Le lundi 11 juin
1945
215> 186.1 – Il faut insérer ici la
"Tempête apaisée" reçue le 30 janvier 1944, puis la vision suivante
186.2 – Jésus, après avoir traversé le lac du
nord-ouest au sud-est, recommande à Pierre
de débarquer près d'Hippo. Pierre
obéit sans discuter. Il descend avec la barque jusqu'à l'embouchure d'un
petit fleuve que les pluies de printemps et un récent orage ont rempli et
rendu bruyant, et qui débouche dans le lac par une gorge resserrée et
rocheuse comme toute la côte en ce point. Les garçons gardent les barques - il y en a un par barque - et reçoivent l'ordre
d'attendre jusqu'au soir pour le retour à Capharnaüm.
"Et soyez muets comme les poissons si l'on vous interroge"
conseille Pierre. "Si quelqu'un vous demande où est le Maître, répondez
avec assurance : "Je ne sais pas". La même chose si on veut
savoir où il s'est dirigé. C'est la vérité. Vous ne le savez pas."
On se sépare et Jésus entreprend l'escalade d'un sentier abrupt qui grimpe
presque à pic sur le rocher. Les apôtres le suivent par le sentier difficile
jusqu'au sommet du rocher qui s'adoucit en un plateau planté de chênes sous
lesquels paissent de nombreux porcs.
"Puants animaux ! s'exclame Barthélemy.
Ils nous empêchent de passer..."
"Non. Ils ne nous empêchent pas de passer. Il y a de la place pour
tous" répond calmement Jésus.
Du reste les gardiens, en voyant des israélites, cherchent à rassembler les
porcs sous les chênes pour laisser libre le sentier. Et les apôtres passent,
en faisant mille grimaces, au milieu des ordures laissées par les animaux qui
bien gras cherchent à grossir encore en fouillant le sol avec leur groin.
Jésus est passé sans faire tant d'histoires en disant aux gardiens du troupeau :
"Que Dieu vous récompense pour votre gentillesse."
Les gardiens, pauvres gens à peine moins sales que leurs porcs mais en
revanche infiniment plus maigres, le regardent étonnés et puis bavardent
entre eux. L'un d'eux dit :
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216> "Mais ce n'est pas un juif ?"
À quoi les autres répondent :
"Mais tu ne vois pas qu'il a des franges à son vêtement ?"
Le groupe apostolique se réunit, maintenant qu'il peut avancer en groupe sur
un petit chemin suffisamment large.
186.3 – Le panorama est très beau.
Surélevé de quelques dizaines de mètres au-dessus du lac, il permet pourtant
de dominer tout le miroir d'eau avec les villes éparses sur les rives. Tibériade est une splendeur avec ses belles
constructions en face de l'endroit où se trouvent les apôtres. Ici, au-dessous, au pied du rocher de basalte, la grève étroite
paraît un coussin de verdure alors que sur la rive opposée, de Tibériade à
l'embouchure du Jourdain, il y a une plaine plutôt large et que les eaux du
fleuve rendent marécageuse. Le fleuve semble s'y attarder avant de reprendre
sa course après avoir ralenti dans le lac tranquille. Cette plaine est
remplie de toutes sortes de plantes et de buissons particuliers aux
marécages. On y voit toute une population d'oiseaux aquatiques aux couleurs
bariolées comme s'ils étaient couverts de joyaux. Cet endroit on le regarde
comme un jardin. Les oiseaux s'élèvent des touffes d'herbe et des roseaux,
volent sur le lac, y plongent pour attraper un poisson, se relèvent encore
plus merveilleux à cause de l'eau qui a ravivé les couleurs de leur plumage
et reviennent vers la plaine fleurie sur laquelle le vent s'amuse à déplacer
les couleurs. Ici, au contraire, ce sont des bois de chênes très grands sous
lesquels l'herbe est douce et d'un vert émeraude. Au-delà de cette bande
boisée, la montagne remonte après un vallon, en formant un mamelon abrupt et
rocailleux sur lequel s'incrustent les maisons construites sur des terrasses
rocheuses. Je crois que la montagne ne fait qu'un avec les constructions,
offrant ses cavernes pour l'habitat, mélange de cité troglodyte et de ville
ordinaire.
