Le vendredi 29 juin 1945.
342> 204.1 -
Dans la paix du sabbat, Jésus se repose près d'un champ de lin tout en
fleurs, qui appartient à Lazare. Plutôt que près du lin, je dirais
immergé dans le lin très haut, et assis au bord d'un sillon, il s'absorbe
dans ses pensées. Il n'y a près de Lui que quelque silencieux papillon ou
quelque lézard qui arrive en bruissant et le regarde de ses yeux de jais en
levant sa tête triangulaire à la gorge claire et palpitante. Et rien d'autre.
En cette fin d'après-midi il n'y a pas le moindre souffle de vent parmi les
hautes tiges.
De loin, peut-être du jardin de Lazare, arrive la chanson d'une femme et avec
elle les cris joyeux de l'enfant qui joue avec quelqu'un. Puis une, deux,
trois voix qui appellent : "Maître !"
"Jésus !"
Jésus se secoue et se lève. Si haut que soit le lin à son complet
développement, Jésus émerge largement de cette mer verte et bleue.
"Le voici, là, Jean !"
crie le Zélote.
Et Jean, à son tour crie :
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343> "Mère ! Jésus est ici, dans le lin." Et
pendant que Jésus s'approche du sentier qui va vers les maisons, voici venir Marie.
"Que veux-tu, Mère ?"
"Mon fils, il est arrivé des gentils avec des femmes. Ils disent avoir
appris de Jeanne que tu es ici. Ils disent aussi qu'il t'ont attendu
tous ces jours près de l'Antonia..."
"Ah ! j'ai compris ! J'arrive tout de suite. Où
sont-ils ?"
"Dans la maison de Lazare, dans son jardin. Les romains l'aiment bien et
lui n'a pas pour eux la répulsion que nous avons, nous. Il les a fait entrer
avec leurs chars dans le grand jardin pour ne scandaliser personne."
"C'est bien, Mère.
204.2 -
Ce sont des soldats et des dames romaines. Je le sais."
"Et, que veulent-ils de Toi ?"
"Ce que beaucoup de gens en Israël ne veulent pas : la lumière."
"Mais comment, et qu'est-ce qu'ils te croient ? Dieu,
peut-être ?"
"En leur langage, oui. Pour eux, il est facile d'accueillir l'idée d'une
incarnation d'un dieu dans une chair mortelle, plus que parmi nous."
"Alors, ils sont arrivés à la foi en Toi..."
"Pas encore, Maman. Je dois d'abord détruire la leur. Pour le moment, je
suis à leurs yeux un sage, un philosophe, comme ils disent. Mais soit par
désir de connaître les doctrines philosophiques, soit par, leur tendance à
croire possible l'incarnation d'un dieu, je suis beaucoup aidé pour les
amener à la vraie Foi. Crois-le, ils ont plus de simplicité dans leur pensée
que beaucoup de gens en Israël."
"Mais seront-ils sincères ? On dit que le Baptiste..."
"Non. Si la chose avait dépendu d'eux, Jean serait libre et en sécurité.
Celui qui n'est pas rebelle, ils le laissent tranquille. Bien plus, je te le
dis, près d'eux; le fait d'être prophètes - eux disent philosophes, parce que
l'élévation de la sagesse surnaturelle, pour eux, c'est toujours de la
philosophie - c'est une garantie de respect de leur part. N'en sois pas
préoccupée, Maman. Ce n'est pas de là que me viendra le mal..."
"Mais, les pharisiens... s'ils l'apprennent, que vont-ils dire aussi de
Lazare ? Toi... tu es Toi et tu dois apporter la Parole au monde. Mais
Lazare !... Ils l'ont déjà tant offensé..."
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344> "Mais il est
intouchable. Ils savent qu'il est protégé par Rome."
