Le jeudi 26 octobre 1944.
363> 54.1 - Jésus se trouve
avec ses six disciples. Aussi bien la veille qu'aujourd'hui je ne vois plus Jude
Thaddée qui avait dit qu'il voulait
venir à Jérusalem avec Jésus.
Ce doit être encore les fêtes pascales, parce qu'il y a toujours grande
affluence dans la Cité. C'est vers le soir et beaucoup reviennent en hâte
vers les maisons.
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364> Jésus aussi se dirige vers la maison dont il est
l'hôte. Ce n'est pas la maison du Cénacle, Elle se trouve à l'intérieur de la
ville, tout en étant à ses confins. Celle-ci est déjà une vraie maison
rustique au milieu d'une oliveraie. De la petite cour qui la précède, on voit
les arbres qui descendent en rangées qui se suivent jusque vers le bas de la
colline. Ils s'arrêtent là où un petit torrent qui charrie très peu d'eau
s'en va à travers la faille qui se trouve entre deux collines peu élevées. Le
Temple est au sommet de l'une des deux; sur l'autre, des oliviers à perte de
vue. Jésus est tout en bas de cette agréable colline, qui s'élève en pente
douce avec tout l'agrément de ces arbres paisibles.
"Jean, il y a deux
hommes qui attendent ton ami" dit un homme
âgé qui doit être le fermier ou
le propriétaire de l'oliveraie. On dirait que Jean le connaît.
"Où sont-ils ? Qui sont-ils ?"
"Je ne sais, l'un est sûrement Juif. L'autre... je ne saurais... Je ne
le lui ai pas demandé."
"Où sont-ils ?"
"Ils attendent dans la cuisine et... et... oui... voilà, il y en a
encore un qui est couvert de plaies... Je l'ai fait s'arrêter là parce que...
je ne voudrais pas qu'il soit lépreux... Il dit qu'il veut voir le Prophète
qui a parlé au Temple."
Jésus, qui jusqu'à ce moment s'était tu, dit : "Allons d'abord
trouver ce dernier. Dis aux autres de venir s'ils veulent, je leur parlerai
ici, dans l'oliveraie." Et il se tourne vers l'endroit indiqué par
l'homme. "Et nous, que faisons-nous ?" demande Pierre.
"Venez si vous voulez."
54.2 - Un homme, tout emmitouflé est adossé au muret rustique qui soutient
une corniche, tout à côté de la limite du domaine. Il a dû monter par un
sentier qui le borde, en côtoyant le petit torrent. Quand il voit Jésus qui
vient vers lui, il crie :
"Arrière, arrière ! mais aussi pitié !"
Et il se découvre le tronc en laissant tomber son vêtement.
Si le visage est déjà couvert de croûtes, le tronc n'est qu'une mosaïque de
plaies. Il y en a qui se creusent profondément, d'autres comme des brûlures
rouges, d'autres blanchâtres et translucides, comme s'il y avait dessus du
verre blanc.
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365> "Tu es lépreux ! Que veux-tu de
Moi ?"
"Ne me maudis pas ! Ne me lapide pas ! On m'a dit que hier
soir tu t'es manifesté comme la Voix de Dieu et le Porteur de la Grâce. On
m'a dit que tu as certifié qu'en élevant ton Signe, tu guéris tout mal.
Lève-le sur moi. Je viens des tombeaux... là... J'ai rampé comme un serpent
parmi les ronces du torrent pour arriver ici sans être vu. J'ai attendu le
soir pour le faire, parce que dans la pénombre on voit moins bien ce que je
suis. J'ai osé... j'ai trouvé cet homme de la maison, qui est assez bon. Il ne
m'a pas tué. Il m'a dit seulement : "Attends contre le muret". Toi
aussi, aie pitié." Jésus s'avance, lui seul, car les six disciples et le
propriétaire avec les deux inconnus restent loin et manifestent clairement
leur dégoût. Le lépreux dit encore : "N'avance pas davantage ! Pas
plus ! Je suis souillé !"
