Le dimanche 3 novembre 1946.
210> 524.1 - Ils
sont tous rassemblés dans une pièce vaste et dépouillée. Autrefois,
certainement, elle était belle. Maintenant, ce n'est plus qu'un grand local.
Ils ont apporté les sièges et les lits pris dans les salles à manger ou dans
les chambres à coucher, et ils se sont tous assis autour du Maître qu'ils ont
fait asseoir sur une sorte de fauteuil tout en bois sculpté couvert d'un
tapis de haute lice. Le meuble le plus luxueux de la maison.
Zachée
parle d'un domaine acheté avec l'argent recueilli entre eux :
"Nous devions pourtant faire quelque chose ! L'oisiveté n'est pas un bon
remède pour ne pas pécher. C'est un terrain encore peu fertile car il avait
été négligé, comme nous, et comme nous plein de ronces, de pierres, de places
arides et d'herbes nuisibles, Nikê
nous a prêté ses serviteurs paysans pour nous apprendre comment faire pour
dégager les puits négligés, pour nettoyer les champs, et tailler le peu
d'arbres qu'il y avait et en planter des jeunes. Nous savions tant de
choses... mais pas les saints travaux de l'homme. Mais dans ce travail, si
nouveau pour nous, nous trouvons vraiment une vie nouvelle. Rien
ne rappelle le passé autour de nous. Seule la conscience les rappelle, mais
c'est bien... Nous sommes des pécheurs... Viendras-tu le voir ?"
"Nous sortirons ensemble d'ici pour nous diriger vers le Jourdain, et je
m'arrêterai en cet endroit. Tu me dis qu'il est justement sur le chemin qui
va au fleuve..."
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211> "Oui, Maître, mais c'est en
mauvais état. La maison tombe en ruines, et elle est vide de meubles. Nous
n'avions pas d'argent pour tout... après avoir, dans la mesure où on a pu le
faire, réparé nos manquements au prochain. Ceux-ci, sauf Démétès, Valens et Lévi,
trop âgés pour certaines privations et qui dorment ici, se contentent du
foin, Seigneur."
"Bien des fois, je n'ai pas même cela. Je dormirai sur le foin, Moi
aussi, Zachée. J'y ai dormi mes premiers sommeils et ils étaient doux car
l'amour les veillait. Je puis y dormir aussi ce sommeil et il ne sera pas
tourmenté car je le prendrai parmi des hommes chez qui est revenue la bonne
volonté."
Et il regarde d'un regard qui est une caresse ces prémices des rachetés de
tous pays. Et eux le regardent... Ce ne sont pas des hommes qui ont les
larmes faciles. Qui sait même combien de pleurs ils ont fait verser. Leurs
visages sont autant de livres sur lequel est écrit leur passé malheureux, et
si maintenant leur nouvelle vie voile la brutalité de ces paroles, on peut
cependant encore assez les déchiffrer pour permettre de voir de quels
gouffres ils remontent vers la Lumière. Et pourtant leurs visages s'éclairent,
s'illuminent, leurs regards prennent de l'assurance, une lueur d'espérance
surnaturelle, de satisfaction morale y brille quand ils entendent le Maître
leur dire qu'ils sont revenus à la bonne volonté.
524.2 - Zachée
dit :
Alors tu approuves tout ce que j'ai fait ? Vois, Maître, j'avais dit ce
jour-là : "Je te suivrai" et je voulais vraiment te suivre
matériellement. Mais justement ce soir-là vint chez moi Démétès
pour une de celles… pour un de ses infâmes marchés... et il
avait besoin d'argent. Il venait de Jérusalem... parce qu'on la dit sainte,
mais il n'y a pas de honte qu'on y trouve, et les premiers à vouloir cette
honte ce sont des gens qui ensuite nous lapident comme si nous étions
lépreux... Mais ce sont nos péchés que je dois dire et non les leurs. Je
n'avais plus d'argent, je te l'avais donné, tout. Même celui qui était encore
dans ma maison c'était comme s'il était déjà donné, car j'en avais déjà fait
les parts que je devais rendre à ceux à qui je l'avais soutiré par l'usure.