"Je te quitte, mon Fils. Voici Maximin qui va te conduire aux
gentils" et Marie, qui pendant tout ce temps avait cheminé à côté de
Jésus, se retire rapidement et va vers la maison du Zélote, alors que Jésus
entre par un portillon de fer ouvert dans l'enceinte du jardin, dans une
partie qui en est éloignée, là où le jardin se change en verger, près du lieu
où, plus tard, serait la sépulture de Lazare.
Là se trouve aussi Lazare et personne d'autre: "Maître, je me suis
permis de les recevoir…"
"Tu as bien fait. Où sont-ils ?"
"Là, à l'ombre des buis et des lauriers. Comme tu le vois, ils sont
éloignés au moins de cinq cent pas de la maison."
"Bon, bon...
204.3 - Que
la Lumière vienne vers vous tous."
"Salut, Maître !" dit Quintilianus
qui est en civil.
Les dames se lèvent pour saluer. Il y a Plautina, Valéria
et Lydia et en plus une autre, âgée, dont je ne sais qui elle
est ni ce qu'elle est, si elle est du même rang ou inférieur. Elles sont
toutes vêtues très simplement, sans rien qui les distingue.
"Nous avons voulu t'entendre. Tu n'es pas venu. J'étais de... garde à
ton arrivée, mais je ne t'ai pas vu."
"Moi non plus, je n'ai pas vu un soldat qui était mon ami, à la Porte
des Poissons. Il s'appelait Alexandre..."
"Alexandre ? Je ne sais pas si c'est lui précisément, mais je sais
qu'il y a quelque temps nous avons dû, pour calmer les juifs, éloigner un
soldat, coupable... d'avoir parlé avec Toi. Maintenant il est à Antioche mais
peut-être il reviendra. Ouf ! comme ils sont ennuyeux ces gens... qui
veulent commander, même maintenant qu'ils sont sujets ! Et il faut
manœuvrer pour ne pas arriver à des affaires importantes... Ils nous rendent
la vie difficile, crois-le... Mais Toi, tu es bon et sage. Tu vas nous
parler ? Peut-être que bientôt je vais quitter la Palestine. Je voudrais
avoir quelque chose de Toi, en souvenir."
"Je vais vous parler, oui. Je ne déçois jamais. Que voulez-vous
savoir ?"
Quintilianus regarde les dames d'un air interrogatif...
"Ce que tu veux, Maître" dit Valéria .
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345> 204.4 -
Plautina se lève de nouveau et dit :
"J'ai beaucoup réfléchi... j'aurais tant à
apprendre... tout, pour juger, Mais, s'il est permis de le demander, je
voudrais savoir comment se construit une foi, en Toi par exemple, sur un
terrain que tu as dit privé d'une vraie foi. Tu as dit que nos croyances sont
vaines. Alors, nous restons sans rien. Comment arriver à avoir ?"
"Je vais prendre l'exemple d'une chose que vous possédez: les temples.
Vos édifices sacrés, vraiment beaux, dont l'unique imperfection est d'être
dédiés au Néant, peuvent vous enseigner comment on peut arriver à avoir une
foi et où placer la foi. Observez. Où sont-ils construits ? Quel lieu
choisit-on si possible pour eux ? Comment sont-ils construits ?
L'endroit, généralement est spacieux, dégagé et élevé. Et s'il n'est pas
spacieux et dégagé, on le fait tel en démolissant tout ce qui encombre ou
limite le terrain. S'il n'est pas élevé, on le surélève sur un stéréobate
plus élevé que celui de trois marches, utilisé pour les temples situés déjà
sur un lieu naturellement élevé. Enfermés dans une enceinte sacrée, la
plupart du temps, et formée de colonnades et de portiques à l'intérieur
desquels sont renfermés des arbres consacrés aux dieux, des fontaines et des
autels, des statues et des stèles, ils sont d'ordinaire précédés du propylée
au-delà duquel se trouve l'autel où l'on fait les prières aux divinités. En
face, il y a l'endroit du sacrifice car le sacrifice précède la prière. Souvent,
et spécialement pour les plus grands, un péristyle les entoure d'une
guirlande de marbres précieux. À l'intérieur il y a le vestibule antérieur, à
l'extérieur ou à l'intérieur du péristyle, la chambre du dieu, le vestibule
postérieur. Les marbres, les statues, les frontons, les acrotères et les
tympans tous polis, précieux, décorés font du temple un édifice très noble,
même pour la vue la plus grossière. N'est-ce pas ainsi ?"
