et les plus agiles, c'est-à-dire les deux fils d'Alphée, au pas
assuré des gens nés sur les collines, puis Jean et André qui courent comme deux faons en riant, pleins de joie. Et
ils tombent à ses pieds, affectueux et respectueux, heureux, heureux,
heureux... Puis arrive Jacques de Zébédée et après, presque ensemble, les trois qui sont les moins
entraînés à la course et à la montagne, Matthieu et le Zélote et en dernier, tout
à fait en dernier, Pierre.
Mais il se fraie un chemin, oh ! s'il se fraie un chemin ! Pour
arriver au Maître qu'entourent à genoux les premiers arrivés, qui ne se
lassent pas de baiser les vêtements ou les mains qu'il leur a abandonnées. Il
prend énergiquement Jean et André attachés aux vêtements de Jésus comme des
huîtres à un rocher, et tout essoufflé il les écarte pour pouvoir tomber aux
pieds de Jésus en disant :
"Oh ! mon Maître ! Je reviens enfin à la vie ! Je n'en
pouvais plus. Je suis vieilli et amaigri comme si j'avais été très malade.
Regarde si ce n'est pas vrai, Maître..."
Et il lève la tête pour se faire regarder par Jésus. Mais, ce faisant, il
voit combien Jésus est changé et il se lève en criant :
"Maître !? Mais qu’as-tu fait ? Sots ! Mais
regardez ! Vous ne voyez rien, vous ? Jésus a été malade !...
325.4 – Maître, mon Maître, qu'est-ce que tu as eu ? Dis-le
à ton Simon !"
"Rien, mon ami."
"Rien ? Avec ce visage ? Alors on t'a fait du mal ?"
"Mais non, Simon."
"Ce n'est pas possible ! Tu as été malade ou persécuté ! Moi,
j'ai l’œil !…"
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203> "Moi aussi. Et je te vois
amaigri et vieilli, en effet. Pourquoi alors es-tu ainsi ?" demande
en souriant le Seigneur à son Pierre qui le scrute comme s'il voulait lire la
vérité sur les cheveux, la peau, la barbe de Jésus.
"Mais j'ai souffert, moi ! Et je ne le nie pas. Crois-tu qu'il
m'ait été agréable de voir tant de douleur ?"
"Tu l'as dit ! Moi aussi, j'ai souffert pour le même motif ..."
"Rien que pour cela, Jésus ?" demande apitoyé et affectueux Jude d'Alphée.
"Pour la douleur, oui, mon frère. Pour la douleur causée par la
nécessité de renvoyer..."
"Et pour la douleur d'y avoir été contraint par..."
"Je t'en prie !... Silence ! Sur ma blessure le silence m'est
plus cher que toute parole qui veut me consoler en disant : "Moi,
je sais pourquoi tu as souffert". Du reste, sachez-le tous, j'ai
souffert de beaucoup de choses, pas de celle-là seulement. Et si Jude
ne m'avait pas interrompu, je vous l'aurais dit."
Jésus est austère en le disant. Tous en restent interdits.
Mais Pierre est le premier à se reprendre et il demande :
"Et où as-tu été, Maître ? Qu’as-tu fait ?"
"Je suis resté dans une grotte… à prier … à méditer … à fortifier mon
esprit, pour vous obtenir la force, à vous dans votre mission, à Jean et à Syntica dans leurs
souffrances."
"Mais où, où ? Sans vêtement, sans argent ! Comment as-tu
fait ?"
Simon est agité.
"Dans une grotte, on n'a besoin de rien."
"Mais la nourriture ? Mais le feu? Mais le lit ? Mais... tout
en somme ! J'espérais qu'au moins on t'aurait donné l'hospitalité comme
à un voyageur égaré, à Jiphtaël, ailleurs, dans une maison en somme. Et cela me
tranquillisait un peu. Mais pourtant, hein ? Dites-le, vous, si ce
n'était pas pour moi un tourment de penser qu'il était sans vêtement, sans
nourriture, sans facilité de s’en procurer, et surtout cela, sans le désir de
s’en procurer. Ah ! Jésus ! Cela, tu ne devais pas le faire !
