| Le mercredi 17
  janvier 1945. 19/20>
   80.1 – Une très belle aube dans un
  lieu sauvage. Une aube en haut d'une pente montagneuse. À peine la première
  lueur du jour Dans le ciel les dernières étoiles visibles et un étroit
  croissant de la lune en décours qui reste, virgule d'argent, sur le velours
  sombre du ciel. 
 La montagne semble indépendante, sans liaison avec d'autres chaînes. Mais,
  c'est un vrai mont, pas une colline. La cime est beaucoup plus en haut et
  pourtant, à mi-hauteur on découvre un large horizon ce qui témoigne qu'on
  s'est élevé beaucoup au dessus du niveau du sol. Dans l'air frais du matin où
  se fraie sa route la lumière incertaine, blanc-verdâtre de l'aube, et qui se
  fait plus claire, se révèlent les contours et les détails que dissimulait
  d'abord la brume qui précède le jour, toujours plus sombre qu'une nuit, car
  la lumière des astres, dans le passage de la nuit au jour diminue et je
  dirais qu'elle s'efface. Je vois ainsi que la montagne est de roche nue,
  coupée d'anfractuosités qui forment des grottes, des antres et refuges dans
  la montagne.
 
 Dans les seuls endroits où un peu de terre s'est accumulée
  pour pouvoir recueillir aussi l'eau du ciel, et la conserver, il y a des
  touffes de verdure, des plantes qui n'ont guère qu'une tige épineuse, avec un
  rare feuillage et des buissons ligneux à ras de terre de végétaux qui
  semblent des baguettes vertes, et dont je ne sais pas le nom.
 
 En bas se trouve une étendue, plus aride encore, plate, pierreuse et qui
  devient toujours plus aride à mesure qu'on se rapproche d'un point obscur,
  plus long que large, au moins cinq fois plus long que large. Je pense qu'il
  s'agit d'une oasis luxuriante qu'ont fait naître des eaux souterraines dans
  ce paysage désolé. Cependant, quand la lumière se fait plus vive, je vois que
  c'est une étendue d'eau. Une eau stagnante, sombre, morte. Un lac d'une
  tristesse infinie. Dans cette lumière encore incertaine, cela me remet en
  mémoire la vision du monde mort.
  Le lac semble attirer à lui l'image sombre du ciel, et toute la tristesse du
  paysage environnant. Il semble refléter dans ses eaux immobiles, le vert
  sombre des plantes épineuses et des herbes rigides qui sur des kilomètres et
  des kilomètres, en plaine et sur les pentes, sont l'unique parure du sol, et
  en faire un philtre de sombre tristesse qui s'en dégage et se répand sur tout
  l'environnement. Quelle différence avec le lumineux et riant lac de
  Génésareth !
 
 En haut, en regardant le ciel, d'une absolue sérénité qui se fait toujours
  plus clair, en regardant la lumière qui de l'orient se répand comme une marée
  lumineuse, l'esprit redevient joyeux. Mais la vue de cette immense étendue
  d'eau morte vous serre le cœur. Aucun oiseau ne la survole. Aucun animal sur
  ses rives. Rien.
  Dessin de Lorenzo
  Ferri réalisé sur les indications de Maria
  Valtorta.
  80.2 – Pendant que je regarde cette
  désolation, la voix de Jésus vient me secouer : "Et,
  nous voici arrivés où je voulais." Je me retourne. Je le vois derrière
  moi, au milieu de Jean, Simon
  et Judas, près de la pente rocheuse de la
  montagne, là où arrive un sentier... il vaudrait mieux dire : là où un long
  travail des eaux, à la saison des pluies a érodé le calcaire, creusant au
  cours des siècles un canal à peine dessiné qui sert à l'écoulement des eaux
  venant des sommets et qui maintenant est un chemin pour les chèvres sauvages
  plutôt que pour les hommes. 
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  de page.
 
 20> Jésus regarde tout autour et
  répète :
 
 "Qui, c'est là que je voulais vous amener. Là le Christ s'est préparé à
  sa mission."
 
 "Mais, ici, il n'y a rien !"
 
 "Il n'y a rien, tu l'as dit."
 
 "Avec qui étais-tu ?!"
 
 "Avec mon esprit et avec le Père."
 
