Le lundi 4 février 1946.
129> 376.1 – Un grand nombre de disciples,
hommes et femmes, ont pris congé pour revenir aux maisons où ils logent, ou
pour reprendre les chemins par lesquels ils étaient venus.
Dans le splendide après-midi de cette fin d'avril, il reste à la maison de
Lazare les disciples proprement dits, et particulièrement ceux qui sont le plus voués à la prédication.
C'est-à-dire les bergers, Hermas et Étienne, le prêtre Jean, Timon, Hermastée, Joseph d'Emmaüs, Salomon, Abel de Bethléem de Galilée, Samuel et Abel de Corozaïn, Agape, Aser et Ismaël de
Nazareth, Élie de Corozaïn, Philippe d'Arbela, Joseph le passeur de Tibériade, Jean d'Éphèse, Nicolaï
d'Antioche. Il reste des femmes, en
plus des disciples connues, Annalia, Dorca, la mère
de Judas, Myrta, Anastasica, les filles de
Philippe. Je ne vois plus Miryam de Jaïre,
ni Jaïre lui-même. Peut-être est-t-il retourné où il logeait.
Ils circulent lentement dans les cours ou sur la terrasse de la maison, alors
qu'autour de Jésus, qui est assis près du lit de Lazare, se trouvent presque
toutes les femmes et toutes les anciennes disciples.
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130> Elles écoutent Jésus qui parle avec Lazare, décrivant
les pays traversés au cours des dernières semaines avant le voyage pascal.
376.2 – "Tu
es arrivé juste à temps pour sauver le bébé" commente Lazare après le
récit du fort de Césarée de Philippe, en montrant le poupon qui dort heureux
dans les bras de sa mère. Et Lazare ajoute : "C'est un bel
enfant ! Femme, fais-le-moi voir de près !"
Dorca se lève et, silencieuse mais triomphante, elle offre son bébé à l'admiration du malade.
"Un bel enfant ! Vraiment beau ! Que le Seigneur le protège et
le fasse croître en force et en sainteté."
"Et fidèle à son Sauveur. S'il ne devait pas l'être à l'avenir, je le
voudrais mort, même maintenant. Tout, mais qu'après avoir été sauvé, il ne
soit pas ingrat envers le Seigneur !" dit Dorca fermement en
revenant à sa place.
"Le Seigneur arrive toujours à temps pour sauver" dit Myrta, mère
d'Abel de Bethléem. "Le mien n'était pas moins proche de la mort - et de
quelle mort ! - que le bébé de Dorca. Mais Lui est arrivé et il l'a
sauvé. Quelle heure terrible !..."
Myrta pâlit encore à ce souvenir...
"Alors tu viendras à temps aussi pour moi, n'est-ce pas ? Pour me
donner la paix..." dit Lazare en caressant la main de Jésus.
"Mais n'es-tu pas un peu mieux, mon frère ?" demande Marthe.
Depuis hier tu me semblés plus soulagé..."
"Oui, et je m'en étonne moi-même. Peut-être Jésus..."
"Non, mon ami. C'est que j'ai versé en toi ma paix. Ton âme en est saturée et cela assoupit la souffrance des membres.
C'est un décret de Dieu que tu souffres."
"Et que je meure. Dis-le aussi. Eh bien... que soit faite sa volonté,
comme tu l'enseignes. Désormais je ne demanderai
plus la guérison, ni de soulagement. J'ai tant eu de Dieu (et il regarde
involontairement Marie, sa sœur) qu'il est juste que je donne ma soumission
en échange de pareil bien..."
376.3 – "Fais
davantage, mon ami. C'est déjà beaucoup de se résigner et de supporter la douleur. Mais, toi, donne-lui une valeur
plus grande."
"Laquelle, mon Seigneur ?"
"Offre-la pour la rédemption des hommes."
"Je suis un pauvre homme, moi aussi, Maître. Je ne puis aspirer à
être un rédempteur."
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131> "Tu le dis, mais tu es dans l'erreur.
