Vision du samedi 2 novembre 1946.
423> Jésus sort
de la maison de Zachée. La
matinée est avancée. Il a avec Lui Zachée, Pierre et Jacques
d'Alphée. Les autres apôtres sont peut-être déjà dispersés dans la
campagne pour annoncer que le Maître est dans la ville.
Derrière le groupe de Jésus avec Zachée et les apôtres,
il y en a un autre, très... varié pour les physionomies, l'âge, les
vêtements. Il n'est pas difficile de déclarer avec certitude que ces hommes
appartiennent à des races différentes, peut-être même hostiles entre elles,
mais les événements de la vie les ont amenés dans cette ville palestinienne
et les ont réunis, pour que de leurs profondeurs, ils remontent vers la
lumière. Ce sont pour la plupart des visages flétris de gens qui ont usé et
abusé de la vie de plusieurs manières, des yeux fatigués pour la plupart.
Chez d'autres : des regards que leur long entraînement à des occupations
de... rapine fiscale ou de commandement brutal a rendu rapaces et durs, et
parfois cet ancien regard réapparaît de dessous un voile humble et pensif
qu'y a mis la nouvelle vie. Et cela se produit particulièrement quand
quelqu'un de Jéricho les regarde d'un air méprisant ou murmure quelques
insolences à leur adresse; puis leur regard redevient las, humble, et leurs
têtes s'abaissent humiliées.
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424> Jésus se retourne par deux
fois pour les observer et, les voyant en arrière, qui ralentissent leur
marche à mesure qu'ils approchent de l'endroit choisi pour parler et déjà
plein de gens, il ralentit sa marche pour les attendre, et à la fin il leur
dit : "Passez devant Moi, et ne craignez pas. Vous avez défié le monde
quand vous faisiez le mal, vous ne devez pas le craindre maintenant que vous
vous en êtes dépouillés. Ce qui vous a servi alors pour le maîtriser, l'indifférence
du jugement du monde, unique arme pour le lasser de juger, servez-vous-en
encore maintenant et il se lassera de s'occuper de vous, et il vous
absorbera, bien que lentement, pour vous faire disparaître dans la grande
masse anonyme qu'est ce misérable monde auquel, en vérité, on donne trop
d'importance.
Les hommes, au nombre de quinze, obéissent et passent devant.
"Maître, voilà là-bas les malades de la campagne" dit Jacques
de Zébédée en allant à la rencontre de Jésus et en Lui montrant un coin
attiédi par le soleil.
"J'arrive. Les autres, où sont-ils ?"
"Parmi les gens, mais ils t'ont déjà vu et ils vont arriver. Avec eux il
y a aussi Salomon, Joseph d'Emmaüs, Jean d'Éphèse, Philippe d'Arbela. Ils
vont chez ce dernier et ils viennent de Joppé, Lidda et Modin. Ils ont avec eux des hommes
de la côte et des femmes. Ils te cherchaient même, car ils ne sont pas
d'accord entre eux pour le jugement à porter sur une femme. Mais ils vont te
parler..."
Jésus en effet est bientôt entouré des autres disciples qui le saluent avec
vénération. Derrière eux se trouvent ceux qui sont nouvellement attirés à la
doctrine de Jésus. Mais Jean d'Éphèse ne s'y trouve pas et Jésus en demande
la raison.
"Il s'est arrêté avec une femme et les parents de cette dernière dans
une maison, loin des gens. Quant à la femme, on
ne sait si elle est possédée ou prophétesse. Elle dit des choses
merveilleuses au dire de ceux de son pays, mais les scribes qui l'ont
entendue l'ont jugée possédée. Les parents ont appelé plusieurs fois les
exorcistes, mais ils n'ont pas pu chasser le démon qui la tient et la fait parler. Pourtant l'un d'eux a dit au père de la
femme (c'est une veuve vierge restée dans sa famille) "Pour ta fille il faut le Messie Jésus.
