Le jeudi 10 octobre 1946
89> 510.1 - Jésus sort avec ses apôtres et Joseph de
Sephoris se dirigeant vers la synagogue. La
journée, limpide et sereine, réjouit comme une promesse de printemps après
les jours venteux et couverts, vrais jours d'hiver. Beaucoup de gens de
Jérusalem sont donc sur les routes, les uns allant vers les synagogues,
d'autres en revenant ou venant d'autres lieux, certains avec leur famille
afin de sortir de la ville pour jouir du soleil dans la campagne. De la Porte
d'Hérode, visible de la maison de Joseph de Sephoris, on voit les gens
quitter les murs pour des distractions joyeuses, en plein air. Un plongeon
dans la verdure, dans l'espace, dans la liberté, en dehors des rues étroites
entre les hautes maisons. Je crois que la ceinture champêtre qui entourait
Jérusalem avait été voulue spontanément par les habitants qui voulaient
concilier la mesure du chemin du sabbat avec leur désir d'air et de soleil,
qu'ils prenaient sur les routes, et non seulement sur les terrasses des
maisons.
Mais Jésus ne va pas vers la porte d'Hérode.
Au contraire, il lui tourne le dos pour se diriger vers l'intérieur de la
ville. Mais il n'a fait que quelques pas sur la route plus large, où débouche
le petit chemin où se trouve la maison de Joseph de Sephoris, que Judas de Kériot attire
son attention sur un jeune homme qui s'avance vers eux, en tâtant les murs
avec un bâton, en levant en l'air son visage sans yeux, avec la démarche
particulière aux aveugles. Ses habits sont pauvres mais propres, et ce doit
être une personne connue de beaucoup de gens de Jérusalem car plusieurs le
montrent du doigt et certains lui disent :
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90> "Homme, aujourd'hui tu t'es
trompé de route. Les chemins du Moriah sont tous dépassés, tu es déjà à
Bézéta."
"Je ne demande pas d'argent aujourd'hui" répond l'aveugle avec un sourire
et il avance toujours avec ce sourire vers le nord de la ville.
510.2 - "Maître, observe-le. Il a les
paupières soudées ou plutôt je dirais qu'il n'a pas de paupières. Le front
rejoint les joues sans aucune cavité et il semble que par dessous il n'y ait
pas de globes oculaires. Il est né ainsi, le malheureux, et il mourra de même
sans avoir vu une seule fois la lumière du soleil ni le visage d'un homme.
Maintenant, Maître, dis-moi : pour être ainsi puni, il a certainement péché.
Mais s'il est né aveugle, comme c'est certain, comment peut-il avoir péché
avant de naître ? Peut-être ses parents ont péché et Dieu les a punis en le
faisant naître ainsi ?"
Les autres apôtres aussi, avec Isaac
et Marziam,
se serrent près de Jésus pour entendre sa réponse. Et pressant le pas, comme
attirés par la haute taille de Jésus, qui domine la foule, accourent deux
hiérosolymitains
de condition aisée qui étaient un peu en arrière de l'aveugle et entre eux se
trouve Joseph
d'Arimathie qui ne s'approche pas mais, adossé a un portail élevé sur deux marches, tourne ses regards
vers tous les visages pour les observer.
Jésus répond et on entend clairement ses
paroles dans le silence qui s'est fait :
"Ni lui ni ses parents n'ont péché plus que ne pèche tout homme, et
peut-être moins aussi, car souvent la pauvreté est un frein pour le péché.
Mais il est né ainsi pour qu'une fois encore, soient manifestées en lui la
puissance et les œuvres de Dieu. Je suis la Lumière venue dans le monde pour
que ceux du monde, qui ont oublié Dieu ou perdu son image spirituelle, voient
et se souviennent, et pour que ceux qui cherchent Dieu, ou Lui appartiennent
déjà, soient confirmés dans la foi et dans l'amour. Le Père m'a envoyé pour
que, dans le jour qui est encore accordé à Israël, je complète la
connaissance de Dieu en Israël et dans le monde. Voici donc que je dois
accomplir les œuvres de Celui qui m'a envoyé pour témoigner que je puis ce
que Lui peut, parce que je suis Un avec Lui, et pour que le monde sache et
voie que le Fils n'est pas dissemblable du Père et pour qu'il croie en Moi
pour ce que je suis.
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91> Après viendra la nuit pendant
laquelle on ne peut plus travailler, la ténèbre, et
celui en qui ne se sera pas gravé mon signe et la foi en Moi, ne pourra plus
le faire dans les ténèbres et la confusion, la douleur, la désolation et la
ruine qui couvriront ces lieux et étourdiront les esprits par la
surexcitation des peines. Mais, tant que je suis dans le monde, je suis
Lumière et Témoignage, Parole, Chemin et Vie, Sagesse, Puissance et
Miséricorde.
510.3 - Va donc, rejoins l'aveugle et
amène-le ici."
