Le dimanche 16
janvier 1944, soir.
(édition de 1985).
351> 52.1 - Les
noces de Cana : Je vois une maison, une vraie maison orientale : un
cube blanc plus large que haut, avec de rares ouvertures, surmontée d'une
terrasse qui sert de toit et est entourée d'un muret de un mètre environ et
ombragée par une tonnelle de vigne qui grimpe jusque là et étend ses rameaux
au delà du milieu de cette terrasse ensoleillée.
Un escalier extérieur monte le long de la façade au niveau
d'une porte qui s'ouvre à mi-hauteur de la façade. Au dessous, il y a au
niveau du sol des portes basses et rares, pas plus de deux de chaque côté,
qui donnent accès dans des pièces basses et sombres. La maison s'élève au
milieu d'une espèce de cour plutôt une pelouse, au centre de laquelle se
trouve un puits. Il y a des figuiers et des pommiers. La maison donne sur la
route sans être à bord de route. Elle est un peu en retrait et un sentier traverse
la pelouse jusqu'à la route qui semble être une maîtresse route.
On dirait que la maison est à la périphérie de Cana : maison de paysans
propriétaires qui vivent au milieu de leur petit domaine. La campagne s'étend
au delà de la maison avec ses lointains de tranquille verdure. Il fait un
beau soleil et l'azur du ciel est très pur. Au début, je ne vois rien
d'autre. La maison est solitaire.
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352> 52.2 - Puis
je vois deux femmes avec de longs vêtements et un manteau qui sert aussi de
voile. Elles avancent sur la route et puis sur le sentier. L'une plus âgée, sur les cinquante ans, en habits foncés de couleur
fauve marron, comme de laine naturelle. L'autre est en vêtements plus clairs,
avec un habit d'un jaune pâle et un manteau azur. Elle semble avoir à peu
près trente cinq ans. Elle est très belle, svelte et elle a une contenance
pleine de dignité bien que toute gentillesse et humilité. Quand elle est plus
proche, je remarque la couleur pâle du visage, les yeux azurés et les cheveux
blonds qui apparaissent sur le front, sous le voile. Je reconnais Marie la Très
Sainte. Qui est l'autre, brune et plus
âgée, je ne sais. Elles parlent entre elle et la Madone sourit. Quand elles sont
tout à côté de la maison, quelqu'un sûrement chargé de guetter les arrivées,
avertit et à leur rencontre arrivent des hommes et des femmes, tous en habits
de fête. Tout le monde leur fait fête et surtout à Marie la Très Sainte.
L'heure semble matinale, je dirais vers les neuf heures peut-être plus tôt,
car la campagne a encore cet aspect de fraîcheur des premières heures du jour
avec la rosée qui rend l'herbe plus verte et la pelouse qui n'est pas
empoussiérée. La saison me paraît printanière car l’herbe des prés n'est pas
brûlée par le soleil d'été et dans les champs, les blés sont en herbe,
sans épis, tout verts. Les feuilles du figuier et du pommier sont vertes et
encore tendres mais je ne vois pas de fleurs sur le pommier et je ne vois pas
de fruits, ni sur le pommier ni sur le figuier ni sur la vigne. C'est que le
pommier a déjà fleuri depuis peu, mais les petits fruits ne se voient pas
encore.
52.3 - Marie,
très fêtée et accompagnée par un homme âgé qui doit être le propriétaire,
monte l'escalier extérieur et entre dans une grande salle qui paraît occuper
tout ou en grande partie, l'étage.
Je crois
comprendre que les pièces du rez-de-chaussée sont les vraies pièces
d'habitation, les dépenses, les débarras et les celliers et que l'étage est
réservé à des usages spéciaux : fêtes exceptionnelles ou à des travaux
qui demandent beaucoup de place ou à l'emmagasinage des produits agricoles.
Pour les fêtes on la débarrasse et on l'orne, comme aujourd'hui de branches
vertes, de nattes, de tables garnies.
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353> Au centre, il y en a une très
riche, avec dessus déjà; des amphores et des plats garnis de fruits. Le long
du mur, à ma droite une autre table garnie mais moins richement. A ma gauche
une sorte de longue crédence avec dessus des plats de fromages et d'autres
aliments qui me semblent des galettes couvertes de miel et de friandises. Par
terre, toujours à ma gauche d'autres amphores et trois
grands vases en forme de brocs de cuivre, (plus ou moins). Pour moi ce serait
des jarres.
Marie écoute avec bienveillance ce que tous lui disent puis gentiment quitte
son manteau et aide à terminer les préparatifs pour la table. Je la vois
aller et venir rangeant les lits de table, redressant les guirlandes de
fleurs, donnant meilleur aspect aux coupes de fruits; veillant à ce que les
lampes soient garnies d'huile. Elle sourit et parle très peu et à voix très
basse. Par contre, Elle écoute beaucoup et avec combien de patience.
