Les
âmes victimes sont autrement appelées hosties
mot désignant à l’origine les animaux offerts en expiation. Ce mot a été
étendu au pain eucharistique qui, une fois consacré, devient la présence
réelle du Christ, victime offerte, une fois pour toutes, pour le rachat des
hommes. Elles désignent, par extension, les âmes qui s’unissent à la
Passion du Christ par amour pour l’Humanité.
On dit aussi qu’elles s’offrent en « victime d’holocauste ». Si ce mot
évoque aujourd’hui, la Shoah ou extermination planifiée des juifs par les
nazis, il trouve son origine dans les sacrifices du judaïsme au cours
desquels les animaux étaient entièrement consumés par le feu dans le but d’expier
les fautes d’un individu ou du peuple tout entier.
Par sa Passion, le Christ s’est offert lui-même en victime pour l’expiation
définitive des péchés de toute l’humanité.
Plus que toute autre, ces âmes victimes perçoivent l’immense
amour du Christ pour l’Humanité qu’elles veulent partager en faisant librement
don de leur vie humaine à Dieu, en la conditionnant toute entière à la
Volonté divine, à la suite et à l’imitation de Jésus-Christ qu’elles
suivent sur la Croix.
On les dit « corédemptrices » en référence à la phrase de saint
Paul :
« Maintenant
je trouve la joie dans les souffrances que je supporte pour vous ; ce qui reste à souffrir des épreuves du
Christ dans ma propre chair, je l’accomplis pour son corps qui est
l’Église ».
Et par ailleurs :
« Je porte dans mon corps les stigmates (marques) des souffrances de
Jésus ».
Ce
mot stigmate avait un sens plus large dès saint Paul : les signes et le prolongement
de la Passion du Christ dans la vie des chrétiens.
Si
Paul fut le premier à exprimer sa joie d’être un corédempteur, on ne
connaît que François d’Assisse comme premier stigmatisé.
Le
courant mystique des âmes victimes pris un essor particulier avec le siècle
d’or de la mystique espagnole. L’Espagne du XVIe vit éclore trois docteurs
de l’Église144 dans une population de 8 millions d’habitants seulement.
Ce
fut saint Ignace de Loyola, fondateur des jésuites, qui formula le premier
acte d’offrande de sa personne. Il fut repris par beaucoup d’autres parmi
les plus grands mystiques et notamment, mais pas seulement, par les
carmélites : sainte Thérèse d’Avila, sainte Thérèse de l’Enfant-Jésus,
sainte Élisabeth de la Trinité, sainte Édith Stein, etc.
C’est
par les souffrances de son corps que le Christ a acquis les mérites de la
Passion. Ces âmes s’unissent donc à la Passion du Christ vécue pour la
rédemption des hommes pécheurs.
Ces
âmes victimes font don de leur vie humaine à Dieu, en la conditionnant
toute entière à la Volonté divine. Elles ne veulent que ce que Dieu veut
d’elles. Elles ne désirent que Dieu, en s’offrant et s’immolant
elles-mêmes, par amour pour Dieu, pour réparer leurs offenses et plus
encore, celles d'autrui.
Ce
mot stigmate avait un sens plus
large dès saint Paul : les signes et le prolongement de la Passion du
Christ dans la vie des chrétiens.
La
première personne connue pour avoir portés les stigmates visibles de la
Passion, fut saint François d’Assise au XIIIe siècle.
En
1224, deux ans avant sa mort, il priait lors de la fête de la Croix
Glorieuse, le 14 septembre. Il voulait éprouver avant qu’il ne meure, dans
son âme et dans son corps « les souffrances que Toi, disait-il au
Christ, Tu as dû subir dans Ta cruelle Passion, et ressentir cet amour
démesuré qui T'a conduit, Toi, le Fils de Dieu, à souffrir tant de peines
pour nous, misérables pécheurs ! ».
Il
reçut alors d’une vision cinq rayons de lumière qui frappèrent son côté,
ses deux mains et ses deux pieds, en même temps qu’il éprouvait une joie
mêlée de douleur. Ces stigmates demeurèrent. Le Pape Sixte V (1585-1590),
un franciscain, instaura la fête des stigmates de saint François au 17
septembre et le Pape Paul V (1605-1621) étendit cette fête à l’Église
universelle.
Peut-être
d’autres en eurent précédemment, mais ils nous demeurent inconnus sinon
saint Paul. Les stigmates ne sont pas que les marques visibles de la Passion
du Christ sur les mains, les pieds et le côté : ils peuvent prendre la
forme de maladies ou de souffrances morales portées par le stigmatisé.
Au
début du XXe siècle on recensait officiellement 321 stigmatisés
dont 85% était des femmes,
principalement religieux ou religieuses, mais pas uniquement. Un tiers
seulement d’entre eux a été canonisé.
À
côté de ce recensement officiel, il est certain que beaucoup participèrent
au grand mouvement exceptionnel des âmes-victimes, stigmatisées ou non. Ils
ont pour caractéristiques communes :
-
L’union au Christ, seul Rédempteur et à son amour pour l’Humanité.