"Vas-y toi, André,
je veux rester ici et voir ce que fait le Maître" répond Judas en montrant Jésus qui s'est penché
sur le chemin poussiéreux, a craché sur un petit tas de terre et est en train
de délayer avec le doigt la poussière dans la salive pour former une boulette
de boue. Pendant qu'André, toujours condescendant va prendre l'aveugle qui va
tourner dans le petit chemin où se trouve la maison de Joseph de
Sephoris, Jésus étend la boue sur ses deux
index en restant ainsi les mains tendues comme le prêtre pendant la Sainte
Messe. Cependant Judas quitte sa place pour dire à Matthieu et à Pierre : "Venez ici, vous qui n'avez
pas une grande taille, et vous verrez mieux." Et il se met en arrière de
tout le monde, presque caché par les fils
d'Alphée et par Barthélemy,
qui sont grands.
André revient en tenant par la main l'aveugle qui s'époumone à dire :
"Je ne veux pas d'argent. Laisse-moi aller. Je sais où se trouve celui
qu'on appelle Jésus, et je vais pour demander..."
"C'est Jésus qui est devant toi" lui dit André en s'arrêtant devant
le Maître.
Jésus, contrairement à son habitude, ne
demande rien à l'homme. Il lui étend de suite sur les paupières closes un peu
de la boue qu'il a sur les index et il lui commande :
"Et maintenant va le plus rapidement possible à la citerne de Siloé,
sans t'arrêter pour parler avec quelqu'un."
L'aveugle, avec son visage barbouillé de boue, reste un instant perplexe et
il ouvre les lèvres pour parler, puis il les ferme et il obéit. Les premiers
pas sont lents comme s'il était pensif ou bien déçu, puis il presse le pas en
rasant le mur avec son bâton, de plus en plus vite, autant que le peut un
aveugle, peut-être davantage, comme s'il se sentait guidé...
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92> Les deux hiérosolymitains ont un
rire sarcastique et, en hochant la tête, ils s'en vont. Joseph d'Arimathie,
et le fait m'étonne, les suit sans même saluer le Maître et il revient sur
ses pas, c'est-à-dire vers le Temple, alors qu'il venait de cette direction.
Ainsi, tant l'aveugle que les deux et que Joseph d'Arimathie, vont vers le
sud de la ville, alors que Jésus tourne vers l'occident, et je le perds de
vue car la volonté du Seigneur me fait suivre l'aveugle et ceux qui le
suivent.
510.4 - Après avoir passé Bézéta, ils
entrent tous dans la vallée qui se trouve entre le Moriah et Sion — il me
semble l'avoir entendu appeler Tiropéon d'autres
fois — ils la suivent toute entière jusqu'à Ophel, la côtoient, sortent sur la route
qui va à la fontaine de Siloé, en restant toujours dans cet ordre : d'abord
l'aveugle qui doit être connu dans ce quartier populaire, puis les deux, en
dernier lieu, à quelque distance, Joseph d'Arimathie.
Joseph s'arrête près d'une maisonnette insignifiante, à demi caché par une
haie de buis qui fait saillie en contournant le jardinet de la pauvre maison.
Mais les deux s'en vont tout près de la fontaine. Ils observent l'aveugle qui
s'approche avec précaution du vaste bassin et, en tâtant le mur humide,
plonge une main qu'il retire toute ruisselante et il se lave les yeux, une,
deux, trois fois. La troisième fois, il presse aussi sur son visage l'autre
main en laissant tomber son bâton et en poussant un cri que semble provoquer
la douleur.
Puis il enlève lentement les mains et son précédent cri de douleur se change
en un cri de joie :
"Oh ! Très-Haut ! Je vois !"
Et il se jette à terre comme vaincu par l'émotion, met ses mains pour
protéger ses yeux, les serre aux tempes, anxieux de voir, mais gêné par la
lumière et il répète :
"J'y vois ! J'y vois ! C'est donc cela la terre ! La lumière ! L'herbe
que je ne connaissais que par sa fraîcheur..."
Il se lève tout en restant courbé, comme quelqu'un qui porte un poids, le
poids de sa joie, va au ruisselet qui évacue le trop-plein d'eau et il le
regarde courir, scintillant et riant et il murmure :
"Et ceci, c'est l'eau... Voilà ! C'est ainsi que je la sentais entre mes
doigts (il y plonge la main) froide et coulante, mais je ne la connaissais
pas... Ah ! Belle ! Belle ! Comme tout est beau !" Il lève le visage et
voit un arbre... il s'en approche, le touche, étend la main, attire à lui une
branchette, la regarde et rit, il rit, abrite ses yeux de la main, et il
regarde le ciel, le soleil, et deux larmes tombent de ses paupières vierges
qu'il a ouvertes pour contempler le monde...
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93> Et il abaisse les yeux sur l'herbe
où une fleur se balance sur sa tige et il voit son image que reflète l'eau du
ruisselet, il se regarde et dit :
"C'est ainsi que je suis !"