Mais Jésus s'avance. Il le regarde avec une telle pitié que
l'homme se met à pleurer. Il s'agenouille, le visage presque à terre. Il
gémit : "Ton Signe ! ton Signe !"
"Il s'élèvera à son heure. Mais, à toi je te dis : relève-toi. Sois
guéri. Je le veux. Et sois pour Moi un signe dans cette cité qui doit me
connaître. Lève-toi, je te le dis ! Et ne pèche plus, par reconnaissance
pour Dieu ! "
L'homme se lève, lentement, lentement. Il semble qu'il émerge du milieu des
herbes hautes et fleuries comme s'il se dégageait d'un linceul... Il est
guéri. Il se regarde aux dernières clartés du jour. Il est guéri. Il
crie : "Je suis pur ! Oh! que dois-je faire maintenant pour
Toi ?"
"Obéir à la Loi. Va trouver le prêtre. Sois bon désormais. Va."
L'homme esquisse un mouvement pour se jeter aux pieds de Jésus, mais il se
rappelle qu'il est encore impur aux yeux de la Loi, et il se retient. Mais il
se baise les mains et envoie le baiser à Jésus. Il pleure de joie.
54.3 - Les
autres sont pétrifiés. Jésus tourne le dos au lépreux guéri et en souriant
les secoue : "Amis, ce n'était qu'une lèpre de la chair, mais vous
verrez s'effacer la lèpre des cœurs. c'est vous qui voulez me voir ? dit-il
aux deux inconnus. Me voici. Qui êtes-vous ?"
"Nous t'avons entendu, l'autre soir... au Temple. Nous t'avons cherché
par la ville. Quelqu'un qui se dit ton
parent nous a dit que tu étais
ici."
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366> "Pourquoi me cherchez-vous ?"
"Pour te suivre, si tu veux de nous, parce que Tu as des paroles de
vérité."
"Me suivre ? Mais, savez-vous où je me dirige ? "
"Non Maître, mais certainement vers la gloire."
"Oui, mais vers une gloire qui n'est pas de cette terre, vers une gloire
qui réside au Ciel et qui se conquiert par la vertu et le sacrifice. Pourquoi
voulez-vous me suivre?" demande-t-il de nouveau.
"Pour avoir part à ta gloire."
"Selon le Ciel ?"
"Oui, selon le Ciel."
"Ce n'est pas tout le monde qui peut y
arriver. Parce que Mammon tend des pièges, et à ceux qui désirent le Ciel, plus
qu'aux autres. Celui-là seul résiste dont la volonté est forte. Pourquoi me suivre, si me suivre implique une lutte continuelle avec
l'ennemi qui est en nous, avec le monde ennemi, avec l'Ennemi qui est Satan ?"
"Parce que, c'est notre esprit qui nous y porte, notre esprit
qui est resté ta conquête. Tu es saint et puissant, nous voulons être tes
amis. "
"Amis !!! " Jésus se tait et soupire. Puis il regarde
fixement celui qui a toujours parlé et qui maintenant a laissé tomber le
manteau qui lui couvrait la tête, la laissant maintenant découverte. C'est Judas de Kériot. "Qui es-tu, toi qui parles mieux qu'un homme du
peuple ? "
"Je suis Judas de Simon. Je suis de Kériot, mais je suis du Temple, (ou
au Temple). J'attends le Roi des juifs, c'est mon rêve. Roi, j'ai reconnu à
ta parole que tu l'étais. Roi, je t'ai reconnu à ton geste. Prends-moi avec
Toi."
"Te prendre ? Maintenant ? Tout de suite ? Non ! "
"Pourquoi, Maître ? "
"Parce qu'il vaut mieux se jauger soi-même, avant de prendre une route
très escarpée !"
"Tu ne crois pas à ma sincérité ?"
"Tu l'as dit. De ta part, je crois à une impulsion, mais je ne crois
pas à ta constance. Réfléchis, Judas. Maintenant je pars et je reviendrai
pour la Pentecôte. Si tu es au Temple, tu me verras.
