Le mardi 12 novembre 1946.
255/256> 529.1 - Ce
sont de froides et sereines journées d'hiver. Sur le sommet de la petite
montagne sur laquelle est construite Nobé, le vent ne manque pour ainsi dire
jamais, tempéré pourtant par le soleil qui, de l'aurore au coucher du soleil,
caresse de ses rayons les maisons et les jardins où verdoient les légumes
d'hiver : de petits jardins à l'abri des maisons, aux petits parterres verts
de légumes, et d'autres de la couleur de la terre quand elle est bien
nourrie, parterres nus, déjà prêts pour ensemencer les légumes. L'œil, en
regardant tout autour, là où il ne voit pas la grisaille des oliviers ou les
rangées serpentines et squelettiques des vignes dépouillées, voit de petits
champs labourés, déjà ensemencés de céréales qui vont germer aux premières
tiédeurs du précoce printemps palestinien, attiédi par le soleil. Je dirais
presque que dans les journées sereines, telles que celle que je contemple, on
sent déjà une tiédeur printanière, une tiédeur germinative, au point que sur
les amandiers en espaliers sur les murs des maisons, se gonflent les
bourgeons sur les branches qui, il y a quelques jours, étaient tout à fait
arides. Des bourgeons qui sortent tout juste sur les branches sombres,
sombres encore eux aussi, mais qui déjà attestent que la vie monte, que le
réveil est proche dans le tronc robuste.
Dans le petit jardin de Jean, à l'arrière de la maison, il y a
une petite bande de terre cultivée, alors que sur un côté elle est ombragée
par un noyer. Et dans la petite bande s'élève justement un gros amandier,
peut-être plus vieux que le maître, si bien adossé à la maison qu'il a dû, sur une bonne partie du tronc, envoyer ses branches
seulement de trois côtés, empêché qu'il était sur le quatrième par le mur de
la maisonnette. Mais plus haut l'arbre s'ébouriffe en un entrelacement de
branches qui, quand elles seront en fleurs, devront faire une nuée légère
au-dessus de la pauvre terrasse, une précieuse tente plus belle qu'un
baldaquin royal.
Pour ne pas rester oisifs, Jésus et les apôtres travaillent sous le
soleil qui réjouit et réchauffe. En habits courts, ceux qui s'y entendent en
menuiserie et en serrurerie réparent ou font de nouveaux outils et des
cadres. D'autres binent le terrain, rechaussent des légumes transplantés,
renforcent une haie de roseaux secs et d'aubépine verte qui font de deux
côtés une clôture au petit jardin, ou bien taillent l'amandier et le noyer et
lient des sarments de vigne que le vent de l'hiver a détachés. J'ai remarqué
que là où est Jésus, on n'est jamais oisif. Lui, tout le
premier, enseigne la beauté du travail manuel, quand sont suspendus les
travaux d'évangélisation. Aujourd'hui aussi Jésus travaille avec ses
cousins pour réparer une porte dont le bas était pourri et dont
la serrure était à moitié détachée.
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257> De leur côté, Philippe
et Barthélemy travaillent
avec des cisailles et des faucilles sur de vieux arbres fruitiers, pendant
que les pêcheurs bricolent avec des cordages et de vieilles couvertures,
certains faisant des réparations très... masculines, d'autres installant des
anneaux et des poulies, peut-être dans l'intention de créer, sur la terrasse,
un vélarium utile en été.
529.2 - "Tu seras très bien ici, Élise"
promet Pierre
en se penchant du muret de la terrasse pour parler à la vieille disciple qui
file de la laine, assise contre le mur ensoleillé.
"Oui. Quand la vigne sera attachée et l'amandier arrangé, ce sera
vraiment un bon endroit en été" dit Philippe entre ses dents car il a
dans la bouche des joncs avec lesquels il lie les sarments aux échalas.
