Le dimanche 25 novembre 1945.
320> 341.1 – Je ne
sais pas où les pèlerins ont passé la nuit. Je sais que de nouveau c'est le
matin, qu'ils sont en route, toujours à travers des pays montueux. Jésus a la main bandée et Jacques d'Alphée a le front bandé, alors qu'André boite
fortement et Jacques de Zébédée marche sans son sac qu'a pris son frère Jean.
Par deux fois Jésus a demandé :
"Tu arrives à marcher, André ?"
"Oui, Maître. Je marche mal à cause du bandage, mais la souffrance n'est
pas forte."
Et la seconde fois il ajoute :
"Et ta main, Maître ?"
"Une main n'est pas une jambe. Elle se repose et souffre peu."
"Hum ! Peu, je ne le crois pas, gonflée et ouverte jusqu'à l'os
comme elle l'est… L'huile fait du bien. Mais peut-être il aurait été
préférable si de cet onguent de ta Mère nous nous en étions
fait donner un peu par..."
"Par ma Mère. Tu as raison" dit vivement Jésus en voyant ce qui va sortir
des lèvres de Pierre qui rougit avec confusion en regardant d'un regard si
désolé son Jésus qui lui sourit et appuie justement sa main blessée sur
l'épaule de Pierre pour l'attirer à
Lui.
"Tu vas te faire mal à rester ainsi."
"Non, Simon. Tu m'aimes et ton amour est une bonne huile
salutaire."
"Oh ! alors, si c'est pour cela, tu devrais déjà être guéri !
Nous avons tous souffert de te voir ainsi traité, et il y en a qui ont
pleuré."
Et Pierre regarde Jean et André...
"L'huile et l'eau sont de bons remèdes, mais les larmes d'amour et de
pitié sont ce qu'il y a de plus puissant. Et, vous voyez ? Je suis bien
plus heureux aujourd'hui qu'hier. Car aujourd'hui je sais combien vous êtes
obéissants et affectueux pour Moi. Tous" et Jésus les regarde de son
suave regard dans lequel désormais il y a habituellement de la tristesse et
où luit, ce matin, une faible lueur de joie.
341.2 – "Mais
quelles hyènes ! Je n'ai jamais vu une haine pareille ! dit Jude d'Alphée. Ils devaient être tous judéens."
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321> "Non, frère. Ce n'est pas une
question de région. La haine est la même partout. Rappelle-toi qu'à Nazareth,
il y a plusieurs mois, j'ai été chassé et qu'ils voulaient me lapider. Tu ne
t'en souviens pas ?" dit Jésus avec calme.
Cela sert à consoler ceux qui sont judéens des paroles du Thaddée. Il les a si bien consolés que l'Iscariote
dit :
"Mais cela, je le dirai. Oh ! si je vais le dire ! Nous ne
faisions rien de mal. Nous n'avons pas réagi et Lui a parlé avec tout son
amour, au commencement. Et comme des serpents, ils nous ont lapidés. Je le
dirai."
"Et à qui, s'ils sont tous contre nous ?"
"Moi, je sais à qui. En attendant, dès que je vais voir Étienne ou Hermas, je
vais le dire. Gamaliel le saura tout de suite. Mais à Pâque, je le dirai à qui
je sais, moi, Je dirai : "Il n'est pas juste d'agir ainsi."
Votre fureur est illégale. C'est vous qui êtes coupables, pas Lui"
"Tu ferais mieux de ne pas fréquenter ces seigneurs !... Il me
semble que toi aussi tu es coupable à leurs yeux" conseille sagement Philippe.
"C'est vrai. Mieux vaut ne pas les fréquenter. Oui, cela vaut mieux.
Mais à Étienne je le dirai. Lui est bon et n'empoisonne pas..."
"Laisse tomber, Judas. Tu n'améliorerais rien. Moi, j'ai pardonné. N'y
pensons plus" dit Jésus d'un ton calme et persuasif.