 "Ah ! ce fut une halte de quelques heures !"
 
 "Non, Judas, non pas de quelques heures, mais de plusieurs
  jours..."
 
 "Mais, qui te servait ? Où as-tu dormi ?"
 
 "J'avais pour serviteurs les onagres qui, la nuit, venaient dormir dans
  leur tanière... dans celle-ci où Moi aussi je m'étais réfugié. J'avais à mon
  service les aigles qui me disaient : "Il fait jour" avec leur
  cri sauvage quand ils partaient en chasse. J'avais pour amis les petits
  lièvres qui venaient brouter les herbes sauvages, pour ainsi dire à mes
  pieds... Ma nourriture et ma boisson c'était ce qui est nourriture et boisson
  pour les fleurs sauvages la rosée de la nuit, la lumière du soleil. Rien
  d'autre."
 
 "Mais, pourquoi ?"
 
 "Pour bien me préparer, comme tu dis, à ma mission. Les
  choses bien préparées réussissent bien. Tu l'as dit. Et mon affaire
  n'était pas la petite, l'inutile affaire de me mettre en lumière Moi,
  Serviteur du Seigneur, mais de faire comprendre aux hommes ce qu'est le
  Seigneur et par le moyen de cette compréhension de le faire aimer en esprit
  de vérité. Misérable le serviteur du Seigneur qui pense à son triomphe et non
  à celui de Dieu ! Qui cherche à en tirer profit, qui songe à s'élever
  sur un trône fabriqué... oh ! fabriqué avec les intérêts de Dieu, avilis
  jusqu'à traîner par terre, eux qui sont des intérêts célestes. Ce n'est plus
  un serviteur, celui-là, même s'il en a l'aspect extérieur. C'est un marchand,
  un trafiquant, un être faux qui se trompe lui-même, qui trompe les hommes et
  voudrait tromper Dieu... un malheureux qui se prend pour un prince et qui est
  un esclave... Esclave du Démon son roi et son maître de mensonge. Ici, dans
  cette tanière, le Christ, pendant un grand nombre de jours a vécu de
  mortifications et de prière pour se préparer à sa mission.
 
 
  80.3 – Et où voudrais tu que je sois
  allé pour me préparer, Judas ?" 
 Judas est perplexe, désorienté. Il répond finalement :
 
 "Mais je ne saurais... Je pensais... chez quelque rabbi... près des Esséniens... Je
  ne sais."
 
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 21> "Et pouvais-je trouver un rabbi qui m'en dît
  davantage de ce que me disait la puissance et la sagesse de Dieu ? Et
  pouvais-je Moi - Moi, Verbe éternel du Père, qui étais quand le Père créa
  l'homme et qui sais par quel esprit immortel il est animé et de quelle
  capacité de libre jugement le Créateur l'a doté - pouvais-je aller chercher
  science et compréhension chez des gens qui nient l'immortalité de l'âme en
  niant la résurrection finale, qui nient le libre arbitre de l'homme en
  renvoyant dos à dos vertus et vices, actions saintes et mauvaises réglées par
  une destinée qu'ils disent fatale et invincible ? Ah ! non.
 
 Vous avez une destinée, oui. Vous l'avez. Dans l'esprit de Dieu qui vous a
  créés, il existe pour vous une destinée. Le Père la désire pour vous, et
  c'est une destinée d'amour, de paix, de gloire : "la sainteté qui
  fait de vous ses fils". Tel est le destin qui, présent à la pensée
  divine au moment où, avec de la boue, fut fait Adam, sera présent jusqu'à la
  création de la dernière âme humaine.
 
 Mais le Père ne vous fait pas violence dans votre
  condition de roi. Le roi, s'il est prisonnier, n'est plus roi : il est
  déchu. Vous êtes rois parce que vous êtes libres dans votre petit royaume
  individuel, dans votre moi. En lui, vous pouvez faire ce que vous
  voulez, comme vous voulez.
 
