Vision du dimanche 13 février 1944
au soir .
195> 106.1 – Je vois une grande pièce
carrée, J'en parle ainsi, tout en comprenant que c'est la synagogue de Nazareth
(comme me dit celui qui m'avertit intérieurement) car il n'y a que des murs
nus, peints en jaune et par côté une sorte de siège élevé. Il y a aussi un
pupitre élevé avec des rouleaux dessus. Pupitre, étagère ? Choisissez
l'appellation. En somme, c'est une sorte de table inclinée montée sur un
pied, et sur laquelle sont rangés des rouleaux.
Il y a des gens qui prient, pas comme nous, mais tous tournés vers un côté,
sans joindre les mains, mais à peu près comme un prêtre à l'autel.
196> Il y a des lampes disposées
au-dessus du siège et du pupitre, de la manière suivante :
Je
ne vois pas le but de cette vision qui demeure ainsi un certain temps sans
changer. Mais Jésus me dit d'écrire et je le fais.
[…]
106.2 – Je me trouve de nouveau dans
la synagogue de Nazareth.
Maintenant, le rabbin lit. J'entends sa voix monotone et nasillarde, mais je
ne comprends pas les paroles qu'il prononce dans une langue qui m'est inconnue.
Dans la foule se trouve aussi Jésus avec ses cousins apôtres et d'autres qui
sont certainement eux aussi des parents, mais que je ne connais pas.
Après la lecture, le rabbin tourne son regard sur la foule, comme en une
muette invitation. Jésus s'avance et demande de tenir la réunion, aujourd’hui.
J'entends, de sa belle voix, lire le passage
d'Isaïe cité par l'Évangile : "L'esprit du Seigneur est sur moi... " Et j'entends le commentaire qu'il en fait en se donnant
pour "le porteur de la Bonne Nouvelle, de la loi d'amour qui remplace
l'ancienne rigueur par la miséricorde, pour qu'obtiennent le salut tous ceux
dont la faute d'Adam rend l'esprit malade et, par contrecoup, la chair, car
le péché engendre le vice, et le vice la maladie même physique. Et pour que
tous ceux que retient prisonniers l'Esprit du mal obtiennent leur libération.
Je suis venu pour rompre ces chaînes et rouvrir le chemin du Ciel, pour donner
la lumière aux âmes aveuglée et l'ouïe aux âmes sourdes. Il est venu le temps
de la Grâce du Seigneur. Elle est parmi vous, c'est Elle qui vous parle. Les
Patriarches ont désiré voir ce jour, dont la voix du Très-Haut a proclamé
l'existence et dont les Prophètes ont prédit le temps. Et déjà portée à leur
connaissance par une action surnaturelle, ils savent que l'aube de ce jour
s'est levée et que leur entrée au Paradis est proche désormais. Ils en
exultent, dans leurs esprits, les saints auxquels il ne manque que ma
bénédiction pour être citoyens du Ciel. Vous le voyez. Venez à la Lumière qui
s'est levée. Dépouillez-vous de vos passions, afin d'avoir l'agilité qu'il
faut pour suivre le Christ.
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197> Ayez la bonne volonté de
croire, de devenir meilleurs, de vouloir le salut, et le salut vous sera
donné. Il est en mes mains mais je ne le donne qu'à ceux qui ont la bonne
volonté de le posséder, car ce serait une offense à la Grâce que de le donner
à qui veut continuer à servir Mammon."
106.3 – Un murmure s'élève dans la
synagogue.
Jésus tourne son regard vers l'assistance. Il lit sur les visages et dans les
cœurs et continue :
"Je comprends votre pensée. Parce que je suis de Nazareth, vous voudriez
une faveur privilégiée. Mais cela, c'est par égoïsme de votre part et non par
la puissance de votre foi. Aussi, je vous dis qu'en vérité aucun prophète
n'est bien reçu dans sa patrie. D'autres pays m'ont accueilli et
m'accueilleront avec une plus grande foi, même des pays dont le nom est pour
vous un scandale. Là, je trouverai une moisson de disciples, tandis que sur
cette terre je ne puis rien faire, parce qu'elle m'est fermée et hostile.
