Vision du mardi 3
juillet 1945.
374> 207.1 – Après avoir quitté Béthanie au premier sourire
de l'aurore, Jésus va vers Bethléem avec sa Mère, Marie
d'Alphée et Marie Salomé, suivi des apôtres
et précédé de l'enfant
qui trouve un motif de joie dans tout ce qu'il voit : les papillons qui
s'éveillent, les oiseaux qui chantent ou becquettent sur le sentier, les
fleurs que font resplendir les diamants de la rosée, l'apparition d'un
troupeau avec quantité d'agnelets bêlants.
375> Après avoir passé le torrent qui est
au sud de Béthanie, tout écumeux et riant au milieu des roches, la troupe se
dirige vers Bethléem entre deux rangées de collines, toutes vertes d'oliviers
et de vignes, avec de petits champs de moissons dorées qui arrivent à
maturation. La vallée est fraîche, et la route assez commode.
Simon de Jonas s'avance pour rejoindre le groupe de Jésus et demande :
"On y va d'ici à Bethléem ? Jean dit que l'autre fois il avait
suivi un autre chemin. "
"C'est vrai" répond Jésus. "Mais c'était parce que nous
venions de Jérusalem. D'ici, c'est plus court. Au tombeau de Rachel que les
femmes veulent voir, nous nous séparerons comme vous avez décidé il y a un
moment. Nous nous retrouverons ensuite à Bet-Çur
où ma Mère désire séjourner."
"Oui, nous l'avons dit... mais ce serait si beau d'y être tous... la
Mère spécialement... car, enfin, la reine de Bethléem et de la Grotte, c'est
elle et elle sait parfaitement tout... Entendu de sa bouche... ce serait
différent, voilà."
Jésus sourit en regardant Simon qui insinue doucement son désir.
"Quelle grotte, père ?" demande Marziam.
"La grotte où est né Jésus."
"Oh ! c'est beau ! J'y viens moi aussi… !"
"Ce serait vraiment beau !" disent Marie d'Alphée et Salomé.
"Très beau !... Ce serait revenir en arrière... à l'époque où le
monde t'ignorait, c'est vrai, mais ne te haïssait pas encore... Ce serait
retrouver l'amour des simples qui ne surent que croire et aimer, avec
humilité et foi... Ce serait déposer ce fardeau d'amertume qui me pèse sur le
cœur depuis que je te sais ainsi haï, le déposer là dans ta crèche... Elle
doit avoir encore gardé la douceur de ton regard, de ta respiration, du
sourire incertain que tu avais là... et tout cela me caresserait le cœur... Il
est rempli de tant d'amertume… !"
Marie parle doucement, exhalant son désir et sa tristesse.
"Alors nous y allons, Maman. À toi de nous conduire. Aujourd'hui tu es
la Maîtresse et Moi l'enfant qui apprend."
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376> "Oh !
Fils ! Non ! Tu es toujours le Maître..."
"Non, Maman. Simon de Jonas a bien parlé. Sur la terre de Bethléem,
c'est toi qui es la Reine. Ce fut ton premier château. Marie,
descendante de David, conduis ce petit peuple dans ta demeure."
L'Iscariote va parler, mais il se tait. Jésus, qui remarque son attitude et
l'interprète, dit :
"Si quelqu'un, à cause de la fatigue, ou pour une autre raison ne veut
pas venir, qu'il poursuive librement sa route pour Bet-Çur."
Mais personne ne parle.
207.2 – Ils continuent leur route par
la fraîche vallée orientée d'est en ouest, puis ils tournent légèrement vers
le nord, côtoient une colline qui se dresse là et rejoignent ainsi la route
qui de Jérusalem conduit à Bethléem, justement à côté du cube surmonté d'une
coupole ronde du tombeau de Rachel .
Tous s'approchent pour prier avec respect.
"Ici,
nous nous sommes arrêtés, Joseph et moi. Tout est comme alors. Il n'y a que
la saison qui diffère. C'était alors une froide journée de Casleu. Il avait plu et les routes étaient devenues
boueuses, puis il s'était levé un vent glacial et peut-être que pendant la
nuit il avait gelé. Les chemins s'étaient durcis mais, tous sillonnés par des
chars et par la foule, ils étaient comme une mer couverte de barques et mon
petit âne fatiguait beaucoup... "
"Et toi, non, Mère ?"
