Le mercredi 15 janvier 1947.
11> 555.1 – "Jésus est seul dans une petite pièce.
Assis sur sa couchette, il réfléchit ou prie. Un lumignon à huile sur une
étagère éclaire la pièce de sa petite flamme jaunâtre palpitante. Il doit
faire nuit car il n'y a aucun bruit dans la maison ni sur le chemin. Seul le
bruissement du torrent paraît plus fort au dehors de la maison, dans le
silence de la nuit.
Jésus lève la tête pour regarder la porte. Il écoute. Il se lève et va
ouvrir. Il voit Pierre
au dehors.
"Toi ? Viens. Que veux-tu, Simon ? Encore debout, toi qui dois faire
tant de route ?"
Il l'a pris par la main et attiré à l'intérieur, en refermant la porte sans
faire de bruit. Il le fait asseoir près de Lui, sur le bord du lit.
"Je voulais te dire, Maître... oui, je voulais te dire que, tu as vu
aujourd'hui aussi ce que je vaux. Je ne suis capable que d'amuser de pauvres
enfants, de consoler une petite vieille, de rétablir la paix entre deux
bergers qui sont en désaccord pour une agnelle qui a perdu son lait. Je suis
un pauvre homme. Si pauvre que je ne comprends même pas ce que tu
m'expliques. Mais c'est une autre chose. Maintenant, je voulais te dire que,
justement pour cela, tu me gardes ici. Moi, je ne tiens pas à aller quand tu
n'es pas avec nous. Et je ne sais pas faire... Contente-moi, Seigneur."
Pierre parle avec chaleur mais en tenant les yeux fixés sur les briques
grossières et ébréchées du pavé.
"Regarde-moi, Simon" commande Jésus. Et comme Pierre obéit, Jésus
le fixe intensément en lui demandant : "Et c'est tout ? Tout ce qui
explique que tu veilles ? Tout ce qui explique pourquoi tu me demandes de te
garder ici ? Sois sincère, Simon. Ce n'est pas murmurer que de dire à ton
Maître toute ta pensée.
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12> Il
faut savoir distinguer entre parole oiseuse et parole utile. C'est une parole
oiseuse, et c'est généralement dans l'oisiveté que fleurit le péché, quand
on parle des manquements d'autrui à quelqu'un qui n'y peut rien. Alors c'est simplement un manque de
charité, même si les choses dites sont vraies. Comme c'est un manque
de charité de faire des reproches plus ou moins acerbes sans joindre
au reproche le conseil. Et je parle des reproches qui sont justes. Les autres
sont injustes et sont des péchés contre le prochain. Mais quand on voit son
prochain pécher et qu'on en souffre, parce qu'en péchant il offense Dieu et
fait du tort à son âme, quand on se rend compte que par soi-même on n'est pas
capable d'apprécier la portée du péché d'autrui, et qu'on ne se sent pas
assez sage pour dire une parole qui puisse convertir, et qu'alors on s'adresse
à un juste, à un sage, et qu'on lui confie son ennui, alors on ne fait pas de
péché parce que les confidences ont pour but de mettre fin à un scandale et
de sauver une âme. C'est comme quelqu'un qui aurait un parent malade d'une
maladie répugnante. C'est certain qu'il cherchera à la tenir cachée au
peuple, mais en secret il ira dire au médecin : "D'après moi, mon parent
a telle ou telle maladie, mais je ne puis le conseiller ni le soigner. Viens
toi-même, ou dis-moi ce que je dois faire". Manque-t-il peut-être
d'amour envers son parent ? Non. Au contraire ! Il en manquerait s'il
feignait de ne pas s'apercevoir de la maladie et la laissait se développer
jusqu'à la mort, par un sentiment mal compris de prudence et d'amour.
555.2 – Un jour, et il ne se passera pas des années, toi, ainsi que tes compagnons,
vous devrez écouter les confidences des cœurs, non pas comme vous les écoutez
maintenant en tant qu'hommes, mais comme Prêtres, c'est-à-dire Médecins, Maîtres et Pasteurs des
âmes, comme Moi, je suis Médecin, Maître et Pasteur. Vous devrez écouter,
décider et conseiller. Votre jugement vaudra comme si Dieu même l'avait
prononcé..."
