Le lundi 22 octobre
1945.
89/90> 310.1 – La
matinée est avancée quand Pierre seul, et sans
être attendu, arrive à la maison de Nazareth. Il est chargé comme un
portefaix de paniers et de sacs, mais il est si heureux, qu'il ne sent pas le
poids et la fatigue.
À Marie, qui va lui ouvrir, il adresse un sourire bienheureux et
un salut à la fois joyeux et respectueux. Puis il demande :
"Où sont le Maître et Marziam ?"
"Ils sont sur le talus, au-dessus de la grotte, mais du
côté de la maison d'Alphée. Je crois
que Marziam cueille les olives et Jésus certainement médite. Je vais les
appeler."
"Je m'en charge, moi."
"Débarrasse-toi au moins de tous ces colis."
"Non, non. Ce sont des surprises pour l'enfant. J'aime le voir
écarquiller les yeux et fouiller anxieusement... Ses joies, mon pauvre
enfant."
Il sort dans le jardin, va au-dessous du talus, se cache bien à l'intérieur
de la grotte et puis il crie en changeant un peu sa voix : "La paix
à Toi, Maître." Et puis d'une voix naturelle :
"Marziam… !"
La petite voix de Marziam qui remplissait d'exclamations l'air tranquille, se
tait... Une pause, puis la petite voix semblable à celle d'une fillette
demande !
"Maître, n'était-ce pas mon père celui qui m'a appelé ?"
Peut-être Jésus était tellement plongé dans ses pensées qu'il n'a rien
entendu et il le reconnaît, simplement.
Pierre appelle de nouveau : "Marziam !" Et puis il pousse
un grand éclat de rire.
"Oh ! c'est bien lui ! Père ! Mon père ! Où
es-tu ?"
Il se penche pour regarder dans le jardin, mais il ne voit rien... Jésus
aussi s'avance et regarde... Il voit Marie qui sourit à la porte et Jean et Syntica qui l'imitent de la pièce au fond du jardin, près du
four.
Mais Marziam se décide et se jette du haut du talus tout près de la grotte et
Pierre le saisit rapidement avant qu'il ne touche le sol. Il est émouvant le
salut des deux. Jésus, Marie et les deux qui sont au fond du jardin les
observent en souriant, et puis s'approchent du petit groupe affectueux.
310.2 – Pierre
se libère comme il peut de l'étreinte de l'enfant pour s'incliner devant Jésus
et le saluer de nouveau. Et Jésus l'embrasse, embrassant aussi l'enfant qui
ne se détache pas de l'apôtre et qui demande :
"Et ma mère ?"
Mais Pierre répond à Jésus qui lui demande :
"Pourquoi es-tu venu si tôt ?"
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91> "Et il te semblait que je pourrais rester si
longtemps sans te voir ? Et puis... Hé ! Et c'était Porphyrée qui
ne me laissait pas tranquille : "Va voir Marziam. Porte-lui ceci,
porte-lui cela". Elle semblait penser que Marziam était au milieu des
voleurs ou dans un désert. Puis la nuit dernière, elle s'est levée exprès
pour faire les fouaces et à peine furent-elles cuites qu'elle me fit
partir..."
"Oh !
les fouaces… !" crie Marziam, mais ensuite il se tait.
"Oui. Elles sont ici dedans avec les figues séchées au four et les
olives et les pommes rouges. Et puis elle t'a fait un pain à l'huile, et puis
elle t'a envoyé les petits fromages de tes brebis. Et puis il y a un vêtement
qui ne prend pas l'eau. Et puis, et puis... je ne sais quoi d'autre :
Comment ? Tu n'es plus pressé ? Tu pleures ? Oh !
Pourquoi ?"
"Parce que j'aurais préféré que tu me l'amènes elle, plutôt que toutes
ces choses... Je l'aime bien, sais-tu, moi ?"
"Oh ! Divine Miséricorde ! Mais qui l'aurait pensé ?! Si
c'était elle qui entende ces choses, elle fondrait comme du beurre..."