Un grand bruit d'instruments de musique (peu harmonieux, en vérité) se fait
entendre sur la route. Tout le monde, à l'exception de Marie, court dehors.
Je vois entrer l'épouse toute parée et heureuse, entourée des parents et des
amis, à côté de l'époux qui est accouru à sa rencontre le premier.
La salle de banquet illustrée par Lorenzo Ferri, sur les indications de Maria Valtorta © CEV.
52.4 - Ici
il se produit un changement dans la vision :
Je vois, au lieu de la maison, un pays. Je ne sais si c'est Cana ou une autre
bourgade voisine. Je vois Jésus avec Jean et un autre qui pourrait être Jude Thaddée, mais pour ce second, je pourrais me tromper. Pour
Jean, je ne me trompe pas. Jésus est vêtu de blanc et a un manteau azur
foncé. En entendant le bruit de la musique, le compagnon de Jésus demande un
renseignement à un homme du peuple et en fait part à Jésus.
"Allons faire plaisir à ma Mère" dit Jésus en souriant.
Il se met en route à travers les champs avec ses deux compagnons dans la
direction de la maison. J'ai oublié de dire mon impression que Marie
est ou parente ou très amie des parents de l'époux car je les vois en grandes
confidences.
Quand Jésus arrive, le veilleur habituel prévient les autres. Le maître de
maison, en même temps que son fils, l'époux, et que Marie, descend à la
rencontre de Jésus et le salue respectueusement. Il salue aussi les deux
autres et l'époux fait la même chose.
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354> Mais, ce qui me plaît, c'est le salut plein d'un
amoureux respect de Marie à son Fils et réciproquement. Pas d'épanchements,
mais un tel regard accompagne les paroles de la salutation : "La
paix avec Toi", et un tel sourire qui vaut cent baisers et cent
embrassements. Le baiser tremble sur les lèvres de Marie, mais Elle ne le
donne pas. Elle pose seulement sa petite main blanche sur l'épaule de Jésus
et effleure une boucle de sa longue chevelure. Une caresse d'une pudique
énamourée.
52.5 - Jésus
monte à côté de sa Mère, suivi des deux disciples et du propriétaire et il
entre dans la salle de réception où les femmes s'occupent à ajouter des
sièges et des couverts pour les trois hôtes qu'on n'attendait pas, me
semble-t-il. Je dirais que la venue de Jésus était incertaine et celle de ses
deux compagnons absolument imprévue.
J'entends distinctement la voix pleine, virile; très douce du Maître dire en
entrant dans la salle: " La paix soit dans cette maison, et la
bénédiction de Dieu sur vous tous." Salut cumulatif à toutes les
personnes présentes et plein de majesté. Jésus domine tout le monde par sa
stature et son aspect. C'est l'hôte et inattendu, mais il semble le roi de la
fête, plus que l'époux, plus que le maître de maison. Tout en restant humble
et condescendant, c'est Lui qui en impose.
Jésus prend place à la table centrale, avec l'époux, l'épouse, les parents
des époux et les amis plus influents. Aux deux disciples, par respect pour le
Maître, on donne des sièges à la même table.
Jésus tourne le dos au mur où sont les jarres. Il ne les voit donc pas, ni
non plus l'affairement du majordome autour des plats de rôti qu'on amène par
une trappe auprès des crédences.
J'observe une chose. Sauf les mères des époux et Marie, aucune femme
ne siège à cette table, Toutes les femmes se trouvent, et elles font un grand
bruit, à la table le long du mur. On les sert après les
époux et les hôtes de marque. Jésus est près du maître de maison et a en
vis-à-vis Marie qui est à côté de l'épouse. Le repas commence, et je vous
assure que l'appétit ne manque pas et encore moins la soif. Deux mangent et
boivent peu, ce sont Jésus et sa Mère, qui parle aussi très peu.
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355> Jésus
parle un peu plus. Mais tout en parlant peu, il n'est, dans sa conversation,
ni renfrogné ni dédaigneux. C'est un homme courtois, mais pas bavard. Quand
on l'interroge, il répond, s'intéresse à ce qu'on Lui dit et donne son avis,
mais ensuite se recueille en Lui-même comme quelqu'un habitué à la
méditation. Il sourit mais ne rit jamais. S'il entend quelque
plaisanterie trop aventurée, il fait celui qui n'entend pas. Marie se nourrit
de la contemplation de son Jésus et aussi Jean qui est au bout de la table et
reste suspendu aux lèvres de son Maître.
52.6 - Marie
s'aperçoit que les serviteurs parlent à voix basse avec le majordome et que
celui-ci est gêné et Elle comprend qu'il y a quelque chose de désagréable.
