| Vision du dimanche 4
  juin 1944 170/171>
   27.1 – Je vois encore la maison de
  Nazareth : la petite pièce où se tient habituellement Marie pour les repas. En ce moment, elle est occupée à un
  ouvrage de toile blanche. Elle pose son travail pour aller allumer une lampe.
  La nuit descend et la lumière verdâtre qui entre par la porte entr'ouverte
  sur le jardin devient insuffisante. Elle la ferme. 
 Je me rends compte que sa grossesse est très avancée. Mais elle est encore si
  belle. Sa démarche est aisée, et gracieux est tout son comportement. Rien de
  cette lourdeur que l'on remarque chez la femme qui va bientôt donner le jour
  à un enfant. Seul, le visage est changé.
 
 Maintenant, c'est "la femme". Tout d'abord, au temps de
  l'Annonciation, c'était une toute jeune fille, au visage calme, mais qui
  ignore : un visage d'enfant innocent. Depuis, dans la maison
  d'Élisabeth, au moment de la naissance du Baptiste, son visage s'était plus
  affiné, sa beauté avait mûri. Maintenant, c'est le visage tranquille, mais
  empreint d'une douce majesté de la femme qui atteint sa perfection dans la
  maternité.
 
 Elle ne rappelle plus votre chère “Annonciation” de Florence, mon Père . Quand elle était enfant, je l’y retrouvais bien . Maintenant, son visage s’est allongé et amaigri, son
  regard est plus pensif et ses yeux plus grands.
 
 En somme, Marie est telle qu’elle est aujourd’hui au Ciel, car elle a repris
  désormais l’aspect et l’âge qu’elle avait au moment de la naissance du
  Sauveur.
 
 Elle a l’éternelle jeunesse de qui n’a pas connu, non seulement la corruption
  de la mort, mais même la flétrissure des ans. Le temps ne l’a pas atteinte,
  notre Reine et Mère du Seigneur qui a créé le temps. Et si les tourments de
  l’époque de la Passion – tourments qui, pour elle, avaient
  commencé bien plus tôt, je pourrais même dire dès que Jésus a entrepris son
  œuvre d’évangélisation – l’ont fait paraître vieillie, ce n’était qu’un voile
  posé par la souffrance sur son être incorruptible. En effet, il lui a suffi
  de revoir Jésus ressuscité pour redevenir la femme fraîche et parfaite
  qu’elle était avant ces tourments. C’était comme si, en embrassant les
  saintes Plaies, elle avait bu un baume de jeunesse qui efface l’œuvre du
  temps et, plus encore que le temps, celui de la souffrance.
 
 Voici huit jours en effet, lorsque j’ai vu la descente de l’Esprit Saint, le
  jour de la Pentecôte, j’ai vu Marie “ belle, belle, belle et soudainement
  rajeunie ”, comme je l’écrivais. Et j’avais écrit auparavant : “ Elle
  ressemble à un ange bleu. ” Les anges ne connaissent pas la vieillesse. Ils
  sont éternellement beaux d’une éternelle jeunesse, de l’éternel présent de
  Dieu qu’ils reflètent.
 
 C’est maintenant que la jeunesse angélique de Marie – cet ange bleu – finit
  de s’épanouir et atteint l’âge parfait – qu’elle a gardé aux Cieux et que son
  corps saint et glorifié gardera éternellement lorsque l’Esprit donne sa bague
  à son Epouse et la couronne aux yeux de tous –, et non plus dans le secret
  d’une pièce inconnue du monde, avec un archange pour seul témoin.
 
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 172> J’ai tenu à faire cette digression car Marie,
  maintenant est devenue réellement "la femme", pleine de dignité et
  de grâce. Même son sourire s'est épanoui en une douceur majestueuse. Comme
  elle est belle !
 
 
  27.2 – Joseph entre. Il semble revenir du pays, car il entre par la
  porte extérieure et non par celle de l'atelier. Marie lève la tête et lui
  sourit. Aussi Joseph lui sourit. Mais il semble fatigué,
  préoccupé. Marie l'observe, se demandant ce qu'il y a. Puis elle se lève,
  prend le manteau que Joseph est en train d'enlever et le pose sur une
  banquette. 
 Joseph s'assied près de la table. Il y appuie le coude, la tête sur une main
  pendant que préoccupé, il caresse, caresse sa barbe de l'autre main.
 
 "Tu as quelque préoccupation qui te fait souffrir ? demande Marie.
  Puis-je te consoler ?"
 
 "Tu es toujours ma consolation, Marie. Mais cette fois, c'est un gros
  souci... Pour toi."
 
 "Pour moi, Joseph ? Qu'y a-t-il donc ?"
 
