Jean Aulagnier, Premier siècle chrétien, Éditions Résiac – 1989
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L'origine
du christianisme dans la province narbonnaise reste, pour beaucoup,
aujourd'hui, une inconnue historique.
Pour
la plupart des Français, curieux de l'implantation de la foi chrétienne
dans leur pays, c'est au deuxième siècle que la Gaule fut christianisée :
les prémices de cette christianisation étant marquées par le martyre, à
Lyon, de l'évêque Pothin, de la jeune Blandine et de nombre de leurs
coreligionnaires, sous Marc-Aurèle en 177.
Or,
si l'on veut bien se pencher attentivement sur le passé, on découvre une
réalité bien différente.
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La dixième
Légion Fretensis
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Les
romains en Gaule
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Vous
savez certainement que c'est dès le deuxième siècle avant notre ère, en
154, une première fois, puis en 125 que les romains eurent l'occasion
d'intervenir en Gaule (transalpine), à la recherche d'une route entre leurs
possessions lombardes et espagnoles sous le prétexte d'aider Marseille à se
protéger des salyens. Dès 122 (avant
Jésus-Christ), toute la région allant en gros de Toulouse au lac Léman, en
contournant le Massif Central par le sud, allait ainsi devenir province
romaine et le tracé de la Via Domitia, des
Pyrénées aux Alpes, était entrepris.
Cet
événement, en fait, allait avoir des conséquences bien méconnues
aujourd'hui sur la naissance du Christianisme en Gaule.
Mais
commençons par le commencement : Tout au long de ces quelque cent-cinquante
ans qui séparent la création de la province narbonnaise de la vie publique
de Jésus, de hardis pionniers romains, de toutes classes sociales,
renforcés peu à peu par les vétérans de l'armée, s'installèrent dans la
nouvelle province, protégés par les légions d'occupation et aussi
profondément enracinés sur notre sol, que nos Pieds-Noirs pouvaient l'être,
en 1950, en Algérie.
Et
vous allez voir que l'analogie ne s'arrête pas là. En effet, les Romains
devaient apprécier de la même manière les vertus guerrières des autochtones
du sud de la Gaule que les Français apprécièrent, au cours de nos dernières
guerres, celles des Maghrébins d'Afrique du Nord.
C'est
ainsi que, lorsque, au cours des années 18, 19 de notre ère, soit quelques
années à peine avant l'apparition en public de Jésus, Germanicus, né à
Lyon, l'ami par excellence des gaulois, installa la domination romaine en
Judée, il utilisa tout naturellement nos ancêtres. Et, cinq ans plus tard,
en 24, 25, quelques trimestres donc avant le baptême de Jésus dans le
Jourdain, on dénombrait en Palestine pas moins de quatre légions romaines,
presque entièrement gauloises : la sixième Ferrata,
la dixième Fretensis, la douzième Fulminata et la troisième Gallica,
soit plus de vingt mille hommes originaires de notre pays,
pour l'essentiel.
(INCLURE LA CARTE : Documentation/lieux et histoire/Légions)
Mais
ce n'est pas tout ; il faut savoir aussi que la famille de l'empereur
Tibère, la gens Claudia, faisait partie de ce que j'appellerai les
Pieds-Noirs romains de Gaule ; la région de Lyon était sa patrie
d'adoption. Tibère lui-même avait vécu longtemps en Gaule et avait grande
confiance en les capacités administratives et militaires de ses habitants.
Or
la femme de Pilate
s'appelait Claudia, très exactement
Claudia Procla ou Procula. L'évêché de
Carcassonne possède depuis au moins un siècle une lettre fort
intéressante, adressée par Claudia Procula elle-même à une certaine Fulvia Hersila : « Je ne te parlerai pas, y écrit-elle,
de mes premières années passées à Narbonne sous l'égide de mon père et sous
la garde de ton amitié. Tu sais que, ma seizième année accomplie, je fus
unie à Pontius, romain d'une famille noble et antique », et la lettre
continue sur des considérations personnelles, puis plus loin une mention
importante : « tu sais que je rencontrai le centurion qui avait
présidé à l'exécution de Jésus, un vétéran des guerres contre les parthes
et les germains... »
Réfléchissons
ensemble à tout cela : Procula ne pouvait porter le nom de la gens Claudia
que si elle était parente, cliente ou affranchie de la famille impériale.