Et tu ne le feras plus jamais ! Je ne te quitterai plus
une seule heure; Je me couds à ton vêtement pour te suivre comme ton ombre,
que tu le veuilles ou non. Seulement si je meurs, je serai séparé de
Toi."
"Ou si Moi, je meurs."
"Oh ! Toi, non. tu ne dois pas mourir avant moi. Ne le dis pas.
Veux-tu m'attrister tout à fait ?"
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204> "Non. Au contraire, je veux me
réjouir avec toi, avec tous, en cette heure qui me ramène mes amis chers,
préférés : Voyez ! Je suis déjà mieux car votre sincère amour me
nourrit, me réchauffe, me console de tout"
Et il les caresse, un par un, alors que leurs visages resplendissent d'un
sourire bienheureux, leurs yeux luisent, et leurs lèvres tremblent d'émotion
en entendant ces paroles, alors qu'ils demandent :
"Vraiment, Seigneur ?"
"Vraiment comme cela, Maître ?"
"Nous te sommes tellement chers !"
"Oui, tellement chers.
325.5 – Avez-vous de la nourriture avec vous !"
"Oui. J'avais le sentiment que tu serais à bout, et j'en ai pris en chemin.
J'ai du pain et de la viande rôtie, j'ai du lait, des fromages et des pommes,
et en plus une gourde de vin généreux et des œufs pour Toi. Pourvu qu'ils ne
soient pas cassés..."
"Eh bien, assoyons-nous alors ici, à ce beau soleil, et mangeons. Et
tout en mangeant, vous me parlerez..."
Ils s'assoient au soleil, sur un talus. Pierre ouvre son sac, regarde ses
trésors :
"Tout en bon état ! s'écrie-t-il. Même le miel d'Antigonée. Mais
non ! Si je l'ai dit, moi ! Même si au retour on nous avait mis
dans un tonneau qu'aurait roulé un fou, ou sur une barque sans rames, trouée
par-dessus le marché, en une heure de tempête, nous serions arrivés sains et
saufs... Mais à l'aller ! Je me convaincs toujours davantage que d'abord
c'était le démon qui nous faisait obstacle. Pour nous empêcher d'aller avec
ces malheureux..."
"Bien sûr ! maintenant il n'avait plus de but…" approuve le
Zélote.
"Maître, tu as fait pénitence pour nous ?" demande Jean qui
oublie de manger pour contempler Jésus.
"Oui, Jean. Je vous ai suivi par la pensée : J'ai eu conscience de
vos dangers et de vos peines. Je vous ai aidés comme j'ai pu..."
"Oh ! moi, je l'ai senti ! Je vous l'ai même dit. Vous en
rappelez- vous ?"
"Oui, c'est vrai" approuvent-ils tous.
"Eh bien, maintenant vous me rendez ce que je vous ai donné."
"Tu as jeûné, Seigneur ?" demande André.
"Forcément ! Même s'il avait voulu manger, sans argent, dans une
grotte, comment voulais-tu qu'il mange ?" lui répond Pierre.
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205> "À cause de nous ! Comme
j'en ai de la peine !" dit Jacques d'Alphée.
"Oh ! non ! Ne vous en affligez pas ! Ce n'est pas pour
vous seuls, c'est aussi pour le monde entier.
325.6 – Comme je l'ai fait quand j'ai commencé la mission, je
l'ai fait maintenant. Alors, à la fin, je fus secouru par les anges.
Maintenant, je le suis par vous. Et, croyez-le, c'est une double joie. Parce
que, chez les anges, la charité s'impose, mais chez les hommes il est moins
facile de la trouver. Vous vous l'exercez. Et d'hommes que vous étiez, vous
êtes, par amour pour Moi, devenus des anges, ayant choisi la sainteté à
l'encontre de tout. Pour cela, vous me rendez heureux comme Dieu, et comme
Homme-Dieu, parce que vous me donnez ce qui est de Dieu : la Charité, et
vous me donnez ce qui est du Rédempteur : votre élévation à la
Perfection. Cela me vient de vous, et c'est plus nourrissant que n'importe
quel aliment. Alors aussi, dans le désert, j'ai été nourri par l'amour après
avoir jeûné, et j'en ai été restauré. De même maintenant, de même
maintenant ! Nous avons tous souffert, vous et Moi. Mais la souffrance n'a pas été inutile. Je
crois, je sais qu'elle vous a servi plus qu'une année entière d'enseignement.