"C'est ainsi, Maître. Tu les as vus et très bien étudiés" confirme
en le louant Plautina.
"Mais s'il est si bien établi qu'il n'a jamais quitté la
Palestine !?" s'exclame Quintilianus.
"Je n'en suis jamais sorti pour aller à Rome ou à Athènes, mais je
n'ignore pas l'architecture de la Grèce et de Rome. Dans le génie de l'homme qui a décoré le
Parthénon, j'étais présent, car je suis partout où il y a vie et
manifestation de la vie. Là où un sage pense, un sculpteur sculpte, un poète
compose, une mère chante sur un berceau, un homme se fatigue sur les sillons,
un médecin lutte contre les maladies, un vivant respire, un animal vit, un
arbre pousse, je suis là avec Celui de qui je viens.
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346> Dans
le grondement d'un tremblement de terre ou le fracas de la foudre, dans la
lumière des étoiles et le mouvement des marées, dans le vol de l'aigle ou
dans le sifflement du moustique, je me trouve avec le Créateur
Très-Haut."
"De sorte que... Toi... Toi, tu connais tout ? Aussi bien les
pensées que les œuvres humaines ?" demande encore Quintilianus.
"Je sais."
Les romains se regardent stupéfaits.
204.5 -
Un silence prolongé et puis, timidement, Valéria demande instamment :
"Développe ta pensée, Maître, pour que nous sachions que faire."
"Oui. La Foi se construit comme on construit les temples dont vous êtes
si fiers. On fait un emplacement pour le temple, on dégage les alentours, on
surélève son emplacement."
"Mais le temple pour y mettre la foi, cette déité vraie, où
est-il ?" demande Plautina.
"Ce n'est pas une déité, la foi, Plautina. C'est une vertu. il n'y a pas
de déités dans la foi vraie, mais il existe un Dieu Unique et Vrai."
"Alors... il est là-haut, seul, dans son Olympe ? Et que fait-Il
s'Il est seul ?"
"Il se suffit à Lui-même et s'occupe de tout ce qu'il y a dans la
création. Je te l'ai dit précédemment : même au sifflement du moustique
Dieu est présent. il ne s'ennuie pas, n'en doute pas. Ce n'est pas un pauvre
homme, maître d'un immense empire où il se sent haï et où il vit dans la
crainte. Il est l'Amour, et Il vit en aimant. Sa Vie est un Amour continu. Il
se suffit à Lui-même parce qu'Il est infini et très puissant. Il est la
Perfection. Mais si nombreuses sont les choses créées qui vivent de son continuel
vouloir qu'il n'a pas le temps de s'ennuyer. L'ennui est le fruit de
l'oisiveté et du vice. Au Ciel du Vrai Dieu, il n'y a pas d'oisiveté et
il n'y a pas de vice. Mais bientôt Il aura, en plus des anges qui maintenant
Le servent, un peuple de justes qui jubileront en Lui. Et ce peuple
s'accroîtra toujours plus de ceux qui dans l'avenir croiront au Vrai
Dieu."
"Les anges, ce sont les génies ?" demande Lydia .
"Non, ce sont des êtres spirituels comme l'est Dieu qui les a
créés."
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347> "Et les génies
alors que sont-ils ?"