Jésus lève la tête pour regarder, alors qu'Élise la lève pour regarder le
Maître et elle dit :
"Qui sait si nous serons ici en été..."
"Pourquoi ne devrait-on pas y être, femme ?" demande André.
"Mais... je ne sais pas... Je ne fais plus de projets depuis que...
Depuis que j'ai vu que tous mes pronostics se terminaient par un tombeau."
"Oh ! mais le Maître devrait mourir pour que nous ne soyons plus ici ! Désormais
le Maître a choisi ce lieu pour domicile. N'est-ce pas, Maître ?"
demande Thomas.
"C'est vrai. Mais c'est vrai aussi ce que dit Élise..." répond
Jésus en travaillant avec le rabot le côté de la porte qu'il répare.
"Mais tu es jeune et surtout en bonne santé !"
"On ne meurt pas seulement de maladie" dit encore Jésus.
"Qui parle de mort ? dit Barthélemy. Toi, Maître ? Pour Toi ?...
529.3 - Vraiment, depuis quelque temps, la
rancœur semble calmée. Regarde : personne ne nous trouble plus. Ils savent
que nous sommes ici. Hier même nous les avons rencontrés en revenant de la
ville avec les achats et ils ne nous ont pas troublés."
"Oui, nous aussi, alors que nous allions à travers les villages voisins
pour annoncer que tu es ici. Mais aucun ennui. Et pourtant, nous avons
rencontré Elchias et Simon,
et puis Sadoq
et Samuel,
et encore Nahum
justement avec Doras .
Et même ils nous ont salués. N'est-ce pas, Jacques
?" dit Jean
en s'adressant à son frère.
"Oui. Il faut convenir que Judas de Kérioth
a vraiment bien travaillé alors qu'en notre cœur nous le critiquions. Une
fois revenus ici, plus d'ennuis !
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258> Les faits ont confirmé ses paroles.
Il semble que l'on soit revenu aux beaux temps de "La Belle Eau".
Au début de ce temps... Oh ! si c'était vrai !" dit Jacques de
Zébédée.
"Si cela pouvait être vrai !" dit Pierre en soupirant.
"Le temps n'est pas toujours serein quand le tonnerre ne gronde
pas" dit sentencieusement Élise en faisant tourner son fuseau.
"Que voudrais-tu dire par là ?" demande Pierre.
"Je dis que parfois une grande paix, dans un lieu exposé aux
bourrasques, est le prélude d'une tempête plus dangereuse que jamais. Tu
devrais le savoir, toi qui es pêcheur."
"Hé ! je le sais, femme ! Le lac est parfois un immense bassin plein
d'huile bleue. Mais presque toujours, quand la voile pend et que l'eau est
ainsi immobile, une tempête est proche, et des plus mauvaises. Vent de
bonace, vent de tombeau pour les navigateurs."
"Hum ! Oui. C'est pour cela que si j'étais à votre place, je me
défierais de tant de paix. Trop de paix !"
"Mais alors ! Si pendant qu'il y a la guerre on souffre parce qu'il y a
la guerre, et que quand il y a la paix on souffre parce qu'il peut venir une
guerre plus cruelle encore, quand est-ce que l'on a la joie ?" demande
Thomas.
"Dans l'autre vie. Ici la douleur est toujours prête."
"Oh ! comme tu es lugubre, femme ! Il est bien éloigné mon temps de
joie, alors ! Je suis un des plus jeunes ! Réjouis-toi, Barthélemy, tu es
plus près d'en jouir. Toi et le Zélote" plaisante Jacques de Zébédée.
"Lugubre et rusée, femme ! Ah ! les femmes âgées ! Mais elles devinent
parfois. Même ma mère, quand elle dit à l'un de nous : "Attention ! Tu
es en chemin pour faire une sottise pour tel et tel motif" elle devine
toujours" dit Thomas qui se penche pour gratter la terre.