Dieu s'est fait Homme pour aider les hommes. Mais les hommes peuvent aider
Dieu. Les œuvres des justes seront unies aux miennes à l'heure de la
Rédemption. Des justes qui sont morts depuis des siècles, de ceux qui vivent
maintenant ou qui vivront dans l'avenir. Toi, unis-leur les tiennes dès
maintenant. C'est si beau de s'unir à la Bonté divine, d'y ajouter ce que
nous pouvons donner de notre bonté limitée, et de dire : "Moi
aussi, ô Père, je coopère au bien de mes frères". Il ne peut pas y avoir
d'amour plus grand pour le Seigneur et pour le prochain que de savoir
souffrir et mourir pour donner gloire au Seigneur et salut éternel à nos
frères. Se sauver soi-même ? C'est peu. C'est
un "minimum" de sainteté. Il est beau de sauver, de se donner
pour sauver, de pousser l'amour jusqu'à se rendre un brasier d'immolation
pour sauver. Alors l'amour est parfait. Et très grande sera la sainteté de
celui qui est généreux."
"Comme c'est beau, tout cela, n'est-ce pas, mes sœurs ?" dit
Lazare avec un sourire de rêve sur son fin visage.
Marthe, émue, approuve d'un signe de tête.
376.’ – Marie, qui est assise sur un coussin
aux pieds de Jésus, dans sa pose habituelle d'humble et ardente adoratrice,
dit :
"Peut-être que c'est moi qui coûte ces souffrances à mon frère ?
Dis-le-moi, Seigneur, pour que mon angoisse soit complète !..."
Lazare s'écrie :
"Non, Marie, non. Moi... je devais mourir de cela. Ne te transperce pas
le cœur."
Mais Jésus, sincère jusqu'au bout, dit :
"Certainement que oui ! Moi, j'ai entendu ton bon frère dans ses
prières, dans ses palpitations. Mais cela ne doit pas te donner une angoisse
qui t'alourdisse, mais au contraire le désir de devenir parfaite à cause de
ce que tu as coûté. Et réjouis-toi ! Réjouis-toi car, pour t'avoir,
Lazare t'a arrachée au démon..."
"Non pas moi ! Toi, Maître."
"...pour t'avoir arrachée au démon, il a mérité de Dieu une future
récompense grâce à laquelle parleront de lui les nations et les anges. Et
comme pour Lazare, ils parleront d'autres hommes, et surtout d'autres femmes,
qui par leur héroïsme ont arraché sa proie à Satan."
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132> "Qui est-ce ? Qui est-ce ?"
demandent les femmes curieuses et peut-être que toutes espèrent qu'il s'agit
d'elles, chacune pour son compte.
376.5 – Marie
de Judas ne parle pas, mais elle regarde, elle regarde le Maître... Jésus
aussi la regarde. Il pourrait la garder dans l'illusion. Il ne le fait pas.
Il ne la mortifie pas, mais il ne l'illusionne pas. Il répond à toutes :
"Vous le saurez au Ciel."
La mère de Judas, qui vit dans une angoisse continuelle, demande :
"Et si quelqu'une ne réussit pas malgré son désir ? Quel sera son
sort ?"
"Celui que son âme mérite par sa bonté."
"Le Ciel ? Mais, ô Seigneur, une femme, une sœur ou une mère qui...
qui ne réussit pas à sauver ceux qu'elle aime et qui les voit damnés,
pourrait-elle posséder le Paradis, tout en étant au Paradis ? Ne
crois-tu pas qu'elle n'aura jamais de joie puisque... la chair de sa chair,
le sang de son sang auront mérité la condamnation éternelle ? Moi, je
pense qu'elle ne pourra pas jouir en voyant celui qu'elle aime en
proie à une peine atroce..."
"Tu es dans l'erreur, Marie. La vue de Dieu, la possession de Dieu, sont
les sources d'une béatitude tellement infinie qu'il ne subsiste pas de peine
pour les bienheureux. Actifs et attentifs pour aider ceux qui peuvent encore
être sauvés, ils ne souffrent plus pour ceux qui sont séparés de Dieu, et
séparés d'eux-mêmes, qui sont en Dieu. La Communion des saints existe pour
les saints."