"Oh ! moi, je t'avais Toi… !" et son regard exprime une
telle béatitude qu'il est émouvant. Puis elle se remet à parler :
"La nuit tombait et Joseph était très préoccupé... Il se levait toujours
plus fort un vent cinglant... Les gens se hâtaient
vers Bethléem s'entrechoquant et plusieurs prenaient à parti mon petit âne
qui avançait si doucement, cherchant où il devait mettre les sabots... Il
semblait savoir que tu y étais Toi... et que tu faisais ton
dernier somme dans le berceau de mon sein. Il faisait froid... mais
moi, je brûlais. Je te sentais arriver... Arriver ? Tu pourrais
dire : "Depuis neuf mois j'y étais, Maman". Oui, mais alors,
c'était comme si tu venais des Cieux. Les Cieux s'abaissaient, s'abaissaient
sur moi et moi, j'en voyais les splendeurs... Je voyais la Divinité qui
brûlait dans la joie de ta toute proche naissance, et ces feux me
pénétraient, m'incendiaient, m'abstrayaient... de tout...
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377> Froid... vent...
foule... tout cela n'était rien ! Je voyais Dieu... De temps à autre,
avec effort, je réussissais à ramener mon esprit sur la terre et je souriais
à Joseph qui avait peur pour moi du froid et de la fatigue, et qui conduisait
le petit âne par crainte d'un faux pas et qui m'enveloppait dans une
couverture de peur que je ne prenne froid... Mais il ne pouvait rien arriver.
Les secousses, je ne les sentais pas. Il me semblait avancer sur un chemin
d'étoiles, au milieu de nuées éclatantes que soutenaient les anges... Et je
souriais... D'abord à Toi... Je te regardais à travers les barrières de la
chair dormir avec tes petits poings fermés dans un petit lit de roses
vivantes, mon bouton de lis... Puis je souriais à l'époux si affligé, si affligé,
pour l'encourager... et aussi aux gens qui ne savaient pas que déjà ils
respiraient dans l'aura du Sauveur...
Nous nous arrêtâmes près du tombeau de Rachel pour faire reposer le petit âne
et pour manger un peu de pain et d'olives, nos provisions de pauvres. Mais
moi, je n'avais pas faim. Je ne pouvais pas avoir faim... Ma joie me
nourrissait...
207.3 – Nous reprîmes le chemin...
Venez que je vous montre où nous avons rencontré le berger... Ne craignez pas
que je me trompe. Je revis cette heure et je retrouve chaque endroit car je
vois tout à travers une grande lumière angélique. Peut-être les multitudes
des anges sont de nouveau ici, invisibles pour les corps, mais visibles pour
les âmes avec leur lumineuse blancheur, et tout se découvre et tout est
indiqué. Eux ne peuvent se tromper, et ils me conduisent... pour ma joie et
votre joie. Voici : c'est de ce champ à celui-là que vint Élie
avec ses brebis et Joseph lui demanda du lait pour moi. Et, c'est ici, dans
ce pré que nous nous sommes arrêtés pendant qu'il trayait le lait chaud et
nourrissant et qu'il donnait ses conseils à Joseph.
Venez, venez... Voici, voici le sentier du dernier vallon avant Bethléem.
Nous l'avons pris parce que la route principale aux abords de Bethléem
était encombrée de gens et de montures...
207.4 – Voici Bethléem. Oh !
chère ! chère terre de mes pères qui m'as donné le premier baiser de mon
Fils ! Tu es ouverte, bonne et odorante comme le pain dont tu portes le
nom ,
pour donner le Vrai Pain au monde qui meurt de faim !
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378> Tu m'as embrassée,
toi en qui est demeuré le maternel amour de Rachel, comme une mère, terre
sainte de la Bethléem de David, premier temple élevé au Sauveur, à l'Étoile
du matin née de Jacob pour enseigner la route des Cieux à toute
l'Humanité ! Regardez comme la ville est belle en ce printemps !
Mais alors aussi, bien que les champs et les vignes fussent dépouillés, elle
était belle ! Un léger voile de givre faisait resplendir les branches
nues et elles se couvraient d'une poussière de diamants comme si elles
étaient enveloppés dans un impalpable voile de
paradis. En chaque maison la cheminée fumait pour le souper tout proche et la
fumée, montant d'échelon en échelon jusqu'à ce sommet, montrait la ville
elle-même toute voilée... Tout était chaste, recueilli, dans l'attente... De
Toi, de Toi, Fils ! La terre te sentait venir... Et ils t'auraient senti
aussi les Bethléemites, car ils ne sont pas
méchants, bien que vous ne le croyiez pas. Ils ne pouvaient nous abriter...