Elle n'était sûrement pas affranchie, car elle n'aurait pu épouser Ponce
Pilate, qui était chevalier romain. Simple cliente, on connaît assez
Pilate, ambitieux par excellence, pour penser qu'il n'en aurait pas voulu.
Par contre, parente de Tibère, cela explique beaucoup de choses :
-
d'abord que Tibère ait confié à Pilate le gouvernement d'une province aussi
importante que la Judée,
-
ensuite que Claudia ait osé intervenir en faveur de Jésus au cours du
procès, alors que le gouverneur siégeait à son tribunal (Cf. Matthieu
27,19),
- enfin que Pilate se soit fait réprimander par Tibère pour
son attitude lors de ce même procès de Jésus, car on voit mal, sans une intervention
précise de Claudia auprès de Tibère à cet égard, comment ce dernier aurait
pu s'intéresser au sort de ce petit perturbateur juif à l'autre bout de
l'Empire.
Mais revenons un peu sur ce mariage de Claudia avec Pilate.
Notons d'abord que Pilate n'étant que chevalier, il n'aurait certainement
pas obtenu la main de Claudia, si Tibère avait déjà été empereur ou sur le
point de l'être. On peut donc penser que c'est peu avant, vers l'an 10 par
conséquent, que ce mariage eut lieu. Si Claudia avait alors effectivement
16 ans, cela signifie qu'elle avait un ou deux ans de plus que Jésus, soit
environ 32 ans lorsque son mari fut nommé en Judée. Notons aussi qu'à
l'époque de ce mariage, vers l'an 10, Tibère était en Gaule, Claudia, nous
l'avons vu, résidait à Narbonne. Quant à Pilate, dont la famille, la gens
"Pontia", avait également des
représentants dans notre pays, il est très probable aussi qu'il était
originaire de la vallée du Rhône ; en effet le suffixe "atus" de son nom "Pilatus" était
particulièrement caractéristique chez les "Pieds-Noirs" de la
Narbonnaise. Les musées de Narbonne, Vienne, Genève, Arles, Nîmes,
possèdent des amphores, vases d'argile et autres objets marqués du nom de
la gens Pontia. Aussi pouvons-nous, sans laisser
par trop notre imagination vagabonder, penser que ce mariage entre Procula
de la gens Claudia et Pilatus de la gens Pontia
eut lieu dans notre pays.
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Visions d'Anne-Catherine Emmerich sur le sujet
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Les
(Gallo)-Romains en Palestine
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Pour
ce qui concerne plus précisément notre sujet, comment alors ne pas penser
que Pilate et sa femme devaient être particulièrement entourés, en
Palestine, de romains de Gaule, comme eux, c'est-à-dire de gallo-romains de
la Narbonnaise, dans l'administration et l'armée, et de grandes dames de
cette société gallo-romaine autour de Claudia ?
Que
se passa-t-il alors en Palestine ? On sait déjà que Claudia fut, sinon
convertie, du moins fortement ébranlée par Jésus. On sait aussi qu'au sein
même de la cour d'Hérode, qui ne pouvait pas ne pas avoir de contacts
fréquents avec les romains, la femme du propre intendant du tétrarque, Jeanne, fut, elle, disciple de Jésus (Luc 8,3).
Et
Manaën, le propre frère de lait d'Hérode Antipas
— saint Luc dit : compagnon d'enfance (Actes 13,1) — ne
fut-il pas un des principaux fondateurs et responsables de l'Église
d'Antioche ?
Et
dans l'entourage immédiat de Jésus n'y avait-il pas ce personnage
énigmatique qu'était Lazare ? Juif certes, mais
loin du Temple et du Sanhédrin ; riche pourtant, rappelons-nous
le nombre de jérusalémites qui se sont déplacés pour ses funérailles (Jean
11,18-19), ou encore le parfum de grand prix répandu par sa sœur Marie au
cours d'un banquet offert en l'honneur de Jésus (Jean 12,3) ; intouchable
apparemment cependant, souvenons-nous des tracasseries, exercées par le
Sanhédrin sur Sidoine, l'ex-aveugle-né de la piscine de Siloé, et sa famille, rien
de tel contre Lazare, ni contre sa sœur Marie, qui pourtant devait être, avant sa conversion, un objet de
scandale épouvantable pour les pharisiens du Temple.
