Vision du samedi
3 mars 1945
311>
122.01 - Jésus fait les cent
pas, lentement sur la rive du fleuve. Le jour pointe à travers le brouillard
d'une triste journée d'hiver qui persiste sur les roseaux de la rive. Il n'y
a personne, à perte de vue, sur les deux rives du Jourdain. Rien qu'une brume
à fleur d'eau, le bruissement de l'eau contre les roseaux, le bruit des eaux
qui courent plutôt boueuses à cause des pluies des jours précédents. Quelque
cri d'oiseau, bref, triste comme il arrive après la saison des amours. La
saison et le manque de nourriture les rend mélancoliques.
Jésus les écoute et paraît s'intéresser beaucoup à l'appel d'un petit oiseau
qui, avec la régularité d'une horloge, tourne la tête vers le nord et dit un
"tchirouit ?" plaintif, puis la
tourne vers le sud et répète son "tchirouit ?"
interrogateur. Finalement le petit oiseau semble avoir obtenu une réponse
dans le "tchip" qui vient de l'autre rive
et il s'en va avec un frémissement des ailes à travers le fleuve, avec un
petit cri de joie. Jésus fait un geste comme pour dire : "Tant
mieux !", puis il reprend sa marche.
122.02 - "Je
te dérange, Maître ?" demande Jean
qui vient du côté des prés.
"Non. Que veux-tu ?"
"Je voulais te dire... il me semble que c'est une nouvelle qui peut te
soulager et je suis venu tout de suite, pour aussi te demander conseil.
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312> J'étais en train de
balayer nos pièces et Judas de Kériot est arrivé. Il m'a dit : "Je t'aide". Je
suis resté étonné, car il fait toujours peu volontiers ce travail, même quand
on le lui commande... mais, je ne lui ai rien dit de plus que ceci :
"Oh ! merci ! J'aurai plus vite fini, et ce sera mieux
fait". Lui s'est mis à balayer et nous avons vite terminé. Alors il a
dit : "Allons au bois. Ce sont toujours les vieux qui apportent le
bois. Ce n'est pas bien. Allons-y, nous. Je ne sais
pas très bien m'y prendre, mais, si tu m'apprends...". Et nous y sommes
allés. Et pendant que j'étais là à faire les fagots avec lui, il m'a
dit : "Jean, je veux te dire une chose". "Parles" je
lui ai dit. Et je pensais que ce serait une critique.
Au contraire il a dit : "Moi et toi nous sommes les plus jeunes. Il
faudrait être plus unis. Tu as presque peur de moi,
et tu as raison car moi, je ne suis pas bon. Mais crois-le... je ne le fais
pas exprès. Parfois, je sens le besoin d'être mauvais. C'est peut-être,
qu'étant fils unique, j'ai été gâté. Et je voudrais devenir bon. Les vieux,
je le sais, ne me voient pas d'un bon œil. Les cousins de Jésus, sont choqués... oui, je me suis très mal
conduit à leur égard, et aussi à l'égard de leur cousin. Mais toi, tu es bon
et patient. Aimes-moi. Fais tout comme si j'étais
un frère à toi, mauvais, oui, mais qu'il faut aimer malgré tout. Le Maître
aussi dit qu'il faut agir ainsi. Quand tu vois que je n'agis pas très bien,
dis-le-moi. Et puis ne me laisse pas toujours seul. Quand je vais au pays,
viens toi aussi. Tu m'aideras à ne pas mal agir. Hier, j'ai beaucoup
souffert. Jésus m'a parlé et je l'ai regardé. Dans ma sotte rancœur, je ne
regardais ni moi-même ni les autres. Hier, j'ai regardé, et j'ai vu... Ils
ont raison de dire que Jésus souffre... et je me rends compte que moi aussi
j'en suis responsable. Je ne veux plus qu'il en soit ainsi. Viens avec moi.
Viendras-tu ? M'aideras-tu à être moins mauvais ? "
C'est ainsi qu'il m'a parlé et, je l'avoue, j'avais le cœur
qui me battait comme celui d'un oiseau pris par un garçon. Il battait de
joie, parce que je suis content qu'il devienne bon, et pour Toi aussi j'étais
heureux, mais le cœur me battait fort par la peur ... Car je ne voudrais pas
devenir comme Judas. Mais ensuite, il m'est venu à l'esprit ce que tu avais
dit le jour où tu as pris Judas, et j'ai répondu : "Oui, que je
t'aiderai. Mais je dois obéir, si j'ai d'autres ordres..." Je pensais :
maintenant, je le dis au Maître et si Lui le veut,
je le fais. S'il ne le veut pas, je me ferai donner l'ordre de ne pas
m'éloigner de la maison."