-
L’offrande volontaire d’eux-mêmes selon la volonté de Dieu.
-
Pour la réparation de leurs fautes personnelles et surtout celles de
l‘Humanité.
-
Dans la joie partagée avec le Christ désirant ardemment sa Passion :
Je
suis venu apporter un feu sur la terre, et comme je voudrais qu’il soit
déjà allumé ! dit-il peu de temps avant son arrestation. Je dois recevoir
un baptême, et quelle angoisse est la mienne jusqu’à ce qu’il soit accompli
!
Le
débordement d’amour qui conduit à prendre en charge la souffrance des
autres, dans la joie de les en délivrer, est le mystère des âmes victimes à
la suite et à l’imitation du Christ.
Si
le Christ appelle Amélie de Gibergues, une âme victime, à devenir l’une des
issues qui permettront à ses débordements d’amour d’irriguer la terre,
c’est bien à un « amour crucifié » qu’il la convie et il lui
précise :
On
ne peut souffrir sans souffrir.
Mais
rajoute d’un martyre soulageant le cœur, comme il le fut pour la vierge
Marie, consolée de pouvoir adoucir un peu, par sa compassion, le martyre de
son Fils :
Souffrir
de Jésus : indicible
douleur !
Souffrir
pour Jésus : indicible
douceur !
Martyrs
et âmes victimes.
Le
Christ a donné sa vie en sacrifice pour le Salut du Monde et ses disciples
comprennent plus largement la nécessité de ce don : ceux qui ne
comprennent pas qu’ils doivent donner leur vie et leur mort, après moi,
pour le Salut du Monde, ne sont pas dignes de moi.
Le
martyr comme l’âme victime affrontent le Mal à la suite et à l’imitation de
Jésus, de manière sanglante ou discrète, spectaculaire ou invisible. Leur
voie respective diffère en quelques points :
Le
martyre jusqu’au sang est donné de l’extérieur par haine du Christ. L’âme
victime s’immole volontairement de l’intérieur.
Tous
les deux affrontent, dans des durées et une intensité variables, la
souffrance physique et morale comme le fit intégralement Jésus. Si les
souffrances du Christ atteignent leur paroxysme dans sa Passion, ses
souffrances ne l’ont pas quitté durant sa vie terrestre. Il le confie à
diverses mystiques telles Conception de Armida, Maria Valtorta ou Amélie de
Gibergues. Il ne trouvait de réelles consolations qu’auprès de sa Mère et
dans les dialogues avec son Père.
La
première des femmes victimes et la plus grande fut justement la Vierge Marie.
Si
le martyre du sang est souvent public et connu,
l’immolation des âmes victimes est souvent discrète et cachée. Celles qui
ont émergées par hasard donnent à penser que bien d’autres restent
inconnues et qu’elles brilleront d’un éclat extraordinaire au dernier jour.
Ceux
qui reçoivent ainsi « la couronne de gloire » dont parle saint
Paul,
reçoivent aussi la consolation du Ciel : le premier martyr, Étienne,
dont le nom signifie couronne, en témoigne.
Il vit la gloire de Dieu, et Jésus debout à la droite de Dieu et déclara :
« Voici que je contemple les cieux ouverts et le Fils de l’homme
debout à la droite de Dieu. », puis s’endormit dans la mort.
Martyr
et âme victime s’unissent au Christ pour la Rédemption des hommes. Le Catéchisme de l’Église catholique
rappelle que le martyre obtient la purification radicale des péchés pour
soi et pour les autres.
Ces
différentes distinctions sont importantes dans la lecture des témoignages
qui suivent : ceux d’une trentaine d’âmes victimes prises parmi toutes
celles qui se succédèrent durant le XXe siècle. Un choix plus
représentatif qu’exhaustif.
L’ampleur
de tous ces témoignages dans le XXe siècle évoque la prophétie de Grignion
de Montfort sur les « apôtres des derniers temps ». Ces témoins
que Marie suscitera et éduquera en prélude à une « nouvelle
Pentecôte » prédite inlassablement par les papes : de Pie XI à
Benoît XVI.
Ces
âmes victimes sont des femmes pour les trois quarts et des hommes pour un
quart. Elles sont religieuses ou laïques. Souvent canonisées ou béatifiées,
mais pas nécessairement. Elles permettent, par leur diversité, de mieux
comprendre comment le Christ est mystiquement présent en notre temps et
comment Il suscite, par leur exemple transcendant, des actions
« providentielles ».
Les
chrétiens qui continuent l’immolation du Christ pour le monde, se succèdent
depuis saint Paul (référence), mais plus intensément en certains siècles de
la vie de l’Église. Ces âmes sont le plus souvent secrètes.
À la
vénérable Conceptión de Armida, une mexicaine
promotrice des « Œuvre de la Croix », qui s’inquiétait de savoir
si les grâces que Jésus lui promettait n’étaient le fruit de son
imagination, Il répondit :
Tu
discerneras tout cela par les résultats (heureux) qui en découleront.
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