Dans les maisons honnêtes et bonnes de Bethléem s'entassaient, arrogants
comme toujours, sourds et orgueilleux ceux qui maintenant encore le sont, et
eux ne pouvaient te sentir Toi... Combien de pharisiens, de sadducéens,
d'hérodiens, de scribes, d'esséniens il y avait ! Oh ! leurs cœurs,
maintenant fermés c'est la suite de leur dureté de cœur d'alors. Ils
ont fermé leurs cœurs à l'amour à l'égard de la pauvre sœur ce soir-là... et
ils sont restés et ils restent dans les ténèbres. Ils ont repoussé
Dieu dès cet instant, en repoussant loin d'eux l'amour du prochain.
207.5 – Venez. Allons à la Grotte. Il
est inutile d'entrer dans la ville. Les plus grands amis de mon Enfant n'y
sont plus.
La Nature amie nous suffit avec ses pierres, sa petite rivière, son bois pour
faire du feu. La Nature qui a senti venir son Seigneur... Voilà, venez,
rassurés. On tourne ici... Voici les ruines de la Tour de David. Oh !
elles me sont chères plus qu'un palais de roi ! Ruines bénies !
Ruisseau béni ! Arbre béni, que comme par miracle le vent a dépouillé de
tant de branches pour que nous trouvions du bois et puissions faire du
feu !"
Marie descend rapidement vers la Grotte, franchit le ruisseau sur une planche
qui sert de pont, court sur l'emplacement qui se trouve devant les ruines et
tombe à genoux sur le seuil de la Grotte. Elle
se penche et en baise le sol. Tous les autres la suivent. Ils sont émus...
L'enfant, qui ne la quitte pas un instant, semble écouter une merveilleuse
histoire et ses yeux noirs boivent les paroles et les gestes de Marie sans en
perdre un seul.
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379> Marie se relève et
entre en disant :
"Tout, tout comme alors !... Mais alors il faisait nuit... Joseph
fit de la lumière à mon entrée. Alors, alors seulement, en descendant de
l'âne, je sentis à quel point j'étais fatiguée et gelée... Un bœuf nous
salua, j'allai à lui pour sentir un peu de chaleur, pour m'appuyer au foin...
Joseph, ici, où je suis, étendit du foin pour me faire un lit et le sécha
pour moi comme pour Toi, Fils, à la flamme allumée dans ce coin... car il
était bon comme un père dans son amour d'ange-époux... Et nous tenant par la
main, comme deux frères perdus dans l'obscurité de la nuit, nous mangeâmes du
pain et du fromage et puis il alla là-bas pour alimenter le feu, enleva son
manteau pour boucher l'ouverture... En réalité, il fit tomber le voile devant
la gloire de Dieu qui descendait des Cieux, Toi, mon Jésus... et je restai
sur le foin, dans la tiédeur des deux animaux, enveloppée dans mon manteau et
dans une couverture de laine... Mon cher époux !... En cette heure
d'anxiété où j'étais seule devant le mystère de la première maternité,
toujours pleine d'inconnu pour une femme et, pour moi, dans mon unique
maternité, remplie aussi du mystère qu'aurait été la vision du Fils de Dieu
émergeant d'une chair mortelle lui, Joseph, fut pour moi une mère, il fut un
ange... mon réconfort... alors, toujours...
207.6 – Et ensuite, le silence et le
sommeil qui vinrent envelopper le Juste... pour qu'il ne vît pas ce qui était
pour moi le baiser quotidien de Dieu... Et pour moi, après l'intermède des
nécessités humaines, voici les flots démesurés de l'extase arrivant de la mer
paradisiaque et qui me soulevaient de nouveau sur des crêtes lumineuses
toujours plus hautes, me portant en haut, en haut, avec eux, dans un océan de
lumière, de lumière, de joie, de paix, d'amour jusqu'à ce que je me trouve
perdue dans la mer de Dieu, du sein de Dieu... Une voix de la terre,
encore : "Tu dors, Marie ?" Oh ! si
lointaine !... Un écho, un souvenir de la terre !... Et si faible
que l'âme n'en est pas touchée, et je ne sais quelle réponse j'y fais pendant
que je monte, que je monte encore dans cet abîme de feu, de béatitude
infinie, d'avant-goût de Dieu... jusqu'à Lui, jusqu'à Lui... Oh ! mais,
est-ce Toi qui es né ou est-ce moi qui suis née de la fulguration Trinitaire,
cette nuit-là ? Est-ce moi qui t'ai donné Toi, ou Toi qui m'as aspirée
pour me donner ? Je ne sais pas...