"Tels que vous les imaginez ils ne sont que mensonge. Comme vous les
imaginez, ils n'existent pas. Mais ils correspondent à un besoin instinctif
de l'homme de chercher la vérité. Cela vient d'un aiguillon de l'âme qui est
vivante et présente même chez les païens. Elle souffre aussi en eux, car elle
est déçue dans son désir, car dans sa nostalgie, elle est affamée du Dieu
Vrai dont elle garde le souvenir, dans ce corps où elle habite et qui est
gouverné par un esprit païen. Même vous, vous avez eu conscience que l'homme
n'est pas seulement de la chair et qu'à son corps périssable est uni quelque
chose d'immortel. C'est en ce sens que les villes et les nations possèdent un
génie. Voilà alors pourquoi vous croyez, vous éprouvez le besoin de croire
aux "génies". Et vous vous donnez le génie de l'individu, celui de
la famille, de la ville, des nations. Vous avez le "génie de Rome",
"le génie de l'empereur" et vous les adorez comme des divinités
mineures. Entrez dans la vraie foi. Vous aurez la connaissance et l'amitié de
votre ange auquel vous devrez vénération, mais pas adoration. Dieu seul doit
être adoré."
204.6 -
Publius Quintilianus demande :
"Tu as dit: "Aiguillon de l'âme qui est vivante et présente même
chez les païens, et qui souffre en eux parce qu'elle est déçue". Mais
l'âme, de qui vient-elle ?"
"De Dieu. C'est Lui son Créateur."
"Mais ne naissons-nous pas d'une femme par son union avec un
homme ? Même nos dieux sont ainsi engendrés."
"Vos dieux n'existent pas. Ce sont des
fruits de votre imagination qui a besoin de croire, car ce besoin est plus
impérieux que celui de respirer. Même celui qui affirme qu'il ne croit
pas, a une croyance. il croit en quelque chose. Le seul fait de dire :
"Je ne crois pas en Dieu" présuppose une autre foi. En soi-même,
peut-être, en son propre esprit orgueilleux. Mais, pour ce qui est de croire,
on croit toujours. C'est comme la pensée. Si vous dites : "Je ne
veux pas penser" ou bien : "Je ne crois pas en Dieu",
rien que par ces deux phrases que vous dites, vous montrez que vous pensez,
que vous ne voulez pas croire en Celui dont vous savez qu'il existe, et
auquel vous ne voulez pas penser. En ce qui concerne l'homme, pour être
exacts dans l'expression de la pensée, vous devez dire : "L'homme
est engendré comme tous les animaux par une union entre mâle et femelle.
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348> Mais l'âme, c'est-à-dire
cette chose qui différencie l'animal-homme de l'animal-brute, vient de Dieu.
Il la crée toutes les fois qu'un homme est engendré, ou plutôt : qu'il
est conçu dans un sein et il la greffe en cette chair qui autrement serait
seulement animale"
"Et nous la possédons ? Nous païens ? À entendre tes
concitoyens il ne semble pas..." dit Quintilianus ironique.
"Tout être qui naît de la femme la possède."
"Tu as dit pourtant que le péché la tue. Comment alors en nous pécheurs
est-elle vivante ?" demande Plautina.
"Vous ne péchez pas en matière de foi,
puisque vous croyez être dans le Vrai. Quand vous connaîtrez la Vérité et que
vous persisterez dans l'erreur, alors vous pécherez. De même beaucoup de
choses qui sont péché pour les israélites, pour vous ne le sont pas, parce
qu'aucune loi divine ne vous les interdit. Le péché c'est quand quelqu'un
se révolte sciemment contre l'ordre donné par Dieu et qu'il dit :
"Je sais que ce que je fais est mal, mais je veux le faire quand
même". Dieu est juste. Il ne peut punir quelqu'un qui fait le mal en
croyant faire le bien. Il punit celui qui, ayant eu la possibilité de
connaître le Bien et le Mal, choisit ce dernier et y persiste."
"Alors, en nous l'âme existe, vivante et présente ?"
"Oui."
"Et elle souffre ? Crois-tu vraiment qu'elle se souvienne de
Dieu ? Nous ne nous souvenons pas du sein qui nous a portés. Nous ne
pourrions pas dire comment il est fait intérieurement. L'âme, si j'ai bien
compris, est spirituellement engendrée par Dieu. Comment peut-elle se
souvenir de Lui si le corps ne se souvient pas de son long séjour dans le
sein ?"
