Le dimanche 24 juin
1945.
(fête de la saint Jean-Baptiste).
303> 199.1 – La splendide matinée invite vraiment
à la promenade. On quitte les lits et les maisons, et les habitants de la
maison du Zélote, comme autant d'abeilles au premier
soleil, se lèvent en vitesse et sortent respirer l'air pur dans le verger de
Lazare qui entoure le petit logis hospitalier. Les ont vite rejoints ceux qui
sont logés chez Lazare, à savoir : Philippe,
Barthélemy, Mathieu, Thomas,
André et Jacques de Zébédée.
Le soleil pénètre joyeux par toutes les fenêtres et les portes grandes
ouvertes et les pièces, simples et propres, se revêtent d'une teinte dorée
qui avive les couleurs des vêtements et fait briller les cheveux et les
pupilles.
Marie d'Alphée et Salomé sont occupées à servir ces hommes au
vigoureux appétit. Marie, de son côté, surveille un
serviteur de Lazare qui peigne les cheveux de Marziam avec plus de savoir-faire que son
premier barbier : "Pour le moment, ainsi, dit le serviteur. Puis,
quand tu auras offert à Dieu tes cheveux d'enfant,
je te les raccourcirai bien.
304> La chaleur arrive et
tu seras mieux sans cheveux dans le cou. Et ils reprendront de la force. Ils
sont secs et cassants, négligés. Tu le vois, Marie ? Ils ont besoin de
soins. Maintenant j'y mets de l'huile pour les tenir en place. Tu sens, mon
enfant, quelle bonne odeur ? C'est l'huile qui sert à Marthe. Amande,
palme et moelle avec les essences les plus fines et les plus rares. Cela fait
très bien. Ma maîtresse m'a dit de conserver ce petit vase pour l'enfant.
Oh ! voilà ! Maintenant tu sembles le fils du roi."
Et le serviteur, qui est peut-être le barbier de la maison de Lazare, donne
une tape à la joue de Marziam, salue Marie et s'en va satisfait.
"Viens que je t'habille" dit Marie à l'enfant qui pour l'instant
n'a qu'une petite tunique à manches courtes.
Je crois que c'est la chemise ou ce qui en ce temps-là en tenait lieu. À
cause de la finesse du lin, je comprends qu'elle faisait partie du trousseau
de Lazare enfant. Marie enlève le linge de bain où Marziam était enveloppé et
lui passe le sous-vêtement froncé au cou et aux poignets, et le vêtement de
dessus rouge, de laine, au large décolleté et aux larges manches. Le lin
brillant ressort très blanc au cou et aux manches de l'étoffe rouge et mate.
La main de Marie a pourvu, pendant la nuit, à mettre aux mesures la longueur
du vêtement et des manches, et maintenant tout va bien surtout quand Marie
lui ceint la taille avec la soyeuse bande de la ceinture qui se termine avec
un pompon de laine blanche et rouge. L'enfant ne semble plus le pauvre petit
qu'il était il y a quelques jours.
"Maintenant va jouer sans te salir pendant que je me prépare" dit
Marie en le caressant.
Et il sort, en sautant content, pour chercher ses grands amis.
199.2 – Le premier qui le voit, c'est
Thomas :
"Mais comme tu es beau ! Comme pour les noces ! Tu
m'éclipses" dit le toujours jovial Thomas, grassouillet, tranquille.
Et il le prend par la main en disant :
"Viens, nous allons chez les femmes. Elles te cherchent pour te donner
la becquée."
Ils entrent dans la cuisine et Thomas fait sursauter les deux Marie penchées
sur les fourneaux en criant de sa grosse voix :
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305> "Voici un
jeune homme qui vous demande" et, en riant, il présente l'enfant qui
s'était caché derrière sa robuste personne.
"Oh ! chéri ! Mais viens que je t'embrasse ! Regarde,
Salomé, comme il est bien !" s'exclame Marie d'Alphée.
"C'est vrai ! Maintenant il n'a plus qu'à devenir plus robuste.
Mais moi, j'y penserai. Viens que je t'embrasse, moi aussi" répond
Salomé.
"Mais Jésus le confie aux bergers..." objecte Thomas.
"Jamais de la vie ! En cela mon Jésus se trompe. Que voulez-vous et
que savez-vous faire, vous, les hommes ? Vous disputer - car soit dit en
passant, vous êtes plutôt querelleurs... comme les chevreaux qui s'aiment,
mais qui se donnent des coups de cornes - manger, parler, avoir mille besoins
et prétendre que le Maître ne pense qu'à vous... autrement, vous boudez...