"Mais s'ils aident ceux qui peuvent être encore sauvés, c'est signe que
ces derniers ne sont pas encore saints" objecte Pierre.
"Mais ils ont la volonté, au moins passive, de l'être. Ceux qui sont
saints en Dieu, aident même dans les besoins matériels pour faire passer ceux
qui n'ont qu'une volonté passive à une volonté active. Me
comprends-tu ?"
"Oui et non. Voici un exemple. Si moi j'étais au Ciel et si je voyais,
supposons, un mouvement fugitif de bonté chez... Eli le pharisien, admettons,
que ferais-je ?"
"Tu te servirais de tous les moyens pour accroître ses bons
mouvements."
"Et si cela ne servait à rien ? Ensuite ?"
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133> "Ensuite, quand lui serait damné, tu t'en
désintéresserais."
"Et si, comme il l'est maintenant, il était tout à fait digne de
damnation, mais m'était cher — chose qui ne sera jamais — que devrais-je
faire ?"
"Avant tout sache que tu risques de te damner en disant qu'il ne t'est
pas cher et qu'il ne le sera jamais. Ensuite sache que si tu étais au Ciel,
tout un avec la Charité, tu prierais pour lui, pour son salut, jusqu'au
moment de son jugement. Il y aura des esprits sauvés au dernier moment après
une vie de prière pour eux."
376.6 – Il
entre un serviteur qui dit :
"Manahen est
venu. Il veut voir le Maître."
"Qu'il vienne. Il veut certainement parler de choses sérieuses."
Les femmes, par discrétion, se retirent et les disciples les suivent. Mais
Jésus rappelle Isaac, le prêtre Jean, Étienne et Hermas, et Mathias et
Joseph, des bergers disciples.
"Il est bien que vous, qui êtes des disciples, vous soyez au
courant" explique-t-il.
Manahen entre et il s'incline.
"La paix à toi" dit Jésus pour le saluer.
"La paix à Toi, Maître. Le soleil se couche. Mes premiers pas, après le
sabbat, sont pour Toi, mon Seigneur."
"Tu as eu une bonne Pâque ?"
"Bonne !! Il ne peut y avoir rien de bon là où se trouvent Hérode
et Hérodiade ! J'espère que c'est la dernière
fois que j'ai mangé l'agneau avec eux. Même si je dois en mourir, je ne
resterai plus longtemps avec eux !"
"Je crois que tu fais une erreur. Tu peux servir le Maître en
restant..." objecte l'Iscariote.
"C'est vrai, et c'est cela qui m'a retenu jusqu'à présent. Mais quelle
nausée ! Kouza pourrait me remplacer..."
Barthélemy fait remarquer :
"Kouza ce n'est pas Manahen. Kouza est... Oui, lui sait mener sa barque.
Il ne critiquerait jamais son maître. Toi, tu es plus franc."
"Cela est vrai et c'est vrai ce que tu dis. Kouza est un courtisan. Il
subit la fascination de la royauté... Royauté ! Que dis-je !? De la
fange royale ! Mais il lui semble être roi, parce qu'il est avec le
roi... Et il a peur de la disgrâce royale. L'autre soir il était comme un
chien battu. C'est presque en rampant qu'il a paru devant Hérode qui l'avait
appelé après avoir entendu les lamentations de Salomé chassée par Toi.
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134> Kouza a passé un mauvais quart d'heure. On lisait sur son
visage le désir de se sauver, à tout prix, même en t'accusant, en te donnant
tort. Mais Hérode !... Il voulait seulement rire aux dépens de la jeune
fille dont il a désormais la nausée, comme il a la nausée de sa mère. Et il
riait comme un fou en entendant répéter tes paroles par Kouza. Il
répétait : "Trop, trop doux encore pour cette jeune... (et il
disait un mot si grossier que je ne te le répète pas). Il aurait dû piétiner
son sein avide... Mais il se serait contaminé !" et il riait. Puis,
devenant sérieux, il dit : "Pourtant... l'affront, mérité par la
femme, n'est pas permis pour la couronne. Je suis magnanime (c'est son idée
fixe de l'être, et comme personne ne le lui dit, il le dit de lui-même) et je
pardonne au Rabbi parce qu'il a dit à Salomé la vérité. Mais pourtant je veux
qu'il vienne à la Cour pour Lui pardonner tout à fait. Je veux le voir,
l'entendre et Lui faire opérer des miracles. Qu'il vienne, et je me ferai son
protecteur". C'est ainsi qu'il parlait l'autre soir, et Kouza ne savait
que dire. Au monarque, il ne voulait pas dire non. Il ne pouvait pas dire
oui. Car tu ne peux certainement pas accéder aux volontés d'Hérode.