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313> "Écoute, Jean. Moi, je te laisse aller. Cependant
tu dois me promettre que si tu sens quelque chose qui te trouble, tu viendras
me le dire. Tu m'as donné tant de joie, Jean.
122.03 - .Voilà
Pierre avec son
poisson. Va, Jean."
Jésus se tourne vers Pierre :
"Bonne pêche ?"
"Hum ! Pas tellement, du menu fretin... mais on en tire parti.
C'est Jacques qui bougonne parce qu'un animal a rompu la corde et a
perdu un filet. J'ai dit : "Ne fallait-il pas qu'il mange
aussi ? Aie pitié de la pauvre bête". Mais Jacques ne l'entend pas
de cette oreille..." dit Pierre en riant.
"C'est ce que je dis de quelqu'un qui est un frère. C'est ce que vous ne
savez pas faire."
"Tu parles de Judas ?"
"Je parle de Judas. Il en souffre, Il a de bons désirs et des
inclinations perverses. Mais, dis-moi un peu, toi qui es un pêcheur
expérimenté. Quand je voudrais aller en barque sur le Jourdain et rejoindre
le lac de Génésareth, comment pourrais-je faire ? y
réussirai-je ?"
"Eh ! Ce serait un gros travail ! Mais tu réussirais avec une
petite barque à fond plat... Ce serait fatigant, long ! Il faudrait sans
cesse mesurer le fond, faire attention aux rives et aux bas-fonds, aux
branchages qui flottent, au courant. La voile n'est pas utile en certains
cas, au contraire... Mais tu veux revenir au lac en suivant le fleuve ?
Saches qu'à contre-courant ça va mal. Il faut être à plusieurs,
sinon..."
"Tu l'as dit. Quand quelqu'un est vicieux, pour aller vers le bien il
doit aller à contre-courant et il ne peut y réussir tout seul. Judas est
exactement un de ceux-ci, et vous, vous ne l'aidez pas. Le pauvre s'en va
seul, il heurte les bas-fonds, s'y échoue, s'empêtre dans les branchages qui
flottent, il se trouve pris dans les tourbillons. D'autre part, s'il jauge le
fond, il ne peut, en même temps, tenir le gouvernail ou la rame. Pourquoi
alors le lui reprocher s'il n'avance pas ? Vous avez pitié des étrangers
et pas de lui, votre compagnon ? Ce n'est pas juste.
122.04 - .Vois-tu
là-bas Jean et lui qui vont au pays prendre du pain et des légumes ? Il
a demandé en grâce de ne pas aller seul. Et il l'a demandé à Jean parce qu'il
n'est pas sot et qu'il sait ce que vous, les âgés, vous pensez de lui."
"Et tu l'as envoyé ? Et si Jean se gâte aussi ?"
"Qui ? Mon frère ? Pourquoi se gâterait-il ?"
demande Jacques qui arrive avec le filet repêché dans les roseaux.
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314>
"Parce que Judas va avec lui."
"Depuis quand ?"
"Depuis aujourd'hui, et c'est Moi qui l'ai permis."
"Alors, si c'est Toi qui le permets..."
"Oui, je le conseille même à tous. Vous le laissez trop seul. Ne soyez pas
des juges que pour lui. Il n'est pas pire que tant d'autres mais il est le
plus gâté, et depuis l'enfance."
"Oui, c'est vrai, ça doit être ainsi. S'il avait eu pour père et pour
mère Zébédée et Salomé, il ne serait pas ce qu'il est. Mes parents sont bons.
Mais ils se souviennent qu'ils ont des droits et des devoirs à l'égard de
leurs fils."
"Ce que tu dis est juste. Aujourd'hui, je parlerai exactement de cela.
122.05 - .Maintenant,
allons. Je vois déjà des gens qui arrivent sur les prés."
