Le lundi 22 janvier 1945
57/58> 85.1 – Jésus est avec Simon
à Jérusalem. Ils fendent la foule des marchands et des
ânes qui ressemble à une procession dans la rue, et pendant ce temps, Jésus
dit :
"Montons au Temple, avant d'aller à Gethsémani. Nous
prierons le Père dans sa Maison."
"Ça seulement, Maître ?"
"Ça seulement. Je ne puis rester. Demain à l'aube, il y a le rendez-vous
à la Porte des Poissons et si la foule me retient comment puis-je être libre
d'y aller ? Je veux voir les autres bergers. Je les
dissémine, ces vrais bergers, à travers la Palestine pour qu'ils rassemblent
les brebis et pour que le Maître du troupeau soit connu au moins de nom, de façon
que, quand je dis ce nom, elles sachent que c'est Moi le Maître du troupeau
et elles viennent à Moi pour se faire caresser."
"Il est doux d'avoir un Maître comme Toi. Les brebis
t'aimeront."
"Les brebis, mais pas les boucs... Après avoir vu Jonas, nous irons à Nazareth et puis à Capharnaüm. Simon Pierre et les autres
souffrent d'une si longue absence... Nous irons leur
faire plaisir et nous faire plaisir. L'été aussi nous donne ce
conseil. La nuit est faite pour le repos et trop peu nombreux sont ceux qui
font passer le repos après la connaissance de la Vérité. L'homme... oh
l'homme ! Il oublie trop qu'il a une âme. Il ne pense qu'à la chair et
ne se soucie que d'elle. Le soleil, pendant le jour est brûlant. Il empêche
de voyager et il empêche d'enseigner sur les places et dans les rues. Il fait
sommeiller les esprits comme les corps tellement il les fatigue. Et alors...
allons enseigner mes disciples. Là dans la douce Galilée, verte et fraîche
d'eaux.
85.2 – Tu n'y as jamais
été ?"
"Une fois, en passant et en hiver, dans un de mes pénibles déplacements
d'un médecin à l'autre. Elle me plaît..."
"Oh ! Elle est belle ! Toujours. En hiver
et plus encore aux autres saisons. Maintenant, en été elle a des nuits
tellement angéliques... Oui, elles semblent faites pour que s'y déploient des
vols d'anges, tant elles sont pures. Le lac... le lac, dans son cadre de
montagnes plus ou moins proches semble exactement fait pour parler de Dieu
aux âmes qui cherchent Dieu. C'est un morceau de ciel tombé dans la verdure,
et le firmament ne l'abandonne pas, mais s'y mire avec ses astres et en
multiplie ainsi le nombre... comme pour les présenter au Créateur, disséminés
sur une plaque de saphir. Les oliviers descendent presque jusqu'aux eaux et
sont pleins de rossignols. Et eux aussi chantent leur louange au Créateur qui
les fait vivre en ce lieu si doux et si tranquille.
Et ma cité de Nazareth !
Elle s'offre au baiser du soleil, toute blanche et verte, riante, entre les
deux géants du grand et du petit Hermon et le piédestal des monts qui
soutiennent le Thabor, piédestal des douces pentes toutes vertes qui dressent
en face du soleil leur Thabor qui est souvent neigeux mais si beau quand le
soleil en enveloppe le sommet.
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59> Il devient alors un albâtre teinté de rose, pendant
qu'en face le Carmel a des lapis-lazuli à certaines heures de grand soleil
où les marbres, les eaux, les bosquets et les prés y dessinent des veines de
couleurs variées, et une délicate améthyste au lever du jour; puis un béryl
bleu-violet vers le soir, et un seul bloc de sardoine quand la lune le montre
tout sombre dans la couleur argentée et laiteuse de sa lumière. Et puis, en
bas ! au midi, le tapis fertile et fleuri de la plaine d'Esdrelon.
Et puis... et puis, oh ! Simon ! Là-bas il y a une
Fleur ! C'est une Fleur qui vit solitaire exhalant pureté et amour pour
son Dieu et pour son Fils ! Il y a ma Mère. Tu feras sa connaissance, Simon, et tu me diras s'il y
a une créature comme Elle, même en fait de grâce humaine, sur la terre. Elle
est belle, mais ce qui émane de son intérieur surpasse toute cette beauté. Si
un brutal la dévêtait, la balafrait et la renvoyait errante, Elle
apparaîtrait encore comme une Reine et en robe royale, car sa sainteté la
revêtirait d'un manteau de splendeur. Le monde peut tout me donner en fait de
mal, mais je pardonnerai tout au monde parce que pour venir au monde et le
racheter, je l'ai eue, Elle, l'humble et grande Reine du Monde, que le monde
ignore, mais c'est par elle qu'il a eu le Bien et l'aura davantage au cours
des siècles.