Je lui ai dit : "Je n'ai pas d'argent, mais je possède ce
qui vaut plus que tous les trésors". Et je lui ai raconté ma conversion,
tes paroles, la paix qui était en moi... J'ai tant parlé que la lumière du
jour nouveau est entrée pour blanchir les visages et rendre les lampes
inutiles pendant que je parlais encore.
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212> Ce que j'ai dit exactement, je ne
sais pas. Je sais que lui a donné un grand coup de poing sur la table à
laquelle nous étions assis, et s'est écrié : "Mercure a perdu un de ses
fidèles et les satyres un compagnon. Prends aussi cet argent : il n'y en
avait pas assez pour le crime, mais assez pour donner du pain à un mendiant,
et prends-moi avec toi. Je veux connaître un parfum après tant de
puanteurs". Et il est resté.
Nous sommes allés ensemble à Jérusalem, moi
pour vendre des objets, lui pour se libérer de tout... engagement. Et en
revenant j'ai dit... — j'avais prié au Temple, depuis si longtemps, avec le
cœur pur et pacifié d'un enfant — je me suis dit à moi-même : "Est-ce
que cela ce n'est pas suivre le Maître et peut-être le suivre mieux de rester
à Jéricho où mes amis publicains, malheureux comme moi, tenanciers de
tripots, ruffians, usuriers, surintendants de galériens et de forçats,
d'esclaves, tortionnaires de toutes les misères, soldats sans loi ni pitié,
noceurs pour oublier leurs remords dans l'ivresse, viennent me trouver pour
employer leur argent maudit, ou me proposer des affaires, ou m'inviter à des
banquets et autres souillures infâmes ? La ville me méprise. Les hébreux me
tiennent toujours pour pécheur, mais eux, non. Eux sont comme moi. Eux sont
immondes, mais peuvent avoir en eux quelque chose qui les pousse au bien et
ils ne trouvent personne pour leur tendre une main secourable. Moi, je les ai
aidés dans le mal. Peut-être ont-ils péché aussi à cause de mes conseils, de
ce que je leur ai demandé parfois. J'ai le devoir de les aider pour venir au
bien. De même que j'ai rendu à ceux à qui j'avais fait tort, de même que j'ai
réparé pour mes concitoyens, de même je dois chercher à réparer avec
eux".
Et je suis resté ici. Ils sont venus, tantôt l'un, tantôt l'autre, de cette
ville ou d'une autre, et je leur ai parlé. Ce ne sont pas tous qui ont été
comme Démétès. Certains se sont enfuis après m'avoir méprisé, d'autres ont
tergiversé, d'autres se sont arrêtés, mais après quelque temps sont retournés
à leur enfer. Ceux-ci sont restés. Et désormais je sens que je dois te suivre
ainsi, que nous devons te suivre ainsi, pour lutter avec nous-mêmes, pour
supporter les mépris du monde qui ne sait pas nous pardonner.
524.3 - Il ne nous manque pas les larmes du
cœur quand nous voyons que le monde ne pardonne pas, quand les souvenirs nous
reviennent... et ils sont si nombreux et si pénibles... Chez certains, ils
sont..."
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212> "L'horrible Némésis qui
nous reproche nos crimes et qui nous promet la vengeance outre-tombe"
dit l'un d'eux.
"Ce sont les lamentations de ceux qui étaient épuisés et que j'ai
frappés pour les faire travailler."
"Ce sont les malédictions de ceux que j'ai rendus esclaves après avoir
pris par l'usure tout leur avoir."
"Ce sont les supplications des veuves et des orphelins qui ne pouvaient
pas payer et auxquels j'ai confisqué, au nom de la loi, leurs dernières
ressources."
