Le samedi 9 février
1946.
Dessin de Maria Valtorta tracé entre la date et les premiers mots du
chapitre.
Sur la droite, la Mer Morte.
160> 380.1 – C'est un groupe de montagnes qui semble occupé et
préoccupé de s'élever toujours plus. Et chaque phase, dirais-je, de son
effort, est marquée par une chaîne escarpée de collines rocheuses, aux pentes
très fortes, entaillées de vallées étroites comme des incisions gigantesques,
couronnées de crêtes sauvages. De là, on peut entrevoir
incidemment des parties de la Mer Morte située au sud-est de l'endroit où se
trouvent les apôtres avec le Maître. Le Jourdain et sa vallée fertile et
paisible ne se voit pas, et on ne voit pas non plus Jéricho ni les autres
villes. Il n'y a que des montagnes et encore des montagnes qui se dressent en
direction de la Samarie, et la sombre Mer Morte entre deux escarpements
montagneux.
En bas, un torrent en direction est-ouest qui va certainement au Jourdain.
Grands cris de faucons et croassements de corbeaux dans le ciel bleu clair.
Bruyants pépiements d'oiseaux dans les feuillages des pentes sauvages. Un
sifflement des vents dans les gorges et qui apportent des odeurs et des
rumeurs lointaines, balayant même celles qui sont proches, suivant qu'elles
sont légères ou intenses. Quelque bruit de sonnailles qui monte de la route
qui passe certainement dans la vallée. Quelque bêlement de brebis qui paît
sur les plateaux. Quelque bruit d'eaux qui dégouttent des roches ou des
torrents qui grondent. Mais la saison est bonne, sèche, tiède, les pentes ne
sont qu'un émail de fleurs sur l'émeraude de l'herbe, et encore des fleurs,
en grappes ou en festons, pendent des troncs et des feuillages, donnant aux
lieux un air de gaieté.
Très gais, d'une gaieté surnaturelle, sont les visages des treize qui sont
réunis ici. Ils ont oublié le monde. Il est loin... Les esprits ont repris
leur équilibre secoué par tant de heurts, ils ont pu rentrer dans le halo de
Dieu, c'est-à-dire dans la paix. Et la paix se lit sur les visages.
380.2 – Mais le séjour est fini, et Jésus en parle. Et Pierre
répète sa prière du Thabor :
"Oh ! pourquoi ne pas rester ici ? Il est beau d'être ici avec
Toi !"
"Parce que le travail nous attend, Simon de Jonas.
Nous ne pouvons pas être seulement des contemplatifs. Le monde nous attend
pour être instruit. Ils ne peuvent pas s'arrêter les ouvriers du Seigneur
tant qu'il y a des champs à ensemencer."
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161> "Mais alors... moi, qui ne me bonifie un peu que
quand je m'isole ainsi, je ne pourrai jamais... Le monde est si grand !
Comment pourrons-nous le travailler tout entier et réussir avant de mourir à
le rassembler en Toi ?"
"Vous ne le travaillerez sûrement pas tout entier. Il faudra des siècles
et des siècles et, quand une partie sera travaillée, Satan y entrera pour abîmer ce qui a été fait. Ce sera donc un
travail continuel jusqu'à la fin des siècles."
"Oh ! alors comment pourrai-je me préparer à mourir ?"
Pierre est vraiment désolé. Jésus le rassure en l'embrassant et en
disant :
"Tu en auras le temps. Il n'en faut pas beaucoup. Il suffit d'un acte de
recueillement parfait pour se préparer à paraître devant Dieu. Mais tu en
auras tout le temps. Du reste, sache que l'exécution de la volonté de Dieu
est toujours une préparation pour mourir saintement. Si Dieu te veut
actif et si tu obéis, tu te prépares mieux dans l'action obéissante que si tu
t'enfermais dans les rochers les plus solitaires pour prier et contempler. En
es-tu convaincu ?"
"Certainement puisque tu le dis ! Alors que devons-nous
faire ?"
"Disséminez-vous dans les chemins des vallées. Rassemblez ceux qui
seront là à m'attendre. Prêchez le Seigneur et la Foi jusqu'à ce que je
vienne."
"Tu restes seul ?"
380.3 – "Mais oui. Ne craignez pas. Vous voyez que le mal
sert parfois au bien. Ici Élie fut nourri par des corbeaux. Nous, nous pouvons dire que les vautours féroces nous ont nourris."
"Penses-tu que ce soit un mouvement de conversion ?"
"Non. Mais la charité, même si elle leur vient de la pensée qu'en usant
de générosité ils nous auraient mis dans l'obligation de ne pas les
trahir..."
"Mais nous ne les aurions pas trahis" s'exclame André.
"Non. Mais eux, les malheureux voleurs, ne le savent pas. Rien de
spirituel ne travaille en eux, chargés de crimes comme ils le sont."
"Seigneur, tu disais que la charité... Que voulais-tu dire ?"
demande Jean.