Pierre se détache de Jésus qui le tenait serré contre lui et il dit en se
levant :
"Cela n'est pas possible, Seigneur. Ne nous l'impose jamais. Comment
veux-tu que nous jugions comme Dieu si nous ne savons même pas juger comme
hommes ?"
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13> "Alors vous le saurez, car l'Esprit de Dieu
planera sur vous et vous pénétrera de ses lumières. Vous saurez juger en
considérant les sept conditions des faits que l'on viendra vous proposer pour
être conseillé ou pardonné. Écoute bien et essaie de te rappeler. En son
temps l'Esprit de Dieu te rappellera mes paroles. Mais toi, cherche de ton
côté à te rappeler avec ton intelligence, parce que Dieu te l'a donnée pour
que tu la mettes en œuvre sans paresse ni présomption spirituelle qui portent
à attendre et à prétendre tout de Dieu. Quand tu seras Maître, Médecin et
Pasteur à ma place et dans mon rôle, et quand un fidèle viendra pleurer à tes
pieds les troubles qui lui viennent de ses actes ou de ceux d'autrui, tu dois
toujours avoir présents à ton esprit l'ensemble de
ces sept questions.
Qui : Qui a péché ?
Quoi : Quelle est la matière du péché ?
Où : En quel lieu ?
Comment : En quelles circonstances ?
Avec quoi ou avec qui : L'instrument ou la créature qui a été la
matière du péché ?
Pourquoi; Quelles sont les impulsions qui ont créé l'ambiance
favorable au péché ?
Quand : Dans quelles conditions ou avec quelles réactions, et si c'est
accidentellement ou par suite d'habitudes malsaines ?
En effet, tu vois, Simon, la même faute peut avoir des nuances et des degrés
infinis selon toutes les circonstances qui l'ont créée et les individus qui
l'ont accomplie. Par exemple... Considérons deux péchés qui sont des plus
répandus, celui de la concupiscence charnelle et celui de la concupiscence
des richesses.
Une créature a fait un péché de luxure, ou croît avoir fait un péché de
luxure. Car parfois l'homme confond le péché et la tentation, ou bien porte le même jugement sur des
excitations créées artificiellement par un appétit malsain, et les pensées
qui s'élèvent par la réaction d'une souffrance maladive, ou aussi parce que
parfois la chair et le sang ont des appels imprévus qui résonnent dans l'âme
avant qu'elle ait le temps de se mettre en garde pour les étouffer. On vient
te dire : "J'ai péché par luxure". Un prêtre imparfait dirait :
"Anathème sur toi". Mais toi, mon Pierre, tu ne dois pas parler
ainsi. Car tu es le Pierre de Jésus, tu es le successeur de la Miséricorde.
Et alors, avant de condamner, tu dois examiner et toucher doucement et
prudemment le cœur qui pleure devant toi pour connaître tous les aspects
de la faute réelle ou supposée ou du scrupule.
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14> J'ai dit : doucement et prudemment. Te
rappeler qu'en plus que d'être Maître et Pasteur, tu es Médecin. Le médecin
n'envenime pas les plaies. Prompt à couper s'il y a de la gangrène, il sait
pourtant découvrir et soigner d'une main légère s'il y a seulement une
blessure avec déchirure de parties vivantes qu'il faut rassembler et non pas
arracher. Et te rappeler qu'en plus que d'être Médecin et Pasteur, tu es
Maître. Un maître règle ses paroles suivant l'âge de ses disciples. Il serait
scandaleux ce pédagogue qui à de jeunes enfants révélerait les lois animales
que les innocents ignorent en leur donnant ainsi des connaissances et des
malices prématurées. Quand aussi on s'occupe des âmes, c'est avec prudence
qu'il faut les interroger. Se respecter et respecter les autres.
Cela te sera facile si, en toute âme, tu vois un fils. Le père est
naturellement maître, médecin et guide de ses enfants. Aussi quelle que soit
la créature qui est devant toi, troublée par une faute ou par la crainte
d'avoir fauté, aime-la d'un amour de père, et tu sauras juger sans blesser et
sans scandaliser.
555.3 – Me suis-tu ?"
"Oui, Maître, je comprends très bien. Je devrai être prudent et patient,
persuader de découvrir les blessures, mais regarder par moi-même, sans
attirer l'attention d'autrui sur elles, et seulement quand je verrai qu'il y
a réellement une blessure dire : "Tu vois ? Tu t'es fait du mal pour
ceci ou cela". Mais si je vois que la créature a seulement peur de
s'être blessée, parce qu'elle a vu des fantômes, alors... souffler sur les
nuées sans donner, par un zèle inutile, des lumières qui pourraient éclairer
des vraies sources de fautes. Est-ce que je dis bien ?"