"Ce sont les férocités accomplies dans les pays conquis sur des gens
désarmés, terrorisés par la défaite."
"Ce sont les larmes de ma mère, de ma femme, de ma fille, mortes de
privations, alors que je gaspillais tout en festins."
"Ce sont... Oh ! pour moi, c'est le crime
sans nom ! Seigneur, moi je n'ai pas de sang sur les mains, je n'ai pas
dérobé d'argent, je n'ai pas imposé de gabelles exagérées, d'intérêts
usuraires, je n'ai pas frappé les vaincus, mais j'ai exploité toutes les
misères, je me suis enrichi sur les filles innocentes des vaincus, sur des
orphelines, sur des femmes vendues pour un pain comme de la marchandise. J'ai
fait le tour du monde pour saisir ces occasions, derrière les armées, là où
il y avait la disette, là où le débordement d'un fleuve avait enlevé toute
nourriture, là où une épidémie avait laissé des jeunes vies sans protection,
et j'en ai fait une marchandise, une infâme et pourtant innocente
marchandise. Infâme pour moi qui en tirais de l'argent, innocente car elle
n'en connaissait pas encore l'horreur. Seigneur, j'ai sur les mains la
virginité de fillettes déshonorées, et l'honneur de jeunes épouses prises
dans les villes conquises. Mes magasins... et mes lupanars étaient célèbres,
Seigneur. Ne me maudis pas, maintenant que tu sais ! ..."
524.4 - Les apôtres se sont involontairement
écartés du dernier qui a parlé. Jésus se lève et s'approche de lui. Il
lui met la main sur l'épaule et lui dit :
"C'est vrai ! Ton crime est grand. Tu as beaucoup à réparer. Mais
Moi, la Miséricorde, je te dis que même si tu étais le démon en personne et
si tu avais sur toi tous les crimes de la Terre, si tu le veux, tu
peux tout réparer et être pardonné par Dieu, par le Dieu vrai, grand et
paternel. Si tu veux. Unis ta volonté à la mienne. Moi aussi, je veux que tu
sois pardonné.
Unis-toi à Moi. Donne-moi ton pauvre esprit déshonoré, ruiné, couvert de
cicatrices et avili, depuis que tu as quitté le péché.
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214> Je le mettrai dans mon Cœur, là où
je mets les plus grands pécheurs, et je l'emmènerai avec Moi dans le
Sacrifice rédempteur. Le sang le plus saint, celui de mon Cœur, le
dernier sang de Celui qui sera consumé pour les hommes, se répandra sur les
plus grandes ruines et les régénérera. Pour le moment, aie l'espérance, une
espérance plus grande que ton crime immense, dans la miséricorde de Dieu, car
elle est sans bornes, Ô homme, pour qui sait se confier à elle."
L'homme voudrait bien prendre et baiser cette main posée sur son épaule, si
pâle et si décharnée sur son vêtement brun, et sur son épaule robuste, mais
il n'ose pas. Jésus comprend et il lui présente la main en disant :
"Baise sa paume, homme. Je retrouverai ce baiser pour guérir une de mes
tortures. Main baisée, main blessée. Baisée par amour, blessée par l'amour.
Oh ! si tous savaient embrasser la grande Victime, et qu'Elle mourût
dans son vêtement de plaies en sachant que dans chacune se trouvent les
baisers, les affections de tous les hommes rachetés !"
Et il tient la paume de sa main appuyée sur les lèvres rasées de l'homme
dont, à cause de tout son ensemble, je dirais qu'il est romain. Il l'y tient
jusqu'à ce que l'homme s'en détache comme rassasié, après avoir éteint la
brûlure de ses remords en buvant la Miséricorde du Seigneur dans le creux de
la main divine.
524.5 - Jésus revient à sa place et, en
passant, pose sa main sur la chevelure bouclée d'un tout jeune homme. Je lui
donnerais à peine vingt ans, si encore il n'est pas plus jeune. Lui n'a
jamais parlé. Il est certainement de race hébraïque. Jésus l'interroge :
"Et toi, mon fils, tu ne dis rien à ton Sauveur ?"