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"Je voulais dire que la charité qu'ils ont eue à notre égard ne sera pas
sans récompense, au moins chez les meilleurs. La conversion, qui n'est pas
arrivée maintenant, peut s'opérer lentement, mais elle peut venir. C'est pour
cela que je vous ai dit : "Ne repoussez pas leurs offrandes".
Et je les ai acceptées, bien que pour Moi elles avaient la puanteur du
péché."
"Mais Toi non plus, tu n'en as pas mangé..."
"Mais je n'ai pas mortifié les pécheurs en les repoussant. Ils avaient
un mouvement initial de bonté. Pourquoi le détruire ? Ce torrent là-bas
ne commence-t-il pas à la source qui coule de cette pente ?
Rappelez-le-vous toujours. C'est une leçon pour votre vie future, quand je ne
serai plus parmi vous. Si vous trouvez des criminels sur les routes de vos
voyages apostoliques, ne soyez pas comme les pharisiens qui méprisent tout le
monde et qui ne se soucient pas de se mépriser eux-mêmes, les premiers, corrompus
comme ils le sont. Approchez-les avec un grand amour. Je voudrais pouvoir
dire avec "un amour infini". Je le dis même. Et c'est possible que
cela arrive, même si l'homme est "fini, limité" dans ses actions.
380.4 – Savez-vous comment l'homme peut posséder un amour
infini ? En étant tellement uni à Dieu, qu'il n'est qu'un avec Lui.
Alors vraiment, la créature disparaissant dans le Créateur, c'est le Créateur
qui opère, et Il est infini. Et c'est ainsi,
unis avec leur Dieu par la puissance de l'amour qui se serre à son Origine au
point de se fondre avec elle, que doivent être mes apôtres. Ce ne sera pas
par la façon dont vous parlerez, mais par la façon dont vous aimerez que vous
convertirez les cœurs. Trouverez-vous des
pécheurs ? Aimez-les. Souffrirez-vous à cause de disciples qui se
dévoient ? Cherchez à les sauver par l'amour. Rappelez-vous la parabole
de la brebis égarée. Oh ! pendant des siècles et des siècles, elle sera
l'appel très doux adressé aux pécheurs. Mais ce sera aussi l'ordre sûr donné
à mes prêtres. De toutes les manières, par tous les sacrifices, même s'il
faut perdre la vie en essayant de sauver une âme, avec toute la patience
possible, vous devrez aller à la recherche des égarés pour les ramener au
Bercail.
L'amour vous donnera la joie. Il vous dira : "Ne crains pas".
Il vous donnera un pouvoir d'expansion dans le monde tel que Moi-même je ne
l'ai pas eu. Dans l'avenir, l'amour des justes ne doit plus être placé comme
un signe extérieur sur le cœur et sur le bras, comme dit le Cantique des
Cantiques, mais il doit être mis dans le cœur.
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Il doit être le levier qui pousse l'âme à toute action. Et toute action doit être surabondante de
charité, d'une charité qui ne se contente pas d'aimer Dieu ou le prochain
d'une manière seulement mentale, mais qui descend dans l'arène pour lutter
contre les ennemis de Dieu, pour aimer aussi Dieu et le prochain
concrètement, dans des actions même matérielles, qui sont un chemin pour des
actions plus vastes et plus parfaites qui aboutissent à la rédemption et à la
sanctification des frères.
Par la contemplation on aime Dieu, mais par l'action on aime le prochain, et
les deux amours ne sont pas séparés car il n'y a qu'un amour, et en aimant le
prochain nous aimons Dieu qui nous commande cet amour et qui nous a donné le
prochain pour frère.
380.5 – Vous ne pouvez pas dire vous, et les futurs prêtres ne
pourront pas dire qu'ils sont mes amis si votre charité et la leur ne se
tourne pas toute entière vers le salut des âmes, pour lesquelles je me suis
incarné et pour lesquelles je souffrirai. Je vous donne l'exemple de la façon
dont on aime. Mais ce que je fais, vous devez le faire et de même ceux qui
viendront après vous. Le temps nouveau arrive : celui de l'amour. Je
suis venu pour jeter ce feu dans les cœurs, et il croîtra encore après ma Passion
et mon Ascension et vous incendiera quand l'Amour du Père et du Fils
descendra pour vous consacrer au ministère.
Très divin Amour ! Pourquoi tardes-tu à
consumer la Victime et à ouvrir les yeux et les oreilles et à délier les
langues et les membres à mon troupeau pour qu'il aille parmi les loups et
enseigne que Dieu est charité et que celui qui n'a pas en lui-même la charité
n'est qu'une brute ou un démon ? Oh ! viens, Esprit très doux et
très fort, et incendie la Terre, non pour la détruire mais pour la purifier.
Incendie les cœurs ! Fais-en d'autres Moi-même, des Christ, c'est-à-dire
des âmes qui ont reçu l'onction de l'amour, agissant par amour, saints et
sanctifiants par amour.
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