Elle est caractéristique avec cette montée en terrasses grâce à laquelle le
toit des maisons inférieures est au niveau de l'entrée du rez-de-chaussée des
maisons du plateau qui est au-dessus. Sur les côtés où la montagne est plus
abrupte, abrupte au point d'interdire toute construction, il y a des
cavernes, des excavations profondes et des sentiers rapides qui descendent
vers la vallée. A la saison des pluies, ces sentiers doivent devenir autant
de bizarres petits torrents.
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217> Des blocs de toutes sortes,
entraînés dans la vallée par les eaux forment un piédestal chaotique à cette
petite montagne si abrupte et si sauvage, bossue et impertinente comme un
hobereau qui veut à tout prix qu'on le respecte.
"N'est-ce pas Gamla ?"
demande le Zélote.
"Oui, c'est Gamla. Tu la connais ?" dit Jésus.
"J'y ai été comme fugitif, une nuit il y a bien longtemps. Après la
lèpre est venue et je ne suis plus sorti des tombeaux."
"On t'a poursuivi jusqu'ici ?" demande Pierre.
"Je venais de la Syrie où j'étais allé chercher refuge, mais ils me
découvrirent et seule la fuite en ces terres empêcha ma capture. Après, je
suis descendu lentement et toujours menacé jusqu'au désert de Tecua et de là,
désormais lépreux, à la Vallée des Morts. La lèpre me sauvait de mes ennemis..."
"Ils sont païens, n'est-ce pas ces gens-là ?" demande
l'Iscariote.
"Presque tous. Quelques hébreux pour le trafic et puis un mélange de
croyants et de gens tout à fait incroyants. Pourtant ils n'ont pas été
mauvais avec moi qui étais fugitif."
"Un pays de bandits ! Quelles gorges !" s'exclament
plusieurs.
"Oui. Mais croyez-le, il y a davantage de bandits de l'autre côté"
dit Jean encore
impressionné par la capture du Baptiste .
"De l'autre côté il y a des bandits même parmi ceux qu'on appelle
justes" ajoute son frère.
186.4 – Jésus
prend la parole :
"Et pourtant nous les approchons sans dégoût. Alors qu'ici vous avez
fait des grimaces pour passer près des animaux."
"Ils sont impurs..."
"Le pécheur l'est beaucoup plus. Ces bêtes sont faites ainsi et ce n'est
pas leur faute si elles sont ainsi faites. L'homme, au contraire, est
responsable d'être impur par suite du péché."
"Mais alors pourquoi ont-ils été classés par nous comme
impurs ?" demande Philippe.
"Une fois j'y ai fait allusion. À cette classification, il y a une
raison surnaturelle et une raison naturelle. La première c'est d'enseigner au
peuple élu la manière de vivre en ayant présent à son esprit son élection et
la dignité de l'homme, même dans une action commune comme celle de manger.
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218> Le sauvage se nourrit de tout. Il
lui suffit de s'emplir le ventre. Le païen, même s'il n'est pas sauvage,
mange également de tout, sans penser que la suralimentation fomente les vices
et les tendances qui avilissent l'homme. Les païens cherchent même à arriver
à cette frénésie du plaisir qui pour eux est presque une religion. Les plus
cultivés parmi vous sont au courant des fêtes obscènes en l'honneur de leurs
dieux, qui dégénèrent en une orgie de luxure. Le fils du peuple de Dieu doit
savoir se maîtriser et par l'obéissance et la prudence se perfectionner
lui-même en pensant à son origine et à sa fin: Dieu et le Ciel. La raison
naturelle d'autre part enjoint de ne pas exciter le sang par des nourritures
qui amènent à des élans passionnels indignes de l'homme. L'amour même charnel
ne lui est pas interdit, mais il doit toujours le tempérer par la fraîcheur
de l'âme qui tend au Ciel. Ce doit donc être l'amour et non la
sensualité qui unit l'homme à sa compagne dans laquelle il y voit sa
semblable et non une femelle. Mais les pauvres bêtes ne sont coupables ni
d'être des porcs, ni des effets que la chair de porc peut à la longue
produire dans le sang.