Il observe avec étonnement une tourterelle qui est venue boire un peu plus
loin et une chevrette qui arrache les dernières feuilles d'un rosier sauvage,
puis une femme qui vient à la fontaine avec un bébé sur son sein. Et cette
femme lui rappelle sa mère, sa mère au visage inconnu, et levant les bras au
ciel, il s'écrie :
"Sois béni, Très-Haut, pour la lumière, pour la mère et pour Jésus
!"
Puis il s'en va en courant, laissant par terre son bâton désormais inutile...
Les deux n'ont pas attendu de voir tout cela. Dès qu'ils ont vu que l'homme y
voyait, ils sont partis en courant vers la ville.
Joseph, au contraire, reste jusqu'à la fin et quand l'aveugle qui ne l'est
plus, lui passe devant pour entrer dans le dédale des ruelles du quartier
populeux d'Ophel, à son tour il quitte sa place et revient sur ses pas, vers
la ville, tout pensif...
510.5 - Le quartier d'Ophel, toujours
bruyant, est maintenant en pleine ébullition. On court à droite, à gauche, on
questionne, on répond.
"Mais vous l'aurez confondu avec un autre..."
"Non, te dis-je. Je lui ai parlé et lui ai dit : "Mais est-ce bien
toi, Sidonia
surnommé Bartolmaï ?" et lui m'a dit : "C'est moi". Je voulais
lui demander comment c'était arrivé, mais il est parti en courant."
"Où est-il maintenant ?"
"Chez sa mère, certainement."
"Qui ? Qui l'a vu ?" demandent des gens qui accourent.
"Moi. Moi, répondent plusieurs.
"Mais comment est-ce arrivé ?"
"... Je l'ai vu qui courait sans bâton avec deux yeux au visage et j'ai
dit : "Regarde ! Ce serait bien Bartolmaï si..."
"Je te dis que j'en suis toute tremblante. En entrant, il a crié :
"Mère, je te vois !"
"Une grande joie pour les parents. Maintenant il pourra aider son père
et gagner sa nourriture..."
"La pauvre femme ! Elle a eu un malaise par la joie. Oh ! une chose !
Une chose ! J'étais allée pour demander un peu de sel et..."
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94> "Courons chez lui, pour
savoir..."
Joseph d'Arimathie se trouve pris au milieu de ce vacarme et, je ne sais si
c'est par curiosité ou par esprit d'imitation, il suit le courant et aboutit
dans une impasse, qui se dirigerait vers le Cédron, et où la foule se presse,
empêchant d'entendre à cause de ses cris le bruit du torrent, gonflé par les
pluies d'automne.
Joseph y arrive quand, d'une autre ruelle qui débouche dans l'impasse, arrivent les deux de tout à l'heure avec trois
autres : un scribe, un prêtre et un troisième que son vêtement ne me
permet pas d'identifier. Ils se fraient un passage, autoritaires, et
cherchent à entrer dans la maison bondée. La maison comprend une vaste
cuisine noire comme du goudron, avec un coin qui en est séparé par une
cloison rustique au-delà de laquelle se trouve un grabat et une porte qui
donne dans une autre pièce avec un lit plus grand. Une porte, ouverte dans le
mur opposé, fait voir un jardinet de quelques mètres carrés. Et c'est tout.
510.6 - L'aveugle guéri parle appuyé à une table,
répondant à ceux qui l'interrogent, tous de pauvres gens comme lui, menu
peuple de Jérusalem, de ce quartier, qui est peut-être le plus pauvre de
tous. Sa mère, debout près de lui, le regarde et elle pleure en s'essuyant
les yeux avec son voile. Le père, un homme usé par le travail, se tourmente
la barbe de sa main agitée par un tremblement.
L'entrée dans la maison est impossible, même aux juifs et aux docteurs
autoritaires, et les cinq doivent écouter du dehors les paroles de l'homme
guéri.
"Comment ils se sont ouverts ? Cet homme, que l'on appelle Jésus, m'a
barbouillé les yeux avec de la terre mouillée, et il m'a dit : "Va te
laver à la fontaine de Siloé". J'y suis allé, je me suis lavé et mes
yeux se sont ouverts et j'ai vu."
"Mais comment as-tu fait pour trouver le Rabbi ? Tu disais toujours que
tu étais malheureux, car jamais tu ne le rencontrais même quand il passait
par ici pour aller chez Jonas
au Gethsémani. Et aujourd'hui, maintenant qu'on ne sait jamais où il
est..."
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95> "Hé ! hier soir, un de ses disciples
est venu et il m'a donné deux pièces de monnaie en disant : "Pourquoi ne
cherches-tu pas de voir ?" Je lui ai dit : "J'ai cherché, mais je
ne trouve jamais ce Jésus qui fait des miracles. Je le cherche depuis qu'il a
guéri Annalia qui est de mon quartier, mais si je
vais dans un endroit, il est dans un autre..." Et il m'a dit : "Je
suis un de ses apôtres, et ce que je Lui dis, moi, il le fait. Viens demain à
Bézéta et cherche la maison de Joseph le galiléen, celui du poisson sec,
Joseph de Sephoris, près de la Porte d'Hérode et du tournant de la place, du
côté de l'orient, et tu verras que tôt ou tard il passe par là ou entre dans
la maison et moi, je t'indiquerai au Maître". J'ai dit : "Mais
demain, c'est le sabbat". Je voulais dire qu'il ne ferait rien pendant
le sabbat .