"Fils, dit-elle doucement en attirant l'attention de Jésus avec cette
parole, Fils, ils n'ont plus de vin."
"Femme, qu'y a-t-il, désormais entre Moi et Toi ?"
Jésus en disant cette phrase sourit encore plus doucement et Marie sourit,
comme deux qui savent une vérité qui est leur joyeux secret que tous les
autres ignorent.
52.7 - Jésus
m'explique le sens de la phrase. "Ce désormais,
que beaucoup de traducteurs passent sous silence, est la clef de la phrase et
l'explique avec son vrai sens.
Je fus le Fils soumis à la Mère, jusqu'au moment où la volonté de mon Père
m'indiqua que l'heure était venue d'être le Maître. À partir du moment où ma
mission commença, je ne fus plus le Fils soumis à sa Mère, mais le Serviteur
de Dieu. Les liens qui m'unissaient à Celle qui m'avait engendré étaient
rompus. Ils s'étaient transformés en liens de plus haut caractère. Ils
s’étaient tous réfugiés dans l'esprit. L'esprit appelait toujours
"Maman" Marie, ma Sainte. L'amour ne connut pas d'arrêt, ne
s'attiédit pas, au contraire, il ne fut jamais aussi parfait que lorsque,
séparé d'Elle pour une seconde naissance, Elle me donna au monde, pour le
monde, comme Messie, comme Évangélisateur. Sa troisième, sublime
maternité mystique, ce fut quand, dans le déchirement du Golgotha, Elle
m'enfanta à la Croix, en faisant de Moi, le Rédempteur du monde.
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356> "Qu'y a-t-il désormais
entre Moi et Toi ?". J'étais d'abord tien, uniquement tien. Tu
me commandais, Je t'obéissais. Je t'étais "soumis". Maintenant, j'appartiens à ma mission.
Ne l'ai-je peut-être pas dit ?
"Celui qui met la
main à la charrue et se retourne pour
saluer ceux qui restent, n'est pas apte au Royaume de Dieu" . J'avais mis la main à la charrue pour ouvrir avec le
soc, non pas la glèbe mais les cœurs, pour y semer la parole de Dieu. Je ne
l'avais enlevée cette main que quand on me l'avait arrachée de là pour la
clouer à la Croix et pour ouvrir par la torture de ce clou le Cœur de mon
Père en faisant sortir de la plaie le pardon pour l'humanité.
Ce "désormais", oublié par plusieurs, voulait dire ceci :
"Tu m'as été tout, ô Mère tant que je fus le Jésus de Marie de Nazareth
et tu m'es tout en mon esprit mais, depuis que je suis le Messie attendu,
j'appartiens à mon Père.
Attends encore un peu et ma mission terminée, je serai de nouveau tout à
toi. Tu me recevras encore dans tes bras comme quand j'étais petit et
personne ne te le disputera plus, ce Fils qui est le tien que l'on regardera
comme la honte de l'humanité, dont on te jettera la dépouille pour te couvrir
toi aussi de l'opprobre d'être la mère d'un criminel. Et puis tu m'auras de
nouveau, triomphant et puis, tu m'auras pour toujours, triomphante
toi aussi, au Ciel. Mais maintenant,
j'appartiens à tous ces hommes et j'appartiens au Père qui m'a envoyé vers
eux".
Voilà ce que veut dire ce petit "désormais", si chargé de
signification."
52.8 - Marie
ordonne aux serviteurs: "Faites ce que Lui vous dira. " Marie a lu
dans les yeux souriants de son Fils l'assentiment, voilé d'un grand
enseignement pour tous les "appelés ".
Et Jésus ordonne aux serviteurs : "Emplissez d'eau les cruches.
"
Je vois les serviteurs emplir les jarres de l'eau apportée du puits.
(J'entends le grincement de la poulie qui monte et descend le seau qui
déborde). Je vois le majordome qui se verse un peu de ce liquide avec un
regard de stupeur, qui ressaie avec une mimique d'un plus grand étonnement et
le goûte. Il parle au maître de maison et à l'époux son voisin.
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357> Marie regarde encore son Fils et
sourit; puis recevant un sourire de Lui, incline la tête en rougissant
légèrement. Elle est heureuse.
Dans la salle passe un murmure. Les têtes se tournent vers Jésus et Marie. On
se lève pour mieux voir. On va vers les jarres. Un silence, puis un chœur de
louanges à Jésus.
Mais Lui se lève et dit une seule parole : "Remerciez
Marie " et puis il quitte le repas. Sur le seuil il répète :
"La paix à cette maison et la bénédiction de Dieu sur vous" et il
ajoute : "Mère, je te salue."
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