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367> Rends-toi compte de ce dont tu es capable... 54.4 - Et toi, qui es-tu ?" demande-t-il au second
inconnu.
"Un autre qui t'a vu. Je voudrais être avec Toi. Mais maintenant cela
m'effraye !"
"Non, la présomption, c'est la ruine. La crainte peut être un obstacle,
mais si elle vient de l'humilité, elle est une aide. Ne crains pas. Toi
aussi, réfléchis et quand je viendrai... !"
"Maître, tu es tellement saint ! J'ai peur de n'être pas digne.
Rien d'autre. Parce que, pour ce qui est de mon amour, je n'ai pas de
crainte... !"
"Comment t'appelles-tu ? "
"Thomas, surnommé Didyme."
"Je me rappellerai ton nom. Va en paix."
Jésus les congédie et rentre dans la maison hospitalière pour le souper.
54.5 - Les
six qui sont avec lui veulent lui poser beaucoup de questions.
"Pourquoi, Maître, as-tu fait une différence entre les
deux ? ... Parce qu'il y a eu une différence. Tous deux obéissaient à
une même impulsion..." demande Jean.
"Mon ami, parce que la même impulsion peut n'avoir pas la même saveur.
Bien sûr que les deux ont eu la même impulsion, mais elle ne tend pas au même
but. C'est celui qui a paru moins parfait qui l'est davantage car il n'a pas
en lui le désir fiévreux de la gloire humaine. Il m'aime parce qu'il
m'aime."
"Moi aussi !"
"Et moi de même."
"Et moi."
"Et moi."
"Et moi."
"Et moi."
"Je le sais. Je vous connais pour ce que vous êtes."
"Nous sommes donc parfaits ?"
"Oh ! non ! Mais, comme Thomas, vous le deviendrez si vous
persistez dans votre volonté d'amour. Parfaits ?! Oh ! amis !
Et qui est parfait hormis Dieu ?"
"Toi, tu l'es !"
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368> "En vérité, je vous dis que pour Moi,
je ne suis pas parfait si vous ne voyez en Moi qu'un prophète. Aucun homme
n'est parfait, mais je suis parfait, Moi, car Celui qui vous parle est le Verbe du Père.
Elle est de Dieu, sa Pensée, qui se fait Parole. J'ai la Perfection en Moi et
c'est cela que vous devez croire si vous croyez que je suis le Verbe du Père.
Et pourtant, vous le voyez, amis, je veux qu'on m'appelle le Fils de l'homme , car je m'anéantis Moi Même, en prenant sur Moi toutes
les misères de l'homme, pour les porter - c'est ma première croix - et les
supprimer après les avoir portées, mais sans qu'elles m'aient atteint. Quel
poids mes amis ! Mais je l'apporte avec joie. C'est ma joie de les
porter car Fils de l'Humanité, je rendrai l'humanité fille de Dieu. Comme au
premier jour." Jésus parle doucement, assis à la pauvre table avec ses
mains qui font des gestes paisibles, la figure un peu penchée, éclairée en
dessous par la petite lampe à huile posée sur la table. Il sourit légèrement.
C'est déjà le Maître qui s'impose et dont les traits respirent tant d'amitié.
Les disciples l'écoutent, attentifs.
54.6 - "Maître...
pourquoi ton cousin qui savait où tu habites n'est-il pas venu ?"
"Mon Pierre !... Tu seras une de mes pierres, la
première. Mais toutes les pierres ne se prêtent pas facilement à
l'emploi. Tu as vu les marbres du palais du prétoire ? Arrachés
péniblement aux flancs de la montagne, ils font maintenant partie du
Prétoire. Regarde, par contre ces cailloux qui brillent là aux rayons de la
lune au fond des eaux du Cédron. Ils sont arrivés d'eux-mêmes dans le lit du
torrent et si on les veut, voilà qu'ils se laissent tout de suite prendre.
Mon cousin est comme les premières pierres dont je parle... Le flanc de la
montagne : la famille me le dispute."