"Moi, je ne sais pas comment nous arriverons désormais à vivre. Il n'y a
plus d'heure pour manger, pour prier, pour se reposer… et les gens augmentent
toujours." dit Pierre, partagé entre l'admiration et l'ennui.
"Tu t'en plains ? C'est signe qu'il y a encore des gens qui
recherchent Dieu."
"Oui, Maître, mais tu en souffres. Tu es même resté hier sans manger et
sans d'autre couverture cette nuit que ton manteau. Si ta Mère le
savait !"
"Elle bénirait Dieu qui m'amène tant de fidèles."
"Et Elle me réprimanderait, moi à qui Elle a fait des
recommandations." conclut Pierre.
Voilà qu'arrivent vers eux, en gesticulant, Philippe et Barthélemy. Ils
voient Jésus, ils hâtent leurs pas en disant :
"Oh ! Maître ! Comment allons-nous faire ? C'est un vrai
pèlerinage : des malades, des gens qui pleurent, des pauvres sans ressources
qui viennent de loin."
"Nous achèterons du pain. Les riches donnent l'obole. Il n'y a qu'à
l'employer."
"Les jours sont courts. L’appentis est déjà encombré de gens qui
bivouaquent. Les nuits sont humides et froides."
"Tu as raison, Philippe. Nous nous tasserons tous dans une seule pièce.
Nous pouvons le faire et nous organiserons les autres pour ceux qui ne
peuvent rejoindre leurs maisons dans la soirée."
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"J'ai compris ! bougonne Pierre. Sous peu nous
devrons demander à nos hôtes la permission de changer de vêtements. Ils nous
envahiront tellement qu'ils nous feront fuir, nous."
"Tu verras d'autres fuites, mon Pierre !
122.06 - Qu'a-t-elle
cette femme ?" Ils sont déjà dans la cour et Jésus remarque une
femme qui pleure.
"Je ne le sais pas. Elle était là déjà hier, et hier aussi elle
pleurait. Quand tu parlais avec Manahen, elle a été pour venir à ta rencontre, puis elle s'en
est allée. Elle doit rester au pays, ou dans le voisinage puisqu'elle est
revenue. Elle ne paraît pas malade..."
"La paix soit avec toi, femme." dit Jésus, en passant à côté.
Et elle répond doucement :
"Et avec Toi."
Rien d'autre.
Il y a au moins trois cents personnes. Sous le hangar il y a des estropiés,
des aveugles, des muets. Il y en a un qui est tout agité par un tremblement.
C'est un tout jeune garçon, manifestement hydrocéphale, qu'un homme tient par
la main. Il ne fait que geindre, baver, remuer sa tête, l'air hébété.
"C'est peut-être le fils de cette femme ?" demande Jésus.
"Je ne sais. Simon s'occupe des pèlerins et il est au courant."
On appelle le Zélote et on l'interroge. Mais l'homme n'est pas avec la femme.
Elle est seule. "Elle ne fait que pleurer et prier. Elle m'a demandé, il
y a peu de temps : " Est-ce que le Maître guérit aussi les
cœurs ?" explique le Zélote.
"Ce sera quelque femme trahie." commente Pierre.
Pendant que Jésus va vers les malades, Barthélemy
et Matthieu se rendent pour le baptême avec de nombreux pèlerins.
La femme pleure dans son coin et ne bouge pas.
122.07 - Jésus
ne refuse le miracle à personne. Comme il est beau celui de l'hébété à qui,
de son souffle, il infuse l'intelligence, en tenant la tête entre ses longues
mains. Tout le monde se presse autour. La femme voilée
même, c'est peut-être parce qu'il y a beaucoup de monde qu'elle ose
s'approcher un peu et se met auprès de la femme en pleurs. Jésus dit au simple
d’esprit : "Je veux en toi la lumière de l'intelligence pour
qu'elle te conduise à la lumière de Dieu. Écoute dis avec Moi :
"Jésus". Dis-le, je le veux."
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Le pauvret qui avant geignait comme une bête, et rien d'autre,
bredouille avec peine : "Jésus" ou plutôt : "Jegiù."
"Encore" commande Jésus en tenant toujours entre ses mains la tête
difforme et en le maîtrisant du regard.
"Jés-sus."
"Encore."
"Jésus !" dit finalement le simplet. Et son œil n'est plus
inexpressif, sa bouche a un sourire différent.