Cette
attitude de réserve vis-à-vis de Lazare et de sa famille est d'autant plus
curieuse que c'est la résurrection de ce même Lazare qui déclencha la décision
du grand Prêtre de faire mourir Jésus (cf. Jean 11,50).
Comment
alors, dans ce bouillonnement des esprits autour du prêche de Jésus, de
nombreuses dames au moins, sinon quelques hommes, de l'entourage de
Claudia, en relation avec Jeanne, voire avec Marthe et sa sœur,
n'auraient-elles pas, elles aussi, été touchées par l'enseignement de ce
rabbi si captivant, en particulier après la Croix, face au constat de la
Résurrection ?
N'est-ce
pas d'ailleurs un des gardes au pied de la Croix (gaulois lui aussi, qui
sait ?) qui osa dire avec le centurion : « vraiment, celui-là était le
Fils de Dieu ? ».
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Buste de Tibère, Musée d’Arles
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Tibère
rappelle Pilate
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Sautons
maintenant six ans et arrivons à l'automne de l'année 36. A cette époque
Tibère rappela Pilate à Rome. De fait, comme on évitait de naviguer, de ce
temps, entre novembre et mars, ce n'est qu'en avril 37 que Pilate y arriva,
alors que Tibère était mort quelques semaines auparavant. L'histoire dit
que Pilate fut alors exilé, mais fut-ce vraiment
un exil ? Et où ? En Gaule justement, dans la région de Vienne. Le mont
Pilat y porte encore son nom.
On
peut alors se poser les questions suivantes :
-
qu'est devenue Claudia en ces circonstances ?
- que sont devenus les fidèles de Pilate,
administrateurs ou militaires, plus ou moins originaires de la Narbonnaise
? Où sont allées leurs épouses, de l'entourage de Claudia ? Tous, rappelons-le,
plus ou moins imprégnés de l'enseignement de Jésus.
-
N'est-il pas probable qu'ils sont, eux aussi, rentrés chez eux, en Gaule ?
Mais alors, tout ce manteau de protection que représentait leur présence en
Palestine pour les disciples du Christ, et que maintenait certainement
Claudia, ne disparut-il pas du même coup ? Car, malgré le procès et son
résultat, et peut-être plus encore à cause de lui d'ailleurs, les grands du
Temple continuaient à se méfier des réactions possibles de Pilate et l'histoire
nous montre qu'en dehors de la lapidation d'Etienne, l'un des leurs (revoir son discours devant le sanhédrin
(Actes 7,1 à 53), dont la conversion avait entraîné la
"désertion" d'une multitude de prêtres (Actes 6,7), aucune
persécution notable n'intervint au cours de ces six années, de 30 à 36,
c'est-à-dire tant que Tibère régna.
Dans
ces conditions comment imaginer que l'énorme bouleversement, dans les
données politico-religieuses, que constitua le départ de Pilate et de
Claudia, resta sans répercussions sur la situation des disciples les plus
proches à la fois de Jésus et des dirigeants ? Et je pense bien sûr à
Lazare, ses sœurs, son intendant.
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Carte des implantations des premiers chrétiens en
Gaule
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Lazare en Provence
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Je
vais maintenant sauter à nouveau non pas six ans mais de nombreux siècles
pour en arriver à cette tradition, dont vous attendez que je vous parle,
celle de Lazare, justement, de ses sœurs et de son intendant Maximin, venus évangéliser la Provence. Notez au passage que j'ai
bien dit tradition et non pas légende. Il convient évidemment que je
m'explique là-dessus ; la différence entre les deux est que la tradition,
au contraire de la légende, est une transmission, de génération en
génération, de faits réellement enracinés dans l'histoire des hommes. Voici
donc ces faits que je vais tenter de reprendre dans l'ordre chronologique.
- 1er fait
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Un
vestige archéologique : il est daté de l'époque de Néron, donc des années
60, à l'époque même où Pierre et Paul évangélisaient Rome et y mouraient en martyrs. Il s'agit
d'une pierre funéraire, érigée en l'honneur de deux martyrs chrétiens, Volusianus et Fortunatus,
martyrisés par le feu. Cette pierre a été retrouvée en 1837 lors des
travaux d'agrandissement du bassin de carénage de Marseille. Donc dans les
années 60, le christianisme était déjà implanté depuis assez longtemps à
Marseille pour que des chrétiens aient pu être à ce point
gênants, qu'une persécution soit déclenchée contre eux. Ainsi
quelqu'un d'assez proche de Jésus, disciple ou apôtre, était déjà venu
évangéliser la communauté juive (et probablement aussi païenne) phocéenne,
avant peut-être que saint Paul n'évangélisât l'Asie Mineure, la Macédoine
et la Grèce.