Aujourd'hui il m'a dit : "Tu vas certainement le trouver... Dis-lui
ma volonté". Je la dis, mais... je connais déjà la réponse. Dis-la-moi,
pourtant, pour que je puisse la transmettre."
"Non !"
Un non qui paraît un coup de foudre.
"Ne vas-tu pas t'en faire un ennemi trop puissant ?" demande
Thomas.
"Un bourreau, même. Mais je ne puis que répondre: "non."
"Il nous persécutera..."
"Oh : d'ici trois jours, il ne s'en souviendra plus" dit
Manahen haussant les épaules. Puis il ajoute: "On lui a promis des...
mimes... Elles vont arriver demain... Et il oubliera tout :..."
376.7 – Le
serviteur revient :
"Maître, il y a Nicodème,
Joseph
et d'autres pharisiens et chefs du Sanhédrin. Ils veulent te saluer."
Lazare regarde Jésus, l'air
interrogateur. Jésus comprend :
"Qu'ils viennent ! Je les saluerai volontiers."
Peu après entrent Nicodème, Joseph, Eléazar (le
juste du banquet d'Ismaël), Jean
(celui du lointain banquet d'Arimathie), un autre que j'entends appeler Josué, un Philippe, un Jude, et le dernier Joachim.
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135> Les salutations n'en finissent plus. Heureusement que
la pièce est vaste, autrement comment feraient-ils pour déployer tant
d'inclinations et d'embrassades et de luxueux manteaux ? Mais si grande
qu'elle soit elle est vite comble, et les disciples s'esquivent. Il ne reste
plus que Lazare avec Jésus. Peut-être aussi il ne leur paraît pas indiqué de
se trouver sous le feu de tant de pupilles synhédristes !
"Nous savons que tu es à Jérusalem, ô Lazare. Et nous sommes
venus !" dit celui qu'on appelle Joachim.
"J'en suis étonné et réjouis. Parfois je ne me rappelais plus ton
visage..." dit Lazare, un peu ironique.
"Mais... tu sais... On voulait toujours venir. Mais... Tu étais
disparu..."
"Et il ne semblait pas vrai que je l'étais ! Il est très difficile
en effet de venir chez un malheureux !"
"Non ! Ne dis pas cela ! Nous... respections ton désir. Mais
maintenant que... maintenant que... n'est-ce pas Nicodème?"
"Oui, Lazare. Les anciens amis reviennent, désireux d'avoir de tes
nouvelles et de vénérer le Rabbi."
"Quelles nouvelles m'apportez-vous ?"
"Hum !... Voilà... Les choses ordinaires... Le monde...
Oui..." ils regardent du côté de Jésus qui est droit sur son siège, un
peu absorbé.
376.8 – "Comment
donc tous ensemble aujourd'hui, alors que le sabbat est à peine
fini ?"
"Il y a eu une assemblée extraordinaire."
"Aujourd'hui ?! Pour quelle raison si urgente ?"
Ceux qui sont présents regardent Jésus de manière significative. Mais Lui est
absorbé... "Plusieurs motifs..." répondent-ils ensuite.
"Et qui ne concernent pas le Rabbi ?"
"Si, Lazare. Lui aussi. Mais un grave fait a été jugé aussi, pendant que
les fêtes nous ont tous rassemblés dans la ville..." explique Joseph d'Arimathie.
"Un fait grave ? Lequel ?"