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369> "Mais moi, je veux être tout à fait comme les
pierres du torrent. Pour Toi, je suis prêt à tout laisser : la maison,
l'épouse, la pêche, les frères. Tout, mon Maître, pour Toi."
"Je le sais, Pierre, c'est pour cela que je t'aime, mais Judas aussi
viendra."
"Qui ? Judas de Kériot ? Je n'y tiens pas, c'est un beau
monsieur mais... Je préfère... Oui, je me préfère moi-même."
Tout le monde rit de la sortie de Pierre. "Il n'y a pas de quoi rire. Je
veux dire que je préfère un simple Galiléen, un pêcheur nature mais franc
à... aux citadins qui... Je ne sais pas. Voilà, mais le Maître comprend ce
que je veux dire."
"Oui, je comprends, mais ne juge pas. Nous avons besoin l'un de l'autre,
sur la terre, et les bons sont mélangés aux mauvais comme les fleurs dans un
champ : la ciguë est à côté de la mauve bienfaisante."
54.7 - "Je
voudrais demander une chose..."
"Quoi, André ?"
"Jean m'a raconté le
miracle que tu as fait à Cana... Nous
espérions tant que tu en fasses un à Capharnaüm... Et
Toi tu nous a dit que tu ne faisais pas de miracle sans avoir auparavant
accompli la Loi. Pourquoi alors, à Cana ? Pourquoi là et pas dans ta
patrie ? "
"Toute obéissance à la Loi est union à
Dieu et donc accroissement de notre pouvoir. Le miracle est la preuve de
l'union à Dieu, de la présence bienveillante de Dieu et de son accord avec
nous. C'est pour cela que j'ai voulu remplir mon devoir d'israélite avant de
commencer la série des prodiges."
"Mais tu n'étais pas tenu à observer la Loi."
"Pourquoi ? Comme Fils de Dieu, non. Mais comme Fils de la Loi, si.
Israël, pour l'heure, ne me connaît que comme tel... Et même après, presque
tout Israël me connaîtra comme tel, comme moins encore. Mais je ne veux pas
donner de scandale à Israël et j'obéis à la Loi."
"Tu es saint."
"La sainteté n'exclut pas l'obéissance, mais au contraire la
perfectionne. Il y a l'exemple à donner, en plus du reste. Que dirais-tu d'un
père, d'un frère aîné, d'un maître, d'un prêtre, qui ne donneraient pas le
bon exemple ? "
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370> "Et Cana alors ?"
"Cana c'était la joie qu'il fallait donner à ma Mère. Cana c'est un
acompte de ce qui est dû à ma Mère. C'est Elle qui la première a apporté la
Grâce. Ici, j'honore la Cité Sainte en y inaugurant publiquement ma puissance
de Messie, mais là-bas, à Cana, Je devais l'honneur à la Sainte de Dieu, à la
Toute Sainte. C'est par Elle que le monde m'a eu. Il est juste que ce soit à
Elle qu'aille mon premier prodige en ce monde."
54.8 - On frappe à la porte. C'est Thomas,
de nouveau. Il entre et se jette aux pieds de Jésus. "Maître... je ne
peux attendre ton retour. Laisse-moi avec Toi. Je suis plein de défauts, mais
j'ai cet amour, seul, grand vrai, mon trésor. Il est à Toi. Il est pour Toi. Et garde-moi,
Maître..."
Jésus lui met la main sur la tête. "Reste, Didyme, Suis-moi. Bienheureux
ceux qui sont sincères et ont une volonté tenace. Vous êtes bénis. Vous
m'êtes plus que parents car vous êtes pour Moi des fils et des frères non selon
le sang qui est mortel, mais selon la volonté de Dieu et la volonté de votre
esprit. Maintenant Je vous dis qu'il n'y a pas de parenté plus étroite que
celle de celui qui fait la volonté de mon Père et vous la faites, parce que
vous voulez le bien."
Ainsi se termine la vision.
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