"Marziam a raison. Tu aurais pu venir avec elle. Sûrement elle désire le
voir, depuis si longtemps. Nous femmes, nous sommes ainsi avec nos
enfants..." dit Marie.
"Bien... Mais sous peu, elle le verra, n'est-ce pas Maître ?"
"Oui, après les Encénies, quand
nous partirons... Mais, même... Oui, quand tu reviendras après les Encénies,
tu viendras avec elle. Elle sera avec lui, quelques jours, et puis ils
retourneront ensemble à Bethsaïde."
"Oh ! comme c'est beau ! Ici avec deux mères !"
L'enfant est rasséréné et heureux.
310.3 – Ils
entrent tous dans la maison et Pierre se débarrasse de ses paquets.
"Voici : du poisson sec, du salé, du frais. Ce sera pratique pour
ta Mère. Voici ce fromage tendre qui te plaît tant, Maître. Et ici des œufs
pour Jean. Espérons qu'ils ne sont pas cassés... Non, heureusement. Et puis
du raisin. C'est Suzanne qui me l'a donné à Cana, où j'ai dormi. Et puis...
Ah ! Et puis cela ! Regarde, Marziam comme il est blond, On dirait
des cheveux de Marie..."
Et il ouvre un pot rempli de miel filant.
"Mais pourquoi tant de choses ? Tu t'es sacrifié, Simon" dit
Marie devant les gros paquets et les petits, les vases et les pots qui
couvrent la table.
"Sacrifié ? Non. J'ai beaucoup pêché et avec beaucoup de succès.
Cela pour le poisson. Pour le reste : des produits de la maison. Cela ne
coûte rien, et en revanche cela donne tant de joie de les apporter. Et
puis... Ce sont les Encénies... C'est l'usage. Non ?! Tu ne goûtes pas le miel ?"
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92> "Je ne peux pas" dit sérieusement Marziam.
"Pourquoi ? Tu te sens mal ?"
"Non. Mais je ne peux le manger."
"Mais pourquoi ?"
L'enfant devient
rouge mais il ne répond pas. Il regarde Jésus et se tait. Jésus sourit et
explique :
"Marziam a fait un vœu pour obtenir une grâce. Il ne peut prendre de
miel pendant quatre semaines."
"Ah ! bien ! Tu le prendras après... Prends quand même le
vase... Mais regarde ! Je ne le croyais pas si… si..."
"Si généreux, Simon. Celui qui se met à la pénitence dès l'enfance
trouvera facilement le chemin de la vertu pendant toute sa vie" dit
Jésus pendant que l'enfant s'éloigne avec le petit vase dans les mains.
Pierre le regarde aller, plein d'admiration. Puis il demande :
"Le
Zélote n'est pas ici ?"
"Il est chez Marie d'Alphée,
Mais il va bientôt venir. Ce soir vous dormirez ensemble.
310.4 – Viens
ici, Simon Pierre."
Ils sortent pendant que Marie et Syntica mettent en ordre la pièce encombrée
par les paquets.
"Maître... je suis venu pour vous voir, Toi et l'enfant. C'est vrai.
Mais aussi parce que j'ai beaucoup réfléchi, ces jours-ci, surtout depuis la
venue de ces trois empoisonneurs... auxquels j'ai dit plus de mensonges qu'il
n'y a de poissons dans la mer. Maintenant ils sont en route pour Gethsémani,
croyant y trouver Jean d'En-Dor, et puis ils iront chez Lazare espérant y trouver Syntica et aussi Toi. Qu'ils y
aillent !... Mais ensuite, ils reviendront et... Maître, ils veulent te
causer des ennuis pour ces deux malheureux..."
"J'ai déjà pourvu à tout, depuis des mois. Quand ils reviendront à la
recherche de ces deux qu'ils poursuivent, ils ne les trouveront plus, en
aucun lieu de la Palestine. Tu vois ces coffres ? C'est pour eux. Tu as
vu tous ces vêtements pliés près du métier ? C'est pour eux. Tu es
étonné ?"
"Oui, Maître. Mais où les envois-tu ?"
"À Antioche."
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93> Pierre fait un sifflement significatif et puis il
demande :
"Et chez qui ? et comment y vont-ils ?"