Mais je vous rappelle Élie et Élisée .
Le premier trouva la foi chez une femme phénicienne et le second chez un
Syrien. Et en faveur de celle-là et de celui-ci, ils purent opérer le
miracle. Les gens qui mouraient de faim en Israël
n'eurent pas de pain et les lépreux pas de purification, parce qu'il n'y
avait pas dans leurs cœurs la bonne volonté, perle fine que le Prophète avait
découverte ailleurs. C'est ce qui vous arrivera, à vous aussi qui êtes
hostiles et incrédules à l'égard de la Parole de Dieu."
106.4 – La foule s'agite et menace
avec imprécations. Elle tente de mettre la main sur Jésus, mais les
apôtres-cousins Jude, Jacques
et Simon
le défendent, et alors les Nazaréens en furie chassent Jésus hors de la
ville. Ils le poursuivent avec des menaces, mais pas seulement verbales,
jusqu'au sommet de la colline. Alors Jésus se retourne et les immobilise de
son regard magnétique, il passe indemne au milieu d'eux et disparaît en
montant par un sentier de la colline.
106.5 – Je vois une petite, très
petite bourgade, un groupe de maisons, un hameau, dirions-nous maintenant. Il
est plus élevé que Nazareth, que l’on aperçoit en contrebas à quelques
kilomètres. Une petite bourgade très misérable.
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198> Jésus parle avec Marie,
assis sur un muret, près d'une cabane. Peut-être est-ce une maison amie, ou
du moins hospitalière, suivant les lois de l'hospitalité orientale. Jésus s'y
est réfugié, après avoir été chassé de Nazareth, pour attendre les apôtres
qui sûrement étaient éparpillés dans le voisinage, alors que Jésus était près
de la Mère.
Avec Lui, il n'y a que les trois apôtres-cousins qui, en ce moment, sont
rassemblés dans la cuisine et parlent avec une femme âgée que Thaddée appelle
"mère". Pour cette raison, je comprends qu'il s'agit de Marie de Cléophas . C'est une femme,
oui plutôt âgée, et je la reconnais pour celle qui était avec Marie très
Sainte aux noces de Cana. Certainement elle et les fils
se sont retirés là pour laisser à Jésus et à sa Mère toute liberté à leur
conversation.
106.6 – Marie est affligée. Elle a été
informée de l'incident de la Synagogue et elle en est meurtrie. Jésus la
console, Marie supplie son Fils de rester loin de Nazareth, où tous sont mal
disposés à son égard, même les autres parents qui le regardent comme un fou
qui cherche à susciter des brouilles et des disputes.
Mais Jésus fait un geste en souriant. Il
semble dire :
"Ici ou autre part, cela se vaut. Laisse tomber !"
Mais Marie insiste. Alors il répond :
"Maman, si le Fils de l'homme devait aller uniquement là où on l'aime,
il devrait s'éloigner de cette terre et retourner au Ciel. J'ai partout des ennemis. Car on hait la Vérité, et Moi je suis la Vérité. Mais je ne suis pas venu pour
trouver un amour facile. Je suis venu pour faire la volonté du Père et
racheter l'homme. L'amour, tu l'es, Maman.
Tu es mon amour qui compense pour Moi tout le reste. Toi et ce petit troupeau
qui chaque jour s'accroît de quelque brebis que j'arrache au loup des
passions et que j'amène au bercail de Dieu. Pour le reste, c'est le devoir.
Je suis venu accomplir ce devoir, et je dois l'accomplir jusqu'à me briser
contre leurs cœurs de pierres réfractaires au bien.
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199> Et même ce n'est que lorsque je
serai tombé, baignant dans mon sang ces cœurs, que je les attendrirai en y
imprimant mon Signe qui annule celui de l'Ennemi. Maman, c'est pour cela que
je suis descendu du Ciel. Je ne puis qu'en désirer l'accomplissement."