Lui comprendra ses paroles et il saura d'où elles viennent. Moi, j'ai essayé
d'imposer à l'esprit qui parle en elle de s'en aller au nom de Jésus dit le
Christ. Toujours les esprits de ténèbres se sont enfuis quand
je me suis servi de ce Nom. Cette fois, non. Je dis à ce sujet : ou c'est
Belzébuth en personne qui parle et réussit à résister même à ce Nom que je
prononce, ou c'est l'Esprit même de Dieu et qui
par conséquent ne craint pas puisqu'il est une seule chose avec le Christ.
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425> Je crois plutôt à cette
dernière explication qu'à la première. Mais pour en être certain, seul le
Christ peut juger. Lui comprendra les paroles et leur origine". Et il a
été maltraité par les scribes présents, qui l'ont déclaré possédé, lui aussi,
comme la femme et comme Toi. Pardonne-moi, si je dois le dire... Et des
scribes ne nous ont plus lâchés et il y en a de garde auprès de la femme car
ils veulent établir si elle a pu être avisée de ton arrivée. En effet elle
dit qu'elle connaît ton visage et ta voix et qu'elle te reconnaîtrait entre
des milliers, alors qu'il est prouvé qu'elle n'est jamais sortie de son
village et même de sa maison depuis l'époque, il y a quinze ans, où son mari
mourut la veille de la fête nuptiale; et il est prouvé aussi que tu n'es
jamais passé par son village qui est Betléchi. Et les scribes attendent
cette dernière preuve pour la déclarer possédée. Veux-tu la voir tout de
suite ?"
"Non. Je dois parler aux gens et la rencontre serait trop bruyante ici
au milieu de la foule. Va dire à Jean d'Éphèse et aux parents de la femme, et
aux scribes aussi, que je les attends tous au début du coucher du soleil dans
les bois le long du fleuve, sur le sentier du gué. Va."
Et Jésus, après avoir congédié Salomon
qui a parlé au nom de tous, va trouver les malades qui
demandent leur guérison et il les guérit. Il y
a une femme âgée ankylosée par l'arthrite, un paralytique, un jeune homme
idiot, une fillette que je dirais tuberculeuse, et deux qui ont les yeux
malades.
La foule pousse de bruyants cris de joie.
Mais la série des malades n'est pas encore terminée. Une mère s'avance,
défigurée par le chagrin, soutenue par deux amies ou parentes et elle
s'agenouille pour dire : "J'ai mon fils qui se meurt. On ne peut
l'amener ici... Aie pitié de moi !"
"Peux-tu croire sans mesure ?"
"Tout, ô mon Seigneur !"
"Alors, retourne chez toi."
"Chez moi !... Sans Toi !..." La femme le regarde un moment,
angoissée, puis elle comprend. Le pauvre visage se transfigure. Elle crie :
"J'y vais, Seigneur. Et béni sois-tu et le Très-Haut qui t'a envoyé
!" Et elle s'en va en courant plus agile que ses compagnes
elles-mêmes...
Jésus se tourne vers quelqu'un de Jéricho, un digne habitant. "Cette
femme est-elle hébraïque ?"
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426> "Non. Du moins pas de
naissance. Elle vient de Milet.
Cependant elle a épousé l'un de nous et, depuis lors,
elle partage notre foi."
"Elle a su croire mieux que beaucoup d'hébreux" observe Jésus.
Puis, montant en haut du perron d'une maison, il fait son geste habituel
d'ouvrir les bras, qui précède son allocution et sert à imposer silence.
L'ayant obtenu, il rassemble les plis de son manteau, qui s'était ouvert sur
la poitrine quand il faisait son geste, et il le tient de la main gauche,
alors qu'il abaisse sa droite, dans le geste de qui fait un serment, en
disant : "Écoutez, Ô habitants de Jéricho, les paraboles du Seigneur et
qu'ensuite chacun les médite dans son cœur et en tire la leçon pour nourrir
son esprit. Vous pouvez le faire car ce n'est pas d'hier, ni de la dernière lune,
ni même de l'autre hiver que vous connaissez la parole de Dieu. Avant que je
sois le Maître, Jean, mon Précurseur, vous
avait préparé à ma venue, et depuis que je le suis, mes disciples ont labouré
ce sol sept et sept fois pour y semer toute la semence que je leur avais
donnée. Vous pouvez donc comprendre la parole et la parabole.