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380> Et puis la descente,
de chœur en chœur, d'astre en astre, de nuage en nuage, douce, lente,
bienheureuse, tranquille comme celle d'une fleur qu'un aigle a portée dans
les hauteurs et qu'il a laissée tomber, et qui descend lentement sur les
ailes de l'air, devenue plus belle par une pluie de pierres précieuses, par
un morceau d'arc-en-ciel dérobé au ciel et qui se retrouve sur la terre
natale... Mon diadème : Toi ! Toi sur mon cœur...
M'étant assise ici, après t'avoir adoré à genoux, je t'ai aimé. Finalement
j'ai pu t'aimer sans la barrière de la chair et d'ici je me suis levée pour
te porter à l'amour de celui qui comme moi était digne de t'aimer dans les
premiers. Et ici, entre ces deux rustiques colonnes, je t'ai offert au Père.
Et ici, tu as reposé pour la première fois sur le cœur de Joseph... Et puis,
je t'ai emmailloté et, ensemble, nous t'avons déposé ici... Je te berçais
pendant que Joseph séchait le foin à la flamme et le tenait au chaud en le
mettant sur sa poitrine et puis, à cet endroit, pour t'adorer tous les deux,
penchés sur Toi ainsi, ainsi comme moi maintenant, pour boire ta respiration,
pour voir à quel anéantissement peut conduire l'amour, pour verser les larmes
que certainement on verse au Ciel pour la joie inépuisable de voir
Dieu."
207.7 – Marie est allée et venue
pendant cette évocation, indiquant les endroits, haletante d'amour, une larme
scintillant dans ses yeux bleus et un sourire de joie sur les lèvres, elle se
penche réellement sur son Jésus qui s'est assis sur une grosse pierre pendant
cette évocation, et elle baise ses cheveux en pleurant et adorant comme
alors...
"Et puis les bergers... à l'intérieur, ici, pour adorer avec leur âme
bonne, avec le grand soupir de la terre qui entrait avec eux, avec leur odeur
d'hommes, de troupeaux, de foin ; et au-dehors, et partout les anges,
pour t'adorer par leur amour, par leurs chants que ne peut redire une
créature humaine, et par l'amour des Cieux, par l'atmosphère des Cieux qui
entrait avec eux, qu'eux apportaient avec leurs clartés... Ta naissance,
béni… !"
Marie s'est agenouillée à côté de son Fils et elle pleure d'émotion, la tête
appuyée sur ses genoux. Pendant quelques instants, personne n'ose parler.
Plus ou moins émus, les assistants regardent autour d'eux comme si au milieu
des araignées et des cailloux raboteux ils espéraient avoir le spectacle de
la scène décrite...
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381> Marie se ressaisit
et dit :
"Voilà, j'ai dit la naissance de mon Fils dans son infinie simplicité et
son infinie grandeur, avec mon cœur de femme, non pas avec la sagesse d'un
maître. Il n'y a rien d'autre car ce fut la chose
la plus grande de la terre, cachée sous les apparences les plus communes."
207.8 – "Mais le lendemain ?
Et ensuite ?" demandent plusieurs, parmi lesquels les deux Marie.
"Le lendemain ? Oh ! très simple ! Je fus la mère qui donne
le lait à son bébé, qui le lave et l'emmaillote comme font toutes les mères.
Je chauffais l'eau puisée au ruisseau, sur le feu allumé là-dehors pour que
la fumée ne fasse pas pleurer ses deux yeux bleus et puis dans le coin le
plus abrité, dans un vieux baquet, je lavais mon
enfant et je le mettais dans des langes frais. Et j'allais à la rivière laver
les petits langes et je les étendais au soleil... et puis, joie entre les
joies, je Lui donnais le sein, et Lui tétait,
prenait des couleurs, était heureux... Le premier jour, à l'heure la plus
chaude, j'allai m'asseoir là-dehors pour bien le voir. Ici le jour filtre
sans entrer et la lumière et la flamme donnaient un bizarre aspect aux
choses. J'allai dehors, au soleil... et je regardai le Verbe Incarné. La Mère
a alors connu son Fils et la servante de Dieu son Seigneur. Et je fus femme
et adoratrice... Puis la maison d'Anne... les journées auprès du berceau, les
premiers pas, la première parole... Mais cela ce fut ensuite, en son temps...