Moins encore les hommes qui sont préposés à leur garde. S'ils sont honnêtes,
quelle différence y aura-t-il dans l'autre vie entre eux et le scribe penché
sur ses livres et qui malheureusement n'y apprend pas la bonté ? En
vérité je vous dis que nous verrons des gardiens de porcs parmi les justes et
des scribes parmi les injustes.
186.5 – Mais, qu'est-ce que c'est que
ce fracas ?"
Tout le monde s'écarte du flanc de la montagne parce que des pierres et de la
terre roulent et bondissent sur la pente, et on regarde étonné.
"Voici, voici ! Là-bas ! Deux hommes... complètement nus...qui
viennent vers nous en gesticulant. Des fous..."
"Ou des possédés" répond Jésus à l'Iscariote
qui le premier a vu les deux possédés venir vers Jésus.
Ils doivent être sortis de quelque caverne dans la montagne. Ils crient. Le plus
rapide à la course se précipite vers Jésus. Il semble un étrange gros oiseau
plumé tant il est rapide, ramant avec ses bras comme si c'était des ailes. Il
s'abat aux pieds de Jésus en criant :
"Te voilà ici, Maître du monde ? Qu'ai-je à faire avec Toi, Jésus,
Fils du Dieu Très-Haut ? Est-elle déjà venue l'heure de notre
châtiment ? Pourquoi es-tu venu nous tourmenter avant le
temps ?"
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219> L'autre possédé, soit que sa langue
soit liée, soit que le démon le paralyse, ne fait que se jeter à plat ventre
par terre et pleurer et puis, s'étant assis, il reste comme inerte, jouant
avec des cailloux et avec ses pieds nus. Le démon continue de parler par la
bouche du premier qui se tord par terre dans un paroxysme de terreur. On
dirait qu'il veut réagir et ne peut qu'adorer, attiré et repoussé en même
temps par la puissance de Jésus. Il crie :
"Je t'en conjure, au nom de Dieu, cesse de me tourmenter. Laisse-moi
partir !"
"Oui, mais hors de celui-ci. Esprit immonde, sors de ces hommes et dis
ton nom."
"Légion c'est mon nom, car nous sommes nombreux.
Nous les possédons depuis des années et par eux nous brisons cordes et
chaînes et il n'est pas de force d'homme qui puisse résister. À cause de nous
ils sont une terreur et nous nous servons d'eux pour que les gens te
blasphèment. Nous nous vengeons sur eux de ton anathème. Nous abaissons
l'homme au-dessous de la bête fauve pour qu'on se moque de Toi. Il n'est pas
de loup, de chacal ou d'hyène, pas de vautour ni de vampire semblables à ceux
que nous tenons. Mais ne nous chasse pas. L'enfer est trop horrible
!..."
"Sortez ! Au nom de Jésus, sortez !" Jésus a une voix de
tonnerre, et ses yeux dardent des éclairs.
"Laisse-moi
au moins entrer dans ce troupeau de porcs que tu as rencontré."
"Allez."
Avec un cri bestial, les démons quittent les deux malheureux et, à travers un
tourbillon de vent qui fait ondoyer les chênes comme des herbes, ils
s'abattent sur les porcs très nombreux. Les animaux se mettent à courir comme
des possédés à travers les chênes avec des cris vraiment démoniaques. Ils se
heurtent, se blessent, se mordent, et enfin se précipitent dans le lac
lorsque, arrivés à la cime de la haute falaise, ils n'ont plus pour refuge
que l'eau qu'elle domine. Pendant que les gardiens, bouleversés et désolés,
hurlent d'épouvante, les bêtes, par centaines, avec des bruits sourds se
précipitent dans les eaux tranquilles où ils produisent des tourbillons
d'écume.
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220> Ils coulent, reviennent en surface,
se retournent montrant leurs panses rondes ou leurs museaux pointus avec des
yeux terrifiés et finalement se noient.
Les bergers courent en criant vers la ville.
186.6 – Les apôtres, arrivés sur le
lieu du désastre, reviennent en disant :
"Il n'y en a pas eu un seul de sauvé ! Tu leur as rendu un bien
mauvais service !"
Jésus calmement répond :
"Mieux vaut que périssent deux milliers de porcs qu'un seul homme.