"Homme, dit Jésus au père. Tu
as eu la foi, ton fils est guéri Interroge-le. Le Nom de Jésus est miraculeux
contre les maladies et les passions."
L'homme dit à son fils: "Qui suis-je ?"
Et le garçon: "Mon père."
L'homme serre son fils sur son cœur et explique :
"Il est né comme ça. Ma femme est morte en le mettant au monde et lui
était sans idées, sans parole. Maintenant, voyez. J'ai eu la foi, oui. Je
viens de Joppé. Que
dois-je faire pour Toi, Maître ?"
"Être bon, et ton fils avec toi. Rien de plus."
"Et t'aimer. Oh ! allons tout de suite le dire à la mère de ta
mère. C’est elle qui m'a décidé à venir. Qu'elle soit bénie !"
Les deux s'en vont heureux. De l'infirmité passée il ne reste que la grosse
tête du garçon. L'expression et la parole sont normales.
122.08 - "Mais
c'est par ta volonté qu'il est guéri, ou par la puissance de ton
Nom ?" demandent plusieurs.
"Par la volonté du Père, toujours bienveillant pour le Fils. Mais mon
Nom aussi est salut. Vous le savez : Jésus veut dire Sauveur. Il y a la
santé de l'âme et celle du corps. Celui qui prononce le Nom de Jésus avec une
vraie foi se relève des maladies et du péché car, dans toute maladie
spirituelle ou physique, il y a la griffe de Satan. Il crée les maladies
physiques pour amener à la révolte et au désespoir par la souffrance de la
chair, et les maladies morales ou spirituelles pour conduire à la
damnation."
"Alors, selon Toi, dans toutes
les afflictions du genre humain, Belzébuth n'est pas étranger."
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317> "Il n'y est pas étranger. C'est par lui que la
maladie et la mort sont entrées dans le monde. C'est par lui également que
sont entrés dans le monde le crime et la corruption. Quand vous voyez
quelqu'un tourmenté par quelque malheur, pensez aussi que c'est par Satan
qu'il souffre. Quand vous voyez que quelqu'un est cause de malheur, pensez
aussi qu'il est un instrument de Satan."
"Mais les maladies viennent de Dieu."
"Les maladies
sont un désordre dans l'ordre. Dieu, en effet a créé l'homme sain et parfait.
Le désordre amené par Satan dans l'ordre donné par Dieu, a amené avec lui les
infirmités de la chair et les conséquences qui en dérivent, à savoir la mort
ou bien les hérédités funestes. L'homme a hérité d'Adam et d'Ève la tache
d'origine, mais non pas celle-là seulement. Et la tache s’étend toujours
plus, embrassant les trois branches de l'homme : la chair toujours plus
vicieuse et par là faible et malade, le moral toujours plus orgueilleux et
par là plus corrompu, l'esprit toujours plus incrédule, c'est à dire toujours
plus idolâtre. À cause de cela, il faut, comme je l'ai fait avec ce
déficient, enseigner le Nom qui met Satan en fuite, le graver dans l'esprit
et dans le cœur, le mettre sur l’être intérieur comme un sceau de
propriété."
"Mais, est-ce que tu nous possèdes ? Qui es-tu, pour tant te
croire ?"
"S'il en était ainsi ! Mais non ce n'est pas ainsi. Si je vous
possédais, vous seriez déjà sauvés. Et ce serait mon droit. Car Moi, je suis
le Sauveur et je devrais posséder ceux que j'ai sauvés. Mais je sauverai ceux
qui auront foi en Moi."
122.09 - "Jean.… - je viens d'auprès de Jean (le Baptiste) - il m'a
dit : "Va vers Celui qui parle et baptise près d'Éphraïm et de
Jéricho. Lui a le pouvoir de lier et de délier, tandis que moi, je ne puis
que dire : fais pénitence pour rendre à ton âme l'agilité qui lui
permettra de suivre le chemin du salut" c'est un des miraculés qui
parle. Auparavant il marchait avec des béquilles et maintenant il n'en a plus
besoin pour se déplacer.
"Le Baptiste ne souffre-t-il pas que la foule le quitte ?"
demande quelqu'un.
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318> Et celui qui a parlé avant, répond :
"Souffrir ? Il dit à tous : "Allez ! Allez !