La souffrance, la méditation du mal que peut faire l'homme à son semblable,
la pitié, la foi, l'espérance, la charité que vous avez dû exercer, et par
vous-mêmes, vous ont mûri comme des enfants qui deviennent hommes..."
"Oh ! oui ! Je suis devenu vieux, moi. Je ne serai jamais plus
le Simon de Jonas que j’étais au départ. J'ai compris combien est douloureuse
dans sa beauté, notre mission..." soupire Pierre.
325.7 – "Eh bien, maintenant nous sommes ici, ensemble,
racontez donc..."
"Parle, toi, Simon. Tu sauras mieux parler que moi" dit Pierre au
Zélote.
"Non. Toi, en brave chef, tu fais le rapport au nom de tous" répond
l'autre.
Et Pierre commence, en disant pour débuter :
"Mais vous, vous allez m'aider."
Il fait un récit ordonné des faits jusqu'au départ d'Antioche. Puis il
raconte le retour :
"Nous souffrions tous, tu sais ? Je n'oublierai jamais les
dernières paroles de ces deux..."
Pierre essuie avec le dos de sa main deux grosses larmes qui coulent à
l'improviste...
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206> "Cela m'a paru le dernier cri
de quelqu'un qui se noie... Mais ! En somme, parlez, vous... moi, je ne
peux pas..."
Et il se lève en s'écartant un peu pour dominer son émotion.
Simon le Zélote prend la parole :
"Nous n'avons pas parlé, personne, pendant une grande partie de la
route... Nous ne pouvions pas parler... La gorge nous faisait souffrir
tellement elle était gonflée par les larmes... Et nous ne voulions pas
pleurer... parce que si nous avions commencé, même un seul, cela n'aurait
jamais fini. Moi, j'avais pris les rênes parce que Simon de Jonas, pour ne
pas faire voir qu'il souffrait, s'était mis au fond du char en fouillant les
sacs. Nous nous sommes arrêtés à un petit village à mi-chemin entre Antioche
et Séleucie. Bien que le clair de lune augmentait à
mesure que la nuit avançait, pourtant, comme nous n'étions pas pratiques du
lieu, nous nous sommes arrêtés là, Et nous avons sommeillé au milieu de nos
affaires. Nous n'avons pas mangé, personne parce que ... nous ne le pouvions
pas. Nous pensions à ces deux...
À la première lueur de l'aube, nous avons passé le pont et nous sommes
arrivés avant 1'heure de tierce à Séleucie. Nous avons ramené le char et le
cheval à l'hôtelier et - c'était un si brave homme - nous avons profité de
ses conseils pour le navire. Il a dit : "Je vais venir au port,
moi. Je connais et on me connaît". Et il l'a fait. Il a trouvé trois
bateaux en partance pour ces ports-ci. Mais sur l'un, il y avait certains...
individus que nous n'avons pas voulu avoir comme voisins. Nous l'a dit
l'homme, qui l'avait su du maître du navire. L'autre était d'Ascalon mais il
ne voulait pas faire escale pour nous à Tyr, à moins de payer une somme que
nous n'avions plus. Le troisième était une petite embarcation chargée de bois
brut. Une pauvre barque avec un équipage réduit et, je crois, très misérable.
Pour cela, bien qu'il se dirigeât vers Césarée, il consentit à s'arrêter à
Tyr, moyennant le paiement d'une journée de vivres et de salaire pour tout
l'équipage. Cela nous convenait. Moi, vraiment, et avec moi Matthieu, nous
avions un peu peur. C'est une époque de tempêtes... et tu sais comment on se
trouva à l'aller.
Mais Simon Pierre dit : "Il n'arrivera rien" et nous y
montâmes. Il semblait que les voiles du bateau fussent des anges tant la
marche était régulière et rapide. Il nous fallut deux fois moins de temps
qu'à l'aller pour arriver à Tyr, et le maître d'équipage fut si gentil qu'il
nous permit de mettre la barque à la remorque jusqu'aux environs de
Ptolémaïs.