Donnez un vêtement à ces gens-là. Ils ne peuvent pas rester ainsi."
Le Zélote
ouvre un sac et donne un de ses vêtements. Thomas
donne le second. Les deux hommes sont encore un peu étourdis, comme s'ils
sortaient d'un lourd sommeil plein de cauchemars.
"Donnez-leur de la nourriture. Qu'ils recommencent à vivre en
hommes."
Pendant que les deux mangent le pain et les olives qu'on leur a donnés et
boivent à la gourde de Pierre, Jésus les observe.
À la fin ils parlent :
"Qui es-tu ?" dit l'un.
"Jésus de Nazareth."
"Nous ne te connaissons pas" dit l'autre.
"Votre âme m'a connu. Levez-vous maintenant et rentrez chez vous."
"Nous avons beaucoup souffert, je crois, mais je ne me rappelle pas
bien. Qui est celui-là ?" demande celui que le démon faisait parler
et il montre son compagnon.
"Je ne sais pas. Il était avec toi."
"Qui es-tu ? Et pourquoi es-tu ici ?" demande-t-il à son
compagnon.
Celui qui était comme muet et qui est encore le plus inerte, dit :
"Je suis Démétrius. C'est Sidon, ici ?"
"Sidon est au bord de la mer, homme. Ici, tu es au-delà du lac de
Galilée."
"Et pourquoi suis-je ici ?"
Personne ne peut donner de réponse.
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221> 186.7 – Voilà
que les gens arrivent suivis des gardiens. Ils semblent apeurés et curieux.
Quand ensuite ils voient les deux possédés habillés, leur stupeur augmente.
"Celui-ci c'est Marc
de Josias !... Et celui-là le fils du marchand
païen !…"
"Cet autre, c'est Celui qui les a
guéris et qui a fait périr nos porcs, car les démons qui étaient entrés en
eux les ont affolés" disent les gardiens.
"Seigneur, tu es puissant, nous le reconnaissons. Mais tu nous as déjà
fait trop de mal ! Un dommage de plusieurs talents. Va-t-en,
nous t'en prions, que ta puissance ne fasse pas écrouler la montagne pour la
plonger dans le lac. Va-t-en..."
"Je m'en vais. Je ne m'impose à personne"
Et Jésus revient par le chemin déjà fait, sans discuter. Le possédé qui
parlait le suit, derrière les apôtres. Derrière, à distance, plusieurs
habitants de la ville, pour voir s'il part réellement.
186.8 – Ils suivent à nouveau le
sentier rapide et reviennent à l'embouchure du petit torrent, près des
barques. Les habitants restent sur la berge à regarder. Le possédé délivré
descend derrière Jésus.
Dans les barques, les garçons sont épouvantés. Ils ont vu la pluie de porcs
qui tombaient dans le lac et regardent encore les corps qui surnagent
toujours plus nombreux, toujours plus gonflés avec leurs panses arrondies à
l'air et leurs courtes pattes raidies fixées comme des pieux sur une masse de
lard.
"Mais qu'est-ce qui est arrivé ?" demandent-ils.
"Nous allons vous le dire. Maintenant détachez les amarres et partons...
Où, Seigneur ?" dit Pierre.
"Dans le golfe de Tarichée."
L'homme qui les a suivis ,
maintenant qu'il les voit monter dans les barques, dit en suppliant :
"Prends-moi avec Toi, Seigneur."
"Non, rentre chez toi. Les tiens ont le droit de t'avoir. Parle-leur des
grandes choses que t'a faites le Seigneur et comment Il a eu pitié de toi.
Cette région a besoin de croire. Allume les flammes de la foi par
reconnaissance pour ton Seigneur. Va. Adieu."
"Réconforte-moi au moins par ta bénédiction, que le démon ne me reprenne
pas."
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222> "Ne crains pas. Si tu ne le veux
pas, il ne reviendra pas. Mais je te bénis. Va en paix."
Les barques s'éloignent de la rive
en direction est-ouest. Alors seulement, pendant qu'elles fendent les flots
où flottent les cadavres des porcs, les habitants de la cité qui n'a pas
voulu Le Seigneur quittent la berge et s'en vont.
J’indique ici la configuration du lieu .
D’après un dessin de Maria Valtorta.
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