"L'âme n'est pas une brute, Plautina.
L'embryon, oui .
C'est si vrai que l'âme n'est donnée que quand le fœtus est déjà formé .
L'âme est, à la ressemblance de Dieu, éternelle et spirituelle. Éternelle à
partir du moment où elle est créée, tandis que Dieu est le Très parfait,
Éternel et pour cette raison n'a pas de commencement dans le temps, comme Il
n'aura pas de fin. L'âme, lucide, intelligente, spirituelle, œuvre de
Dieu, s'en souvient .
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349> Et elle souffre parce qu'elle désire Dieu,
le vrai Dieu de qui elle vient, et elle a faim de Dieu. Voilà pourquoi elle
aiguillonne le corps engourdi pour chercher à s'approcher de Dieu."
204.7 -
"Alors, nous avons une âme comme ceux de votre peuple que vous appelez
"justes" ? Vraiment la même ?"
"Non, Plautina. Cela dépend de ce que tu veux dire. Si tu veux parler de
l'origine et de la nature, votre âme est en tout égale à celle de nos saints.
Si tu parles de la formation, alors je te dis que déjà elle est différente.
Si tu veux parler de la perfection atteinte avant la mort, alors la
différence peut être absolue. Mais cela n'est pas seulement pour vous les
païens. Même un fils de ce peuple peut être absolument différent d'un saint
dans la vie future.
L'âme passe par trois phases. La première c'est la création. La
seconde c'est une nouvelle création. La troisième c'est la perfection. La
première phase est commune à tous les hommes. La seconde est propre
aux justes qui par leur volonté amènent l'âme à une création encore plus
complète, en unissant leurs bonnes actions à la bonté du travail de Dieu et
se font par conséquent une âme déjà plus parfaite spirituellement que la
première. C'est un trait d'union entre la première phase et la troisième. La
troisième est propre aux bienheureux, aux saints, s'il vous plaît de les
appeler ainsi, qui ont fait grandir de mille et mille degrés l'âme qu'ils
avaient au point de départ, une âme simplement humaine et en ont fait une âme
capable de reposer en Dieu."
204.8 -
"Comment pouvons-nous donner à l'âme espace, liberté,
élévation ?"
"En démolissant les choses inutiles que vous avez en votre moi. La
libérer de toutes les idées fausses et avec les débris de ces démolitions
l'élever pour établir le temple souverain. Il faut que l'âme monte toujours
plus haut au-dessus des trois degrés.
Oh ! vous romains, vous aimez les symboles. Considérez les trois degrés
à la lumière d'un symbole. Ils peuvent vous dire leurs trois noms :
pénitence, patience, constance. Ou bien : humilité, pureté, justice. Ou
encore : sagesse, générosité, miséricorde.
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350> Ou enfin le trinôme lumineux :
foi, espérance, charité. Considérez encore le symbole de l'enceinte qui,
ornée et robuste, entoure l'aire du temple. Il faut savoir entourer l'âme,
reine d'un corps qui est le temple de l'Esprit éternel, d'une barrière qui la
défende sans pourtant lui couper la lumière ni l'accabler par la vue des
laideurs. Une en- ceinte sûre et affranchie du désir de l'amour de tout ce
qui est inférieur: la chair et le sang, pour monter vers ce qui est
supérieur: l'esprit. L'affranchir à force de volonté, faire disparaître les
angles, les ébréchures, les taches, les veines d'imperfection du marbre de
notre moi pour donner à l'âme un entourage parfait. Et, en même temps,
de l'enceinte établie pour protéger le temple, en faire un miséricordieux
refuge pour les plus malheureux qui ne savent pas ce que c'est que la
Charité. Les portiques : c'est le symbole de l'effusion de l'amour, de
la pitié, du désir que les autres viennent à Dieu, semblables à des bras
aimants qui s'étendent pour faire un voile sur le berceau d'un orphelin.