Il m'a dit : "Si tu veux guérir, c'est le jour, car après on quitte la
ville et tu ne sais pas si tu pourras le rencontrer". Moi, j'ai dit
encore : "Je sais qu'on le persécute. J'ai entendu depuis les portes de
l'enceinte du Temple où je vais mendier. Aussi je dis que
maintenant qu'ils le persécutent ainsi, il voudra encore moins qu'on le
persécute et il ne me guérira pas le jour du sabbat". Et lui :
"Fais ce que je te dis et le jour du sabbat tu verras le soleil".
Et j'y suis allé. Qui n'y serait pas allé ? Alors que c'est son apôtre qui le
dit ! Il m'a dit aussi : "Je suis celui qu'il écoute le plus, et je
viens exprès car tu me fais pitié et je veux que sa puissance resplendisse
après qu'ils l'ont méprisé. Toi, aveugle de naissance, tu la feras
resplendir. Je sais ce que je dis. Viens et tu verras". Et j'y suis allé
et je n'étais pas encore arrivé à la maison de Joseph lorsqu'un homme m'a
pris par la main, mais d'après la voix ce n'était pas celui d'hier, et il m'a
dit : "Viens avec moi, frère" et je ne voulais pas aller, je
croyais qu'il voulait me donner du pain et de l'argent, peut-être des
vêtements, et je lui disais de me laisser aller parce que je savais où
trouver Celui qu'on appelle Jésus. Et l'homme m'a dit : "Voici Jésus. Il
est devant toi". Mais je n'ai rien vu car j'étais aveugle. J'ai senti
deux doigts couverts de terre mouillée qui me touchaient des deux côtés et
une voix qui disait : "Va vivement à Siloé et lave-toi
et ne parle à personne" et je l'ai fait. Mais j'étais découragé car
j'espérais y voir tout de suite et j'ai failli croire que c'était une
plaisanterie de jeunes gens sans cœur et je me refusais presque à y aller,
mais j'ai entendu une sorte de voix me dire : "Espère et obéis" et
alors je suis allé à la fontaine et je me suis lavé et j'ai vu."
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96> Le jeune homme s'arrête extasié
pour repenser à la joie de sa première vision...
510.7 - "Faites sortir l'homme. Nous
voulons l'interroger" crient les cinq.
Le jeune homme se fraie un chemin et sort sur le seuil.
"Où est Celui qui t'a guéri ?"
"Je ne le sais pas, dit le jeune homme auquel un ami a murmuré : Ce sont
des scribes et des prêtres."
"Comment ne le sais-tu pas ? Tu disais tout à l'heure que tu le savais.
Ne mens pas aux docteurs de la Loi et au prêtre ! Malheur à celui qui cherche
à tromper les magistrats du peuple !"
"Je ne trompe personne. Ce disciple m'a dit : "Il est dans cette
maison" et c'était vrai, car j'en étais tout près quand j'ai été pris et
conduit à Lui. Mais où il est maintenant, je ne le sais pas. Le disciple m'a
dit qu'ils s'en vont. Il pourrait déjà avoir franchi les portes."
"Mais où allait-il ?"
"Qu'est-ce que j'en sais ? ! Peut-être en Galilée... Pour la façon dont
on le traite ici !..."
"Imbécile et impoli ! Fais attention à la façon dont tu parles, lie du
peuple ! Je t'ai demandé par quelle route il se dirigeait."
"Mais comment voulez-vous que je le sache puisque j'étais aveugle ? Un
aveugle peut-il dire où va un autre ?"
"C'est bien. Suis-nous."
"Où voulez-vous me conduire ?"
"Chez les chefs des pharisiens."
"Pourquoi ? Qu'ont-ils à faire avec moi ? M'ont-ils guéri, par hasard,
eux, pour que je doive les remercier ? Quand j'étais aveugle et que je
mendiais, mes mains n'ont jamais palpé leur argent, mes oreilles n'ont jamais
entendu d'eux un mot de pitié, et mon cœur n'a jamais connu leur amour. Que
dois-je leur dire ? Il n'y en a qu'un à qui je doive dire "merci"
après mon père et ma mère, qui pendant tant d'années m'ont aimé malheureux.
Et c'est ce Jésus qui m'a guéri en m'aimant de tout son cœur, comme mes parents
avec le leur. Moi, je ne vais pas trouver les pharisiens. Je reste avec ma
mère et mon père pour jouir de voir leurs visages, et eux mes yeux qui sont
nés maintenant, après tant de printemps depuis celui où je suis né, mais sans
voir la lumière."