Nous voici au Temple. Observons la forme judaïque du culte, mais, en vérité,
je te dis que la vraie Maison de Dieu, l'Arche Sainte, c'est son Cœur, dont
le voile est sa chair très pure, sur laquelle les vertus font une
merveilleuse broderie."
85.3 – Ils sont entrés et traversent
un premier palier. Ils passent par un portique, se dirigeant vers un second
palier.
"Maître : regarde là-bas Judas au milieu d'un groupe de gens. Et il y a
aussi des pharisiens et des membres du Sanhédrin. Je vais écouter ce qu'il dit. Me laisses-tu
aller ?"
"Va, je t'attendrai près du Grand Portique."
Simon y va rapidement et se place de façon à entendre, mais sans être vu...
Judas parle avec une grande conviction :
"...et ici il y a des personnes que vous tous connaissez et respectez,
qui peuvent dire ce que j'étais. Eh bien, je vous dis que Lui m'a changé. Je
suis le premier racheté. Beaucoup d’entre vous vénèrent le Baptiste. Lui aussi le vénère et l'appelle : ''le saint,
pareil à Élie pour sa mission, mais encore plus grand qu'Élie".
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60> Maintenant, si tel est le Baptiste, Celui que le
Baptiste appelle "l'Agneau de Dieu" et jure qu'à cause de sa sainteté,
il l'a vu couronné du Feu de l'Esprit de Dieu, pendant qu'une voix venue du
Ciel le proclamait : "Fils bien aimé de Dieu qu'il faut
écouter"; Celui-là ne peut être que le Messie... Il l'est. Je vous le
jure. Je ne suis pas un rustre, ni un sot. C'est Lui. Je l'ai vu à l’œuvre et
j'ai entendu ses paroles et je vous dis : c’est Lui le Messie, Le
miracle lui obéit comme un esclave obéit à son maître. Maladies
et disgrâces disparaissent sans laisser de traces et se changent en joie et
santé. Et les cœurs changent encore plus que les corps. Vous le voyez par
moi. N'avez-vous pas de malades, de peines à Lui soumettre ! Si oui,
venez demain à l'aube à la Porte des Poissons. Il y sera et vous rendra
heureux. En attendant, voilà : en son nom je donne aux pauvres ce
secours."
Et Judas distribue des pièces de monnaie à deux estropiés et à trois aveugles
et pour finir oblige une petite vieille à accepter les dernières pièces.
85.4 – Puis, il congédie la foule et
reste avec Joseph d'Arimathie, Nicodème
et d'autres qui me sont inconnus.
"Ah! maintenant, je suis bien ! s'exclame Judas. Je n'ai plus rien
et je suis comme Lui le veut."
"En vérité, je ne te connais plus. Je croyais que c'était une
plaisanterie, mais je vois que tu agis sérieusement." s'exclame Joseph.
"Sérieusement. Oh ! moi, pour le premier je ne me reconnais pas. Je
suis encore une bête immonde en comparaison de Lui, mais déjà, je suis bien
changé."
"Et tu n'appartiendras plus au Temple ?" demande un des
auditeurs qui me sont inconnus.
"Oh ! non, j'appartiens au Christ. Celui qui s'en approche, à moins
d’être un aspic, ne peut que l'aimer et ne désire plus que Lui."
"Il ne viendra plus ici ?"
demande Nicodème.
"Certainement qu'il viendra. Mais pas maintenant."
"Je voudrais l'entendre."
"Il a déjà parlé en cet endroit, Nicodème."
"Je le sais. J'étais avec Gamaliel... je l'ai vu... mais je ne me suis
pas arrêté."
"Qu'a-t-il dit, Nicodème, Gamaliel ?"
"Il a dit : "C'est quelque nouveau prophète". Il n'a rien
dit d'autre."
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61> "Et tu ne lui as pas dit ce que moi, je t'ai dit,
Joseph ? Tu es son ami."
"Je le lui ai dit, mais il m'a répondu :
"Nous avons déjà Jean Baptiste et, selon l'enseignement des scribes, il
faut au moins cent ans d'intervalle entre lui et le Messie pour préparer le
peuple à la venue du Roi. Moi, je dis qu'il en faut moins, a-t-il ajouté, car
les temps sont désormais accomplis". Et il a dit enfin :
"Cependant, je ne peux admettre que le Messie se manifeste ainsi. Un jour, j'ai cru qu'était commencée la manifestation du Messie parce
que sa première lueur avait été vraiment un éclair céleste. Mais après... un grand silence s'est fait et je pense
que je me suis trompé".
"Essaye d'en parler encore. Si Gamaliel était avec
nous, et vous avec lui..."