 
  80.4 – En face, et aux frontières de
  votre petit royaume, vous avez un Roi ami et deux puissances ennemies. L'Ami
  vous montre les règles qu'il a faites pour rendre heureux ceux qui sont à
  Lui. Il vous les montre. Il vous dit : "Les voilà, avec elles, est assurée l'éternelle victoire". Il vous les
  montre, Lui, le Sage et le Saint pour que vous puissiez, si vous le voulez,
  les mettre en pratique et en tirer une gloire éternelle. Les deux puissances
  ennemies sont Satan et la chair. Sous le
  nom de chair, je mets la vôtre et celle du monde : c'est à dire les
  pompes et les séductions du monde, c'est à dire la richesse, les fêtes, les
  honneurs, les puissances qui viennent du monde et qui s'y trouvent et qu'on
  n'acquiert pas toujours honnêtement et dont on sait encore moins user
  honnêtement si l'homme y parvient par suite d'un ensemble de circonstances. 
 Satan, maître de la chair et du monde s'adresse à nous par lui-même et par la
  chair. Lui aussi a ses règles... Oh ! s'il en
  a !... Et puisque le moi est entouré de chair et que la chair
  recherche la chair comme les parcelles de fer se dirigent vers l'aimant, et
  parce que le chant du Séducteur est plus doux que les roulades du rossignol
  énamouré au clair de lune dans le parfum de la roseraie, il est plus facile
  d'aller vers ces règles, de se soumettre à ces puissances, de leur
  dire : "Je vous tiens pour des amies. Entrez".
 
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 23>
  Entrez...
  Avez-vous jamais vu un allié qui reste toujours honnête, sans demander le cent
  pour un pour l'aide qu'il apporte ? Ainsi font-elles. Elles entrent...
  Elles deviennent maîtresses. Maîtresses ? Non : tyranniques. Elles vous
  attachent ô hommes aux bancs de galériens, elles vous y enchaînent, elles ne
  vous laissent plus dégager le cou de leur joug et leur fouet vous laisse des
  traces sanglantes si vous cherchez à leur échapper.
  Oh ! se faire frapper jusqu'à en devenir une masse de chair broyée,
  devenue inutilisable au point que leur pied cruel la repousse, ou mourir sous
  les coups. 
 Si vous savez vous donner ce martyre, vous donner ce martyre voilà
  alors que passe la Miséricorde, l'Unique qui puisse encore avoir pitié de
  cette répugnante misère pour laquelle le monde, un des deux maîtres, éprouve
  du dégoût et sur laquelle l'autre maître, Satan, décoche ses flèches vengeresses.
  Et la Miséricorde l'Unique qui passe auprès, se penche, l'accueille, la
  soigne, guérit et lui dit : "Viens, ne crains pas, Ne te regarde
  pas. Tes plaies ne sont plus que des cicatrices, mais tellement innombrables
  qu'elles te feraient horreur, tellement elles te défigurent. Mais, Moi, ce
  n'est pas elles que je regarde, je regarde ta volonté. À cause de cette bonne
  volonté, tu es ainsi marqué d'un signe, à cause de ce signe, je te dis :
  "je t'aime, viens avec Moi", et elle la porte dans son Royaume. Alors
  vous comprenez que Miséricorde et amitié Royale sont une même personne. Vous
  retrouvez les règles que Lui vous avait montrées et que vous n'aviez pas
  voulu suivre. Maintenant vous en avez la volonté... et arrivez à paix de la
  conscience d'abord, à la paix de Dieu ensuite.
 
 Dites-moi, alors. Est-ce que cette destinée a été imposée par un Seul à tous,
  ou si personnellement chacun l'a voulue pour lui-même ?"
 
 "C'est chacun qui l'a voulue."
 
 "Tu juges bien, Simon. Pouvais-je, Moi aller trouver ceux qui nient la
  bienheureuse résurrection et le don de Dieu pour me former ?
 