"Pas tant de paroles. Viens et suis-nous."
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97> "Que non ! Je ne viens pas !
Avez-vous jamais par hasard essuyé une larme à ma mère humiliée par mon
malheur, ou une sueur à mon père épuisé par le travail ? Maintenant je puis
le faire par mon aspect et je devrais les quitter et vous suivre ?"
"Nous te le commandons. Ce n'est pas toi qui commandes, mais le Temple
et les chefs du peuple. Si l'orgueil d'être guéri te ferme l'intelligence
pour te rappeler que nous commandons, nous te le rappelons. Avance ! Marche
!"
"Mais pourquoi dois-je venir ? Que voulez-vous de moi ?"
"Pour que tu fasses une déposition. C'est le sabbat. Œuvre accomplie
pendant le sabbat. Elle doit être enregistrée à cause du péché, de ton péché
et de celui de ce satan."
"C'est vous qui êtes satan ! Vous qui êtes
péché ! Et je devrais venir déposer contre celui qui m'a fait du bien ? Vous
êtes ivres ! Je viendrai au Temple pour bénir le Seigneur et rien de plus.
J'ai été pendant tant d'années dans l'ombre de la cécité, mais mes paupières
closes n'ont produit de ténèbres que pour mes yeux. Mon intelligence est
restée dans la lumière, malgré cela, dans la grâce de Dieu, et elle me dit
que je ne dois pas faire de tort à l'Unique Saint qui soit en Israël."
"Homme, assez ! Tu ne sais pas qu'il y a des châtiments pour ceux qui s'opposent aux magistrats ?"
"Moi, je ne sais rien. Je suis ici et j'y reste. Et vous n'avez pas
intérêt à me nuire. Vous voyez que Ophel tout entier est de mon côté ?"
"Oui ! Oui ! Laissez-le ! Chacals ! Dieu le protège. Ne le touchez pas !
Dieu est avec les pauvres ! Dieu est avec nous, affameurs et hypocrites
!" Les gens crient et menacent dans une de ces manifestations spontanées
du peuple qui sont les explosions de l'indignation des humbles envers ceux
qui les oppriment, ou d'amour pour ceux qui les protègent. Et ils crient :
"Malheur à vous si vous frappez notre Sauveur ! L'Ami des pauvres ! Le
Messie trois fois Saint. Malheur à vous ! On n'a pas craint les colères
d'Hérode, ni celles des Chefs, quand on a voulu. Nous ne craignons pas les
vôtres, vieilles hyènes aux mâchoires édentées ! Chacals aux ongles coupés !
Inutiles autoritaires ! Rome ne veut pas de tumulte et n'opprime pas le Rabbi
car Lui est paix, mais elle vous connaît.
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98> Hors d'ici ! Hors des quartiers de
ceux que vous opprimez par des dîmes plus fortes que leurs ressources, afin
d'avoir de l'argent pour satisfaire vos désirs et conclure des marchés
honteux. Descendants de Jason
! De Simon
! Tortionnaires des vrais Eléazar,
des saints Onias. Vous méprisez les prophètes !
Hors d'ici ! Hors d'ici !"
Le tumulte s'enflamme toujours plus.
510.8 - Joseph d'Arimathie, écrasé contre un
muret, jusqu'alors spectateur attentif mais inactif des faits, avec une
agilité insoupçonnable chez un homme âgé et de plus empêtré dans ses
vêtements et ses manteaux, saute debout sur le muret et crie :
"Silence, habitants. Et écoutez Joseph l'Ancien !"
Une, deux, dix têtes se tournent dans la direction du cri. Elles voient
Joseph, on crie son nom. Il doit être connu et jouir de la faveur populaire
car les cris d'indignation font place aux cris de joie :
"Il y a Joseph l'Ancien ! Vive lui ! Paix et longue vie au juste ! Paix
et bénédiction au bienfaiteur des malheureux ! Silence, pour que Joseph
parle ! Silence !"
Le silence s'établit non sans mal et, pendant quelques minutes, on entend le
bruit du Cédron au-delà de l'impasse. Toutes les têtes sont tournées vers
Joseph, oublieuses de l'objet qui les tournait en direction opposée : les
cinq malheureux et imprévoyants qui ont provoqué le tumulte.
"Habitants de Jérusalem, hommes d'Ophel, pourquoi vous laissez-vous
aveugler par les soupçons et la colère ? Pourquoi manquer au respect et aux
coutumes, vous toujours si fidèles aux lois des pères ? Que
craignez-vous ? Peut-être que le Temple soit un Moloch
qui ne rend pas ce qu'il accueille ? Peut-être que vos juges soient tous
aveugles, plus que votre ami, aveugles de cœur et sourds en matière de
justice ? N'est-il pas d'usage qu'un fait prodigieux soit déposé, écrit et
conservé par qui de droit pour les Chroniques d'Israël ? Permettez donc que
même pour l'honneur du Rabbi que vous aimez, le miraculé monte faire une
déposition pour l'œuvre que Lui a accomplie.