- 2e fait
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Une
constante reconnaissance par les évêques d'Arles (qui désiraient pourtant
avoir la primauté sur les Eglises de Provence, celles de la deuxième Narbonnaise)
de l'antériorité des Eglises d'Aix, Marseille et Avignon sur la leur, que
la Tradition veut avoir été fondée au 1er siècle pourtant, par Trophime. À cet égard il est de fait que dès son
origine, les évêques de la deuxième Narbonnaise recevaient leur ordination
des mains de l'évêque de Marseille. Pourquoi ? De même, au concile d'Arles,
en 313, l'évêque de Marseille, Orose, eut l'honneur de signer le premier
les conclusions des travaux. Pourquoi ?
Il
est nécessaire, pour le comprendre, de rapprocher ces faits de la croyance
constante des mêmes évêques d'Arles, dont j'ai parlé à l'instant en la
fondation des Eglises d'Aix, Avignon et Marseille, par "un saint du
groupe de Béthanie".
- 3e fait
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La
tradition se poursuit sans faille : Vers 600, l'évêque de Cahors, écrivant
à une religieuse déchue, mentionne une "vie de sainte Madeleine"
en Provence,
- 4e fait
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Un
autre vestige archéologique : il s'agit cette fois-ci d'un morceau d'écorce
lisse, roulé, de la largeur d'une main, à l'intérieur d'une boule de liège,
contenant, en latin, l'inscription suivante : « en l'an 716 de
Notre-Seigneur, en décembre, régnant Eudes, roi de France, du temps des
perfides sarrasins, le corps de sainte Madeleine a été transporté très
secrètement, pendant la nuit, de son sépulcre d'albâtre dans un de marbre,
car il est plus en sûreté dans ce tombeau où reposait le corps de Sidoine
que nous avons ôté ».
Cette
découverte eut lieu à l'occasion d'une fouille, le 9 décembre 1279,
effectuée en présence des archevêques de Narbonne, Arles, Aix et Embrun,
des évêques d'Adge, Maguelone et Glandève, et devant Charles II d'Anjou, neveu de saint Louis,
qui avait ordonné les travaux. Et le moins extraordinaire de l'histoire
n'est pas que cette opération eut lieu à la suite d'un songe où
Marie-Madeleine révéla elle-même à Charles l'endroit où son tombeau était
caché et que ce fut effectivement à cet endroit, « dans un champ
voisin de l'église de Villelate" (je cite),
l'actuel Saint Maximin, que les chercheurs découvrirent un tombeau
d'albâtre et trois de marbre ».
Il
convient de noter aussi que Charles d'Anjou était très pieux et très
méfiant à la fois, et qu'il avait longuement prié le Seigneur de lui
indiquer cette cachette, qu'une constante Tradition locale affirmait être
celle des ossements de sainte Madeleine depuis le huitième siècle.
Comment
savons-nous tout cela ? De manière très simple : d'après un parchemin,
longtemps conservé dans la chapelle du monastère de Saint Maximin, et
d'après la narration de ces événements, à la suite d'une visite que
rendirent, en 1447, le dauphin Louis, le futur Louis XI, et René d'Anjou,
le roi René, au prieur de Saint Maximin, un certain Adhémar Fidélis, en se rendant en pèlerinage à la sainte Baume,
pour la Pentecôte, les trois augustes personnages s'étant évidemment
entretenus de tous ces faits, aussi réels que miraculeux.
Mais
revenons à l'évolution chronologique de notre tradition
- 5e fait
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Au
neuvième siècle, le martyrologe anglo-saxon du roi Alfred, que l'on ne
saurait taxer de chauvinisme à l'égard de la Provence, confirme le séjour
de Marie-Madeleine à la sainte Baume.
- 6e fait
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Les
moines de Chypre, peu taxables eux non plus de partialité en faveur de notre
région, ont de tout temps (et cela est concrètement attesté dès le 12e
siècle) mentionné la présence et la sépulture en Provence des saints de
Béthanie.