"Très bien. Donc, si quelqu'un te dit : "J'ai fait un péché de
luxure", examines qui tu as en face de toi. Il est vrai que le péché
peut se produire à tout âge. Mais on le rencontre plus facilement chez un
adulte que chez un enfant, et différentes seront par conséquent les questions
à poser et les réponses à faire suivant qu'il s'agit d'un adulte ou d'un
enfant. Vient à la suite de la première enquête, la seconde sur la matière du
péché, et puis la troisième sur l'endroit du péché, la quatrième sur les circonstances
du péché, et la cinquième sur les complices possibles du péché, la sixième
sur le pourquoi du péché, et la septième sur le moment et le nombre du péché.
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15> Tu verras que généralement alors que pour un
adulte, et un adulte vivant dans le monde, à chaque question tu verras
correspondre une circonstance qui implique la réalité de la faute, pour ceux
qui sont enfants par l'âge ou l'esprit, à de nombreuses questions tu devras
te répondre : "Ici il y a de la fumée, pas de faute réelle". Et
même tu verras parfais au lieu de fange il y a un lys qui tremble d'avoir été
éclaboussé par la boue et qui confond la goutte de rosée descendue dans son
calice avec l'éclaboussure de la boue. Âmes si désireuses du Ciel, qu'elles
craignent comme une tache jusqu'à l'ombre d'une nuée qui les met pour un
moment dans l'obscurité en s'interposant entre eux et le soleil mais passe
ensuite sans laisser de traces sur leur candide corolle. Âmes tellement
innocentes et désireuses de le rester, que Satan effraie par des imaginations
ou en excitant les aiguillons de la chair ou la chair elle-même, en profitant
de réelles maladies de la chair. Ces âmes doivent être consolées et soutenues,
car ce ne sont pas des pécheresses mais des martyres. Rappelle-le-toi toujours.
Et souviens-toi toujours de juger même ceux qui pèchent par avidité pour les
richesses ou autres biens d'autrui de la même manière. En effet si c'est une
faute maudite d'être avide et sans pitié en volant le pauvre, et contre la
justice en faisant tort aux citoyens, aux serviteurs ou aux peuples, moins
grave, beaucoup moins grave est la faute de celui à qui on a refusé du pain
et qui en dérobe au prochain pour passer sa faim, et celle de ses enfants.
Rappelle-toi, aussi bien pour le luxurieux que pour le voleur, il faut de la
mesure quand on juge le nombre des fautes, les circonstances et leur gravité
et aussi de la mesure pour apprécier le degré de connaissance du pécheur pour
le péché commis, au moment où il le commettait. En effet, celui qui agit en pleine
connaissance pèche davantage que celui qui agit par ignorance, et celui qui
agit en consentant librement pèche davantage que celui qui est poussé au
péché. En vérité je te dis que parfois il y aura des actes qui auront
l'apparence du péché et qui seront un martyre et auront la récompense donnée
pour un martyre souffert.
Et rappelle-toi surtout, dans
tous les cas, avant de condamner, que toi aussi tu as été un homme et que ton
Maître, que personne n'a jamais pu trouver en état de péché, n'a jamais
condamné personne qui se
fût repenti d'avoir péché.
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16> Pardonne septante fois sept, et même septante
fois septante, les péchés de tes frères et de tes enfants . Parce que fermer les portes du Salut à un
malade, seulement parce qu'il est retombé dans sa maladie, c'est vouloir le
faire mourir.
555.4 – As-tu compris ?"
"J'ai compris. Cela je l'ai vraiment compris..."
"Et alors, dis-moi maintenant tout ce que tu penses."
"Eh ! oui ! Je te le dis parce que je vois que vraiment tu connais tout
et je comprends que ce n'est pas murmurer que de te dire d'envoyer Judas à ma place, car il souffre de ne pas aller. Je
te le dis non pour te dire qu'il est envieux et me scandaliser à son propos,
mais pour lui donner la paix et... te donner la paix, car cela doit être bien
pénible pour Toi d'avoir toujours si près ce vent d'orage..."
"Judas s'est encore plaint ?"