"Les femmes sont malignes ou fourbes plus que des renards. Nous ne
valons rien, nous, en comparaison, pour comprendre certaines choses que l'on
voudrait qu'elles ne comprennent pas" dit Pierre sentencieusement.
"Toi, tais-toi. Tu es tombé sur une femme
qui te croirait même si tu lui disais que le Liban s'est fait de beurre. Ce
que tu dis est loi pour elle. Elle écoute, croit et se tait" dit André
à son frère.
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259> "Oui... mais sa mère
compte aussi pour elle et pour cent autres femmes. Quel serpent !"
Tout le monde rit, y compris Élise et le vieil homme qui aide les jeunes à
biner.
529.4 - Rentrent le Zélote, Matthieu et Judas de
Kérioth.
"Tout est fait, Maître. Nous sommes las ! Quelle longue tournée. Mais
demain, je me repose. Ce sera votre tour demain" dit l'Iscariote à ceux
qui piochaient le terrain.
Et il va vers eux en prenant une pioche pour travailler.
"Mais si tu es fatigué, pourquoi travailles-tu ?" lui demande
Thomas.
"Parce que j'ai des jeunes plantes à planter. Cet endroit est pelé comme
le crâne d'un vieux et c'est dommage" dit-il sentencieusement en
enfonçant la pioche dans le sol par d'énergiques coups de pieds.
"Ce n'était pas ainsi au bon vieux temps ! Mais, ensuite... Trop de
choses sont mortes, et pour moi, ce n'était pas la peine que je travaille à
les refaire. Je suis vieux et plus que vieux, j'étais désolé" répond le
vieillard.
"Mais quels trous fais-tu ! C'est bon pour des arbres, pas pour de
jeunes plantes, comme tu dis" observe Philippe qui descend après avoir
lié les vignes.
"Quand un arbre est jeune, c'est toujours une petite plante. Telles sont
les miennes. Le temps est favorable. Celui qui me les a données me l'a
assuré. Sais-tu qui, Maître ? Ce parent d'Elchias qui est cultivateur;
et il cultive bien. Un verger ! Et des oliviers ! Il était en train de
renouveler une partie de l'oliveraie. Je lui ai dit : "Donne-moi de ces
plantes". "Pour qui ?" a-t-il demandé. "Pour un petit
vieux de Nobé qui nous donne l'hospitalité. Elles serviront à me faire
pardonner tous les scandales que je lui ai causés."
"Non, mon garçon. Ce n'est pas par les plantes mais par une bonne
conduite que cela peut arriver. Et avec Dieu. Moi... moi je regarde, prie et
pardonne. Mais mon pardon... Pourtant je te suis reconnaissant pour les
plantes... Bien que... Crois-tu que je pourrai en manger les fruits ?"
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260> "Pourquoi pas ? Il faut
toujours espérer. Et même vouloir triompher... Et alors on triomphe."
"On ne triomphe pas de la vieillesse ! Et je ne le désire pas."
"De beaucoup d'autres choses aussi on ne triomphe pas. S'il suffisait de
vouloir pour posséder ! Moi, j'aurais mes fils" soupire Élise.
529.5 - "Maître, dit Matthieu, les
paroles d'Élise me rappellent une question que certains nous ont posée
aujourd'hui en route. Ils demandaient, car il s'était produit un fait dans un
village, si le miracle est toujours preuve de sainteté.
Je leur disais que oui, mais eux disaient que non. En
effet dans ce village, aux confins de la Samarie, celui qui avait fait des
choses extraordinaires n'était certainement pas un juste. Je les ai fait
taire en disant que l'homme juge toujours mal et que celui dont ils disaient
qu'il n'était pas juste, l'était, peut-être plus qu'eux. Toi, qu'en dis-tu
?"
"Je dis que vous avez tous raison, chacun de son côté. Toi en disant que
le miracle est toujours une preuve de sainteté : généralement il en est
ainsi, et encore en disant qu'il ne faut pas juger pour ne pas se tromper.
