Le dimanche 19 août
1945
226> 257.1 – "Évangélisez dans la plaine d'Esdrelon jusqu'à ce que je revienne parmi vous" commande
Jésus aux apôtres, au cours d'une sereine matinée pendant qu'aux abords de Khishon (Kison) ils consomment
un peu de nourriture : du pain et des fruits.
Les apôtres ne semblent pas très enthousiastes, mais Jésus les
réconforte en leur donnant une ligne à suivre dans leur manière de se comporter,
et il termine :
"Du reste vous avez avec vous ma Mère. Elle
vous sera d'un bon conseil. Allez chez les paysans de Yokhanan (Giocana) et cherchez, pendant le sabbat, à parler avec ceux de Doras.
Donnez-leur des secours, et réconfortez le grand-père de
Marziam en lui donnant des nouvelles de
l'enfant, en lui disant que pour les Tabernacles nous le lui amènerons. Donnez beaucoup,
tout ce que vous avez, à ces malheureux, tout ce que vous savez, toute
l'affection dont vous êtes capables, tout l'argent que nous avons. N'ayez pas
peur. Il rentre comme il sort. Nous ne mourrons jamais de faim, même si nous
ne vivons que de pain et de fruits. Et si vous en voyez qui sont nus, donnez les vêtements, même les miens, et même
les miens en premier.
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227> Nous ne resterons jamais nus. Et surtout, si vous
trouvez des misères qui me cherchent, ne les dédaignez pas. Vous n'en avez
pas le droit. Adieu, Mère. Que Dieu vous bénisse tous par ma bouche. Allez en
toute sécurité. Viens, Jacques."
"Tu ne prends même pas ton sac ?" demande Thomas en voyant que le Seigneur se met en route et ne le prend
pas.
"Pas besoin. Je serai plus libre pour cheminer."
Jacques aussi laisse le sien, bien que sa mère se fût hâtée de le remplir de pain, de fromages et de
fruits.
Ils s'en vont, en suivant pendant quelque temps la levée de terre du Khishon (Kison), puis,
attaquant les premières pentes qui mènent au Carmel disparaissent à la vue de
ceux qui sont restés.
"Mère, nous sommes entre tes mains. Guide-nous parce que… nous ne sommes
capables de rien" reconnaît humblement Pierre.
Marie a un sourire rassurant et elle dit :
"C'est très simple. Vous n'avez qu'à obéir à ses ordres, et tout ira
bien. Allons."
Mais moi, je ne pars pas avec eux. […] je continue à suivre Jésus […].
257.2 – Jésus
monte avec son cousin Jacques et ne parle pas et l'autre aussi ne parle pas.
Jésus est concentré dans ses pensées. Jacques, qui se sent au seuil d'une
révélation, est tout saisi d'un amour respectueux, d'une crainte spirituelle
et il regarde de temps en temps Jésus qui a un sourire lumineux sur son visage
solennel. Il le regarde, comme il regarderait Dieu non encore incarné et
resplendissant de toute son immense majesté, et son visage qui ressemble tant
à celui de Saint-Joseph, d'un brun qui ne dédaigne pas le rouge en haut de
ses pommettes, devient pâle d'émotion. Mais il respecte toujours le silence
de Jésus.
Par des raccourcis rapides, comme s'ils ne voyaient pas les bergers qui font
paître leurs troupeaux dans les verts pâturages qui sont au-dessous des bois
de chênes verts, de rouvres, de frênes et autres arbres de haute futaie, ils
ne cessent de monter en effleurant de leurs manteaux les buissons glauques
des genièvres et les buissons d'or des genêts, ou les touffes couleur
d'émeraude parsemées de perles des myrtes, ou les rideaux mouvants des chèvrefeuilles
et des clématites en fleurs.
Ils montent, laissant derrière eux les bûcherons et les bergers jusqu'à ce
qu'ils rejoignent, après une marche infatigable, la crête de la montagne ou
plutôt un petit plateau adossé à une crête couronnée de rouvres géants,
limité par une rangée d'arbres de haute futaie auxquels servent de base les
sommets des autres arbres de la côte.
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226> Il semble alors que le petit pré soit comme adossé à cet
appui bruissant, isolé du reste de la montagne que les frondaisons qui sont
au-dessous empêchent de voir, avec par derrière le pic qui lance ses arbres
vers le ciel, et au-dessus le ciel découvert et en face l'horizon découvert
qui rougit dans le crépuscule et s'arrête sur la mer toute enflammée.
Une fissure ouverte dans la terre, qui ne s'éboule pas seulement parce que
les racines des rouvres géants la retiennent dans un filet qui les tient
comme des tenailles, s'ouvre dans la corniche, tout juste assez large pour
laisser passer un homme et qui ne soit pas corpulent. Un buisson ébouriffé
semble la prolonger en s'étendant horizontalement à partir du flanc de la
corniche.
Jésus dit :
"Jacques, mon frère, nous resterons ici cette nuit et, malgré la grande
fatigue de la chair, je te prie de passer la nuit en prière, la nuit et toute
la journée de demain jusqu'à cette heure. Une journée entière, ce n'est pas
trop pour recevoir ce que je veux te donner."
"Jésus, Seigneur et mon Maître, je ferai toujours ce que tu veux"
répond Jacques qui était devenu encore plus pâle quand Jésus avait commencé à
parler.
"Je le sais.
257.3 – Allons
maintenant cueillir des mûres et des myrtilles pour notre estomac et nous
désaltérer à une source que j'ai entendue au-dessous. Laisse donc ton manteau
dans la caverne. Personne ne le prendra."
Et avec son cousin, il contourne la corniche en cueillant des fruits sauvages
des buissons du sous-bois et puis, à quelques mètres plus bas, du côté opposé
à celui qu'ils avaient utilisé pour monter, ils remplissent leurs gourdes,
unique chose qu'ils avaient emportée avec eux, à une source bavarde qui
débouche dans un fouillis de racines, et ils se lavent pour se rafraîchir de
la chaleur encore forte malgré l'altitude. Puis ils remontent à leur plateau
et, pendant que l'atmosphère est toute rouge sur le sommet revêtu du soleil
qui va disparaître à l'occident, ils mangent ce qu'ils ont ramassé et boivent
encore en se souriant comme deux enfants heureux ou comme deux anges. Peu de
paroles : le souvenir de ceux qui sont restés dans la plaine, un cri
d'admiration pour l'extrême beauté du jour, le nom des deux mères... Rien de
plus.
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229> Puis Jésus attire à Lui son cousin et celui-ci prend la
pose habituelle de Jean, la tête appuyée sur le sommet de la poitrine de
Jésus, une main abandonnée sur ses genoux, l'autre dans la main de son
Cousin, et ils restent ainsi, pendant que le soir descend au milieu d'un
grand pépiement d'oiseaux qui se retirent dans le feuillage, d'un tintement
de sonnailles qui s'éloignent et devient de plus en plus indistinct, et d'un
léger bruissement du vent qui caresse les cimes en les rafraîchissant et en
les animant après la chaleur inerte du jour, préludant à la rosée.
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