Le jeune homme lève la tête et le regarde... Ce regard est tout un discours.
C'est une histoire de douleur, de haine, de repentir, d'amour.
Jésus, un peu penché sur lui, les yeux dans les yeux du jeune, y lit quelque
histoire muette et il dit :
"C'est pour cela que je t'ai appelé "fils". Tu n'es plus seul.
Pardonne à tous ceux de ton sang et aux étrangers, comme Dieu te
pardonne. Et aime l'Amour qui t'a sauvé. Viens un moment avec Moi, je veux te
dire un mot en particulier."
Le jeune homme se lève et le suit. Quand ils sont seuls, Jésus lui dit :
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215> "Je veux te dire ceci, fils.
Le Seigneur t'a beaucoup aimé bien que cela n'apparaisse pas à un jugement
superficiel. La vie t'a beaucoup éprouvé. Les hommes t'ont grandement nui.
L'une et les autres pouvaient faire de toi une ruine irréparable. Derrière
eux il y avait Satan qui était envieux de ton âme, mais sur toi il y avait
l'œil de Dieu et cet œil béni a arrêté tes ennemis. Son amour a envoyé
Zachée sur ton sentier, et avec Zachée, Moi qui te parle. Maintenant Moi qui
te parle, je te dis que tu dois trouver dans cet amour tout ce que tu n'as
pas eu, tu dois oublier tout ce qui t'a aigri, et pardonner, pardonner à ta
mère, pardonner à ton maître infâme, te pardonner à toi-même. N'aie pas pour
toi une mauvaise haine, fils. Aie de la haine pour le temps où tu as péché,
mais pas pour ton esprit qui a su quitter ce péché. Que ta pensée soit pour
ton esprit une bonne amie et qu'ensemble ils atteignent la perfection."
"Parfait, moi !"
"Tu as entendu ce que j'ai dit à cet homme ? Et pourtant lui a été au
fond de l'abîme !...
524.6 - Et merci, fils !"
"De quoi, mon Seigneur ? C'est moi qui dois te dire merci..."
"De n'avoir pas voulu aller chez ceux qui achètent des hommes pour me
trahir."
"Oh ! Seigneur, et pouvais-je le faire sachant que
tu ne nous méprises pas, même nous les voleurs ? J'étais moi aussi parmi ceux
qui t'ont apporté l'agneau au Carit.
L'un de nous a été pris par les romains — c'est du moins ce que l'on dit. Ce
qui est certain, c'est que bien avant des Tabernacles on ne l'a plus vu dans
les refuges de voleurs — cet homme-là
m'a dit tes paroles dans une vallée près de Modin...
Car moi alors je n'étais pas encore avec les voleurs. J'y suis allé à la fin
du dernier Adar et je les ai quittés au commencement d'Etanim.
Mais je n'ai rien fait qui mérite ton merci. Tu étais bon. J'ai voulu être
bon. Et avertir un de tes amis... puis-je l'appeler ainsi Zachée ?"
"Oui, tu peux. Tous ceux qui m'aiment sont mes amis. Toi aussi, tu
l'es."
"Oh !... j'ai voulu avertir pour que tu fasses attention à Toi. Mais un
avertissement ne mérite pas un merci..."
"Je te le répète : c'est parce que tu ne t'es pas vendu contre Moi que
je te remercie. C'est cela qui a de la valeur."
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216> "Et l'avertissement, non
?"
"Mon fils, rien ne pourra empêcher la Haine de m'assaillir. As-tu jamais
vu un torrent qui déborde ?"
"Oui, j'étais près de Jabès Galaad et j'ai vu la ruine produite par le
fleuve sorti de son lit avant d'arriver au Jourdain."
"Et est-ce que quelque chose a pu arrêter les eaux ?"