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99> Vous hésitez encore ? Eh bien je me
porte garant qu'il n'arrivera aucun mal à Bartolmaï,
et vous savez que je ne mens pas. Comme un fils qui m'est cher, je
l'accompagnerai là-haut, et je vous le ramènerai ici ensuite. Fiez-vous à moi, et ne faites pas du sabbat un jour de péché
en vous révoltant
contre vos chefs."
"Il a raison ! On ne doit pas, nous pouvons le croire. C'est un juste.
Dans les bonnes délibérations du Sanhédrin, il y a toujours sa voix."
Les gens changent d'idée et finissent par crier : "À toi, oui, notre
ami, nous te le confions !" Et en s'adressant au jeune homme : "Va
! Ne crains pas. Avec Joseph d'Arimathie, tu es en sécurité comme avec ton
père et davantage" et ils ouvrent leurs rangs pour que le jeune homme
puisse rejoindre Joseph qui est descendu de sa tribune improvisée, et quand
il passe, ils disent : "Nous venons nous aussi. Ne crains pas !"
Joseph, dans ses riches vêtements de laine luxueuse, met une main sur
l'épaule du jeune homme, et il se met en route. La tunique bise et usagée du
jeune homme, son petit manteau, frottent l'ample vêtement rouge foncé et le
riche manteau encore plus foncé du vieux synhédriste.
Par derrière, les cinq, et ensuite les innombrables gens d'Ophel...
510.9 - Les voilà au Temple, après avoir
traversé les rues centrales, attirant l'attention d'une foule de gens qui se
montrent au doigt l'ancien aveugle en disant : "Mais c'est l'aveugle qui
mendiait ! Et maintenant il a des yeux ! Mais peut-être est-ce quelqu'un qui
lui ressemble ! Non, c'est certainement lui, et ils le conduisent au Temple. Allons nous rendre compte" et le cortège grossit
toujours plus, jusqu'au moment où les murs du Temple les engloutissent tous.
Joseph conduit le jeune homme dans une salle, ce n'est pas le Sanhédrin, où
il y a des pharisiens et des scribes nombreux. Joseph entre, et avec lui
Bartolmaï et les cinq. Les gens du peuple d'Ophel sont repoussés dans la
cour.
"Voilà l'homme. Je vous l'ai amené moi-même ayant, sans être vu, assisté
à sa rencontre avec le Rabbi et à sa guérison, et je puis vous dire que ce fut tout à fait fortuit de la part du Rabbi. L'homme,
vous l'entendrez dire vous aussi, fut amené ou plutôt invité à aller où était
le Rabbi, par Judas de Kériot, que vous connaissez.
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100> Et moi j'ai entendu, et aussi ces
deux ont entendu comme moi car ils étaient présents, comment ce fut Judas qui
engagea Jésus de Nazareth à faire le miracle. Maintenant je dépose ici que
s'il y a lieu de punir quelqu'un, ce n'est pas l'aveugle ni le Rabbi, mais
l'homme de Kériot qui, Dieu me voit si je mens en
disant ce que pense mon intelligence, est le seul auteur du fait en tant
qu'il l'a provoqué par une manœuvre préméditée. J'ai parlé."
"Ta déclaration n'annule pas la faute du Rabbi. Si son disciple pèche,
le Maître ne doit pas pécher. Et Lui a péché en guérissant le jour du sabbat.
Il a accompli une œuvre servile."
"Cracher par terre n'est pas faire œuvre servile, et toucher les yeux
d'un autre n'est pas faire œuvre servile. Moi aussi je touche l'homme et je
ne crois pas pécher."
"Il a fait un miracle le jour du sabbat : c'est en cela qu'est le
péché."
"Honorer le sabbat par un miracle est une grâce de Dieu et de sa bonté.
C'est son jour. Et le Tout Puissant ne peut-Il pas le célébrer par un miracle
qui fait resplendir sa puissance ?"
"Nous ne sommes pas ici pour t'écouter. Tu n'es pas accusé. C'est
l'homme que nous voulons interroger.
510.10 - À toi de répondre. Comment as-tu
obtenu la vue ?"
"Je l'ai dit et eux m'ont entendu. Le disciple de ce Jésus m'a dit hier
: "Viens et je te ferai guérir". Et je suis venu, et j'ai senti qu'on
me mettait de la boue ici et une voix qui me disait d'aller à Siloé et de me
laver. Je l'ai fait et j'y vois."
"Mais sais-tu qui t'a guéri ?"
"Bien sûr que je le sais ! Jésus. Je vous l'ai dit."
"Mais sais-tu exactement qui est Jésus ?"
"Moi, je ne sais rien. Je suis un pauvre et un ignorant, et il y a peu
de temps, j'étais aveugle. Cela, je le sais et je sais que Lui m'a guéri et
s'il a pu le faire Dieu est certainement avec Lui."