341.3 – Deux
fois, en rencontrant des ruisseaux, aussi bien André que les deux Jacques
lavent les bandes qu'ils ont sur leurs contusions. Jésus, non. Il poursuit
tranquillement comme s'il ne sentait pas la douleur.
Pourtant la douleur doit être sensible si, quand ils s'arrêtent pour manger,
il doit demander à André de Lui couper le pain et quand se délie une sandale,
il doit demander à Matthieu de la lacer de nouveau... Et surtout, quand en
descendant un raccourci à pic, il heurte un tronc parce que son pied a
glissé, il ne peut retenir une plainte et le sang qui coule rougit de nouveau
la bande. Aussi, à la première maison d'un village où ils arrivent vers le
crépuscule, ils s'arrêtent pour demander de l'eau et de l'huile afin de
soigner la main qui, une fois enlevées les bandes, apparaît très enflée,
bleuâtre au dos et avec une blessure toute rouge au milieu.
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322> Pendant qu'ils attendent que la maîtresse de maison
accoure avec ce qu'ils désirent, tous se penchent pour observer la main
blessée et ils font leurs commentaires. Mais Jean s'écarte pour cacher ses
pleurs. Jésus l'appelle :
"Viens ici, il n'y a pas grand mal. Ne pleure pas."
"Je le sais. Si je l'avais, je ne pleurerais pas. Mais c'est Toi qui
l'as, Et tu ne dis pas tout le mal que te fait cette chère main qui n'a
jamais nui à personne" répond Jean auquel Jésus a abandonné sa main
blessée que Jean caresse doucement à l'extrémité des doigts, au poignet, tout
autour de1a partie bleuâtre, et qu'il retourne doucement pour la baiser sur
la paume et appuyer sa joue au creux de la main en disant :
"Cela brûle ! Oh ! comme tu dois souffrir !"
Des larmes de pitié coulent sur elle. La femme apporte de l'eau et de
l'huile, et avec un linge Jean essaie d'enlever le sang qui souille la main.
Avec délicatesse il fait couler l'eau tiède sur la partie blessée, il
l'humecte d'huile, la couvre avec des bandes propres et sur la ligature, il
dépose un baiser. Jésus lui met l'autre main sur sa tête inclinée.
341.4 – La femme
demande :
"C'est ton frère ?".
"Non. C'est mon Maître, notre Maître."
"D'où venez-vous ?" demande-t-elle encore aux autres.
"De la Mer de Galilée."
"De si loin ! Pourquoi ?"
"Pour prêcher le Salut."
"C'est presque le soir, arrêtez-vous dans ma maison. C'est une maison de
pauvres, mais de gens honnêtes. Je puis vous donner du lait dès que mes fils
reviendront avec les brebis. Mon homme vous accueillera volontiers."
"Merci, femme. Si le Maître le veut, nous resterons ici."
La femme va à ses occupations pendant que les apôtres demandent à Jésus ce
qu'ils doivent faire.
"Oui, c'est bien. Demain nous irons à Cédès et puis
vers Panéade. J'ai réfléchi, Barthélemy. Il convient de faire comme
tu dis. Tu m'as donné un bon conseil. J'espère trouver ainsi d'autres
disciples et les envoyer devant Moi, à Capharnaüm. Je sais qu'à Cédès il doit
y en avoir maintenant quelques-uns, parmi lesquels les trois bergers
libanais."
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323> La femme revient et demande :
"Et alors ?"
"Oui, brave femme, nous restons ici pour la nuit."
"Et pour le souper. Oh ! acceptez-le. Cela ne me pèse pas. Et puis
nous a été enseignée la miséricorde par certains qui sont disciples de ce
Jésus de Galilée, appelé le Messie, qui fait tant de miracles et qui prêche
le Royaume de Dieu. Mais ici, il n'est jamais venu, peut-être parce que nous
sommes aux confins syro-phéniciens. Mais ses disciples sont venus, et c'est
déjà beaucoup. Pour la Pâque nous du village, nous voulons aller tous en
Judée pour voir si nous voyons ce Jésus, car nous avons des malades et les
disciples en ont guéri quelques-uns, mais les autres non. Et parmi eux, il y
a un jeune homme, fils d'un frère de la femme de mon beau-frère."