"Non, elles ont tout couvert et ruiné, elles ont renversé jusqu'à des
maisons."
"Ainsi en est-il de la Haine. Mais elle ne me renversera pas. J'en serai submergé, mais non détruit. Et à l'heure très amère, l'amour de
celui qui n'a pas voulu haïr l'Innocent sera mon réconfort, ma lumière dans
les ténèbres de cette heure de Ténèbres, ma douceur dans le calice de vin
mélangé de fiel et de myrrhe."
"Toi ?... Tu parles de Toi comme si... C'est pour les voleurs ce calice,
pour celui qui va à la mort de la croix. Mais, tu n'es pas un voleur ! Tu
n'es pas coupable ! Tu es..."
"Le Rédempteur. Donne-moi un baiser, fils."
II lui prend la tête dans ses mains et dépose un baiser sur son front et puis
il se penche pour recevoir le baiser du jeune homme. C'est un baiser timide
qui effleure tout juste la joue décharnée... Et puis le jeune tombe en
pleurant sur la poitrine de Jésus.
"Ne pleure pas, mon fils ! Je suis sacrifié par l'amour. Et
c'est toujours un doux sacrifice, même si c'est un tourment pour la nature
humaine."
Il le tient dans ses bras jusqu'à ce qu'il ait fini de pleurer, et puis il
revient en le tenant près de Lui, par la main, à la place qu'avait Pierre auparavant.
524.7 - Il recommence à parler :
"Pendant que nous prenions notre nourriture, l'un d'entre vous, qui
n'est pas d'Israël, a dit qu'il voulait demander une explication. Qu'il le
fasse maintenant parce que bientôt nous devrons retourner parmi les gens et
ensuite nous quitter."
"C'est moi qui ai dit cela. Mais plusieurs désirent le savoir. Zachée ne
sait pas bien l'expliquer ni non plus d'autres d'entre nous qui sont de ta
religion. Nous l'avons demandé à tes disciples quand ils sont passés par ici,
mais ils ne nous l'ont pas dit avec clarté."
"Que veux-tu donc savoir ?"
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217> "Nous ne savions même pas que
nous avions une âme. C'est-à-dire... nous au moins aurions dû le savoir car
nos anciens... Mais nous ne lisions plus les anciens. Nous étions des
bêtes... Et nous ne savions plus ce qu'est cette âme. Maintenant même nous ne
le savons pas. Qu'est-ce que l'âme ? La raison peut-être ? Nous ne le croyons
pas, parce que, dans ce cas, nous aurions été sans elle et nous avons entendu
dire que sans l'âme il n'y a pas de vie. Qu'est donc l'âme que l'on nous dit
incorporelle, que l'on nous dit immortelle, si ce n'est pas la raison ? La
pensée est incorporelle, mais elle n'est pas immortelle car elle cesse avec
notre vie. Même l'homme le plus sage ne pense plus après la mort."
"L'âme n'est pas la pensée, homme. L'âme, c'est l'esprit,
le principe immatériel de la vie, le principe impalpable,
mais vrai, qui anime tout l'homme et dure après l'homme. C'est pour cela qu'elle
est dite immortelle. C'est une chose tellement sublime que la pensée, même la
plus puissante, n'est rien en comparaison. La pensée a une fin, mais l'âme,
bien qu'elle ait un commencement n'a pas de fin. Bienheureuse ou damnée, elle
continue d'exister. Bienheureux ceux qui savent la garder pure ou la rendre
pure après l'avoir rendue impure, pour la rendre à son Créateur comme Lui l'a
donnée à l'homme pour animer son humanité."
"Mais est-elle en nous, ou au-dessus de nous, comme l'œil de Dieu
?"
"En nous."
"Prisonnière jusqu'à la mort, alors ? Esclave ?"