"Une... une erreur de... jeunesse... Hum ! Oui ! Une
discussion violente parce que... Rabbi, écoute-nous. Tu es parmi des gens
honnêtes. Même si nous ne sommes pas disciples, nous ne sommes pas des
ennemis. Dans la maison d'Ismaël tu m'as dit
que je ne suis pas loin de la justice" dit Eléazar.
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136> "C'est vrai. Et je le confirme."
"Et moi, je t'ai défendu au banquet de Joseph, contre Félix" dit
Jean.
"Cela est vrai aussi."
"Et eux pensent comme nous. Nous avons été convoqués aujourd’hui pour
décider... et nous ne sommes pas contents de ce qui a été décidé. Car le plus
grand nombre l'a emporté contre nous. Toi, qui es sage plus que Salomon,
écoute et juge."
Jésus les pénètre de son regard profond, puis il dit :
"Parlez."
"Sommes-nous sûrs de n'être pas entendus ? Car c'est... une chose
horrible..." dit celui qui a nom Jude.
"Ferme la porte et le rideau, et nous serons dans un tombeau" lui
répond Lazare.
376.9 – "Maître,
hier matin, tu as dit à Eléazar d'Hanne de ne pas se contaminer pour aucune
raison. Pourquoi le lui as-tu dit ?" demande Philippe.
"Parce qu'il fallait le dire. Lui se contamine, mais pas Moi. Les livres
sacrés le disent."
"C'est vrai. Mais comment sais-tu qu'il se contamine. Peut-être la jeune
fille t'a parlé avant de mourir ?" demande Eléazar.
"Quelle jeune fille ?"
"Celle qui est morte après avoir été violentée, et avec elle sa mère. On
ne sait pas si c'est la douleur qui les a tuées, ou si elles se sont tuées,
ou si on les a empoisonnées pour les empêcher de parler."
"Moi, je ne savais rien de tout cela. Je voyais l'âme corrompue du fils
d'Hanne. J'en sentais la puanteur. J'ai parlé. Je ne savais ni ne voyais rien
d'autre."
"Mais qu'est-il arrivé ?" demande Lazare intéressé.
"Il est arrivé qu'Eléazar d'Hanne a vu une jeune fille, fille unique
d'une veuve et... il l'a attirée soi-disant pour lui commander du travail,
parce que pour vivre elle travaillait dans le vêtement, et... il en a abusé.
La jeune fille est morte... trois jours après, et la mère avec elle. Mais avant de mourir, malgré les menaces reçues, elles ont tout dit à
leur unique parent...
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137> Et lui est allé chez Hanne porter
l'accusation et, non content de cela, il l'a dit à Joseph, à moi, à
d'autres... Hanne l'a fait saisir et jeter en prison. De là, il ira à la mort
ou restera toujours prisonnier. Aujourd'hui Hanne a voulu savoir ce que nous
en pensions" dit Nicodème.
"Il ne l'aurait pas fait s'il n'avait pas su que nous savions déjà"
murmure Joseph entre ses dents.
"Oui... Après un semblant de vote, un simulacre de jugement, on a décidé
de l'honneur et de la vie de trois malheureux et de la punition du
coupable" dit pour finir Nicodème.
"Eh bien?"
"Eh bien ! C'est naturel ! Nous qui avons voté pour la liberté
de l'homme et la punition d'Eléazar, nous avons été menacés et chassés comme
injustes. Toi, qu'en dis-tu ?"
"Que Jérusalem m'inspire du dégoût et qu'à Jérusalem l'abcès le plus
fétide, c'est le Temple" prononce lentement et d'une voix terrible
Jésus.
Et il termine :
"Rapportez-le donc à ceux du Temple."
"Et Gamaliel, qu'a-t-il fait ?" demande Lazare.
"Dès qu'il a connu le fait, il s'est couvert le visage et il est sorti
en disant : "Que vienne vite le nouveau Samson pour faire périr les
philistins corrompus."
"Il a bien parlé ! Mais bientôt il viendra."
Un silence.
376.10 – "Et de Lui. on n'a pas
parlé ?" demande Lazare en montrant Jésus.
"Oh ! si ! Avant tout le reste. On a rapporté que tu as
déclaré "mesquin" le royaume d'Israël et par conséquent on t'a
déclaré blasphémateur. Sacrilège même, car le royaume d'Israël appartient à
Dieu."