- 7e fait
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Aucun
autre endroit au monde que la sainte Baume ne revendique une grotte de
Marie-Madeleine. Or, en 1221., existait en Italie,
dans la campagne romaine, une église, celle de la Nunziatella,
qui vénérait depuis longtemps, comme relique, une pierre, (je cite)
"de la grotte où Marie-Madeleine fit pénitence". Il convient de
noter à cet égard, que la grotte où Marie-Madeleine se retira n'a rien à
voir avec la "cathédrale souterraine" que l'on montre aux
touristes sur le flanc nord du massif de la Sainte Baume, mais se trouve, à
la taille normale d'un ermitage, sur le flanc sud de ce massif, du côté de
la mer.
- 8e fait
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Enfin
: pour terminer avec les faits irréfutables, dont le rapprochement autant
que la matérialité, permettent à chacun de se forger une intime conviction,
je dois citer le résultat de fouilles, concernant les très anciennes
cryptes de Tarascon, de saint Victor à Marseille et d'Aix, où l'on
découvrit des sarcophages, antérieurs au 4e siècle, et attestant du
caractère vivace, pratiquement sans discontinuité depuis l'origine, de
cette tradition de l'évangélisation de la Provence par les saints de
Béthanie, puisqu'ils comportent des scènes sculptées mettant en œuvre (qui
?) Marthe, Lazare
et Maximin.
Mais
alors, allez-vous peut-être me dire, comment se fait-il que, pour tout le
monde apparemment, même au sein de l'Eglise, on considère de nos jours que
cette histoire relève exclusivement d'une pieuse légende ?
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Reliques de Marie de Magdala, Basilique de Saint
Maximin
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La
contestation
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C'est
très simple : c'est l'œuvre d'un certain Launoy,
janséniste au 17e siècle. Jean de Launoy, théologien
de la maison de Navarre et philosophe, n'avait pas admis d'être exclu de la
Sorbonne en même temps qu'Antoine Arnauld, le frère de la célèbre mère
Angélique de Port-Royal. Et il se mit à pourfendre ce qui lui sembla le
plus facile à attaquer dans l'Eglise, c'est-à-dire les traditions
populaires. Et bien sûr la Tradition des saints de Béthanie était pour lui
une cible de choix (cf. l'Introduction du Christianisme en Gaule 1659).
Comme vous le savez, insinuez, insinuez, il en restera toujours quelque
chose. Eh bien on peut dire que Launoy a
parfaitement réussi. Et cela d'autant plus qu'il fut magnifiquement relayé
par Monseigneur Duchesnes, académicien, directeur
de l'Ecole française de Rome et qui fut bien imprudent dans cette affaire.
Aussi, malgré les mises au point de nombreux exégètes méticuleux, dont
Monseigneur Bellet et le Père Sicard, les
assertions très orientées de ces deux illustres personnages firent des
ravages et l'on en sait aujourd'hui le résultat. Pour vous éclairer je ne
vous citerai que quelques-uns des arguments des contestataires et la
réalité qu'on peut très facilement leur opposer :
- 1er argument
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Le texte
de 716, que je vous ai mentionné tout à l'heure ne peut être qu'un faux :
d'abord quel serait cet Eudes, roi de France ? Ensuite à cette époque on
n'utilisait pas encore l'ère nouvelle, inventée par Denys le petit, peu de
temps auparavant.
Réponse
Pour
le premier point, le "liber pontificatis"
(livre historico liturgique on ne peut plus officiel), du huitième siècle,
dit : les sarrasins... tentèrent de passer le Rhône pour s'emparer de la
partie de la France où Eudes régnait. En fait, cet Eudes régna bien sur la
grande Aquitaine et au-delà du Rhône, jusqu'en 735, son règne étant
officiellement reconnu par Chilpéric II. Cela est bien attesté aujourd'hui.
Pour
le deuxième point, l'ère nouvelle : on en trouve la première trace en
Italie en 567 (dans la chronique de Victor, évêque de Tumnone).
Elle fut approuvée par Félix IV (pape de 526 à 530). Elle fut introduite en
Angleterre en 587. Elle est utilisée en France à Dijon, en 632, dans un
acte de donation fait à l'Eglise. Il n'y a donc pas à s'étonner qu'elle ait
été utilisée en 716 en Provence.
- 2e argument des contestataires
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Marie-Madeleine
et Lazare auraient fini leur vie en Orient et leurs sépultures seraient
à... Ephèse. Décidément Ephèse serait bien gourmande. Saint Jean ne lui
suffirait pas ! Il lui faudrait aussi la mère et les amis du Seigneur !