"Non. Reine. Dans la pensée éternelle, l'âme, l'esprit, est la chose qui règne
dans l'homme, dans l'animal créé que l'on appelle : homme. Elle est venue du
Roi et Père de tous les rois et pères, son souffle et son image, son don et
son droit, et elle a pour mission de faire de la créature appelée homme, un
roi du grand royaume éternel, de faire de la créature appelée homme un dieu
au-delà de la vie, un "vivant" dans la Demeure du très sublime,
unique Dieu, elle a été créée reine, et avec l'autorité et le destin d'une
reine. Ses servantes ce sont toutes les vertus et facultés de l'homme, son
ministre la bonne volonté de l'homme, son serviteur la pensée, servante et
élève la pensée de l'homme. C'est par l'esprit que la pensée acquiert
puissance et vérité, acquiert justice et sagesse, et peut s'élever à une
perfection royale. Une pensée privée de la lumière de l'esprit aura toujours
des lacunes et des ténèbres, et ne pourra jamais comprendre les vérités. En
effet pour celui qui est séparé de Dieu pour avoir perdu la royauté de l'âme,
ces vérités sont plus incompréhensibles que des mystères.
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218> La pensée de l'homme sera aveugle,
elle sera hébétée, s'il lui manque le point d'appui du levier indispensable
pour comprendre, pour s'élever en quittant la Terre et en s'élançant vers les
hauteurs, à la rencontre de l'Intelligence, de la Puissance, de la Divinité
en un mot.
524.8 - C'est à toi que je parle ainsi,
Démétès, parce que tu n'as pas toujours été seulement un changeur, et tu peux
comprendre, et expliquer aux autres."
"Tu es vraiment un voyant, Maître. Non, je n'ai pas été seulement un
changeur... Cela a même été le dernier degré de ma descente... Dis-moi,
Maître. Mais si l'âme est reine, pourquoi alors ne règne-t-elle pas et ne
dompte-t-elle pas la pensée mauvaise et la chair mauvaise de l'homme"
"Dompter ne serait ni liberté ni mérite, ce serait oppression."
"Mais la pensée et la chair accablent souvent l'âme, je parle de moi, de
nous, et la rendent trop souvent esclave. C'est pour cela que je disais
qu'elle était en nous esclave. Comment Dieu peut-il permettre qu'une chose si
sublime — tu l'as définie "souffle de Dieu et son image" — soit
avilie par ce qui est inférieur ?"
"La Pensée divine était que l'âme ne connût pas l'esclavage. Mais
oublies-tu l'ennemi de Dieu et de l'homme ? Les esprits inférieurs vous sont
connus à vous aussi."
"Oui, et tous avec des désirs cruels. Pour mon compte, je puis dire en
me rappelant l'enfant que j'étais, que c'est seulement à ces esprits
infernaux que je puis attribuer l'homme que je suis devenu et que j'ai été
jusqu'au seuil de la vieillesse. Maintenant je retrouve l'enfant égaré
d'alors. Mais pourrai-je me rendre assez enfant pour revenir à la pureté
d'alors ? La marche à rebours est-elle peut-être permise ?"
"Pas besoin de revenir en arrière. Tu ne pourrais le
faire. Le temps
écoulé ne revient plus. On ne peut le faire revenir et on ne peut y revenir.
Mais ce n'est pas nécessaire.
524.9 - Certains
d'entre vous sont de lieux où on connaît la théorie de l'école
pythagoricienne.
C'est une théorie erronée. Les âmes, une fois passé leur séjour sur la Terre,
ne reviennent plus
jamais sur la Terre dans aucun corps. Pas dans un
animal, car il ne convient pas qu'une chose aussi surnaturelle qu'elle est,
habite dans une brute. Pas dans un homme, car comment le corps serait-il
récompensé une fois réuni à l'âme au jugement dernier si cette âme avait été
revêtue de plusieurs corps ?