Mais eux aussi avaient raison de soupçonner d'autres sources pour ce que
l'homme avait fait d'extraordinaire."
"Quelles sources ?" demande l'Iscariote.
"Des sources ténébreuses. Il y a des créatures déjà adoratrices de
Satan, car elles ont le culte de l'orgueil, qui pour s'imposer aux autres se
vendent elles-mêmes au Ténébreux, afin de l'avoir pour ami" lui répond
Jésus.
"Mais est-ce possible ? N'est-ce pas une légende des pays païens que
l'homme puisse faire des contrats avec le démon ou des esprits infernaux
?" demande Jean stupéfait.
"C'est possible. Pas comme on le raconte dans les légendes païennes, pas
avec de l'argent ou des contrats matériels, mais en adhérant au Mal, mais en
choisissant, en se donnant soi-même au Mal afin d'avoir une heure de triomphe
quelconque. En vérité je vous dis que ceux qui se vendent au Maudit, pour
arriver à leur but, sont plus nombreux qu'on ne croit."
"Et ils réussissent ? Ils ont vraiment ce qu'ils demandent ?"
demande André.
"Pas toujours et pas tout. Mais ils ont quelque chose."
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261> "Et comment est-ce possible ? Le démon
est-il assez puissant pour pouvoir simuler Dieu ?"
"Tellement... et rien, si l'homme était saint. Mais c'est que
bien souvent l'homme est de lui-même un démon. Nous combattons les
possessions évidentes, bruyantes, tapageuses. De celles-ci, tout le monde
s'en rend compte... Elles sont... peu agréables aux gens de la famille ou de
la ville, et se présentent surtout sous des formes matérielles. L'homme est
toujours frappé par ce qui est lourd, ce qui choque ses sens. Ce qui est
immatériel et perceptible seulement pour l'immatériel : raison et esprit, il
ne le remarque pas, et même s'il le remarque, il ne s'en soucie pas, surtout
si cela ne lui nuit pas. Ces possessions
cachées échappent donc à notre pouvoir d'exorcistes ! Et elles
sont les plus dommageables, car elles travaillent sur la partie la plus
choisie, avec la partie la plus choisie et sur d'autres parties choisies : de raison à raison, d'esprit à esprit. Ce sont comme des miasmes
corrupteurs, impalpables qu'on ne remarque pas jusqu'au moment où la fièvre
avertit celui qui en est frappé qu'il est atteint."
529.6 - Tous demandent :
"Et Satan aide ? Vraiment ? Pourquoi ? Et pourquoi Dieu le laisse faire
? Et le laissera-t-il toujours faire ? Même après que tu régneras ?"
"Satan aide pour finir d'asservir. Dieu le
laisse faire, car de cette lutte entre le Haut
et le Bas, entre le Bien et le Mal, émerge la valeur de la créature. La
valeur et la volonté. Il le laissera toujours faire, même après que je me
serai élevé. Mais alors Satan aura contre lui un ennemi bien grand et l'homme
aura une amie bien puissante."
"Qui ? Qui ?"
"La Grâce."
"Oh ! bien ! Alors pour ceux de notre temps, sans la grâce, il sera plus
facile d'être asservis, mais la chute sera aussi moins grave" dit
l'Iscariote, toujours en bêchant.
"Non, Judas, le jugement sera le même."
"C'est une chose injuste alors, car si nous sommes moins aidés, par
conséquent nous devrions être moins condamnés."
"Tu n'as pas tous les torts" dit Thomas.
"Au contraire il a tort, Thomas. Car nous d'Israël, nous avons déjà tant
de foi, d'espérance, de charité, et tant de lumières de Sagesse que nous ne
pouvons avoir l'excuse de l'ignorance.
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262> Vous, ensuite, vous qui avez déjà
la Grâce pour votre Maîtresse depuis presque trois années, vous serez déjà
jugés comme ceux du temps nouveau" dit Jésus en appuyant beaucoup
sur les mots et en regardant Judas qui a levé la tête et qui, tout pensif,
fixe le vide.