"Oh ! Fils ! Mon Fils !"
Marie a la voix déchirée. Jésus la caresse Je remarque que Marie a, sur la
tête, son manteau aussi, en plus du voile. Elle est plus que jamais voilée,
comme une prêtresse.
106.7 – "Je serai absent quelque temps,
pour te faire plaisir. Quand je serai dans le voisinage, je te ferai
prévenir."
"Envoie Jean.
Il me semble un peu te voir quand je le vois. Sa mère aussi
est pleine d'égards pour moi et pour Toi. Elle espère, il est vrai, une place
privilégiée pour ses fils. C'est une femme et c'est une maman, Jésus. Il faut
l'excuser. Elle t'en parlera aussi à Toi. Mais elle t'est sincèrement
dévouée. Quand elle sera libérée de l'humanité qui fermente en elle comme en
ses fils, comme chez les autres, comme chez tous, mon Fils, elle sera grande
dans la foi. Il est douloureux que tous attendent de Toi un bien humain, un
bien qui, s'il n'est pas humain, est égoïste. Mais le péché est en eux, avec
sa concupiscence. Elle n'est pas encore venue, l'heure bénie et tellement,
tellement redoutable, bien que l'amour de Dieu et de l'homme me la fasse
désirer, où tu annuleras le Péché. Oh cette heure ! Comme il tremble, le
cœur de ta Maman, pour cette heure ! Que te feront-ils, Fils ? Fils
Rédempteur dont les Prophètes prédisent un tel martyre ?"
"N'y pense pas, Maman. Dieu
t'aidera à cette heure là. Dieu nous aidera, Moi et Toi. Et après, ce sera la
paix. Je te le dis encore une fois. Maintenant, va. La nuit va tomber et le
chemin est long. Je te bénis.”
106.8 – Jésus dit :
"Petit Jean, nous avons beaucoup de travail aujourd’hui. Mais nous avons
un jour de retard et il est impossible d’aller lentement. Je t’en ai donné la
force nécessaire, aujourd’hui.
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200> Je t’ai accordé ces quatre
contemplations [7]
pour pouvoir te parler des douleurs de Marie et des miennes, qui préparent la
Passion. J’aurais dû t’en parler hier, samedi, le jour dédié à ma Mère. Mais
j’ai eu pitié. Nous reprenons donc aujourd’hui le temps perdu. Après les
douleurs que je t’ai fait connaître, Marie a encore subi les suivantes, et
moi avec elle.
106.9 – Mon regard avait lu dans le
cœur de Judas. Nul ne doit penser que la sagesse de Dieu n’a pas été capable
de comprendre ce cœur. Mais, comme je l’ai dit à ma Mère, il était
nécessaire. Malheur à lui d’avoir été le traître ! Mais il fallait un
traître. Plein de duplicité, rusé, avide, assoiffé de luxure, voleur, mais
aussi plus intelligent et plus cultivé que la plupart, il avait su s’imposer
à tous. Audacieux, il m’aplanissait les voies les plus difficiles. Plus que
tout, il aimait se distinguer et faire ressortir sa place de confiance auprès
de moi. S’il était serviable, ce n’était pas par instinct de charité, mais
uniquement parce que, selon votre expression, il “ faisait la mouche du
coche. ” Cela lui permettait de tenir la bourse et d’approcher les femmes.
Deux choses qu’il aimait d’une façon effrénée, sans parler de son goût pour
les honneurs.
Ce serpent ne pouvait que faire horreur à la femme pure, humble, détachée des
richesses terrestres qu’était ma Mère. Moi-même, j’éprouvais du dégoût. Le
Père, l’Esprit et moi sommes seuls à savoir combien il m’a fallu me dépasser
pour pouvoir supporter sa présence. Mais je te l’expliquerai une autre fois.
106.10 – De même, je n’ignorais pas
l’hostilité des prêtres, des pharisiens, des scribes et des sadducéens.