Et rien, rien ne fut semblable à l'heure de ta naissance... Ce n'est qu'en
revenant à Dieu que je retrouverai cette plénitude..."
"Mais pourtant... partir ainsi, au dernier moment ! Quelle
imprudence ! Pourquoi n'avoir pas attendu ? Le décret
prévoyait un délai pour des cas exceptionnels comme naissance ou maladie.
Alphée le dit..." dit Marie d'Alphée.
"Attendre ? Oh ! non ! Ce soir-là, quand Joseph apporta
la nouvelle, moi et Toi, Fils, nous avons tressailli de joie. C'était
l'appel... parce que c'était ici, ici seulement que tu devais naître comme
les Prophètes l'avaient dit.
Et ce décret imprévu ce fut comme une pitié du Ciel pour éteindre chez Joseph
jusqu'au souvenir de son soupçon. C'était celui que j'attendais pour Toi,
pour lui, pour le monde judaïque et le monde de l'avenir, jusqu'à la fin des
siècles. C'était dit. Et, comme c'était dit, ce fut. Attendre ! Est-ce
que l'épouse peut retarder son rêve nuptial ? Pourquoi
attendre ?"
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382> "Mais... à
cause de tout ce qui pouvait arriver..." dit encore Marie d'Alphée.
"Je n'avais aucune crainte. Je me reposais en Dieu."
"Mais, savais-tu que tout se serait passé ainsi ?"
"Personne ne me l'avait dit, et moi je n'y pensais pas du tout, au point
que pour rassurer Joseph je le laissai penser et vous aussi qu'il y avait encore du temps avant la naissance. Mais moi je
savais, cela je le savais que ce serait en la fête des Lumières
que la Lumière du monde naîtrait. "
"Et toi, mère, pourquoi n'as-tu pas plutôt accompagné Marie ? Et le
père, pourquoi n'y a-t-il pas pensé ? Vous deviez venir ici vous aussi.
Pourquoi ne sommes-nous pas tous venus ?" demande sévèrement Jude
Thaddée.
"Ton père avait décidé de venir après les Encénies
et il le dit à son frère, mais Joseph ne voulut pas attendre."
"Mais toi, au moins..." réplique encore Thaddée.
"Ne lui fais pas de reproches, Jude. D'un commun accord nous avons
trouvé juste de laisser tomber un voile sur le mystère de cette
naissance."
"Mais Joseph savait-il qu'elle serait survenue avec ces signes ? Si
toi tu ne le savais pas, pouvait-il le savoir, lui ?"
"Nous ne savions rien, sauf que Lui devait naître."
"Et alors ?"
"Et alors, ce fut la Sagesse divine qui nous conduisit ainsi, comme
c'était juste. La naissance de Jésus, sa présence dans le monde, devait
apparaître privée de tout ce qui aurait été étonnant et qui aurait excité
Satan... Et vous voyez que la rancœur actuelle de Bethléem à l'égard du
Messie est une conséquence de la première manifestation du Christ. La haine
du démon utilisa cette révélation pour faire répandre le sang et, par le sang
répandu, répandre la haine.
207.9 – Es-tu content, Simon de Jonas,
qui ne parles pas et sembles retenir ta respiration ?"
"Tellement... tellement, qu'il me semble être hors du monde, dans un
lieu encore plus saint que si j'étais au-delà du Velarium du Temple...
Tellement que... que maintenant que je t'ai vue dans ce lieu, et avec la
lumière d'alors, je crains de t'avoir traitée, avec respect, oui, mais comme
une grande femme, une femme toujours.
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383> Maintenant...
maintenant je n'oserai plus te dire comme avant : "Marie". Tu étais
auparavant pour moi la Mère de mon Maître. Maintenant, maintenant je t'ai vue
au sommet de ces flots célestes, je t'ai vue comme une Reine et moi,
misérable, voici ce que je fais de cet esclave que je suis" et il se
jette à terre, en baisant les pieds de Marie.