À qui
comparerai-je ceux qui, après avoir été des pécheurs,
se sont ensuite convertis ? Je les comparerai à des malades qui guérissent.
À qui comparerai-je les autres qui n'ont pas péché publiquement, ou qui, plus
rares que des perles noires, n'ont jamais fait, même en secret, des fautes
graves ? Je les comparerai à des personnes saines.
Le monde est composé de ces deux catégories : que ce soit pour l'esprit ou
bien pour la chair et le sang. Mais si les comparaisons sont les mêmes,
différente est la manière du monde d'en user avec les malades guéris, qui
étaient malades dans leur chair, de celle dont il use avec les pécheurs
convertis, c'est-à-dire avec les malades de l'esprit qui trouvent la santé.
Voici ce que nous voyons : quand un malade, même de la lèpre, qui est le
malade le plus dangereux et qu'il faut isoler à cause du danger, obtient la
grâce de la guérison, après avoir été examiné par le prêtre et purifié, on
l'admet de nouveau dans la société, et ceux de sa ville lui font même fête
parce qu'il est guéri, revenu à la vie, à la famille, aux affaires. C'est une
grande fête dans la famille et la ville quand quelqu'un qui était lépreux
réussit à obtenir grâce et à guérir ! C'est à qui parmi les membres de sa
famille et les habitants lui apportera une chose ou l'autre, et s'il est seul
et sans maison ou sans mobilier, lui offrira un lit ou du mobilier et tout le
monde dit : "C'est un privilégié de Dieu. C'est son doigt qui l'a guéri,
faisons-lui donc honneur et honorons Celui qui l'a créé de nouveau".
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427> Et il est juste d'agir ainsi.
Et quand, malheureusement au contraire, quelqu'un a les premiers signes de la
lèpre, avec quel amour angoissé les parents et les amis le comblent de
tendresse, tant qu'il est encore possible de le faire, comme pour lui donner
en une seule fois le trésor des affections qu'ils lui auraient données en
plusieurs années pour qu'il les emmène avec lui dans son tombeau d'être
vivant.
Mais pourquoi alors pour les autres malades n'agit-on pas ainsi ? Un homme
commence à pécher, et les membres de sa famille, et surtout ses concitoyens,
le voient. Pourquoi alors ne cherchent-ils pas avec amour à l'arracher au
péché ? Une mère, un père, une épouse, une sœur encore le font, mais il est
déjà difficile que les frères le fassent et je ne dis pas que le fassent les
enfants du frère du père ou de la mère. Les concitoyens, enfin, ne savent que
critiquer, se moquer, être insolents, se scandaliser, exagérer les péchés du
pécheur, le montrer du doigt, le tenir éloigné comme un lépreux, ceux qui sont
les plus justes, se rendre ses complices pour jouir à ses dépens, ceux qui ne
sont pas justes. Mais ce n'est que bien rarement qu'une bouche, et surtout un
cœur, va trouver le malheureux avec pitié et fermeté, avec une patience et un
amour surnaturel, et se soucie de freiner la descente dans le péché.
Et comment ? Ne serait-elle pas plus grave, vraiment grave et mortelle, la
maladie de l'esprit ? Ne prive-t-elle pas, et pour toujours, du Royaume de
Dieu ? La première des charités envers Dieu et envers le prochain ne
doit-elle pas être ce travail de guérir un pécheur pour le bien de son âme et
la gloire de Dieu ?
Et quand un pécheur se
convertit, pourquoi s'obstiner à le juger, à sembler regretter qu'il ait
retrouvé la santé spirituelle ? Voyez-vous démentis vos pronostics d'une
damnation certaine de l'un de vos concitoyens ? Mais vous devriez en être
heureux car Celui qui vous donne le démenti c'est le Dieu miséricordieux, qui
vous donne une mesure de sa bonté pour vous faire reprendre courage après vos
fautes plus ou moins graves.
Et pourquoi persister à vouloir voir souillé, méprisable, digne de rester
isolé ce que Dieu et la bonne volonté d'un cœur ont rendu net, admirable,
digne de l'estime des frères, et même de leur admiration ?