Les enfants ont besoin des mères. N'est-ce pas…, comment
t'appelles-tu ?"
"Margziam."
"Ah ! bon ! Mais ma Marie bénie pouvait te donner un nom plus
facile !"
"C'est presque le sien !" s'exclame Salomé.
"Oui, mais le sien est plus simple. Il n'y a pas ces trois consonnes au
milieu...
Trois, cela fait trop..."
L'Iscariote est entré et dit :
"Elle a pris le nom exact pour ce qu'il veut dire, conforme à l'ancienne
langue."
"C'est bien. Mais c'est difficile, et moi j'en enlève une et je dis
Marziam. C'est plus facile et cela n'amènera pas la fin du monde. N'est-ce
pas Simon ?"
Pierre, qui passe devant la fenêtre et qui parle avec Jean d'En-Dor, s'avance et
dit :
"Que veux-tu ?"
"Je disais que l’enfant, moi je l'appelle Marziam, c'est plus
facile."
"Tu
as raison, femme. Si la Mère me le permet je l'appelle ainsi, moi aussi. Mais
comme tu es bien ! Et, moi aussi. Hé ! Regardez !"
En effet, il est bien brossé, les joues rasées, les cheveux et la barbe bien
peignés, pommadés, le vêtement sans faux plis, des sandales qui semblent
neuves tant elles sont propres et astiquées avec je ne sais quoi. Les femmes
l'admirent et lui rit, content.
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306> L'enfant a fini son repas et sort
pour aller trouver son grand ami, qu'il appelle toujours :
"Père."
199.3 – Voici
Jésus qui arrive de la maison de Lazare, avec Lazare lui-même, et il dit à
l'enfant qui accourt à sa rencontre :
"La paix entre nous, Marziam ! Donnons-nous le baiser de
paix."
Lazare, salué par l'enfant, le caresse et lui donne une douceur. Tous se
réunissent autour de Jésus, et aussi Marie, habillée d'un vêtement de laine
de couleur turquoise sur lequel est drapé un manteau plus foncé, vient en
souriant vers son Fils.
"Alors, nous pouvons aller, dit Jésus. Toi, Simon, avec la Mère et
l'enfant, si tu tiens à faire l'achat même maintenant que Lazare y a
pourvu."
"Mais certainement ! Et puis... je pourrai dire que pour une fois
j'ai pu accompagner ta Mère. Grand honneur."
"Et alors, vas-y. Toi, Simon, tu vas m'accompagner chez tes amis
les lépreux..."
"Vraiment, Maître ? Alors, si tu le permets, je cours devant, les
rassembler... Tu me rejoindras... Tu sais bien où ils se trouvent..."
"C'est bien, vas-y. Que les autres fassent ce qui leur plaît. Vous êtes
tous libres jusqu'à mercredi matin. À l'heure de tierce, tout le monde à la
Porte Dorée."
"Moi, je viens avec Toi, Maître" dit Jean.
"Moi aussi" dit son frère Jacques.
"Et nous aussi" disent les deux cousins.
"Moi aussi, je viens" dit Matthieu et avec lui André.
"Et moi, je voudrais bien venir moi aussi... mais si je vais faire
l'achat... je ne puis venir" dit Pierre, pris entre deux désirs.
"Oui, cela peut s'arranger. D'abord on va vers les lépreux. Pendant ce
temps-là, ma Mère et l'enfant vont dans une maison amie d'Ophel.
Après cela, nous la rejoignons et tu vas avec elle pendant que Moi et les
autres, nous allons chez Jeanne. Nous nous retrouverons à
Gethsémani pour le repas et vers le crépuscule nous reviendrons ici."
"Moi, si tu le permets, je vais trouver quelques amis..." dit Judas Iscariote.
"Mais, je l'ai dit. Faites ce que vous voulez."
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307> "Alors, moi j'irai chez des
parents. Peut-être mon père est-il déjà venu. Dans ce cas, je te
l'amène" dit Thomas.
"Nous deux, qu'en dis-tu Philippe ? On pourrait aller chez
Samuel."
"D'accord" répond Philippe à Barthélemy.
"Et toi, Jean ?" demande Jésus à l'homme d'En-Dor.