"Eh ! oui ! Il a dit que chacune de tes paroles est pour lui une
blessure. Même ce que tu as dit pour les enfants. Il dit qu'en vérité c'est
pour lui que tu as dit qu'Ève alla à l'arbre parce qu'il lui plaisait cette
chose brillante comme une couronne de roi. Moi, vraiment, je n'avais trouvé
aucun rapport. Mais je suis ignorant. Barthélemy et le Zélote, au contraire, ont dit que vraiment Judas a été
''touché au plus vif", car il est ensorcelé par tout ce qui brille et
séduit la vanité. Et ils pourraient avoir raison car ils sont sages. Sois bon
avec tes pauvres apôtres, Maître ! Fais plaisir à Judas, et à moi avec lui.
De toute façon ! Tu le vois ? Je sais seulement amuser les enfants... et être
un enfant dans tes bras"
Il se serre contre son Jésus qu'il aime vraiment de toutes ses forces.
"Non. Je ne puis te faire plaisir. N'insiste pas. Toi, justement parce
que tu es ce que tu es, tu vas à la mission. Lui, justement parce qu'il est
comme il est, reste ici. Mon
frère aussi m'en avait parlé, et
malgré mon amour pour lui, je lui ai répondu "non". Même si ma Mère m'en priait je ne céderais pas. Ce n'est pas une
punition, mais un remède. Et Judas doit le prendre. Si cela ne sert
pas à son esprit cela servira au mien, car je ne pourrai pas me reprocher
d'avoir omis quelque chose pour le sanctifier."
Jésus est sévère et impérieux en parlant ainsi. Pierre laisse retomber ses
bras et baisse la tête en soupirant.
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17> 555.5 – "Ne t'afflige pas, Simon. Nous aurons
une éternité pour être unis et nous aimer. Mais tu avais autre chose à me
dire..."
"Il est tard, Maître. Tu dois dormir."
"Toi, plus que Moi, Simon. Toi qui à l'aube dois te mettre en
route."
"Oh ! Pour moi ! Être ici avec Toi me repose davantage que d'être au
lit."
"Parle donc. Tu sais que Moi, je dors peu..."
"Voilà ! Je suis une tête dure, je le sais et je le dis sans honte. Et
si c'était pour moi, il ne m'importerait pas beaucoup de savoir, car je pense
que la plus grande sagesse c'est de t'aimer et de te suivre et de te servir
avec tout mon cœur. Mais tu m'envoies ici et là, et les gens m'interrogent et
je dois leur répondre. Je pense que ce que je te demande à Toi, d'autres
peuvent me le demander, car les hommes ont les mêmes pensées. Tu disais hier
que toujours les innocents et les saints souffriront, et même que ce seront
eux qui souffriront pour tous . Cela est dur pour mon intelligence, et aussi
que tu dis qu'eux-mêmes le désireront. Et je pense que comme cela est dur
pour moi, cela peut l'être pour les autres. S'ils me questionnent, que
dois-je répondre ? Dans ce premier voyage, une mère m'a dit : "Ce
n'était pas juste que ma fillette meure avec tant de souffrances, car elle
était bonne et innocente". Et moi, ne sachant que dire, je lui ai dit
les paroles de Job : "Le Seigneur a donné, le Seigneur a enlevé. Que
soit béni le nom du Seigneur" . Mais je n'étais
pas convaincu moi non plus, et je ne l'ai pas convaincue. Je voudrais une
autre fois savoir que dire..."
"C'est juste.
555.6 – Écoute. Cela paraît une injustice et c'est
une grande justice que les meilleurs souffrent pour tous. Mais, dis-moi un
peu, Simon, qu'est-ce que la Terre, toute la Terre ?"
"La Terre ? Un espace grand, très grand, fait de poussière et d'eau, de
roches, de plantes, d'animaux et de créatures humaines."
"Et puis ?"
"Et puis, c'est tout... à moins que tu ne veuilles que je dise qu'elle
est pour l'homme un lieu de châtiment et d'exil."
"La Terre est un autel, Simon, un autel immense. Elle
devait être un autel de louange perpétuelle à son Créateur. Mais la Terre est
remplie de péchés. Elle doit donc être un autel de perpétuelle expiation, de
sacrifice, sur lequel brûlent les hosties. La Terre devrait, comme les autres
mondes répandus dans la Création , chanter les psaumes à Dieu qui l'a faite.
Regarde !"