Mais vous vous réjouissez bien si votre bœuf, votre âne ou votre chameau, ou
une brebis du troupeau ou le pigeon préféré guérit d'une maladie ! Vous vous
réjouissez bien si un étranger, dont vous vous rappelez à peine le nom pour
en avoir entendu parler à l'époque où il fut isolé
comme lépreux, redevient guéri !
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428> Et pourquoi alors ne vous
réjouissez-vous pas pour ces guérisons de l'esprit, pour ces victoires de
Dieu ? Le Ciel est dans la jubilation quand un pécheur se convertit. Le Ciel
: Dieu, les anges très purs, ceux qui ne savent pas ce que c'est que pécher.
Et vous, vous les hommes, voulez-vous être plus intransigeants que Dieu ?
Rendez, rendez juste votre cœur et reconnaissez la présence du Seigneur, non
seulement dans les nuages de l'encens et les cantiques du Temple, dans le
lieu où seulement la sainteté du Seigneur, dans le Grand Prêtre, doit entrer
et qui devrait être saint, comme son nom l'indique, mais aussi dans le
prodige de ces esprits ressuscités, de ces autels à nouveau consacrés sur
lesquels l'Amour de Dieu descend avec ses feux pour allumer le
sacrifice."
Jésus est interrompu par la mère de tout à l'heure qui veut l'adorer avec des
cris de bénédiction. Jésus l'écoute, la bénit et la renvoie chez elle, pour
reprendre son discours interrompu.
"Et si d'un pécheur qui autrefois vous a donné un spectacle scandaleux,
vous recevez maintenant un spectacle édifiant, ne le méprisez pas, mais
imitez-le. Car personne n'est tellement parfait qu'il soit impossible qu'un
autre l'instruise. Et le Bien est toujours une leçon qu'il faut écouter, même
si celui qui le pratique a été autrefois un objet de réprobation. Imitez et
aidez. Car en agissant ainsi, vous glorifierez le Seigneur et vous montrerez
que vous avez compris son Verbe. Ne soyez pas comme ceux qu'en votre cœur
vous critiquez parce que leurs actions ne correspondent pas à leurs paroles.
Mais faites en sorte que toutes vos bonnes actions viennent couronner toutes
vos bonnes paroles. Et alors vous serez vraiment regardés et écoutés avec
bienveillance par l'Éternel.
Écoutez cette autre
parabole pour comprendre quelles sont les choses qui ont de la valeur
aux yeux de Dieu. Elle vous enseignera à vous corriger d'une pensée qui n'est
pas bonne et qui est en beaucoup de cœurs. La plupart des hommes se jugent
par eux-mêmes, et comme un homme sur mille est vraiment humble, il se produit
ainsi que l'homme se juge parfait, lui seul parfait, alors que chez le
prochain, il remarque des péchés par centaines.
Un jour deux hommes qui étaient allés à Jérusalem pour affaires, montèrent au
Temple, comme il convient à tout bon Israélite chaque fois qu'il met les
pieds dans la Cité Sainte. L'un était pharisien, l'autre publicain. Le
premier était venu pour percevoir les revenus de certains magasins et pour faire
ses comptes avec ses intendants qui habitaient dans les environs de la ville.
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429> L'autre pour verser les
impôts perçus et pour demander la pitié au nom d'une veuve qui ne pouvait
payer la taxe de sa barque et des filets, car la pêche, faite par l'aîné des
fils, suffisait à peine pour donner à manger à ses nombreux autres fils.
Avant de monter au Temple, le pharisien était passé chez les tenanciers des
magasins et avait jeté un coup d'œil sur ces magasins qu'il avait vu remplis
de marchandises et d'acheteurs. Il s'était complu en lui-même, il avait
appelé le tenancier du lieu et lui avait dit : "Je vois que ton commerce
marche bien".
"Oui, grâce à Dieu, je suis content de mon travail. J'ai pu augmenter le
stock de marchandises, et j'espère faire encore davantage. J'ai amélioré le
magasin, et l'année qui vient je n'aurai pas les dépenses de bancs et
d'étagères et j'aurai donc plus de gain".