"Préfères-tu rester ici pour ranger tes livres ou venir avec
Moi ?"
"Vraiment je préférerais venir avec Toi... Les livres... me plaisent
déjà moins. Je préfère te lire, Toi, Livre Vivant."
"Alors, viens. Adieu, Lazare, à..."
"Mais, je viens moi aussi. Mes jambes vont un peu mieux, et après les
lépreux, je te laisserai pour aller à Gethsémani t'attendre."
"Allons. Paix à vous, femmes."
Jusqu'aux environs de Jérusalem, ils sont tous ensemble. Puis ils se
séparent. L'Iscariote s'en va seul de son côté et il entre dans la ville
probablement par la Porte qui se trouve vers la Tour Antonia.
Thomas, Philippe et Nathanaël
font encore quelques dizaines de mètres avec Jésus et
leurs compagnons, et entrent ensuite dans la ville, dans le faubourg d'Ophel,
en même temps que Marie et l'enfant.
199.4 – "Et
maintenant, allons voir ces malheureux !" dit Jésus.
Et, tournant le dos à Jérusalem, il se dirige vers un lieu désolé situé sur
les pentes d'une colline rocheuse qui se trouve entre les deux routes qui
vont de Jéricho à Jérusalem. C'est un lieu étrange où on accède par des
sortes de gradins. Après la première marche, on grimpe un sentier et le
premier palier est surélevé d'au moins trois mètres au-dessus du sentier et
de même pour le second. Lieu aride, mort... très triste.
"Maître, crie Simon le Zélote, je suis ici. Arrête-toi pour que je te
montre le chemin..."
Et le Zélote, qui s'était adossé à la roche pour avoir un peu d'ombre,
s'avance et conduit Jésus par un sentier à gradins qui va vers Gethsémani
mais séparé de celui-ci par la route qui du mont des Oliviers va à Béthanie.
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308>
Suit le dessin de Maria Valtorta que nous reproduisons ici. Elle y a mis au centre
le “petit mont”, sur le sommet duquel elle a écrit à trois reprises
“lépreux”. Au nord se trouve “Gethsémani”, dont elle fait partir “La route la
plus courte pour Béthanie et Jéricho”. De l’autre côté, elle a écrit au
crayon : “Le mont des Oliviers est ici”. À l’ouest elle fait couler le
“Cédron” au-delà
duquel elle a tracé “La route la plus longue pour Béthanie et Jéricho”.
"Nous
y voilà. J'ai vécu au milieu des tombeaux de Siloan et ici se trouvent mes amis. Une
partie d'entre eux. Les autres sont à Ben
Hinnom, mais ne peuvent venir... Ils devraient traverser la
route, et on les verrait."
"Nous irons aussi les trouver."
"Merci ! Pour eux et pour moi."
"Ils sont nombreux ?"
"L'hiver a tué le plus grand nombre, mais ici, il y en a encore cinq de
ceux auxquels j'avais parlé. Ils t'attendent. Les voilà sur le bord de leur
bagne..."
Ils doivent être
une dizaine de monstres. Je dis "doivent être" car s'il y en a cinq
qu'on distingue bien, debout, les autres à cause de la grisaille de la peau,
de la difformité de leurs visages qui émergent à peine de la pierraille, on
les voit si mal qu'ils pourraient être plus ou moins de cinq. Parmi eux,
debout il y a une seule femme. On ne peut l'identifier qu'à cause de ses
cheveux devenus blancs et qui retombent incultes, durs et sales sur les
épaules jusqu'à la ceinture. Pour le reste, rien n'indique le sexe car la
maladie, très avancée, en a fait presque un squelette supprimant toute
courbure féminine. Ainsi en est-il des hommes dont un seul présente un reste
de moustache et de barbe. Les autres ont été rasés par la maladie
destructrice.
Ils crient : "Jésus, notre Sauveur, aie pitié de nous !"
et montrent leurs mains difformes et ulcérées.
"Jésus, Fils de David, aie pitié !"
"Que voulez-vous que je vous fasse ?" demande Jésus en levant
son visage vers ces misères.
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309> "Que tu nous sauves du péché et de la
maladie."
"Du péché sauve la volonté et le repentir..."
"Mais, si tu veux, tu peux effacer nos péchés. Eux, au moins, si tu ne
veux pas guérir nos corps."
"Si je vous dis : "Choisissez entre les deux choses"
laquelle voulez-vous ?"