Jésus parle, maintenant : "Simon, lève-toi, viens ici, tout près de
Moi." Pierre va à la gauche de Jésus car Marie est à sa droite.
"Que sommes-nous, maintenant ?" demande Jésus.
"Nous ? Mais il y a Jésus, Marie et Simon."
"C'est bien, mais combien sommes-nous ?"
"Trois, Maître."
"Une trinité, alors. Un jour, au Ciel,
dans la Divine Trinité il vint une pensée : "Il est temps que le
Verbe aille sur la terre", et avec une palpitation d'amour le Verbe vint
sur la terre. Il se sépara donc du Père et de l'Esprit Saint. Il vint
travailler sur la terre .
Au Ciel, les Deux qui étaient restés, contemplèrent les œuvres du Verbe
restant plus unis que jamais pour répandre la Pensée et l'Amour pour aider la
Parole qui œuvrait sur la terre.
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384> Un jour viendra où
du Ciel viendra un ordre : "C'est le moment de revenir, car tout
est accompli" et alors le Verbe retournera au Ciel, ainsi... (et Jésus
se retire, un pas en arrière en laissant Marie et Pierre où ils étaient) et
du haut des Cieux, Il contemplera les œuvres des deux restés sur la terre.
Eux, dans un mouvement saint, s'uniront plus que jamais pour fondre ensemble
le pouvoir et l'amour et en faire le moyen pour accomplir le désir du
Verbe : "La rédemption du monde par l'enseignement continu de son
Église". Et le Père, le Fils et l'Esprit Saint feront de leur
rayonnement une chaîne pour resserrer, resserrer toujours plus les deux
restés sur la terre : ma Mère, l'amour ; toi, le pouvoir. Tu devras
donc bien traiter Marie en reine, oui, mais sans être toi un esclave. Ne te
semble-t-il pas ?"
"Ce qui me semble, c'est tout ce que tu veux. Je suis anéanti !
Moi, le pouvoir ? Oh ! si je dois être le pouvoir, alors, je dois,
oui, m'appuyer sur Elle ! Oh ! Mère de mon Seigneur, ne m'abandonne
jamais, jamais, jamais..."
"N'aie pas peur. Je te tiendrai toujours par la main, ainsi, comme je
faisais à mon Bébé jusqu'à ce qu'il fût capable de marcher seul."
"Et après ?"
"Et après, je te soutiendrai par la
prière. Allons, Simon, ne doute jamais de la puissance de Dieu. Je n'en ai
pas douté, moi, ni Joseph. Toi non plus tu ne dois pas douter. Dieu nous
donne son secours, heure après heure, si nous restons humbles et fidèles...
207.10 – Maintenant venez dehors près
du ruisseau à l'ombre de ce bon arbre. Si l'été était plus avancé il vous
donnerait ses pommes en plus de son ombre. Venez. Nous allons manger avant de
partir... Où, mon Fils ?"
"À Jala.
C'est tout près. Et demain nous irons à Bet-Çur (Bethsur)."
Ils s'assoient à l'ombre du pommier et Marie se met contre son tronc robuste.
Barthélemy la regarde fixement, si jeune et encore célestement animée par
l'évocation qu'elle a faite, recevoir de son Fils la nourriture qu'il a
bénite et Lui sourire d'un regard d'amour, et il murmure :
"À son ombre je me suis assise et sa nourriture est douce à mon palais "
Jude Thaddée lui répond :
"C'est vrai. Elle languit d'amour, mais on ne peut certainement pas dire
que c'est sous un pommier qu'elle a été réveillée."
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385> "Et pourquoi
pas, frère ? Qu'en savons-nous des secrets du Roi ?" répond
Jacques d'Alphée.
Et Jésus, en souriant :
"La nouvelle Ève a été conçue par la Pensée au pied du pommier du
Paradis pour que son sourire et ses larmes mettent en fuite le serpent et
désintoxiquent le fruit empoisonné. Elle est devenue l'arbre du fruit
rédempteur. Venez, amis, et mangez-en car se nourrir de sa douceur c'est se
nourrir du miel de Dieu."
"Maître, réponds à un désir de savoir que j'ai depuis longtemps. Le
Cantique que nous citons
prévoit-il Marie ?" demande doucement Barthélemy pendant que Marie
s'occupe de l'enfant et parle avec les femmes.