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18> Jésus ouvre les volets de bois, et par la
fenêtre grande ouverte entre la fraîcheur de la nuit, la rumeur du torrent,
les rayons de la lune et on voit le ciel criblé d'étoiles.
"Regarde ces astres ! Ils chantent de leurs voix, qui est lumière et
mouvement dans les espaces infinis du firmament, les louanges de Dieu. Depuis
des millénaires dure leur chant qui s'élève des champs bleus du ciel jusqu'au
Ciel de Dieu. Nous pouvons considérer les astres et les planètes, les étoiles
et les comètes comme des créatures sidérales, qui comme des prêtres sidéraux,
des lévites, des vierges et des fidèles, doivent chanter dans un temple sans
limites les louanges du Créateur. Écoute, Simon. Tu entends le bruissement de
la brise dans les feuillages, et la rumeur des eaux dans la nuit. La Terre
aussi chante, comme le ciel, avec les vents, avec les eaux, avec la voix des
oiseaux et des animaux. Mais si pour le firmament c'est assez de la lumineuse
louange des astres qui la peuplent, ce n'est pas assez du chant des vents,
des eaux et des animaux, pour le Temple qu'est la Terre. Car sur elle, il n'y
a pas seulement les vents, les eaux et les animaux qui chantent
inconsciemment les louanges de Dieu, mais elle a aussi l'homme : la créature
parfaite, au-dessus de tout ce qui est vivant, dans le temps et dans le
monde, douée de matière comme les animaux, les minéraux et les plantes, et
d'esprit comme les anges du Ciel, et destinée comme eux, si elle est fidèle
dans l'épreuve, à connaître et à posséder Dieu, avec la grâce d'abord, avec
le Paradis ensuite. L'homme, synthèse qui embrasse tous les états ,
a une mission que les autres créatures n'ont pas et qui pour lui devrait
être, en plus d'un devoir, une joie : aimer Dieu.
Donner intelligemment et volontairement un culte d'amour à Dieu. Payer Dieu
de l'amour qu'Il a donné à l'homme en lui donnant la vie et en lui donnant le
Ciel après la vie. Donner un culte intelligent.
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19> Considère, Simon. Quel bien Dieu retire-t-Il de
la création ? Quel profit ? Aucun. La Création n'accroît pas Dieu, elle ne le sanctifie pas,
elle ne l'enrichit pas. Lui est infini. Il aurait été tel même si la Création
n'avait pas existé. Mais Dieu-Amour voulait avoir de l'amour, et Il a créé
pour avoir de l'amour. C'est uniquement de l'amour que Dieu peut tirer de la
Création, et cet amour, qui est intelligent et libre uniquement chez les
anges et les hommes, est la gloire de Dieu, la joie des anges, la religion pour les hommes. Le jour où le grand autel de la
Terre ne ferait plus entendre des louanges et des supplications d'amour, la Terre cesserait d'exister. Car une
fois l'amour éteint, serait éteinte la réparation, et la colère de Dieu
anéantirait l'enfer terrestre que serait devenu la Terre. Donc la Terre
pour exister doit aimer. Et de plus : la Terre doit être le Temple qui
aime et prie avec l'intelligence des hommes. Mais dans le Temple, dans tout
temple, quelles victimes offre-t-on ? Les victimes pures, sans tache ni tare.
Elles seules sont agréables au Seigneur. Elles et les prémices, car au Père
de la famille il faut donner les choses les meilleurs et à Dieu, Père de la
famille humaine, il faut donner les prémices de toutes choses et les choses
choisies.
555.7 – Mais j'ai dit que la Terre a un double devoir de sacrifice : celui
de la louange et celui de l'expiation. En effet l'Humanité qui la couvre a
péché chez les premiers hommes et ne cesse de pécher, en ajoutant au péché de
manque d'amour pour Dieu, les mille autres de ses attachements aux voix du
monde, de la chair et de Satan. Coupable, coupable Humanité qui ayant la
ressemblance avec Dieu, ayant en propre l'intelligence et des secours divins,
est pécheresse toujours, et toujours plus. Les astres obéissent, les plantes
obéissent, les éléments obéissent, les animaux obéissent et, comme ils
savent, louent le Seigneur. Les hommes n'obéissent pas et
ne louent pas suffisamment le Seigneur. Voici alors la nécessité d'âmes hosties qui
aiment et expient pour tous. Ce sont les enfants qui, innocents et ignorants,
paient l'amer châtiment de la douleur pour ceux qui ne savent que pécher; ce
sont les saints qui volontairement se sacrifient pour tous.