"Le pardon de Dieu, Seigneur, pour être moins désolés".
Jésus fait un signe d'approbation, avec un sourire lumineux,
puis il lève les bras et crie :
"Soyez exaucés, je le veux."
Exaucés ! Ce peut être pour le péché comme pour la maladie, ou pour les
deux choses, et les cinq malheureux restent dans l'incertitude. Mais les
apôtres ne sont pas incertains, et ils ne peuvent s'empêcher de crier leur
hosanna en voyant la lèpre disparaître comme le flocon de neige qui tombe sur
le feu. Et alors les cinq comprennent qu'ils sont exaucés complètement. Leurs
cris résonnent comme une sonnerie de victoire. Ils s'embrassent entre eux et
envoient des baisers à Jésus, ne pouvant se précipiter à ses pieds, et puis,
ils se tournent vers leurs compagnons en disant :
"Et vous, vous ne voulez pas encore croire ? Mais quels malheureux
vous êtes ?"
"Soyez bons ! Vos pauvres frères ont besoin de réfléchir. Ne leur
dites rien. La foi ne s'impose pas. On la prêche par la paix, la
douceur, la patience, la constance. C'est
ce que vous ferez après votre purification, comme Simon l'a fait pour vous.
Du reste le miracle est déjà lui-même une prédication. Vous, qui êtes guéris,
allez au plus tôt trouver le prêtre. Vous, les malades, attendez-nous ce
soir. Nous vous apporterons des vivres. La paix soit avec vous."
Jésus descend de nouveau sur la route, accompagné par les bénédictions de
tous.
199.5 – "Et maintenant, allons à
Ben Hinnom" dit Jésus.
"Maître... je voudrais venir, mais je me rends compte que je ne le puis.
Je vais à Gethsémani" dit Lazare.
"Vas-y. Va, Lazare. La paix soit avec toi."
Pendant que Lazare s'éloigne lentement, Jean l'apôtre dit :
"Maître, je l'accompagne. Il est fatigué et le chemin n'est pas très
bon. Ensuite, je te rejoins à Ben Hinnom."
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310> "Bien, vas-y. Allons."
Ils passent le Cédron,
côtoient le côté sud du mont Tophet et entrent dans la petite vallée, toute
remplie de tombeaux et d'ordures, sans un arbre, sans rien, sur ce côté
méridional, qui fasse écran au soleil. Il darde ses rayons et enflamme la
pierraille de ces nouvelles terrasses d'enfer, à la base desquelles fument
des feux pestilentiels qui augmentent la chaleur. À l'intérieur de ces tombeaux, pareils à des fours
crématoires, il y a des pauvres corps qui se consument... Siloan doit être
terrible en hiver, humide comme il l'est et tourné presque vers le nord, mais
il doit être affreux en été...
Simon le Zélote pousse un cri d'appel et d'abord trois, puis
deux, puis un, et un autre encore viennent comme ils peuvent jusqu'à la
limite qui leur est imposée. Ici il y a deux femmes et l'une tient par la
main une horreur d'enfant dont la lèpre a atteint particulièrement le visage.
Il est déjà aveugle...
Il y a un homme de noble allure malgré sa misérable condition. Il prend la
parole au nom de tous :
"Que soit béni le Messie du Seigneur qui est descendu dans notre Géhenne
pour en tirer ceux qui espèrent en Lui. Sauve-nous, Seigneur, que nous ne
périssions pas ! Sauve-nous, Sauveur ! Roi de la souche de David,
Roi d'Israël, aie pitié de tes sujets. Oh ! Bourgeon de la tige de
Jessé, dont il est dit que quand tu viendras il n'y aura plus de mal, étends
ta main pour recueillir ces restes de ton peuple. Fais disparaître de nous
cette mort, essuie nos larmes, puisque c'est ce qu'on à dit de Toi.
Appelle-nous, Seigneur, à tes excellents pâturages, à tes douces eaux car
nous sommes assoiffés. Emmène-nous sur les collines éternelles où il n'y a
plus de faute ni de souffrance. Aie pitié, Seigneur..."
"Qui es-tu ?"