C’étaient des renards rusés qui cherchaient à me pousser dans leur tanière
pour me déchirer. Ils étaient assoiffés de mon sang. Ils essayaient de me
tendre des pièges partout pour me capturer, pour avoir un motif d’accusation,
pour se débarrasser de moi. Ce piège a duré longtemps, trois ans durant, et
ils ne se sont apaisés que lorsqu’ils m’ont su mort. Ce soir-là, ils ont
dormi heureux. La voix de leur accusateur s’était éteinte à jamais. Du moins
le croyaient-ils. Mais non : elle n’était pas éteinte. Elle ne le sera
jamais, elle tonne au contraire et maudit leurs semblables d’aujourd’hui.
Quelles douleurs ma Mère n’eut-elle pas à subir à cause d’eux ! Et moi, je ne
saurais oublier ces douleurs.
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201> 106.11 – Que la foule soit changeante,
voilà qui n’est guère nouveau. C’est la bête sauvage qui lèche la main du
dompteur si elle est armée d’un fouet ou si elle offre à sa faim un morceau
de viande. Mais il suffit que le dompteur tombe et ne puisse plus se servir
du fouet, ou bien qu’il n’ait plus de proie pour la rassasier, pour qu’elle
se précipite et le déchire. Il suffit de dire la vérité et d’être bon pour
être haï par la foule, une fois le premier moment d’enthousiasme passé. La
vérité est reproche et avertissement. La bonté prive du fouet et fait en
sorte que ceux qui ne sont pas bons n’aient plus à craindre. D’où les : “
Crucifie-le ! ” après les “ Hosannas ! ” Ma vie de Maître est remplie de ces
deux cris. Et le dernier fut : “ Crucifie-le ! ” Le hosanna est l’haleine que
reprend le chanteur pour avoir le souffle nécessaire pour monter haut. Le
soir du vendredi saint, Marie a réentendu tous ces hosannas menteurs devenus
hurlements de mort pour son Enfant, et elle en fut transpercée. Cela aussi,
je ne l’oublie pas.
106.12 – L’humanité des apôtres !
Qu’elle est lourde ! Pour les élever au Ciel, je soulevais des masses que
leur poids entraînait vers la terre. Même ceux qui n’imaginaient pas devenir
des ministres d’un roi terrestre comme Judas Iscariote, ceux qui ne pensaient
pas comme lui à monter sur le trône à ma place si besoin était, avaient
néanmoins soif de gloire. Un jour est venu où même mon Jean et son frère
désirèrent cette gloire qui, même dans le domaine des réalités célestes, vous
éblouit comme un mirage. Ce n’est pas seulement le saint désir du paradis que
je veux que vous ayez, ni le désir humain que votre sainteté soit reconnue.
Pour un peu d’amour donné à Celui auquel je vous ai dit que vous devez vous
donner tout entier, c’est aussi une avidité de changeur, d’usurier, qui vous
incite à prétendre à une place à ma droite au Ciel.
Non, mes enfants, non. Il faut d’abord savoir boire toute la coupe que j’ai
bue. Entièrement : y compris sa charité témoignée en réponse à la haine, sa
chasteté en réponse aux voix de la sensualité, son héroïcité dans les
épreuves, son sacrifice par amour pour Dieu et pour ses frères. Puis, quand
vous aurez rempli intégralement votre devoir, dites encore : “Nous
sommes des serviteurs inutiles” et attendez que mon Père – qui est aussi le
vôtre –, vous accorde, par bonté, une place dans son Royaume.
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202> Comme tu m’as vu être dépouillé de
mes vêtements au Prétoire, il convient de se dépouiller de tout ce qui est humain
et de ne garder que cet indispensable qui est respect envers ce don de Dieu
qu’est la vie et envers les frères auxquels nous pouvons être plus utiles du
Ciel que sur la terre, puis laisser Dieu vous revêtir de l’étole immortelle
purifiée dans le sang de l’Agneau.
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