"Qu'a-t-il ?" demande Jésus en souriant.
"Il est... Il ne parle ni n'entend. Il est né ainsi. Peut-être un démon
est entré dans le sein de la mère pour la faire désespérer et souffrir. Mais
il est bon, comme s'il n'était pas possédé. Les disciples ont dit que pour
lui il faut Jésus de Nazareth parce qu'il doit y avoir quelque chose qui lui
manque, et seul ce Jésus...
341.5 – Oh !
voici mes enfants et mon époux ! Melchias, j'ai accueilli ces pèlerins
au nom du Seigneur et j'étais en train de parler de Lévi... Sarah, va vite
traire le lait et toi, Samuel, descends prendre du vin et de l'huile dans la
grotte et apporte des pommes du grenier. Dépêche- toi, Sarah, nous allons
préparer les lits dans les chambres du haut."
"Ne te fatigue pas, femme. Nous serons bien n'importe où. Pourrais-je
voir l'homme dont tu parlais ?"
"Oui... Mais... Oh ! Seigneur ! Mais tu es peut-être le
Nazaréen ?"
"C'est Moi."
La femme s'écroule à genoux en criant :
"Melchias, Sarah, Samuel ! Venez adorer le Messie ! Quelle
journée ! Quelle journée ! Et moi, je l'ai dans ma maison ! Et
je Lui parle ainsi ! Et je Lui ai apporté de
l'eau pour laver sa blessure... Oh… !"
Elle est étranglée par l'émotion. Mais ensuite elle court à la bassine et la
voit vide :
"Pourquoi avez-vous jeté cette eau ? Elle était sainte !
Oh ! Melchias ! Le Messie chez nous..."
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324> "Oui. Mais sois bonne, femme, et n'en parle à
personne. Va plutôt prendre le sourd-muet et amène-le ici..." dit Jésus
en souriant...
341.6 – ...Et
vite Melchias revient avec le jeune sourd-muet et avec ses parents et la
moitié du village au moins... La mère du malheureux adore Jésus et le
supplie.
"Oui, ce sera comme tu veux"
Il prend par la main le sourd-muet, l'attire un peu en dehors de la foule qui
se presse et que les apôtres par pitié pour la main blessée s'efforcent
d'écarter. Jésus attire tout près de Lui le sourd-muet, lui met ses index
dans les oreilles et la langue sur les lèvres entrouvertes puis, levant les
yeux vers le ciel qui s'assombrit, il souffle sur le visage du sourd-muet et
il crie à haute voix : "Ouvrez-vous !" et il le laisse
aller.
Le jeune le regarde un moment alors que la foule chuchote. Il est surprenant
le changement du visage d'abord apathique et triste du sourd-muet devenu
ensuite surpris et souriant. Il porte les mains à ses oreilles, il les
presse, les écarte... Il se convainc qu'il entend vraiment et il ouvre la
bouche en disant :
"Maman ! J'entends ! Oh ! Seigneur, je
t'adore !"
La foule est prise par l'enthousiasme habituel et elle l'est d'autant plus
qu'elle se demande :
"Et comment peut-il savoir parler si jamais il n'a entendu une parole
depuis qu'il est né ? Un miracle dans le miracle ! Il lui a délié la
langue et ouvert les oreilles et, en même temps, il lui a appris à parler.
Vive Jésus de Nazareth ! Hosanna au Saint, au Messie !"
Et ils se pressent contre Lui, qui lève sa main
blessée pour bénir, pendant que quelques-uns, avertis par la femme de la
maison, se lavent le visage et les membres avec les gouttes restées dans la
bassine.
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