"Jean, du Temple. Contaminé peut-être par un lépreux. Depuis peu, et tu
le vois, la maladie est sur moi. Mais eux !... Il y en a qui attendent
la mort depuis des années et cette petite est ici depuis le temps où elle ne
savait pas encore marcher. Elle ne connaît pas la création de Dieu. Tout ce
qu'elle connaît ou dont elle se souvient des merveilles de Dieu, ce sont ces
tombeaux, ce soleil impitoyable et les étoiles de la nuit. Pitié pour les
coupables et pour les innocents, Seigneur, notre Sauveur."
Ils se sont tous agenouillés en tendant les mains.
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311> Jésus pleure sur tant de misère et puis il ouvre les
bras en criant :
"Père, je le veux : le salut, la vie, la vue et la santé pour
eux."
Il reste, les bras ouverts, dans une prière intense de tout son esprit. Il
semble s'affiner et s'élever en priant, flamme d'amour, blanche et puissante
dans la puissante lumière dorée du soleil.
"Maman, je vois !"
C'est le premier cri, auquel répond le cri de la mère qui presse contre son
cœur l'enfant guérie, et puis le cri des autres et celui des apôtres... Le
miracle est accompli.
"Toi, Jean, qui es prêtre, tu conduiras tes compagnons pour le rite. La
paix soit avec vous. À vous aussi nous apporterons des vivres dans la
soirée."
Il bénit et se dispose à s'éloigner.
Mais Jean le lépreux crie :
"Je veux venir sur tes pas. Dis-moi ce que je dois faire, où je dois
aller pour parler de Toi !"
"Sur cette terre désolée et nue qui a besoin de se convertir au
Seigneur. Que la cité de Jérusalem soit ton champ d'action. Adieu."
199.6 – "Et maintenant allons
trouver la Mère" dit-il ensuite aux apôtres.
"Mais où est-elle ?" demandent plusieurs.
"Dans une maison que Jean connaît. Dans la maison de la jeune fille
guérie l'an dernier."
Ils entrent dans la ville, parcourent une bonne partie du faubourg populeux
d'Ophel jusqu'à une petite maison blanche.
Jésus entre avec son doux salut dans la maison dont la porte est entrouverte.
Il en sort la douce voix de Marie et la voix argentine d'Annalia et celle plus rude de sa mère. La jeune fille
se prosterne en adorant, la mère s'agenouille, Marie se lève.
Elles voudraient retenir le Maître avec sa Mère. Mais Jésus, en promettant de
revenir un autre jour, les bénit et prend congé. Pierre s'en va heureux avec
Marie. Ils tiennent tous les deux l'enfant par la main et ressemblent à une
famille heureuse. Beaucoup de gens se retournent pour les regarder. Jésus
observe leur démarche avec un sourire.
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312> "Simon est
heureux !" s'exclame le Zélote.
"Pourquoi souris-tu, Maître ?" demande Jacques de Zébédée.
"Parce que je vois dans ce groupe une grande promesse."
"Quelle promesse, Frère ? Que vois-tu ?" demande le
Thaddée.
"Voici ce que je vois : je pourrai m'en aller tranquille quand ce
sera l'heure. Je ne dois pas craindre pour mon Église. Alors elle sera petite
et chétive comme Marziam. Mais il y aura ma Mère, pour la tenir comme cela
par la main et lui servir de Mère ; et il y aura Pierre pour lui servir
de père. Dans sa main honnête et calleuse, je puis, sans me préoccuper,
mettre la main de mon Église naissante. Pierre lui donnera la force de sa
protection, ma Mère la force de son amour. Et l'Église grandira... comme
Marziam... C'est vraiment l'enfant-symbole ! Que Dieu bénisse ma Mère,
mon Pierre et leur enfant, notre enfant ! Allons maintenant chez
Jeanne..."
199.7 – ...
Et de nouveau nous sommes, au soir, dans la petite maison de Béthanie.
Plusieurs, fatigués, se sont déjà retirés. Mais Pierre fait les cent pas dans
le sentier, levant très souvent la tête vers la terrasse où sont assis,
parlant ensemble, Jésus et Marie. Jean d'En-Dor, de son côté, parle avec le
Zélote assis avec lui sous un grenadier tout en fleurs.
Marie a déjà beaucoup parlé, car j'entends Jésus lui dire :
"Tout ce que tu m'as dit est très juste et j'en garderai présente à mon
esprit la justesse. Et, pour Annalia aussi, je dis que ton conseil est juste.