Moi je suis l'astre qui descend. Lui est l'Astre qui monte et se fixe dans
son éternelle splendeur. Pour ne pas rester dans les ténèbres, allez vers Lui
avant que mon lumignon ne s'éteigne"."
"Ce n'est pas ce que disent les pharisiens ! Eux sont pleins de
rancœur parce que tu attires les foules. Le sais-tu ?"
"Je le sais." répond brièvement Jésus.
Il s'ouvre une discussion sur les raisons ou du moins la façon d'agir des
pharisiens. Mais Jésus coupe court par un : "Ne critiquez
pas." qui n'admet pas de réplique.
122.10 - Barthélemy
et Matthieu reviennent avec ceux qu'ils ont baptisés.
Jésus commence à parler. "La paix soit avec vous tous.
Puisque maintenant vous venez ici dès le matin, j’ai pensé qu’il serait plus
pratique que je vous parle de Dieu le matin et que vous partiez à midi. J’ai
pensé aussi à loger les pèlerins qui ne peuvent pas retourner chez eux dans
la soirée. Je suis pèlerin, à mon tour, et je ne possède que le minimum
indispensable que m’a donné la piété d’un ami. Jean a encore moins que Moi.
Mais vers Jean vont des personnes en bonne santé ou simplement peu malades,
estropiés, aveugles, muets. Pas des mourants ou de grands fiévreux comme vers
Moi. Ils vont à lui pour le baptême de pénitence. Vers Moi, vous venez aussi
pour la guérison des corps. La Loi dit : “Aime ton prochain comme
toi-même” .
Je pense et je dis : comment montrerais-je mon amour pour les frères si je fermais
mon cœur à leurs besoins, même physiques ? Et je conclu : je leur
donnerai ce qu’on m’aura donné. Je tendrai la main aux riches, je quêterai
pour le pain des pauvres. En renonçant à mon lit, j’accueillerai celui qui
est fatigué et souffrant.
Nous sommes tous frères. Et l’amour ne se prouve pas par des paroles mais par
des actes. Celui qui ferme son cœur à son semblable a
un cœur de Caïn. Celui qui n’a pas d’amour est révolté contre le commandement
de Dieu. Nous sommes tous frères. Et pourtant je vois et vous voyez que même
à l’intérieur des familles — là où un même sang unit, et avec le sang et la
chair, la fraternité qui nous vient d’Adam — il y a des haines et des
désaccords. Les frères sont contre les frères, les fils contre leurs parents,
les conjoints ennemis l’un de l’autre.
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319> Mais, pour n’être pas
toujours de mauvais frères, et des époux un jour adultères, il faut apprendre
dès le premier âge le respect envers la famille, organisme qui est le plus
petit et le plus grand du monde. Le plus petit par rapport à l’organisme
d’une cité, d’une région, d’une nation, d’un continent. Mais le plus grand
parce que le plus ancien; parce que établi par Dieu quand l’idée de patrie,
de pays n’existait pas encore, mais que déjà était vivant et actif le noyau
familial, source pour la race et pour les races, petit royaume où l’homme est
roi, la femme reine et les fils des sujets. Est-ce qu’un royaume
peut durer si entre ceux qui l’habitent il y a la division et
l’inimitié ? Il ne peut pas durer. Et en vérité une famille ne se
maintient pas sans obéissance, respect, économie, bonne volonté, amour du
travail, affection.
122.11
- “Honore ton
père et ta mère” dit le Décalogue.
Comment les honore-t-on ? Pourquoi doit-on les honorer ?
L’honneur suppose une obéissance véritable, un amour sans failles, un
confiant respect, une crainte respectueuse qui n’exclut pas la confiance,
mais en même temps ne nous fait pas traiter les personnes âgées comme si nous
étions des esclaves et des inférieurs. On doit les honorer car, après Dieu,
nos pères et mères nous ont donné la vie et ont subvenu à tous nos besoins
matériels, ils ont été les premiers maîtres et les premiers amis du jeune
être arrivé sur la terre. On dit : “Dieu te bénisse ”, on dit : “merci ” à quelqu’un
qui ramasse un objet tombé ou qui nous donne un morceau de pain. Et à ceux
qui se tuent au travail pour nous rassasier, pour tisser nos vêtements et les
tenir propres, à ceux qui se lèvent pour surveiller notre sommeil, se
refusent le repos pour nous soigner, nous font un lit de leur sein dans nos
plus douloureuses fatigues, nous ne dirions pas, avec amour : “Dieu te
bénisse” et “merci” ?