Au-delà de l'enceinte, les plantes les plus belles et les plus parfumées en
hommage au Créateur. Semées sur un terrain d'abord nu, et puis cultivées
symbolisant les vertus de tous noms : la seconde enceinte vivante et
fleurie autour du sanctuaire; et parmi les plantes, parmi les vertus, les
fontaines, autre amour, autre purification avant de s'approcher du propylée
qui en est proche et, avant de monter à l'autel, on doit sacrifier
l'attachement à la chair, se dépouiller de la luxure. Et puis aller
plus loin, à l'autel, pour y présenter l'offrande et puis encore vous
approcher de la chambre où se trouve Dieu, en dépassant le vestibule. Et la
chambre, que sera-t-elle ? Un trésor de richesses spirituelles car rien
n'est de trop pour environner Dieu.
Avez-vous compris ? Vous m'avez demandé comment se
construit la Foi. Je vous ai dit : "En suivant la méthode qu'on
emploie pour construire les temples". Vous voyez que c'est vrai.
204.9 -
Avez-vous autre chose à me dire ?"
"Non, Maître. Je crois que Flavia
a écrit les choses que tu as dites. Claudia veut en prendre connaissance.
As-tu écrit ?"
"Exactement" dit la femme en passant les tablettes enduites de
cire.
"Cela restera pour permettre de les relire" dit Plautina.
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351> "C'est
de la cire, cela s'efface. Écrivez-les dans vos cœurs. Ces paroles ne
s'effaceront plus."
"Maître, ils sont encombrés de temples illusoires. Nous lancerons contre
eux ta Parole pour les jeter à terre. Mais c'est un long travail" dit
Plautina en soupirant. Et elle termine en disant : "Souviens-toi de
nous près de ton Ciel..."
"Partez avec la certitude que je le ferai. Je vous quitte. Sachez que
votre venue m'a été bien chère. Adieu, Publius Quintilianus. Souviens-toi de
Jésus de Nazareth."
Les femmes saluent et s'en vont les premières. Puis, pensif, Quintilianus
s'en va. Jésus les regarde partir en compagnie de Maximin qui les reconduit à
leurs chars.
204.10 -
"À quoi penses-tu, Maître ?" demande Lazare.
"Qu'il y a beaucoup de malheureux au monde."
"Et je suis l'un d'entre eux."
"Pourquoi, mon ami ?"
"Parce que tout le monde vient à Toi, mais pas Marie. Sa ruine est donc
plus grande ?"
Jésus le regarde et sourit.
"Tu souris ? Mais tu ne souffres pas que Marie soit
inconvertissable ? Tu ne souffres pas de me voir souffrir ? Marthe
ne fait que pleurer depuis la soirée de lundi. Qui était cette femme ?
Ne sais-tu pas que pendant une journée entière nous avons espéré que c'était
elle ?"
"Je souris parce que tu es un enfant impatient... Et je souris parce que
je pense que vous gaspillez votre énergie et vos larmes. Si ç'avait été elle,
je serais accouru vous le dire."
"Alors, ce n'était vraiment pas elle ?"
"Oh ! Lazare !..."
"Tu as raison. Patience ! Patience encore !... Voici, Maître,
les bijoux que tu m'as donnés à vendre. Ils sont devenus de l'argent pour les
pauvres. Ils étaient très beaux. Des bijoux de femme."
"C'étaient ceux de "cette" femme."
"J'y ai bien pensé. Ah ! s'ils avaient été ceux de Marie... Mais
elle, mais elle !... Je perds l'espoir, mon Seigneur !..."
Jésus l'embrasse et reste un moment sans parler. Puis il dit :
"Je te prie de ne pas parler de ces bijoux à qui que ce soit. Elle doit
échapper aux admirations et aux désirs comme une petite nuée que le vent
emmène ailleurs, sans qu'il en reste trace sur l'azur."
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352> "Sois tranquille,
Maître... et, en échange, amène-moi Marie, notre malheureuse Marie..."
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