D'ici peu — un an ou un siècle, c'est toujours "peu" par rapport à
l'éternité — on ne célébrera plus d'autres holocaustes sur l'autel du grand
Temple de la Terre que celui des hommes-victimes, consumées avec
le sacrifice perpétuel : hosties avec l'Hostie parfaite. Ne te bouleverse
pas, Simon. Je ne dis pas que j'établirai un culte semblable à celui de
Moloch, de Baal et d'Astarté.
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20> Ce sont les hommes eux-mêmes qui nous
immoleront. Tu comprends ? Nous immoleront. Et nous irons joyeusement à la
mort, afin d'expier et d'aimer pour tous. Et puis viendront les temps où les
hommes n'immoleront plus les hommes. Mais toujours il y aura des victimes
pures que l'amour consumera avec la Grande Victime dans le Sacrifice
perpétuel. Je dis
l'amour de Dieu et l'amour pour Dieu. En vérité elles seront les hosties du
temps et du Temple à venir. Non pas les agneaux et les boucs, les veaux et
les colombes, mais le sacrifice du cœur est ce qui plaît à Dieu. David en a
eu l'intuition . Et dans le temps nouveau, temps de l'esprit et de
l'amour, seul ce sacrifice sera agréable.
Considère, Simon, que si un Dieu a dû s'incarner pour apaiser la Justice
divine pour le grand Péché, pour les nombreux péchés des hommes, dans le
temps de la vérité seuls les sacrifices des esprits des hommes peuvent
apaiser le Seigneur. Tu penses : "Mais pourquoi Lui, le Très-Haut,
a-t-Il donné l'ordre d'immoler les petits des animaux et les fruits des
plantes" ? Moi, je te le dis : c'est parce qu'avant ma
venue, l'homme était un holocauste souillé, et parce qu'on ne connaissait pas
l'Amour. Maintenant il sera connu. Et l'homme, qui connaîtra l'Amour parce
que je rendrai la Grâce par laquelle l'homme connaît l'Amour, sortira de la
léthargie, se souviendra, comprendra, vivra, remplacera les boucs et les
agneaux, devenant hostie d'amour et d'expiation, pour imiter son Maître et
Rédempteur. La douleur, jusqu'à présent châtiment, se changera en amour
parfait, et bienheureux seront ceux qui l'embrasseront par amour
parfait."
"Mais
les enfants..."
"Tu veux dire ceux qui ne savent pas encore s'offrir... Et sais-tu quand
Dieu parle en eux ? Le langage de Dieu est un langage spirituel. L'âme le comprend et l'âme n'a pas d'âge. Et même je
te dis que l'âme enfantine, parce que sans malice, est pour la capacité de
comprendre Dieu, plus adulte que celle d'un vieillard pécheur. Je te dis,
Simon, que tu vivras assez pour voir de nombreux petits enseigner aux
adultes, et aussi à toi-même, la sagesse de l'amour héroïque. Mais en ces
petits qui meurent de mort naturelle, c'est Dieu qui opère directement, pour
les raisons d'un amour si élevé que je ne puis te l'expliquer, en les faisant
entrer dans les sagesses qui sont écrites dans les livres de la Vie et
qui ne seront lues que dans le Ciel par les bienheureux.
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21> Lues, ai-je dit, mais en vérité, il suffira de
regarder Dieu pour connaître non seulement Dieu, mais aussi son infinie
sagesse... Nous avons fait venir le coucher de la lune, Simon... L'aube va
arriver et tu n'as pas dormi..."
"N'importe, Maître. J'ai perdu quelques heures de sommeil, et j'ai
acquis tant de sagesse, et je suis resté avec Toi. Mais si tu le permets
maintenant je m'en vais, non pour dormir, mais pour revenir sur tes
paroles."
Il est
déjà sur la porte et il va sortir quand il s'arrête pensif et dit
ensuite :
"Encore une chose, Maître. Est-il juste que je dise à quelqu'un qui
souffre que la douleur n'est pas un châtiment mais une... grâce, quelque
chose comme... comme notre appel, beau même s'il est pénible, beau même s'il
peut paraître, à celui qui ne sait pas, une chose rebutante et triste ?"
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