"Bien ! Bien ! J'en suis heureux ! Combien paies-tu pour cet endroit
?"
"Cent didrachmes par mois. C'est cher, mais la situation est bonne... "
"Tu l'as dit. La situation est bonne. Par conséquent je double la
redevance".
"Mais, seigneur, s'écria le marchand. De cette manière, tu m'enlèves tout
profit !"
"C'est juste. Dois-je peut-être t'enrichir, et à mes dépens ? Vite. Ou
bien tu me donnes deux mille quatre cents didrachmes et
tout de suite, ou je te mets dehors, et je prends la marchandise. Le lieu est
à moi, et j'en fais ce que je veux''.
Ainsi fit-il pour le premier, le second, le
troisième de ses tenanciers, doublant pour tous la redevance, restant sourd à
toute prière. Comme le troisième, chargé de famille voulait résister, il
appela les gardes et fit poser les scellés en mettant dehors le malheureux.
Puis,
dans son palais, il examina les registres des intendants pour trouver de quoi
les punir comme paresseux et pour accaparer la part qu'ils s'étaient réservée
de droit. L'un d'eux avait son fils mourant et, à cause de ses nombreuses
dépenses, il avait vendu une partie de son huile pour payer les remèdes. Il
n'avait donc rien à donner au maître exigeant.
"Aie pitié de moi, maître. Mon pauvre fils va mourir, et après je ferai
des travaux supplémentaires pour te rembourser ce qui te semble juste. Mais
maintenant, tu le comprends, je ne puis".
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430> "Tu ne peux pas ? Je
vais te faire voir si tu peux ou si tu ne peux pas". Et étant allé au
pressoir avec le pauvre intendant, il enleva le reste d'huile que
l'homme s'était réservé pour sa misérable nourriture et pour alimenter la
lampe qui lui permettait de veiller son fils pendant la nuit.
Le publicain, de son côté, étant allé chez son supérieur et ayant versé les
impôts perçus, s'entendit dire : "Mais ici, il manque trois cent
soixante as.
Comment donc cela ?"
"Voilà, je vais te le dire. Dans la ville il y a une veuve qui a sept
enfants. Le premier seul est en âge de travailler, mais il ne peut aller loin
de la rive avec la barque parce que ses bras sont encore faibles pour la rame
et la voile et il ne peut payer un garçon de barque. Restant près de la rive,
il prend peu de poissons, et sa pêche suffit à peine pour nourrir ces huit
malheureuses personnes. Je n'ai pas eu le cœur d'exiger la taxe"
"Je comprends, mais la loi c'est la loi. Malheur, si on savait qu'elle a
pitié ! Tout le monde trouverait des raisons pour ne pas payer. Que le jeune
change de métier et vende la barque s'ils ne peuvent pas payer".
"C'est leur pain pour l'avenir... et c'est le souvenir du père".
"Je comprends, mais on ne peut transiger".
"C'est bien. Mais moi, je ne puis penser à huit malheureux privés de
leur unique bien. Je paie de ma bourse les trois cent soixante as".
Après avoir fait ces choses, les deux montèrent au Temple. En passant dans la
salle du Trésor, le pharisien tira avec ostentation de son sein une bourse
volumineuse et il la secoua jusqu'à la dernière piécette dans le Trésor. Dans
cette bourse se trouvait l'argent pris en plus aux commerçants et le prix de
l'huile enlevée à l'intendant et vendue tout de suite à un marchand. Le
publicain, de son côté, jeta une poignée de piécettes après avoir pris ce qui
lui était nécessaire pour retourner chez lui. L'un et l'autre donnèrent donc
ce qu'ils avaient et même, en apparence, le plus généreux était le pharisien
car il avait donné jusqu'à la dernière piécette qu'il avait sur lui.
Cependant, il faut réfléchir que dans son palais il avait d'autre argent et
qu'il avait des crédits ouverts auprès des riches changeurs.
De là, ils allèrent devant le Seigneur. Le pharisien tout à fait en avant
près de la limite de l'Atrium des Hébreux, vers le Saint; le publicain tout
au fond, presque sous la voûte qui menait dans la Cour des Femmes, et il
restait courbé, accablé par la pensée de sa misère par rapport à la
Perfection divine. Et ils priaient l'un et l'autre.