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 24>
  80.5 – C'est ici que je suis venu.
  J'ai pris mon âme de Fils l'homme et me la suis travaillée par les ultimes
  touches, tenant le travail de trente années d'anéantissement et de
  préparation pour aborder avec perfection mon ministère. Maintenant, je vous
  demande de rester avec Moi, quelques jours, dans cette tanière. L'attente
  sera toujours moins désolée car nous serons quatre amis pour nous défendre
  contre les tristesses, les peurs, les tentations, les nécessités de la chair.
  Moi, j'étais seul. Ce sera moins pénible parce que
  maintenant c'est l'été, et ici, en altitude, il y le vent des sommets pour
  tempérer la chaleur. Moi j'y vins à la fin de la lune de Tebet et glacial était le vent qui descendait des neiges de la
  cime. L'attente sera moins torturante parce que plus courte et parce que nous
  avons maintenant ce minimum de nourriture qui peut apaiser notre faim, et
  dans les gourdes que je vous ai fait donner par les bergers, il y a assez
  d'eau pour ce court séjour. Moi... Moi, j'ai besoin
  d'arracher deux âmes à Satan. Il n'y a que la pénitence qui
  puisse en venir à bout. Je vous demande de l'aide. Cela servira aussi à votre
  formation. Vous apprendrez comment on arrache les proies à Mammon. Pas tant
  avec les paroles qu'avec le sacrifice... Les paroles !... Le vacarme
  satanique empêche qu'on les écoute… Les âmes qui sont la proie de l'Ennemi
  sont emportées dans un tourbillon de voix infernales... Voulez-vous rester
  avec Moi ? Mais si vous, vous ne voulez pas, partez. Moi je reste. Nous
  nous retrouverons à Tecua, près du marché." 
 "Non, Maître, je ne t'abandonne pas " dit Jean pendant qu'en même
  temps Simon s'écrie :
 
 "C'est pour nous élever que tu nous veux avec Toi dans cette
  rédemption."
 
 Judas... ne me paraît pas très enthousiaste mais il fait bon visage au... destin
  et dit :
 
 "Moi, je reste."
 
 "Prenez alors les gourdes, les sacs et portez-les à l'intérieur et,
  avant que le soleil ne soit brûlant, cassez du bois et entassez-le près de
  l'ouverture. La nuit est froide, même en été ici, et toutes les bêtes ne sont
  pas inoffensives. Allumez tout de suite une branche, là de cette plante
  d'acacia gommeux. Il brûle bien. Nous la promènerons à travers les
  fissures pour chasser avec le feu aspics et scorpions. Allez-y "...
 
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 25>
  80.6 – ... Le même point de la
  montagne. Seulement, maintenant, c'est la nuit. Une nuit toute étoilée. Une
  beauté du ciel nocturne, comme je crois on ne peut jouir que dans ces pays
  déjà tropicaux. Étoiles d'une grandeur et d'un brillant merveilleux. Les
  grandes constellations semblent des grappes de brillants, de clairs topazes,
  de pâles saphirs, de doux opales, de tendres rubis. Elles tremblent,
  s'allument, s'éteignent, comme les regards quand les paupières les voilent un
  instant, et reprennent un éclat plus merveilleux. De temps à autre, une
  étoile filante trace dans le ciel une ligne de feu et disparaît vers on ne
  sait quel horizon. Un trait lumineux qui paraît le cri de joie d'une étoile
  charmée de voler ainsi dans ces prairies illimitées. 
 Jésus est assis à l'entrée de la caverne et parle aux trois
  qui font cercle avec Lui. Il doit y avoir eu du feu, parce qu'au milieu du
  cercle formé par les quatre, un tas de tisons a encore des lueurs de braises
  et rougit de son reflet les quatre visages.
 
 "Oui, le séjour est terminé. Ce séjour. L'autre fois, il
  dura quarante jours... Et je vous redis encore : c'était encore l'hiver sur
  ces pentes... et je n'avais pas de nourriture. Un peu plus difficile que
  cette fois, n'est-ce pas ? Je sais que vous avez souffert aussi
  maintenant. Le peu que nous avions et que je vous donnais n'était rien
  spécialement pour la faim des jeunes. C'était tout juste pour vous empêcher
  de tomber de faiblesse. L'eau, il y en avait encore moins avec la chaleur
  torride du jour. Et vous direz que cela n'existait pas en hiver. Mais alors
  c'était un vent sec qui descendait de la cime en brûlant les poumons et
  s'élevait de la plaine, chargé de la poussière du désert et desséchait plus
  encore que cette chaleur estivale que l'on peut adoucir en suçant ces fruits
  acidulés qui sont presque mûrs. Alors la montagne ne donnait que vent et
  herbes brûlées par le gel autour des acacias squelettiques. Je ne vous ai pas
  donné tout, car j'ai réservé les derniers pains et le dernier fromage avec la
  dernière gourde pour le retour ...Je sais ce que fut le retour, épuisé comme
  je l'étais dans la solitude du désert... Rassemblons nos affaires et partons.
  La nuit est encore plus claire que celle où nous sommes arrivés. Il n'y a pas
  de lune, mais le ciel pleut de la lumière. Partons. Gardez le souvenir de
  cette place. Sachez vous souvenir de la façon dont
  se prépara le Christ et dont se préparent les apôtres. C'est comme je l'ai
  enseigné que se préparent les apôtres."
 