"Ne blasphème pas ! Dieu ne peut être avec celui qui n'observe pas le
sabbat" crient certains.
Mais Joseph et les pharisiens Eléazar,
Jean
et Joachim
font remarquer : "Et pourtant un pécheur ne peut faire de tels
prodiges."
"Vous êtes séduits vous aussi par ce possédé ?"
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101> "Non. Nous sommes justes, et
nous disons que si Dieu ne peut être avec celui qui opère le jour du sabbat,
il n'est pas possible non plus qu'un homme sans l'aide de Dieu fasse
qu'un aveugle-né y voie" dit avec calme Eléazar, et les autres sont de
son avis.
"Et le démon, où le mettez-vous ?" crient, hargneux, les mauvais.
"Je ne puis croire, et vous non plus ne le croyez pas, que le démon
puisse faire des œuvres capables de faire louer le Seigneur" dit le
pharisien Jean.
"Et qui le loue ?"
"Le jeune homme, ses parents, Ophel tout entier, et moi avec eux, et
avec moi tous ceux qui sont justes et ont une crainte sainte de Dieu"
réplique Joseph.
Les mauvais, tout penauds, ne sachant qu'objecter, s'en prennent à Sidonia
dit Bartolmaï : "Toi, que dis-tu de celui qui t'a ouvert les yeux
?"
"Pour moi, c'est un prophète, et plus grand qu'Élie avec le fils de la
veuve de Sarepta.
Car Élie a fait revenir l'âme dans l'enfant, mais ce Jésus m'a donné ce que je
n'avais jamais perdu, ne l'ayant jamais eu : la vue. Et si, en un éclair, il
m'a fait des yeux avec rien, sauf un peu de boue, alors qu'en neuf mois ma
mère, avec sa chair et son sang n'a pas réussi à me les faire, il doit être
grand comme Dieu qui avec de la boue a fait l'homme."
"Va-t'en ! Va-t'en ! Blasphémateur ! Menteur ! Vendu !" et ils
chassent l'homme comme si c'était un damné.
510.11 - "L'homme ment. Ce ne peut être vrai.
Tous peuvent le dire que celui qui est aveugle de naissance ne peut guérir.
C'est peut-être quelqu'un qui ressemble à Bartolmaï, et que le Nazaréen a
préparé... ou bien... Bartolmaï n'a jamais été aveugle."
Devant cette affirmation surprenante, Joseph d'Arimathie
réplique :
"Que la haine
aveugle, on le sait depuis le temps de Caïn,
mais qu'elle rende stupide, on ne le savait pas encore. Vous semble-t-il que
quelqu'un arrive au plein développement de la jeunesse en feignant d'être
aveugle pour... attendre un présumable événement éclatant et très éloigné ?
Ou que les parents de Bartolmaï ne connaissent pas leur fils ou se prêtent à
ce mensonge ?"
"L'argent peut tout, et eux sont pauvres."
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de page.
102> "Le Nazaréen l'est plus
qu'eux."
"Tu mens ! Il Lui passe par les mains des sommes de satrape."
"Mais elles ne s'y arrêtent pas un instant. Ces sommes appartiennent aux
pauvres. Elles servent pour le bien, non pour le mensonge."
"Comme tu le défends ! Et tu es un des Anciens !"
"Joseph a raison. Il faut dire la vérité, quelle que soit la charge que l'homme occupe" dit Eléazar.
510.12 - "Courez rappeler l'aveugle et
amenez-le de nouveau ici, et que d'autres aillent chercher les parents et les
ramènent ici" crie Elchias
en ouvrant la porte toute grande et en donnant ses ordres à certains qui
attendent dehors.
Sa bouche est presque couverte de bave tant la colère l'étrangle.
Les uns courent d'un côté, les autres de l'autre. Le premier qui revient
c'est Sidonia dit Bartolmaï, étonné et ennuyé. Ils le fichent dans un coin le
regardant comme une meute de chiens qui guette un gibier...
Puis, après un bon moment, voilà qu'arrivent ses parents entourés de la
foule.
"Vous, venez dedans et les autres dehors !"
Les deux entrent épouvantés et ils voient leur fils là-bas au fond, en bonne
forme, mais en état d'arrestation. La mère gémit :
"Mon fils ! Et ce devait être un jour de fête pour nous !"
"Écoutez-nous. C'est votre fils, cet homme ?" demande avec rudesse
un pharisien.
"Oui, c'est notre fils ! Et qui voulez-vous que ce soit sinon lui
?"
"Vous en êtes vraiment sûrs ?"
Le père et la mère sont tellement abasourdis par la question qu'avant de
répondre ils se regardent.
"Répondez !"
"Noble pharisien, peux-tu penser qu'un père et une mère puissent se
tromper à propos de leur enfant ?" dit humblement le père.
"Mais... pouvez-vous jurer que... Oui. Que pour une somme d'argent il ne
vous a pas été demandé de dire que c'est votre fils alors que c'est quelqu'un
qui lui ressemble ?"