Que l'homme l'ait accueilli avec tant de promptitude, c'est bon signe. Vraiment la haute société de Jérusalem est fermée et
rancunière, je pourrais même dire remplie d'ordure. Mais dans son petit
peuple, il y a des perles dont on ignore le prix. Je suis content qu'Annalia
soit heureuse... C'est une créature qui appartient davantage au Ciel qu'à la
terre, et peut-être l'homme, maintenant qu'il juge selon l'esprit, s'en rend compte
et en a un respect révérenciel. Son idée d'aller ailleurs pour ne pas
troubler par un sentiment humain le vœu candide de sa promise le
prouve."
"Oui, mon Fils. L'homme perçoit le parfum virginal... Je me souviens de
Joseph. Je ne savais de quels mots me servir. Lui ne con- naissait pas mon
secret... Et pourtant il m'aida à le dire parce que sa sainteté le lui avait
fait percevoir.
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313> Il avait perçu l'odeur de mon âme... Vois aussi
Jean ? ...Quelle paix !... Et tout le monde le recherche... Judas
de Kérioth, lui-même, bien que... Non, Fils, Judas n'est pas changé. Je le
sais et tu le sais. Nous n'en parlons pas pour ne pas commencer la guerre.
Mais sans en parler, nous savons... et même si nous n'en parlons pas les
autres en ont l'intuition... Oh ! mon Jésus ! Les jeunes m'ont
raconté aujourd'hui, à Gethsémani, l'épisode de Magdala et celui de la
matinée du sabbat... L'innocence parle... parce qu'elle voit par les yeux
de son ange. Mais les plus âgés aussi se rendent compte... Ils n'ont pas
tort. C'est un être fuyant... Tout en lui est fuyant... et j'ai peur de lui.
J'ai sur les lèvres les mêmes paroles que Benjamin à Magdala et que Marziam à
Gethsémani, car j'ai pour Judas la même répulsion que les enfants."
"Ils ne peuvent tous être Jean… !"
"Mais je ne le prétends pas ! Ce serait le paradis sur terre,
alors. Mais vois, tu m'as parlé de l'autre Jean... Un homme qui a tué... mais
il me fait seulement pitié. Judas me fait peur."
"Aime-le, Mère ! Aime-le par amour pour Moi !"
"Oui, Fils. Mais mon amour ne servira pas non plus. Il sera seulement
une souffrance pour moi, et pour lui une faute. Oh ! pourquoi est-il
entré ? Il trouble tout le monde, offense Pierre qui est digne de tout
respect."
199.9 – "Oui, Pierre est très
bon. Pour lui, je ferais n'importe quoi parce qu'il le mérite."
"S'il t'entendait, il dirait avec son bon sourire franc :
"Ah ! Seigneur, ce n'est pas vrai !" Et il aurait
raison."
"Pourquoi, Mère ?" mais Jésus sourit déjà car il a compris.
"Parce que tu ne lui fais pas plaisir en lui donnant un fils. Il m'a dit
toutes ses espérances, tous ses désirs... et tous tes refus."
"Et il ne t'a pas dit la raison qui les justifie ?"
"Si. Il me l'a dite, et il a ajouté : "C'est
vrai... mais je suis un homme, un pauvre homme. Jésus s'obstine à voir en moi
un grand homme. Mais je sais que je suis très mesquin et, à cause de cela...
il pourrait me donner un enfant. Je me suis marié pour cela... je vais mourir
sans en avoir". Pierre me montrait l'enfant qui, heureux du beau
vêtement que Pierre lui avait acheté, l'avait embrassé en disant :
"Père aimé" et il m'a dit : "Tu vois, quand ce petit être
qu’il y a dix jours je ne connaissais pas encore, me parle ainsi, je me sens
devenir plus moelleux que le beurre et plus doux que le miel et je pleure,
car... chaque jour qui passe éloigne de moi cet enfant..."
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314> Marie se tait, observant Jésus,
étudiant sa physionomie, attendant une parole. ..Mais Jésus a mis son coude
sur son genou, sa tête appuyée sur sa main et il regarde l'étendue verte du
verger.