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 26>
  80.7 – Ils se lèvent. Simon, avec une
  branche remue les braises, les ravive, avant de les éteindre avec les pieds,
  avec des herbes sèches, et, à la flamme il allume un rameau d'acacia et le
  tient en l'air à l'entrée de la grotte pendant que Judas et Jean rassemblent
  les manteaux, les sacs et les gourdes dont une seule est encore pleine. Puis
  il éteint le rameau en le secouant contre le: roches, se charge de son sac,
  et comme tous les autres, se met le manteau en l'attachant à la taille pour
  qu'il ne gêne pas la marche. 
 Ils descendent sans plus parler l'un derrière l'autre par un
  sentier très rapide mettant en fuite de petits animaux qui broutent le peu
  d'herbes qui résiste encore au soleil. Le chemin est long et difficile.
  Finalement, ils arrivent à la plaine. La marche n'est
  pas très aisée non plus, ici, où pierres et éclats de pierres roulent
  traîtreusement sous le pied, en le blessant aussi, parce que la terre réduite
  en poussière les cache et qu'on ne peut les éviter, et où des buissons
  épineux brûlés par le soleil griffent les pieds et gênent la marche en
  s'accrochant au bas des vêtements. Mais le chemin est plus direct.
 
 Là-haut, les étoiles sont toujours plus belles.
 
 Ils vont, ils vont, et vont, pendant des heures. La terre est toujours plus
  stérile et plus triste. Des éclats scintillants brillent dans des petites
  rides du sol, dans des trous parmi les aspérités du terrain. On dirait des
  éclats de brillants ternis. Jean se baisse pour les regarder.
 
 "C’est le sel du sous-sol. Il en est saturé. Il affleure avec les crues
  du printemps et puis se dessèche, Voilà pourquoi la vie ne résiste pas ici.
  La mer Orientale, par des veines profondes répand la mort à plusieurs stades
  alentour. Là seulement où des sources d’eau douce s’opposent à son action, là
  seulement on peut trouver des arbres pour s’abriter" explique Jésus.
 
 
  80.8 – Ils marchent encore. Puis
  Jésus s’arrête près de la grotte où je l’ai vu tenté par Satan. 
 "Arrêtons-nous ici. Assoyez-vous. D’ici peu ce sera le chant du coq.
  Depuis six heures nous marchons et vous devez avoir faim et soif, être
  fatigués. Prenez. Mangez et buvez assis ici autour de Moi, pendant que Je
  vous dis encore une chose que vous direz aux amis et au monde."
 
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  de page.
 
 27> Jésus a ouvert son sac et en a tiré
  pain et fromage qu’il coupe et distribue et il verse de l’eau de sa calebasse
  dans un bol et la distribue aussi.
 
 "Tu ne manges pas Maître ?"
 
 "Non. Je vous parle. Écoutez. Il y eut une fois
  quelqu’un, un homme, qui me
  demanda si je n'avais jamais été tenté. Qui me demanda si je
  n’avais jamais péché. Qui me demanda si, au cours de la tentation, je n’avais
  jamais cédé. Et qui fut stupéfait de ce que Moi, le Messie, j’eus demandé,
  pour résister, l’aide du Père en disant : ''Père, ne m’induis pas en tentation".
 
 Jésus parle doucement, comme s’il racontait un fait ignoré de tous... Judas
  baisse la tête comme s’il était gêné. Mais les autres sont tellement
  attentifs à regarder Jésus qu’ils ne s’en aperçoivent pas.
 