"Demandé de dire ? Et par qui donc ? Jurer ? Mais mille fois, et sur
l'autel et le Nom de Dieu, si tu veux !"
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103> Et ils l'affirment avec tant
d'assurance que le plus obstiné en serait démonté.
Mais les pharisiens ne se démontent pas ! Ils demandent :
"Mais votre fils n'était pas né aveugle ?"
"Si, il était né ainsi. Avec les paupières closes et par dessous le
vide, rien..."
"Et comment donc y voit-il maintenant ? Il a des yeux sur lesquels
s'ouvrent des paupières. Vous ne voudriez tout de même pas dire que des yeux
puissent naître ainsi, comme des fleurs au printemps, et qu'une paupière
s'ouvre absolument comme le fait le calice d'une fleur !..." dit un
autre pharisien avec un rire sarcastique.
"Nous savons que cet homme est vraiment notre fils depuis presque trente
ans, et qu'il est né aveugle, mais comment maintenant il y voit, nous ne le
savons pas et nous ne savons pas qui lui a ouvert les yeux. Du reste,
demandez-le-lui. Il n'est pas idiot et ce n'est pas un enfant. Il a l'âge.
Interrogez-le et il vous répondra."
"Vous mentez, s'écrie un des deux qui avaient toujours suivi l'aveugle.
Lui, dans votre maison, a raconté comment il a été guéri et par qui. Pourquoi
dites-vous que vous ne le savez pas ?"
"Nous étions tellement abasourdis par la surprise que nous n'avons pas
entendu" disent les deux en s'excusant.
510.13 - Les pharisiens s'adressent à Sidonia
dit Bartolmaï :
"Avance ici, toi, et donne gloire à Dieu s'il t'est possible ! Tu ne
sais pas que celui qui t'a touché les yeux est un pêcheur ? Tu ne le sais pas
? Eh bien apprends-le. Nous te le disons, nous qui le savons."
"Mais, ce sera comme vous dites. Pour moi, si c'est un pécheur, je ne le
sais pas. Je sais seulement qu'avant j'étais aveugle et que maintenant j'y
vois, et clair."
"Mais que t'a-t-il fait ? Comment t'a-t-il ouvert les yeux ?"
"Je vous l'ai déjà dit et vous m'avez entendu. Maintenant vous voulez
l'entendre de nouveau ? Pourquoi ? Peut-être voulez-vous devenir ses
disciples ?"
"Imbécile ! Sois-le, toi, disciple de cet homme. Nous, nous sommes
disciples de Moïse, et nous savons tout de Moïse et que Dieu lui a parlé.
Mais de cet homme nous ne savons rien, ni d'où il vient, ni qui il est, et
aucun prodige du Ciel ne l'indique comme prophète."
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104> "C'est là précisément que se trouve
le merveilleux ! Que vous ne savez pas d'où il est et que vous dites qu'aucun
prodige n'indique qu'il soit juste. Mais Lui m'a ouvert les yeux et personne
de nous d'Israël n'avait jamais pu le faire, pas même l'amour d'une mère et
les sacrifices de mon père. Une chose pourtant que nous savons tous, aussi
bien vous que moi, c'est que Dieu n'exauce pas le pécheur, mais celui qui
craint Dieu et fait sa volonté. On n'a jamais entendu dire que quelqu'un dans
le monde entier ait pu ouvrir les yeux à un aveugle-né, mais cela, Jésus l'a
fait. Si Lui n'était pas de Dieu, il n'aurait pas pu le faire."
"Tu es né entièrement dans le péché, et tu as l'esprit difforme autant
et plus que ne l'était ton corps, et tu prétends nous faire la leçon ?
Va-t'en, misérable avorton, et fais-toi satan avec
ton séducteur. Dehors ! Dehors, tout le monde, plèbe imbécile et pécheresse
!" et ils les jettent dehors : fils, père et mère comme si c'étaient
trois lépreux.
510.14 - Les trois s'en vont rapidement, suivis
par leurs amis, mais arrivé hors de l'enceinte, Sidonia se retourne et dit :
"Et restez ! Et dites ce que vous voulez. Ce qu'il y a de vrai c'est que
j'y vois et j'en loue Dieu. Et satan, c'est vous
qui le serez, et non pas le Bon qui m'a guéri."
"Tais-toi, fils ! Tais-toi ! Pourvu que cela ne nous fasse pas du mal
!..." gémit la mère.
"Oh ! ma mère ! L'air de cette salle t'a empoisonné l'âme, toi qui dans
ma douleur m'enseignais à louer Dieu et qui maintenant dans la joie ne sais
pas le remercier, et qui crains les hommes ? Si Dieu m'a tant aimé et t'a
aimée au point de nous donner le miracle, ne saura-t-il
pas nous défendre d'une poignée d'hommes ?"
"Ton fils a raison, femme. Allons à notre synagogue pour louer le
Seigneur, puisqu'ils nous ont chassés du Temple. Et allons-y vivement avant
la fin du sabbat..."
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