"Dans une maison de Lazare. La dernière que possède Lazare là où son père gouverna au nom de Rome. Et ils y iront par mer..."
"Ah ! voilà ! Car si Jean devait y aller sur ses
jambes..."
"Par mer
310.5 – J'ai
plaisir de pouvoir t'en parler. J'aurais envoyé Simon pour te dire :
"Viens", pour tout préparer. Écoute. Deux ou trois jours après les
Encénies, nous partirons d'ici par petits groupes, pour ne pas attirer
l'attention. De la troupe feront partie Moi, toi, ton frère, Jacques et Jean
et mes deux frères, avec en plus Jean et Syntica. Nous irons à
Ptolémaïs ! De là, en barque, tu les accompagneras jusqu'à Tyr. Là vous
prendrez place sur un navire qui va à Antioche, comme des prosélytes qui reviennent
à leur maison. Puis vous reviendrez et me trouverez à Aczib. Je serai au
sommet de la montagne chaque jour et, du reste, l'Esprit vous
guidera..."
"Comment ? Tu ne viens pas avec nous ?"
"Je serais trop remarqué. Je veux donner la paix à l'esprit de
Jean."
"Et comment vais-je faire, moi qui ne suis jamais allé hors
d'ici ?!"
"Tu n'es pas un enfant... et bientôt tu devras aller beaucoup plus loin
qu'Antioche. Je me fie à toi. Tu vois que je t'estime..."
"Et Philippe et Barthélemy ?"
"Ils viendront à notre rencontre à Jotapate,
évangélisant en nous attendant. Je leur écrirai et tu porteras la
lettre."
"Et... ces deux d'ici, savent-ils leur destinée ?"
"Non. Je leur ferai faire la fête en paix..."
"Oh ! les pauvres ! Regarde donc, si quelqu'un doit être
persécuté par des criminels et..."
"Ne te souille pas la bouche, Simon."
"Oui, Maître... Écoute... Pourtant comment allons-nous faire pour porter
ces coffres ? Et pour porter Jean ? Il me semble vrai- ment très
malade."
"Nous prendrons un âne."
"Non. Nous prendrons un petit char."
"Et qui va le conduire ?"
"Hé ! Si Judas de Simon a appris à ramer, Simon de Jonas
apprendra à conduire.
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94> Et puis ce ne doit pas être une chose difficile de
conduire un âne par la bride ! Sur le char nous mettons le coffre et ces
deux... et nous, nous allons à pied. Oui, oui ! C'est bien de faire
ainsi, crois-le."
"Et le char, qui est-ce qui nous le donne ? Rappelle-toi que je ne
veux pas que le départ soit connu."
Pierre réfléchit... Il décide :
"Tu as de l'argent ?"
"Oui. Beaucoup encore des bijoux de Misace."
"Alors, tout est facile. Donne-moi une somme. Je me procurerai un âne et
un char auprès de quelqu'un et... oui, oui... après nous donnerons l'âne à
quelque malheureux et le char... nous verrons... J'ai bien fait de venir et
dois-je vraiment revenir avec l'épouse ?"
"Oui. C'est bien."
"Et ce sera bien.
310.6 – Mais ces
deux pauvres ! Il me déplaît, voilà, de ne plus avoir Jean avec nous.
Déjà, nous l'aurions pour peu de temps... Mais le pauvre ! Il pouvait
mourir ici, comme Jonas..."
"Il ne le lui aurait pas permis. Le monde hait celui qui se
rachète."
"Cela va le peiner..."
"Je trouverai une raison pour le faire partir sans trop de
regrets ?"
"Laquelle ?"
"La même qui m'a servi pour envoyer Judas de Simon : celle de travailler pour Moi."
"Ah !... Seulement en Jean il y aura la sainteté, mais en Judas il
n'y a que l'orgueil."
"Simon, ne médis pas."
"C'est plus difficile que de faire chanter un poisson. C'est la vérité,
Maître, ce n'est pas de la médisance... Mais il me semble que le Zélote soit
venu avec tes frères. Allons-y."
"Allons. Et silence avec tout le monde."
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