 Jésus continue :
 
 "Maintenant, vous, mes amis, vous pourrez savoir ce que très légèrement
  cet homme apprit. Après le Baptême - j’étais pur, mais on ne l’est jamais
  suffisamment par rapport au Très-Haut et l’humilité de dire : “Je suis un
  homme pécheur”
  est déjà un baptême qui purifie le cœur - après le Baptême, je suis venu ici.
  J’avais été appelé “l’Agneau de Dieu” par celui qui, saint et prophète,
  voyait la Vérité et voyait l’Esprit descendre sur le Verbe et le faire l’oint
  par son chrême d’amour pendant que la voix du Père remplissait les cieux du
  son de ses paroles en disant : “Voici mon Fils Bien-Aimé, en qui je me suis
  complu ”. Toi, Jean, tu étais présent quand le Baptiste a répété les
  paroles... Après le Baptême, bien que pur par nature et pur par ma
  personnalité, je voulus “me préparer” Oui, Judas. Regarde-moi. Mon œil te dit
  ce qu'encore tait ma bouche. Regarde-moi, Judas. Regarde ton Maître qui n’a
  pas eu conscience d’être supérieur à l’homme du fait qu’il était le Messie
  et qui, même sachant qu’Il était l’Homme, a voulu l’être en tout, sauf dans
  la condescendance au mal. Voilà : c’est ainsi."
 
 Maintenant Judas a levé le visage et regarde Jésus qu’il a en vis-à-vis. La
  lumière des étoiles fait briller les yeux de Jésus comme si c’était deux
  étoiles éclairant son pâle visage.
 
 
  80.9 – "Pour se préparer à être
  Maître, il faut avoir été écolier. Moi, je savais tout comme Dieu. Mon
  intelligence pouvait aussi me faire comprendre les luttes de l’homme par mon
  intelligence et intellectuellement. 
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 28> Mais un jour, quelque pauvre ami à
  moi, quelque pauvre fils à moi, aurait pu dire et me dire : “Tu ne sais
  pas ce que c’est que d’être un homme et d’avoir sentiments et passions“.
  Ç'aurait été un reproche juste. Je suis venu ici-même, là, sur ce mont, pour
  me préparer... non seulement à la mission... mais à la tentation.
  Voyez-vous ? Là où vous êtes assis, Moi je fus tenté. Par qui ? Par
  un mortel ? Non. Trop faible aurait été sa puissance. J’ai été tenté par
  Satan, directement.
 
 J’étais épuisé. Depuis quarante jours, je ne
  mangeais plus... Mais tant que j’avais été perdu dans l’oraison, tout s’était
  anéanti, dans la joie de parler avec Dieu, plus qu’anéanti : devenu
  supportable. Je le ressentais comme un amoindrissement matériel, qui se
  bornait à la matière seule... Puis, je suis revenu au monde... sur les routes
  du monde... et j’ai ressenti les besoins de qui vit en ce monde. J’ai eu
  faim. J’ai eu soif. J’ai senti le froid piquant de la nuit du désert. J’ai
  senti mon corps brisé par le manque de repas, de couche, et du long chemin
  accompli dans de telles conditions d’épuisement qu’elles m’empêchaient
  d’aller plus loin...
 
 Car j’ai une chair,
  Moi aussi, amis. une vraie chair. Et elle est sujette aux mêmes faiblesses
  qu’éprouvent toutes les chairs. Et avec la chair, j’ai un cœur. Oui. De
  l’homme j’ai pris la première et la seconde des trois parties qui constituent
  l’homme. J’ai pris la matière avec ses exigences et la sensibilité avec ses
  passions. Si par l’effet de ma volonté j’ai réduit dès avant leur naissance
  toutes les passions
  qui ne sont pas bonnes, j’ai laissé croître, puissantes comme des cèdres
  centenaires, les saintes passions de l’amour filial, de l’amour de la patrie,
  des amitiés, du travail, de tout ce qui est excellent et saint. Et ici, j’ai
  senti la nostalgie de la Maman lointaine, j’ai ressenti le besoin de ses
  soins sur ma fragilité d’homme. Ici, j’ai senti se renouveler la souffrance
  de m’être séparé de l’unique qui m’aimât parfaitement. Ici, j’ai ressenti la
  souffrance qui m’était réservée et la douleur de sa douleur, pauvre Maman,
  qui n’aura plus de larmes, tant elle devra en répandre pour son Fils et à
  cause des hommes. Ici, j’ai ressenti la lassitude du héros et de l’ascète
  qui, en une heure de prémonition, se rend compte de l’inutilité de son
  effort... J’ai pleuré... La tristesse.. appel
  magique pour Satan. Ce n’est
  pas péché d’être triste si l’heure est torturante. C’est péché de
  s’abandonner à la tristesse et de tomber dans l’inertie ou le désespoir. Mais
  Satan s’amène tout de suite quand il voit quelqu’un qui tombe dans la
  langueur spirituelle.
 