Marie Lui prend la main et la caresse et dit :
"Simon a ce grand désir... Pendant
que j'allais avec lui, il n'a pas arrêté de m'en parler, et avec des raisons
si justes que... je n'ai rien pu dire pour le faire taire. C'étaient les
mêmes raisons que nous pensons nous toutes, femmes et mères. L'enfant n'est
pas robuste. S'il avait été comme Toi... oh ! alors il aurait pu aller
sans peur à la rencontre de la vie de disciple. Mais, comme il est
chétif !... Très intelligent, très bon... mais rien de plus. Quand un
tourtereau est délicat il ne peut prendre son vol tout de suite, comme font
ceux qui sont forts. Les bergers sont bons... mais ce sont toujours des
hommes. Les enfants ont besoin des femmes. Pourquoi ne le laisses-tu pas à
Simon ? Tant que tu lui refuses un enfant vraiment né de lui, je
comprends le motif. Un petit, pour nous, c'est comme une ancre. Et Simon,
destiné à un si grand rôle, ne peut avoir d'ancres qui le retiennent. Mais
pourtant tu dois convenir que lui doit être le "père" de tous les
enfants que tu lui laisseras. Comment peut-il être père s'il n'a pas été à
l'école d'un petit ? Un père doit être doux. Simon est bon, mais pas
doux. C'est un impulsif et un intransigeant. Il n'y a qu'un enfant qui puisse
lui enseigner l'art subtil de la compassion pour les faibles... Considère le
sort de Simon... C'est bien ton successeur ! Oh ! je dois pourtant
la dire, cette atroce parole ! Mais pour toute la souffrance qu'il m'en
coûte pour la dire, écoute-moi. Jamais je ne te conseillerais une chose qui
ne serait pas bonne. Marziam... Tu veux en faire un parfait disciple... mais,
c'est encore un enfant. Toi... tu t'en iras avant que lui ne soit homme. À
qui alors le donner plutôt qu'à Simon pour compléter sa formation ?
Enfin, le pauvre Simon, tu sais quelles tribulations il a subies, même à
cause de Toi de la part de sa belle-mère ; et pourtant il n'a pas repris
la plus petite parcelle de son passé, de sa
liberté depuis un an, pour que le laisse en paix sa belle-mère que même Toi
n'as pu changer. Et sa pauvre
créature d'épouse ? Oh ! Elle a un tel désir d'aimer et d’être
aimée. La mère ? oh ! … le mari ? un cher
autoritaire …Jamais une affection qui lui soit donnée sans trop
exiger...
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315> Pauvre femme !... Laisse-lui
l'enfant. Écoute, Fils. Pour le moment, nous l'emmenons avec nous. Je
viendrai, moi aussi en Judée. Tu m'y conduiras avec Toi chez une de mes
compagnes du Temple et presque une parente parce qu'elle descend de David. Elle
réside à Bet-Çur.
Je la reverrai volontiers si elle vit encore. Ensuite, au retour en Galilée,
nous le donnerons à Porphyrée. Quand nous serons dans les environs de
Bethsaïda, Pierre le prendra. Quand nous viendrons ici, au loin, l’enfant
restera avec elle. Ah ! mais tu souris maintenant ! Alors tu vas
faire plaisir à ta Maman. Merci, mon Jésus."
"Oui, qu'il soit fait comme tu
veux."
Jésus se lève et appelle à haute voix :
"Simon de Jonas, viens ici."
Pierre sursaute et monte en vitesse l'escalier :
"Que veux-tu, Maître ?"
"Viens ici, usurpateur et corrupteur !"
"Moi ? Pourquoi ? Qu'ai-je fait Seigneur ?"
"Tu as corrompu ma Mère. C'est pour cela que tu voulais être seul.
Qu'est-ce que je dois te faire ?".
Mais Jésus sourit et Pierre se rassure.
"Oh ! dit-il, tu m'as réellement fait peur ! Mais maintenant
tu ris... Que veux-tu de moi, Maître ? Ma vie ? Je n'ai plus
qu'elle puisque tu m'as tout pris... mais, si tu la veux, je te la
donne."
"Je ne veux pas t'enlever, mais te donner. Cependant n'abuse pas de ta
victoire et ne donne pas le secret à d'autres, homme rempli de fourberie qui
triomphes du Maître avec l'arme de la parole maternelle. Tu auras l'enfant
mais..."
Jésus ne peut plus parler car Pierre qui était à genoux se redresse vivement
et baise Jésus avec une telle impétuosité qu'il Lui coupe la parole.
"Remercie-la, elle, pas Moi. Mais cependant rappelle-toi que cela doit
t'aider et ne pas être pour toi un obstacle..."
"Seigneur, tu n'auras pas à regretter ton don... Oh ! Marie !
Que tu sois toujours bénie, sainte et bonne..."
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