Réponse
Si
Ephèse abrite bien, près d'une grotte d'ailleurs, dite des "sept
dormants", la sépulture d'une Madeleine, cette dernière vécut au...
sixième siècle !
Si
Ephèse abrite bien la sépulture d'un certain Lazare, ce dernier vécut à Cithium, à Chypre, il était moine, mourut en... 832, et
est bien connu pour sa participation à la défense du culte des saintes Images
! Il est d'ailleurs amusant à cet égard de voir que ce sont justement les
moines de Chypre qui affirment la présence et la sépulture en Provence des
saints de Béthanie, et que la présence de Lazare à Cithium
n'est absolument pas mentionnée par saint Epiphane, évêque de Salamine, au
quatrième siècle, qui traitait justement de Lazare, mort selon lui en 60 ;
or ce saint n'était autre que le métropolite de... Cithium
précisément. A citer aussi le silence sur ces présences, de Polycarpe,
évêque d'Ephèse au deuxième siècle, énumérant pourtant dans une lettre bien
connue au pape Victor toutes les gloires de son siège et ne soufflant mot,
et pour cause, ni de Lazare, ni de Marie-Madeleine.
- 3e argument
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Ce
n'est qu'après la vénération de Marie-Madeleine à Vézelay au douzième
siècle que la légende provençale aurait pris naissance.
Réponse
Outre
le peu de sérieux d'une telle affirmation après tous les faits antérieurs
au 12e siècle que nous avons évoqués tout à l'heure et dont les
contestataires ne pouvaient pas ne pas avoir connaissance, s'ils avaient
voulu étayer un peu soigneusement leurs affirmations, il est de notoriété
publique que les moines de Vézelay eux-mêmes partaient du fait provençal
pour affirmer, à une certaine époque, que la dépouille de la sainte aurait
été transférée chez eux, confirmant ainsi au contraire l'existence
antérieure du tombeau de la sainte en Provence.
Je
ne m'étendrai pas davantage, laissant à chacun le soin de se faire sa
propre opinion. Toutefois, vous êtes peut-être étonnés que je ne vous ai pas parlé dans tout cela des Saintes-Marie-de-la-Mer. Eh bien, venons-y.
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Reliques
de sainte Marthe à Tarascon
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Les Saintes Marie (de la Mer)
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C'est
encore le roi René qui nous conduit à elles. Je vous ai rappelé qu'il
portait à Marie-Madeleine une vénération particulière. Et en 1448, l'année
suivant son passage à saint Maximin avec le futur Louis XI, il s'y arrêta à
nouveau en allant, pour le Carême, faire une retraite de neuf jours à la
sainte Baume. C'est lors de cette halte que le prieur, Adhémar Fidelis, lui parla des saintes Maries, cette autre
tradition fortement ancrée dans le sol de notre Midi méditerranéen.
Que
pouvons-nous en dire ?
L'évêque
d'Arles, Saint Césaire, mort le 27 août 543 laissa dans son testament ces
mots : « ...Je désire et vous conjure, mon Seigneur Archevêque, de ne
nommer proviseur ou aumônier de l'église de Sainte Marie de Rats
(l'actuelle Saintes-Marie-de-la-Mer, alors à
l'embouchure du Rhône de Saint Ferreol) que celui
choisi par la sainte congrégation du monastère », étant donné
l'importance particulière de cette église-sanctuaire.
Le
testament fut conservé précieusement par les successeurs de Césaire et par
les comtes de Provence, notamment Guillaume, en 992, le vainqueur des
sarrasins qui saccagèrent la Camargue tout au long du huitième siècle,
avant et après la bataille de Poitiers, en 732. En 720, particulièrement
(soit, je le rappelle, quatre ans après que les fidèles eurent transféré
dans un autre tombeau la dépouille de Marie-Madeleine), ils ne laissèrent
que des ruines du monastère de Psalmodi (sur la
route de Nîmes à Aigues-Morte), dont dépendait le
sanctuaire. Les chroniqueurs du temps ont laissé de nombreux récits de ces
opérations meurtrières. Pourtant l'église des Saintes traversa intacte
cette tempête. Or ce ne fut qu'au 11ème siècle que lui succéda
l'église-forteresse romane que l'on connaît aujourd'hui. Après plusieurs
changements de titulaires, elle fut confiée en 1080 aux bénédictins de
Montmajour.