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  de page.
 
 29> Il est venu, en habits de voyageur
  serviable. Il prend toujours un aspect sympathique... J’avais faim.., et
  j’avais mes trente ans dans le sang. Il m’a offert son aide et il a commencé
  par me dire : “Dis à ces pierres qu’elles deviennent des pains“. Mais,
  avant encore... oui... encore avant, il m’avait parlé de la femme...
  Oh ! il sait en parler. Il la connaît à fond. Il a commencé par la
  corrompre pour s’en faire une alliée dans son oeuvre
  de corruption. Je ne suis pas seulement le Fils de Dieu. Je suis Jésus,
  l’artisan de Nazareth. À cet homme qui me parlait alors, me demandant si je connaissais la tentation et m’accusait
  presque d’être injustement heureux parce que je n’avais pas péché, à cet homme j’ai dit : “L’acte
  s’apaise dans la satisfaction. La tentation quand on la repousse ne tombe
  pas, mais se fait plus forte surtout parce que Satan l’excite“. J’ai repoussé
  la double tentation de la faim de la femme et de la faim du pain. Et sachez
  que Satan me proposait la première et il n’avait pas tort, d’après le
  jugement des hommes, comme la meilleure alliée pour m’imposer dans le monde.
 
 La Tentation, qui n’était pas vaincue par mon : “Ce
  n’est pas seulement des sens que vit l’homme“, me parla alors de ma mission.
  Elle voulait séduire le Messie après avoir tenté l’homme jeune. Elle me
  poussa à annihiler les indignes ministres du Temple par un miracle... Le
  miracle, flamme du Ciel, ne se prête pas à se faire cercle d’osier pour qu’on
  s’en fasse une couronne... Et on ne tente pas Dieu en Lui
  demandant des miracles à des
  fins humaines. C’est cela que voulait Satan. Le motif présenté était un
  prétexte; la vérité était : “Glorifie-toi d’être le Messie“, pour
  m’amener à l’autre concupiscence, celle de l’orgueil.
 
 Pas vaincu par mon : “Tu ne tenteras pas le Seigneur ton Dieu” il
  chercha à me circonvenir par la troisième force de sa nature: l’or : Oh ! l’or.
  Grande chose que le pain et plus grande la femme pour qui est affamé de pain
  ou de jouissance. Très grande chose l’acclamation des foules pour l’homme...
  Pour ces trois choses que de fautes se commettent ! Mais l’or... mais
  l’or... Clef qui ouvre, moyen de corruption, c’est l’alpha et l’oméga de
  quatre vingt dix neuf actions sur cent pour les hommes. Pour le pain et la
  femme, l’homme devient voleur. Pour la puissance il va jusqu’à l’homicide.
  Mais, pour l’or, il devient idolâtre. Le roi de l’or : Satan, m’a offert
  son or pour que je l’adore... Je l’ai transpercé avec les paroles
  éternelles : “Tu n’adoreras que le Seigneur ton Dieu ”
 
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  de page.
 
 30> C’est ici, ici que cela est
  arrivé."
 
 
  80.10 – Jésus s’est levé. Il paraît
  plus grand qu’à l’ordinaire dans la plaine qui l’entoure, dans la lumière légèrement
  phosphorescente qui tombe des étoiles. Les disciples se lèvent aussi. Jésus
  continue a parler en fixant intensément Judas. 
 "Alors sont venus les anges du Seigneur... L’Homme
  avait remporté la triple victoire. L’Homme savait ce que voulait dire être
  homme et il avait vaincu. Il était épuisé. La lutte avait été plus épuisante
  que le jeûne prolongé... Mais l’esprit dominait... Je crois que les Cieux ont
  tressailli à mon affirmation complète de créature douée de raison. Je crois
  que, de ce moment est venu en Moi le pouvoir du miracle. J’avais été Dieu.
  J’étais devenu l’Homme. Maintenant, triomphant de l’animal conjoint à la
  nature humaine, voilà que j’étais l’Homme-Dieu.
  Je le suis. Et comme Dieu, je puis tout. Et comme Homme j’ai l’expérience de
  tout. Agissez, vous aussi, comme Moi, si vous voulez faire ce que je fais. Et
  faites-le en souvenir de Moi.
 