Ce sont nos maîtres. Le maître, on le craint et on le respecte. Mais le
maître nous prend en charge quand déjà nous savons ce qui est indispensable
pour nous conduire, nous nourrir et dire les choses essentielles, et il nous
laisse quand le plus dur enseignement de la vie, c’est à dire “le savoir
vivre”, doit nous être encore enseigné. Et c’est le père et la mère qui nous
préparent à l’école d’abord, puis à la vie.
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320> Ce sont nos amis. Mais quel ami peut-être plus ami qu’un
père ? Quelle amie plus amie qu’une mère ? Pouvez-vous avoir peur
d’eux ? Pouvez-vous dire : “Il me trahit, elle me trahit ” ? Et
pourtant, voici le sot jeune homme et la jeune fille encore plus sotte qui
prennent pour amis des étrangers et ferment leur cœur à leur père et à leur
mère et se gâtent l’esprit et le cœur par des relations imprudentes, pour ne
pas dire coupables, et causes de larmes du père et de la mère, larmes qui
coulent comme des gouttes de plomb fondu sur le cœur de leurs parents. Ces
larmes, pourtant, Je vous le dis, ne tombent pas dans la poussière et l’oubli.
Dieu les recueille et les compte. Le martyre d’un père que l’on foule aux
pieds sera récompensé par le Seigneur. Mais le supplice qu’un fils inflige à
son père ne sera pas oublié, même si le père et la mère, dans leur douloureux
amour, implorent la pitié de Dieu pour leur fils coupable.
“Honore ton père et ta mère, si tu veux vivre longuement sur la terre” est-il
dit. Et j’ajoute : “Et éternellement dans le Ciel ”.
Trop léger serait le châtiment de vivre peu sur la terre pour avoir manqué à
ses parents ! L’au-delà n’est pas une baliverne et, dans l’au-delà, on
sera récompensé ou puni d’après la vie que l’on aura menée sur la terre.
Celui qui manque à son père, manque à Dieu, car Dieu a donné en faveur du
père un commandement d’amour, et celui-là pèche, qui ne l’aime pas. Aussi
perd-il de cette façon plus que la vie matérielle, la vraie vie dont je vous
ai parlé, il va à la rencontre de la mort, il est déjà mort puisque son âme
est en disgrâce auprès de son Seigneur. Il a déjà en lui-même le crime parce
qu’il blesse l’amour le plus saint après celui de Dieu. Il porte en lui les
germes des futurs adultères car un fils mauvais devient un époux infidèle. Il
a en lui les tendances à la perversion sociale, parce que d’un mauvais fils
sort un futur voleur, un assassin sinistre et violent, un froid usurier, un
libertin séducteur, un jouisseur cynique, l’être répugnant qui trahit sa
patrie, ses amis, ses enfants, son épouse, tout le monde. Et pouvez-vous
avoir de l’estime et de la confiance pour celui qui n’a pas hésité à trahir
l’amour d’une mère, et s’est moqué des cheveux blancs d’un père ?
122.12
- Cependant, écoutez encore, car au devoir des enfants correspond un semblable devoir des parents.
Malédiction aux fils coupables ! Mais malédiction aussi aux parents
coupables. Agissez de façon que vos enfants ne puissent vous critiquer ni
vous imiter dans le mal. Faites-vous aimer par un amour donné avec justice et
miséricorde.
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321> Dieu est Miséricorde.
Que les parents, qui viennent tout de suite après Dieu, soient miséricorde.
Soyez l’exemple et le réconfort de vos enfants. Soyez pour eux la paix et
leur guide. Soyez leur premier amour. Une mère est toujours la première image
de l’épouse que nous voudrions avoir. Un père a, pour ses jeunes filles, le
visage qu’elles rêvent pour leur époux. Faîtes surtout que vos fils et vos
filles choisissent sagement leurs futurs conjoints, en pensant à leur mère, à
leur père, et en voulant chez eux ce qui se trouve en leur père, en leur mère
: une vertu vraie.