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219> On dit chez ceux qui croient à
cette théorie que c'est le dernier corps qui a la jouissance, parce qu'au
cours des purifications successives, pendant les vies successives, c'est
seulement dans la dernière réincarnation que l'âme atteint une perfection qui
mérite une récompense. C'est une erreur et une offense ! Une erreur et une
offense envers Dieu puisque c'est admettre que Lui n'a pu créer qu'un nombre
limité d'âmes. Erreur et offense envers l'homme en le jugeant si corrompu
qu'il mérite difficilement une récompense. Il ne sera pas tout de suite
récompensé, il devra subir une purification après la vie
quatre-vingt-dix-neuf fois sur cent, mais la purification prépare à la joie.
Aussi celui qui se purifie est déjà quelqu'un de sauvé. Et une fois sauvé, il
jouira avec son corps après le dernier Jour. Il ne pourra avoir qu'un corps
seul pour son âme, qu'une seule vie ici-bas, et c'est avec le corps que lui ont fait ceux qui l'ont procréé, et avec l'âme que le
Créateur lui a créée pour vivifier sa chair, qu'il jouira de la récompense.
524.10 - La réincarnation n'est pas accordée,
comme il n'est pas donné de faire marche arrière dans le temps. Mais se
recréer par un mouvement d'une libre volonté, oui, c'est accordé, et Dieu
bénit cette volonté et l'aide. Vous tous l'avez eue. Voilà alors que l'homme
pécheur, vicieux, souillé, criminel, voleur, corrompu, corrupteur, homicide,
sacrilège, adultère, sous le bain du repentir, renaît spirituellement,
détruit la substance corrompue du vieil homme, disperse le moi mental
encore plus corrompu, comme si la volonté de se racheter était un acide qui
attaque et détruit l'enveloppe malsaine où se cache un trésor, et met à nu le
propre esprit purifié, redevenu sain, revêtu d'une nouvelle pensée, d'un
nouveau vêtement pur, bon, enfantin. Oh ! un vêtement qui peut s'approcher de
Dieu, qui peut couvrir dignement l'âme recréée, et la garder et l'aider
jusqu'à sa supercréation qui est la sainteté
achevée qui demain — dans un demain peut-être lointain, si on le voit avec
l'esprit et la mesure du temps humain, très proche si on le contemple par la
pensée de l'éternité — sera glorieuse dans le Royaume de Dieu.
Et tous peuvent, en le voulant, recréer en eux-mêmes le pur enfant des jours
de l'enfance, l'enfant affectueux, humble, franc, bon, que sa mère serrait
sur son sein, que son père regardait avec fierté, que l'ange de Dieu aimait
et que Dieu contemplait avec amour.
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220> Vos mères ! Elles étaient peut-être
des femmes de grande vertu... Dieu ne laissera pas leur vertu sans
récompense. Faites donc en sorte d'en avoir une pareille pour vous réunir à
elles, quand il y aura pour tous les vertueux une seule chose : le Royaume de
Dieu pour les bons. Peut-être elles n'étaient pas bonnes, et ont contribué à
votre ruine. Mais si elles ne vous ont pas aimés, si vous ne connaissez pas
l'amour, si cette absence d'amour vous a rendus mauvais, maintenant qu'un
Amour divin vous a recueillis, soyez saints, pour pouvoir dans une joie
céleste jouir de l'Amour qui surpasse tout amour.
524.11 - Avez-vous autre chose à demander
?"
"Non, Seigneur. Nous avons tout à apprendre, mais pour le moment nous ne
voyons pas autre chose..."
"Je vais vous laisser Jean et André
pour quelques jours. Ensuite je vous enverrai des disciples bons et sages. Je
veux que les poulains sauvages connaissent les voies du Seigneur et ses
pâturages, comme ceux d'Israël, car je suis venu pour tous et je les aime tous de la même manière. Levez-vous et allons."
Et il sort le premier dans le jardin défriché, suivi de près par les siens
qui se plaignent doucement :
"Maître, tu leur as parlé comme peu souvent tu parles à ceux que tu as
choisis..."
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