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431> Le pharisien, tout droit,
presque insolent, comme s'il était le maître du lieu et comme si c'était lui
qui daignait rendre hommage à un visiteur, disait : "Voici que je suis
venu te vénérer dans la Maison qui est notre gloire. Je suis venu bien que je
sente que Tu es en moi, car je suis juste. Je sais l'être. Cependant, bien
que je sache que c'est par mon mérite que je suis tel, je te remercie, comme
la loi le prescrit, de ce que je suis. Je ne suis pas rapace, injuste,
adultère, pécheur comme ce publicain qui, en même temps que moi, a jeté dans
le Trésor une poignée de piécettes. Moi, Tu l'as vu, j'ai donné tout ce que
j'avais sur moi. Cet avare, au contraire, a fait deux parts et il t'a donné
la plus petite, l'autre certainement il va la garder pour faire bombance et
pour les femmes. Mais moi, je suis pur. Je ne me contamine pas, moi. Je suis
pur et juste, je jeûne deux fois la semaine, je paie la dîme de tout ce que
je possède. Oui, je suis pur, juste et béni car je suis saint. Gardes-en le
souvenir, Seigneur".
Le publicain, dans son coin éloigné, n'osait pas lever son regard vers les
portes précieuses du Temple et, en se frappant la poitrine, il priait ainsi :
"Seigneur, je ne suis pas digne de me tenir dans ce lieu. Mais Tu es
juste et saint et Tu me le permets encore, car Tu sais que l'homme est
pécheur et que s'il ne vient pas vers Toi, il devient un démon. Oh ! mon
Seigneur ! Je voudrais t'honorer nuit et jour et je dois pendant tant
d'heures être l'esclave de mon travail : dur travail qui m'humilie, parce
qu'il est douleur pour mon prochain le plus malheureux, mais je dois obéir à
mes supérieurs parce que c'est mon pain. Fais, ô mon Dieu, que je sache
accommoder le devoir envers mes supérieurs, avec la charité envers mes
pauvres frères, pour qu'en mon travail je ne trouve pas ma condamnation. Tout
travail est saint s'il est fait avec charité. Garde ta charité toujours
présente en mon cœur, pour que moi, le misérable que je suis, je sache avoir
pitié de ceux qui me sont soumis, comme Tu as pitié de moi, grand pécheur.
J'aurais voulu t'honorer davantage, ô Seigneur, tu le sais. Mais j'ai pensé
que prendre l'argent destiné au Temple pour soulager huit cœurs malheureux
était une chose meilleure que de le verser au Trésor et puis faire verser des
larmes de désolation à huit innocents malheureux. Pourtant, si je me suis
trompé, fais-moi le comprendre, ô Seigneur, et je te donnerai jusqu'à la
dernière piécette et je retournerai au pays à pied en mendiant mon pain.
Fais-moi comprendre ta justice. Aie pitié de moi, ô Seigneur, car je suis un
grand pécheur". Voilà la parabole.
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432> En vérité, en vérité je vous
dis que le pharisien sortit du Temple avec un nouveau péché ajouté à
ceux déjà faits avant de monter au Moriah, alors que le publicain en sortit
justifié et la bénédiction de Dieu l'accompagna à sa maison et y demeura, car
il avait été humble et miséricordieux et ses actions avaient été encore plus
saintes que ses paroles, alors que le pharisien n'était bon qu'en paroles et
extérieurement alors qu'en son intérieur, il était l'ouvrier de Satan et
faisait ses œuvres par orgueil et dureté de cœur, et Dieu le haïssait pour ce
motif.
Celui qui s'exalte sera toujours, tôt ou tard, humilié. Si ce n'est pas ici,
ce sera dans l'autre vie. Celui qui s'humilie sera exalté particulièrement
là-haut au Ciel où on voit les actions des hommes dans leur véritable vérité.
Viens, Zachée, Venez, vous qui êtes avec lui et vous, mes apôtres et
disciples, et je vous parlerai encore en particulier."
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