 
  Cet homme
  s’étonnait que j’eusse demandé l’aide du Père et que je l’eusse prié de ne
  pas m’induire en tentation. De ne pas m’abandonner donc au risque d’une tentation qui
  dépasserait mes forces. Je crois que cet homme, maintenant qu’il sait, ne
  s’étonnera plus. Agissez vous aussi de même en souvenir de Moi, et pour
  vaincre comme Moi et ne doutez jamais en me voyant fort dans toutes les
  épreuves de la vie, victorieux dans la bataille des cinq sens, de la
  sensibilité et du sentiment, sur ma nature de véritable Être humain, et en
  plus d’Être divin. Rappelez-vous de tout cela. 
 
  80.11 – Je vous avais promis de vous
  conduire là où vous auriez pu connaître le Maître... depuis l’aube de son
  jour : une aube pure comme celle qui va se lever jusqu’au midi de sa vie, ce
  midi d’où je suis parti pour aller à la rencontre du soir de ma vie... J’ai
  dit à l’un de vous : “Moi aussi, je me suis préparé “. Vous voyez que c’était
  vrai. Je vous remercie de m’avoir tenu compagnie dans ce retour à mon lieu de naissance et à mon lieu de pénitence. Les premiers contacts avec le monde,
  m’avaient déjà donné la nausée et apporté le découragement. Il est trop laid.
  Maintenant mon âme s’est nourrie de la moelle du lion : de la fusion avec le
  Père dans l’oraison et dans la solitude. Je puis retourner dans le monde pour
  reprendre ma croix, ma première croix de Rédempteur : celle du contact avec
  le monde, avec le monde où trop peu nombreuses sont les âmes qui s’appellent Marie, qui s’appellent Jean ... 
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 31> Maintenant, écoutez, toi spécialement Jean. Nous
  revenons vers la Mère et vers les amis. Je vous en prie : ne dites pas à
  la Mère la dureté qui s'est opposée à l'amour de son Fils. Elle en
  souffrirait trop. De cette cruauté de l'homme Elle souffrira tellement,
  tellement, tellement... mais ne lui présentons pas le calice dès maintenant.
  Il sera si amer quand il lui sera donné ! Si amer, que tel un poison, il
  se glissera comme un serpent dans ses viscères saintes et dans ses veines et
  les mordra, lui glacera le cœur. Oh ! ne dites pas à ma Mère que Bethléem et Hébron m'ont repoussé comme un chien ! Pitié pour
  Elle ! Toi Simon, tu es âgé et bon, tu es réfléchi et ne parleras pas,
  je le sais. Toi, Judas, tu es juif et tu ne parleras pas par fierté patriotique.
  Mais toi, Jean, toi galiléen et jeune, ne tombe pas dans le péché d'orgueil,
  de critique, de cruauté. Tais-toi. Plus tard... plus tard tu diras aux autres
  ce que, maintenant je te prie de taire. Même aux autres. Il y a déjà tant à
  dire en ce qui concerne le Christ. Pourquoi y mêler ce qui vient de Satan
  contre le Christ ? Amis, me promettez-vous tout cela ?"
 
 "Oh ! Maître, bien sûr que nous te le
  promettons ! Sois tranquille !"
 
 "Merci. Allons jusqu'à cette petite oasis. Il y a là une source, une
  citerne pleine d'eau fraîche, de l'ombre, de la verdure. La route vers le
  fleuve est en lisière. Nous pourrons y trouver nourriture et repos jusqu'au
  soir. À la clarté des étoiles, nous atteindrons le fleuve, le gué. Nous
  attendrons Joseph où nous nous joindrons à lui, s'il est déjà revenu.
  Allons."
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