Si je devais parler jusqu’à épuiser ce sujet, le jour et la nuit ne
suffiraient pas. J’abrège donc par amour pour vous. Pour le reste, que
l’Esprit Éternel vous le dise. Moi, je jette la semence et puis je m’en vais.
Mais la semence chez les bons fera pousser des racines et produira un épi. Allez.
La paix soit avec vous."
122.13
- Ceux qui partent, s’en vont tout de suite. Ceux qui
restent, entrent dans la troisième pièce. Ils mangent leur pain ou celui que
les disciples leur offrent, au nom de Dieu. On a disposé des planches et de
la paille sur de rustiques chevalets et les pèlerins peuvent y dormir …
La femme voilée s'en
va rapidement. Celle qui pleurait auparavant et a continué de pleurer pendant
que Jésus parlait, tourne sur place, incertaine et puis se décide à partir.
Jésus entre dans la cuisine pour prendre sa nourriture, mais il a à peine
commencé de manger que l'on frappe à la porte.
André qui en est
le plus près, se lève et sort dans la cour. Il parle et puis rentre :
"Maître, une femme, celle qui pleurait, te demande. Elle dit qu'elle
doit partir et qu'elle doit te parler."
"Mais, de cette façon, comment et quand va manger le Maître ?"
s'exclame Pierre.
"Il fallait lui dire de venir plus tard." dit Philippe.
"Silence. Je mangerai après. Continuez, vous autres." Jésus sort.
La femme est là, dehors.
"Maître... un mot... Tu as dit... Oh ! viens derrière la
maison ! Il est pénible de dire ma douleur !"
Jésus la satisfait, sans mot dire. C'est seulement quand il est derrière la
maison, qu'il demande :
"Que veux-tu de Moi ?"
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322> "Maître... je t'ai écouté d'abord quand tu parlais
parmi nous... et puis je t'ai écouté quand tu as prêché. On dirait que tu as
parlé pour moi. Tu as dit que dans toute maladie physique ou morale il y a Satan... J'ai un fils qui a le
cœur malade. S'il t'avait entendu quand
tu parlais des parents ! C'est mon tourment. Il s'est fourvoyé avec de
mauvais camarades et il est... il est exactement comme tu dis... voleur...
dans la maison pour l'instant, mais... Il aime les rixes... il veut
dominer... Jeune comme il est, il se ruine en luxure et ripaille. Mon mari
veut le chasser. Moi... moi, je suis la mère... et je souffre à en mourir. Tu
vois comme je suis angoissée ? Mon cœur se brise, par tant de douleur.
C'est depuis hier que je veux te parler car... j'espère en Toi, mon Dieu.
Mais je n'osais rien dire. C'est si douloureux pour une mère de dire :
"J'ai un fils cruel !" La femme pleure, courbée et dolente
devant Jésus.
"Ne pleure plus. Il va guérir de son mal."
"S'il pouvait t'entendre, oui. Mais Il ne veut pas t'écouter. Il
ne guérira jamais !"
"Mais, as-tu de la foi pour lui ? Le veux-tu pour lui ?"
"Et tu me le demandes ? Je viens de la Haute Pérée pour te prier en sa faveur..."
"Et alors, va ! Quand tu arriveras à la maison, ton fils viendra à
ta rencontre, repenti."
"Mais comment ?"
"Comment ? Et tu crois que Dieu ne peut faire ce que je Lui
demande ? Ton fils est là-bas. Je suis ici. Mais Dieu est partout. Je
dis à Dieu : "Père, pitié pour cette mère". Et Dieu fera
retentir son appel dans le cœur de ton fils. Va, femme. Un jour je passerai
dans la région de ton pays et toi, fière de ton garçon, tu viendras à ma
rencontre avec lui . Quand il pleurera
sur tes genoux en te demandant pardon et en te racontant la lutte mystérieuse
d'où il est sorti avec une âme nouvelle, et qu'il te demandera comment cela
est arrivé, dis-lui : "C'est par Jésus que tu es né une seconde
fois au bien". Parle-lui de Moi. Si tu es venue vers Moi, cela veut dire
que tu sais. Fais en sorte que lui sache et pense à Moi pour avoir avec lui
la force qui sauve. Adieu. Paix à la mère qui a eu la foi, au fils qui
revient, au père joyeux, à la famille rassemblée. Va."
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