"Ah ! oui ?! Et
comment le Pontife a-t-il appelé celui qui a violé une vierge ? Celui
qui a souillé son ministère ? Répondez !" demande Jésus.
"Lui, c'est le fils du Grand Prêtre, car Hanne est toujours le vrai roi
là-dedans" dit Joachim, intimidé par la majesté de Jésus, qui est en
face de lui, debout, le bras tendu...
"Oui, le roi de la corruption. Et vous voulez que je n'appelle pas
"mesquin" un Pays où nous avons un Tétrarque souillé et homicide,
un Grand Prêtre complice de celui qui a violé et assassiné ?..."
"Peut-être la jeune fille s'est tuée ou est morte de douleur"
murmure Eléazar.
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138> "Elle a toujours été assassinée par
celui qui l'a violée... Et maintenant n'est-ce
pas une troisième victime que l'on fait en gardant le parent prisonnier pour
qu'il ne parle pas ? Et ne profane-t-on pas l'autel en l'approchant,
souillé de tant de crimes ? Et n'étouffe-t-on pas la justice en imposant
le silence aux justes, trop peu nombreux, du Sanhédrin ? Oui, qu'il
vienne vite le nouveau Samson et qu'il abatte ce lieu profané, qu'il
extermine pour guérir !... Moi, à cause du vomissement que me fait
éprouver la nausée, non seulement j'appelle mesquin ce malheureux Pays, mais
je m'éloigne de son cœur pourri, rempli de crimes sans nom, foyer de Satan...
Je pars. Non par peur de la mort. Je vous montrerai que je n'ai pas peur.
Mais je pars parce que ce n'est pas mon heure et pour ne pas donner des
perles aux pourceaux d'Israël, mais pour les apporter aux humbles disséminés
dans les masures, les montagnes, les vallées des pays pauvres. Là où encore
on sait croire et aimer, s'il y a quelqu'un pour l'enseigner. Là où il y a
des esprits sous des vêtements grossiers, alors qu'ici les tuniques et les
manteaux sacrés, et plus encore l'Ephod et le Rational ,
servent à couvrir d'immondes charognes et à dissimuler des armes homicides.
Dites-leur qu'au nom du Dieu vrai je les voue à la condamnation et que,
nouveau Michel ,
je les chasse du Paradis. Et pour toujours. Eux qui veulent être des dieux et
qui sont des démons. Il n'est pas besoin qu'ils soient morts pour être jugés.
Ils le sont déjà. Et sans rémission."
376.11 – Les imposants membres du Sanhédrin
et les pharisiens semblent devenus tout petits tant ils se rencognent devant
la colère terrible du Christ, qui paraît, au contraire, devenir un géant
tellement ses regards sont fulgurants et ses gestes violents.
Lazare gémit :
"Jésus ! Jésus ! Jésus !"...
Jésus l'entend, et changeant de ton et d'aspect, il dit :
"Qu'as-tu, mon ami ?"
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139> "Oh ! ne sois pas si
terrible ! Ce n'est plus Toi ! Comment avoir espoir dans la
miséricorde, si Toi, tu te montres si terrible ?"
"Et pourtant c'est ainsi, et plus encore je le serai, quand je jugerai
les douze tribus d'Israël. Mais, rassure-toi, Lazare. Celui qui croit dans le
Christ est déjà jugé..."
Il se rassoit.
Un silence.
Finalement Jean demande :
"Et nous, pour avoir préféré les reproches au mensonge contre la
justice, comment serons-nous jugés ?"
"Avec justice. Persévérez et vous parviendrez là où Lazare se trouve
déjà: dans l'amitié de Dieu."
Ils se lèvent.
"Maître, nous nous retirons. Paix à Toi. Et à toi, Lazare."
"Paix à vous."
"Que ce qu'on a dit reste ici" supplient plusieurs.
"Ne craignez pas ! Allez.
Que Dieu vous guide dans toute votre conduite."
Ils sortent.
Restent seulement Jésus et Lazare. Après un moment, il dit :
"Quelle horreur !"
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