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207/208> Pierre et André avec Jean y
descendirent pour les manœuvres, mais c'était très simple... pas comme à
l'aller... À Ptolémaïs; nous nous sommes séparés, et nous étions si contents
que nous lui avons donné de l'argent en plus de ce qui était convenu avant de
descendre tous dans la barque où étaient déjà nos affaires. À Ptolémaïs nous
sommes restés un jour, puis nous sommes venus ici... Mais nous n'oublierons
jamais ce que nous avons souffert. Simon de Jonas a raison."
"N'avons-nous pas raison aussi de dire que le démon ne nous a gênés qu'à
l'aller ?" demandent plusieurs.
325.8 – "Vous avez raison. Maintenant, écoutez. Votre
mission est terminée. Maintenant nous allons retourner vers Jiphtaël pour
attendre Philippe et Nathanaël et il faut faire vite. Puis les autres
viendront... En attendant, nous évangéliserons ici, aux confins de la
Phénicie, et dans la Phénicie même. Mais quant à ce qui est arrivé, c'est
enseveli pour toujours dans nos cœurs. À aucune question on ne donnera
de réponse."
"Pas même à Philippe et à Nathanaël ? Ils savent que nous sommes
venus avec Toi..."
"C'est Moi qui parlerai. J'ai beaucoup souffert, amis, vous l'avez vu.
J'ai payé de ma souffrance la paix de Jean et de Syntica. Faites que ma
souffrance ne soit pas inutile. Ne mettez pas un fardeau de plus sur mes
épaules. J'en ai déjà tant !... Et leur poids croît, jour après jour,
heure après heure... Dites à Nathanaël que j'ai beaucoup souffert, dites-le à
Philippe ! et qu'ils soient bons. Dites-le aux deux autres. Mais-ne
dites rien de plus. Dire que vous avez compris que j'ai souffert et que je
vous l'ai confirmé, c'est la vérité. Il ne faut pas en dire davantage."
Jésus parle avec beaucoup de peine... Les huit le regardent avec tristesse et
Pierre se permet de caresser sa tête, en restant derrière Lui. Jésus lève la
tête et regarde son honnête Simon avec un sourire d’affectueuse tristesse.
Pierre dit :
"Oh ! Je ne puis te voir ainsi ! Il me semble, j'ai
l'impression que la joie de notre réunion est disparue, et qu'il n'en reste
que la sainteté, elle seulement ! Pour le moment… allons à Aczib. Tu
changeras de vêtement, tu te raseras les joues, et tu peigneras tes cheveux.
Ainsi non, pas ainsi ! Je ne puis te voir ainsi... Tu sembles...
quelqu'un qui a échappé à des mains cruelles, que l'on a poursuivi, qui n'en
peut plus... Tu me rappelles Abel de Bethléem de Galilée, arraché à ses
ennemis..."
"Oui, Pierre. Mais c'est le cœur de ton Maître que l'on a heurté... et
il ne guérira jamais plus... De plus en plus, au contraire, il sera blessé.
Partons..."
325.9 – Jean soupire :
"Cela me déplaît... J'aurais voulu raconter à Thomas, qui aime tant ta
Mère, le miracle de la chanson et de l'onguent..."
"Tu le diras un jour... Pas maintenant. Vous direz tout, un jour. Alors
vous pourrez parler. Moi-même, je vous dirai : "Allez dire tout ce
que vous savez". Mais en attendant sachez voir dans le miracle, la
vérité. Celle-ci : la puissance de la Foi. Aussi bien Jean que Syntica
ont calmé la mer et guéri l'homme non par les paroles, non par l'onguent,
mais par la foi avec laquelle ils ont mis en œuvre le Nom de Marie et
l'onguent qu'elle avait fait. Et aussi : cela est arrivé parce qu'autour
de leur foi, il y avait la vôtre, à vous tous, et votre charité. Charité
envers le blessé, charité envers le crétois, À l'un, vous vouliez conserver
la vie, à l'autre donner la foi. Mais s'il est encore facile de guérir les
corps, c'est une chose difficile de guérir les âmes... Il n'y a pas de
maladies plus difficiles à vaincre que celles de l'esprit..." et Jésus
soupire profondément.
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