Puis Judas de Kérioth hoche la tête, comme s'il concluait son raisonnement
intérieur, et en enfonçant de nouveau sa pioche dans le sol, il demande :
"Et celui qui se donne ainsi au démon, que devient-il ?"
"Un démon."
"Un démon ! De cette façon si moi, par exemple, pour affirmer que ton
contact donne un pouvoir surnaturel, je faisais des choses... que tu
critiques, je serais un démon ?..."
"Tu l’as dit."
"J'espère bien que tu ne les fais pas pourtant" dit André presque
épouvanté.
"Moi ? Ah ! Ah !
529.7 - Je plante les arbustes pour notre
vieillard" et il court vers l'autre côté du jardin et
revient avec cinq plantes que la terre qui enveloppe les racines rend
sûrement pesantes.
"Mais es-tu venu de Bétéron
avec cette charge sur les épaules ?" demande Pierre.
"D'au-delà de Gabaon,
devrais-tu dire ! C'est là que se trouvent en partie les vergers de Daniel.
Quelle terre magnifique. Regardez !..."
Et il effrite entre ses doigts la terre qui enveloppe les racines, puis il
détache le lacet qui tient les cinq tigelles déjà grosses comme le bras. Deux
seulement ont à leur extrémité un peu de feuillage, et c'est un feuillage
d'olivier.
"Voilà, celui-ci pour Jésus, et l'autre pour Marie, qui sont la paix du
monde. Je les plante les premiers car je suis un homme de paix. Ici... et
là"
Et il les place aux deux extrémités de la petite bande de terre.
"Et ici un pommier, jeune et bon comme celui de l'Eden, pour te
rappeler, ô Jean,
que toi aussi tu viens d'Adam et que tu ne dois pas t'étonner si... je puis être
pécheur. Attention, toi, au Serpent... Et ici... Non, ici, ce n'est pas bien.
Là, sur le devant, près du mur, ce jeune figuier. Comment se fait-il qu'il
n'y ait pas un figuier dans le jardin, quand ici ils poussent comme du
chiendent ?
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263> Et au trou du milieu, nous allons
mettre ce jeune amandier. Il apprendra du centenaire la puissance de la
production. Voilà qui est fait ! Ton petit jardin sera beau à l'avenir... et
en le regardant tu te souviendras de moi."
"Je me souviendrais quand même de toi, car tu as été ici avec le Maître.
529.8 - Tout me parlera de ce temps. Et en
regardant les choses, je dirai : "Comme un fils, Lui a voulu remettre en
ordre ma maison !" Pourtant... si je pouvais avoir une volonté
différente de celle qui peut-être est déjà inscrite au Ciel, je voudrais ne
pas avoir à me rappeler ce temps si beau pour moi, plus beau que quand ces
arbres, maintenant vieux, étaient jeunes et que moi j'étais jeune et aussi
mon épouse, et qu'ici ma petite fille jouait ... et que j'avais plaisir à
soigner le pommier et le grenadier, le figuier et la vigne, car avides
étaient les menottes de ma fille et il était beau de voir mon épouse assise à
l'ombre verte des arbres pour tisser ou pour filer... Depuis... ma fille est
partie... et si oublieuse !... Malade et puis morte mon épouse... Pour qui et
pourquoi soigner ce qui autrefois était beau ? Et tout est mort, sauf les
deux vieux qui se souviennent de mon enfance. Je voudrais mourir avant
d'avoir à me souvenir et alors qu'ici il y a une femme juste comme l'était
Lia. Je te remercie pour les plantes, pour le travail, pour tout. Je vous
remercie tous. Mais je prie mon Seigneur d'arracher ma vieille plante de
cette terre avant que se couche cette heure de paix pour le vieux
Jean..."
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