 "Ils ont affiché un édit sur la porte de la synagogue. C'est l'ordre de
  recensement de tous les Palestiniens. Il faut aller se faire inscrire au lieu
  d'origine. Pour nous, nous devons aller à Bethléem..."
 
 
  27.3 – "Oh !"
  interrompt Marie, en mettant la main sur sa poitrine. 
 "Cela t'impressionne, n'est-ce pas ? C'est dur, je le sais."
 
 "Non, Joseph, Ce n'est pas cela. Je pense... je pense aux Saintes
  Écritures : Rachel, mère de Benjamin et épouse de Jacob, dont naîtra
  l'Étoile : le Sauveur. Rachel enterrée à Bethléem dont il est dit :
  "Et toi, Bethléem Ephrata, tu es le plus petit canton de Juda, mais de
  toi sortira le Dominateur".
  Le Dominateur promis à la race de David, il naîtra là..."
 
 "Tu crois... tu crois que le moment est déjà venu ? Oh !
  comment ferons-nous ?" Joseph est complètement désemparé. Il
  regarde Marie d'un regard de pitié.
 
 Elle s'en aperçoit. Elle sourit. C'est à elle-même qu'elle sourit,
  plutôt qu'à lui. Un sourire qui semble dire : "C'est un homme, un
  juste, mais un homme. Il voit les choses en homme. Il pense en homme.
 
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 173> Aie pitié de lui, mon âme, et
  amène-le à juger des choses par l'esprit." Mais sa bonté la pousse à le
  rassurer. Elle ne ment pas, mais cherche à le distraire de sa peine.
 
 "Je ne sais pas, Joseph. Le temps est proche, mais le Seigneur ne
  pourrait-Il pas le retarder pour t'enlever cette préoccupation ? Lui
  peut tout. Ne crains pas."
 
 "Mais le voyage ? ...Qui sait quelle foule ! Trouverons-nous
  un bon logement ? Aurons-nous le temps de retourner ? Et si... si
  tu devais être Mère, là-bas, comment ferons-nous ? Nous n'avons pas de
  maison... Nous ne connaissons plus personne..."
 
 
  "Ne crains pas, tout ira bien.
  Dieu fait trouver un refuge à l'animal qui doit avoir son petit. Voudrais-tu
  qu'Il ne le fasse pas trouver pour son Messie ? Fions-nous à Lui.
  N'est-ce pas ? Fions-nous toujours à Lui. Plus l'épreuve est grande et
  plus il faut avoir confiance. Comme deux enfants, mettons notre main dans sa
  main de Père. Lui nous guide. Soyons-Lui tout à fait abandonnés. Vois comme
  Il nous a conduits jusqu'ici avec amour. Un père, le meilleur des pères,
  n'aurait pu nous apporter tant d'attention. Soyons ses fils et ses serviteurs,
  accomplissons sa volonté, Rien de mal ne peut nous arriver. Même cet édit,
  c'est sa volonté. Qui est-il donc César ? Un instrument entre les mains
  de Dieu. Depuis le moment où le Père décida de pardonner à l'homme, Il a fixé
  d'avance les évènements pour que son Christ naquît à Bethléem. Elle, la plus petite cité de Juda, n'existait pas encore et déjà
  sa gloire était annoncée. 
 Il fallait que cette gloire se manifeste, la Parole de Dieu ne saurait mentir
  - et elle mentirait si le Messie naissait ailleurs - et voilà qu'un
  puissant se lève, si loin d'ici. Il nous a conquis et veut connaître le
  nombre de ses sujets, maintenant, et alors que le monde est en paix...
  Oh ! qu'est-ce que notre petite fatigue, si nous pensons à la beauté de
  cet instant de paix, Joseph ? Penses-y: un temps où il n'y a pas de
  haine dans le monde ! Peut-il exister une heure plus heureuse pour le
  lever de "l'Étoile", dont la lumière est divine et l'influence est
  rédemption ? Oh ! n'aie pas peur, Joseph. Si les routes ne sont pas
  sûres, si la foule rend difficile le voyage, les anges nous défendront et
  nous feront escorte. Pas à nous, mais à leur Roi. Si nous ne trouverons pas
  de refuge, ils nous abriteront sous leurs ailes. Rien de mal ne nous
  arrivera. Rien ne peut arriver: Dieu est avec nous.
 
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  de page.
 
 174>
  27.4 – Joseph la regarde et l'écoute,
  extasié. Les rides de son front s'effacent, le sourire revient. Il se dresse
  sans ennui et sans tristesse. Il sourit. 
 "Tu es la bénie, Soleil de mon âme ! Toi, la bénie, tu sais tout
  voir dans la lumière de la Grâce dont tu es remplie ! Ne perdons pas de
  temps, alors. Il faut partir, au plus vite et... revenir au plus vite car
  tout, ici, est prêt pour le... pour le..."
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