"Je ne vous le conseille pas, objecte un des trois inconnus. Le
Sanhédrin est puissant et Hanne le domine avec ruse et avidité. Si ton Messie veut
vivre, je lui conseille de rester dans l'ombre. À moins qu'il ne s'impose par
la force. Mais alors, il y a Rome…"
"Si le Sanhédrin l'entendait, il se convertirait au Christ."
"Ah ! Ah ! Ah !" s'exclament en riant les trois
inconnus et ils disent : "Judas, nous te croyions changé, mais encore intelligent. Si c'est vrai ce que tu
dis de Lui, comment peux-tu penser que le Sanhédrin le suive ? Viens,
viens, Joseph. Cela vaut mieux pour tous. Que Dieu te protège, Judas, tu en
as besoin."
Et ils s'en vont. Judas reste avec Nicodème seul.
85.5 – Simon s'éclipse et va vers le
Maître.
"Maître, je m'accuse d'avoir commis une calomnie, en mes paroles et en mon
cœur. Cet homme me désoriente. Je le croyais presque ton ennemi et je l'ai
entendu parler de Toi en de tels termes que peu d'entre-nous le font,
spécialement ici où la haine pourrait supprimer le disciple d'abord, puis le
Maître. Et je l'ai vu donner de l'argent aux pauvres et chercher à convaincre
des membres du Sanhédrin..."
"Tu l'as vu, Simon ? Je suis content que tu l’aies vu en pareille
circonstance. Tu le diras aussi aux autres quand ils l'accuseront. Bénissons
le Seigneur pour cette joie que tu me donnes et pour l'honnêteté de ton aveu
en disant : "J'ai péché", et pour le travail du disciple que
tu croyais malfaisant et qui ne l’est pas."
Ils prient longuement et puis ils sortent.
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62/63> "Il ne t'a pas vu ?"
"Non. J'en suis sûr."
"N'en dis rien. C'est une âme très malade.
Une louange lui ferait l'effet d'une nourriture donnée à un convalescent en
proie à une grande fièvre stomacale. Elle le rendrait pire, car il se
glorifierait d'avoir été remarqué. Et là où entre l’orgueil…"
"Je me tairai.
85.6 – Où allons-nous ?"
"Vers Jean. À cette heure de chaleur, il sera à la maison de
l'Oliveraie."
Ils s'y rendent rapidement, en cherchant de l'ombre par les
rues chauffées par un soleil ardent. Ils dépassent le faubourg
poudreux, traversent la porte des remparts, sortent dans la campagne
éblouissante, puis vont de là à l'oliveraie, et enfin à la maison.
Dans la cuisine fraîche et sombre à cause de la toile qui couvre la porte, se
trouve Jean. Il sommeille, et Jésus l'appelle :
"Jean
!"
"Toi, Maître ? Je t'attendais ce soir."
"Je suis venu plus tôt. Comment t'es-tu trouvé, Jean ?"
"Comme un agneau qui a perdu son
berger. Et je parlais à tout le monde de Toi, parce que parler de Toi,
c'était déjà un peu Te posséder. J'ai parlé à certains parents, à des
connaissances, à des étrangers. Et à Anna... Et à un estropié dont je me suis
fait ami avec trois deniers.
On me les avait donnés et je les lui ai donnés. Et aussi à une pauvre femme de l'âge de ma mère, qui pleurait dans un groupe de
femmes sur le pas d'une porte. Je lui ai demandé : "Pourquoi
pleures-tu ?". Elle m'a dit : "Le médecin m'a
déclaré : 'Ta fille est phtisique. Résigne-toi. Elle mourra au début d'octobre'. Je n'ai
qu'elle. Elle est belle, bonne, elle a quinze ans. Elle devait se marier au
printemps, et au lieu du coffre de noces, je dois préparer sa tombe". Je
lui ai dit : "Je connais un Médecin qui peut te la guérir, si tu as
de la foi". "Plus personne peut la guérir. Trois médecins l'ont
vue. Elle crache déjà du sang". "Le mien" ai-je dit
"n'est pas un médecin comme les tiens. Il ne soigne pas avec des
remèdes. Mais par sa puissance C'est le Messie...". Une petite
vieille, alors, lui a dit : "Oh ! crois Élise ! Je
connais un aveugle qui a recouvré la vue grâce à Lui !" Et la mère,
alors, est passée de la méfiance à l'espoir et elle t'attend... Ai-je bien
fait ? Je n'ai fait que cela."
"Tu as bien fait. Et, ce soir, nous irons chez tes amis. Judas, tu ne l'as plus vu ?"
"Plus, Maître. Mais il m'a envoyé de la nourriture et de l'argent que
j'ai donnés aux pauvres. Il m'a envoyé dire que je
les emploie à mon gré, car ils étaient à lui."
"C'est vrai. Jean, demain nous allons vers la Galilée..."
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