Ce
sont eux qui furent, depuis lors, les gardiens vigilants de la Tradition.
Mais quelle était exactement cette dernière ?
D'autre
part, deux femmes, très proches de Jésus, Marie-Jacobé, la propre
belle-sœur de la Vierge et Marie-Salomé, la mère des apôtres Jean et Jacques, seraient enterrées sous l'église,
Enfin,
quatre têtes auraient été ensevelies avec elles, leur emplacement formant
une croix. Notons, cela est important, que ces détails, transmis par les
moines de Montmajour, avaient été notés par le maréchal du royaume d'Arles,
Gervais de Tilbury, et communiqués, en 1212, par écrit à l'empereur Othon
IV.
·
Un
siècle plus tard, en 1315, la tradition orale s'enracine une nouvelle fois
dans l'écriture, officiellement ; le nom des deux Marie apparaît alors en
clair dans l'appellation de la confrérie réunissant tous les notables de la
petite ville. Cette dernière compte à l'époque 2 500 à 3 000 âmes. La
confrérie est dite "des saintes Marie Jacobé
et Salomé".
Enfin,
de nombreux miracles attestés aidaient puissamment au maintien de la
Tradition, vivace parmi les habitants de la région. Ces miracles, peu ou
prou, n'ont d'ailleurs jamais cessé. Parmi les plus célèbres, on peut noter
la guérison subite de Pierre de Nantes, évêque de saint Paul de Léon, en
1332, qui fit grand bruit à l'époque, à la suite d'une prière aux saintes
et d'un vœu de pèlerinage.
Cependant
il est probable qu'on ne parlerait plus de tout cela depuis longtemps si le
roi René ne s'était pas montré aussi méfiant que son illustre ancêtre,
Charles II d'Anjou. Très pragmatique, il voulut en avoir le cœur net, après
son entretien avec le père Fidelis. Après sa
retraite à la sainte Baume, il se rendit en Camargue pour y mener sa propre
enquête. Elle lui sembla sûrement suffisamment positive, puisqu'il écrivit
au pape Nicolas V, en juillet, pour solliciter l'autorisation d'effectuer
des fouilles sous l'église. Cela se passait, vous ai-je dit, en 1448. Je
passe sur le détail des travaux, réalisés sous le contrôle pontifical de
l'archevêque d'Aix, Robert Damiani, et l'évêque
de Marseille, Nicolas de Brancas, pour vous dire qu'on mit successivement à
jour un premier corps entier, les mains pliées en croix, puis un deuxième
dont les mains étaient jointes, ensuite un crâne humain, enveloppé de
plomb, enfin trois autres têtes, beaucoup plus petites, dont les
emplacements figuraient bien une croix, avec celui de la première,
exactement comme deux cents ans plus tôt Gervais de Tilbury l'écrivait à
l'empereur Othon IV. Le détail des procès-verbaux des fouilles ne présente
ensuite aucun intérêt, si ce n'est celui, majeur, d'authentifier une fois
encore la Tradition, n'en déplaise à ceux qui ne daignent pas s'abaisser à
de telles "sornettes", à leurs yeux.
Maintenant
:
Si
vous me parlez des conditions dans lesquelles Lazare et les siens ou les
Saintes Marie sont arrivés en Provence, je vous avouerai très humblement
que je n'en sais rien.
Si
vous me parlez de la source miraculeuse que les "Marie" auraient
fait jaillir, je ne sais qu'une chose, c'est qu'il existe un puits d'eau
douce à quelques mètres de l'endroit où les deux corps et les quatre têtes
furent découverts.
Si
vous me parlez de Sarah la noire et des gitans, je ne sais qu'une seule
chose, c'est qu'une des servantes de Lazare s'appelait effectivement Sara. Elle
lui aurait été confiée par Jésus, qui l'aurait guérie et recueillie lors de
ses sermons au mont des Béatitudes.
Pour
le reste, sans doute des légendes n'ont-elles pas manqué, ultérieurement de
noyer le tout, comme les ors, les tapis, les marbres et les encens noient
encore le saint Sépulcre à Jérusalem ou la grotte de la Nativité à
Bethléem, les rendant certes méconnaissables, mais n'en altérant pas, pour
autant, l'impérissable réalité.
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