"Dès le commencement du Livre, on parle d'Elle et on en parlera dans les
livres de l'avenir jusqu'à ce que la parole de l'homme se change en l'éternel
hosanna de l'éternelle Cité de Dieu" et Jésus se tourne vers les femmes.
"Comme on voit qu'il vient de David ! Quelle sagesse, quelle
poésie !" dit le Zélote en parlant à ses compagnons.
207.11 – "Voilà" interrompt
l'Iscariote qui, encore sous l'impression de la veille, parle peu tout en
cherchant à retrouver la liberté qu'il avait auparavant. "Voilà,
je voudrais comprendre pourquoi devait vraiment se produire l'Incarnation.
Dieu seul peut parler de façon à vaincre Satan. Dieu seul peut avoir le
pouvoir de racheter et je n'en doute pas. Cependant, voilà, il me semble que
le Verbe pouvait se dégrader moins qu'il ne l'a fait en naissant comme tous
les hommes, en s'assujettissant aux misères de l'enfance et au reste.
N'aurait-il pas pu apparaître sous une forme humaine, déjà adulte, sous les
apparences d'un adulte ? Ou, s'il voulait vraiment avoir une mère, en
choisir une, mais adoptive comme il a fait pour le père ? Il me semble
qu'une fois, je le Lui ai demandé mais il ne m’a pas
répondu longuement, ou bien je ne me souviens pas."
"Demande-le-Lui ! Puisque nous sommes dans le sujet..." dit
Thomas.
"Moi, non. Je l'ai fâché et je ne me sens pas encore pardonné.
Demandez-le-Lui pour moi."
"Mais excuse-nous ! Nous acceptons tout sans tant d'explications et c'est à nous de poser des questions ? Ce n'est pas juste
!" riposte Jacques de Zébédée.
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386> "Qu'est-ce qui
n'est pas juste ?" demande Jésus.
Un silence, et puis le Zélote se fait l'interprète de tous et répète les
questions de Judas de Kérioth et les réponses des autres.
"Moi, je ne garde pas rancune. C'est la première chose que je dois dire.
Je fais les observations que je dois faire, je souffre et je pardonne. Ceci
dit pour qui éprouve la peur qui est encore le fruit de son trouble. En ce
qui concerne mon Incarnation réelle, je dis : "Il est juste
qu'il en ait été ainsi". Dans l'avenir, beaucoup et beaucoup tomberont
dans des erreurs au sujet de mon Incarnation. Ils me prêteront précisément
1es formes que Judas voudrait que j'eusse pris. Un homme dont le corps était
en apparence formé de matière, mais fluide en réalité, comme un jeu de
lumière, grâce auquel je serais et ne serais pas une chair. Et elle
existerait, sans vraiment exister la maternité de Marie. En vérité, je suis
une chair, et Marie est la Mère du Verbe fait Chair. Si l'heure de ma
naissance ne fut qu'extase, c'est parce qu'Elle est la nouvelle Ève qui ne
porte pas le poids de la faute ni l'héritage du châtiment. Mais cela n'a pas
été pour Moi une dégradation de reposer en Elle. Est-ce que par hasard la manne
était avilie du fait qu'elle était dans le Tabernacle ? Non, elle était
au contraire honorée de se trouver en ce lieu. D'autres diront que Moi,
n'étant pas une Chair réelle, je n'ai pas enduré la souffrance ni la mort
durant mon séjour sur la terre. Oui, ne pouvant nier mon existence, on niera
la réalité de mon Incarnation ou la vérité de ma Divinité. Non, en vérité, je
suis Un éternellement avec le Père et je suis uni à Dieu en tant que
Chair car l'Amour peut avoir rejoint ce qui ne peut être rejoint dans sa
Perfection en se revêtant de Chair pour sauver la chair. À toutes ces erreurs
répond ma vie entière qui donne son sang depuis ma naissance jusqu'à ma mort
et qui est assujettie à tout ce qu'elle partage avec l'homme, à l'exception
du péché. Né, oui, d'Elle. Et pour votre bien. Vous ne savez pas à quel point
s'adoucit la Justice du moment qu'elle a la Femme comme collaboratrice. Es-tu
satisfait, Judas ?"
"Oui, Maître."
"Fais-en sorte que toi aussi tu me satisfasses."
L'Iscariote baisse la tête, confus et, peut-être est-il réellement touché par
tant de bonté.
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