Le jeudi 28 mars 1946.
318>
405.1 – Près de la porte d'Emmaüs il y
a une maison de paysans. Silencieuse car tout le monde est aux champs, au
travail. Sur l'aire il y a déjà des tas de gerbes des jours précédents et les
foins sont entassés dans les granges rustiques. Le soleil brûlant de midi
dégage une odeur chaude des foins et des gerbes. Il n'y a pas d'autres bruits
que le roucoulement des colombes et le piaillement des moineaux, toujours
bruyants et querelleurs. Les uns et les autres vont sans arrêt du toit ou des
arbres voisins aux tas de gerbes et de foin et, les premiers parmi ceux qui
goûteront de ces produits, becquettent les épis dressés, se battent à coups
d'ailes, luttent pour prendre le plus de graines possible, pour s'emparer des
brins de foin les plus soyeux, avides, batailleurs, sans scrupules.
Les uniques voleurs que l'on rencontre en Israël où, je l'ai remarqué, on a
un très grand respect pour la propriété d'autrui. On laisse ouvertes les
maisons et l'on ne garde pas les aires ou les vignobles ! À part les
très rares voleurs de métier, les vrais brigands qui attaquent les gens dans
les gorges des montagnes, il n'y a pas de petits voleurs ou même
simplement... de gourmands qui mettent la main sur les arbres à fruits ou sur
le pigeonneau d'autrui.
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319> Chacun
va son chemin, et même en traversant la propriété du prochain, c'est comme
s'il n'avait pas d'yeux ni de mains. Il est vrai que l'on pratique si
largement l'hospitalité, qu'il n'est pas nécessaire de voler pour pouvoir
manger. C'est seulement pour Jésus, et à cause d'une haine si grande qu'elle
fait négliger l'habitude séculaire de l'hospitalité pour le pèlerin,
seulement pour Lui que se vérifie le fait de maisons qui refusent
l'hospitalité et la nourriture. Mais pour les autres il y a généralement de
la pitié et spécialement dans les classes les plus humbles.
Aussi c'est sans peur que les apôtres, après avoir frappé à la porte de la
maison fermée et n'avoir trouvé personne, se sont mis à l'abri d'un hangar
sous lequel se trouvent des outils agricoles et des jarres vides. Comme s'ils
étaient les maîtres, ils ont pris comme sièges des bottes de foin, des
seilles pour puiser de l'eau au puits, des cruches pour boire et pour tremper
les bouchées de pain rassis et d'agneau froid qu'ils mangent quasi en silence
tant ils sont engourdis et abasourdis par le soleil. Et c'est avec la même
liberté avec laquelle ils ont utilisé les bottes de foin et les vases qu'ils
s'allongent ensuite sur le foin odorant et c'est tout de suite un chœur de
ronflements aux tons et aux rythmes variés.
Jésus Lui-même est fatigué, attristé plus que fatigué. Il regarde pendant un
moment les douze dormeurs. Il prie, il réfléchit Il réfléchit en suivant
machinalement des yeux les combats des moineaux et ceux des colombes, et le
vol en flèche des hirondelles sur l'aire ensoleillée. Il semble que les cris
stridents de ces rapides maîtresses de l'air apportent des réponses précises aux
questions douloureuses que se pose Jésus. Puis Lui aussi s'allonge sur le
foin et bientôt ses yeux tristes et doux de saphir se voilent sous ses
paupières. Son visage s'immobilise dans le sommeil et, peut-être parce qu'il
s'abîme dans le sommeil avec la tristesse au cœur, son visage prend beaucoup
de l'expression d'épuisement et de douleur qu'il aura dans la mort...
405.2 – Puis reviennent les paysans
propriétaires de la maison : hommes, femmes, enfants. Et avec eux les
disciples vus auparavant. Ils voient Jésus et les siens qui dorment sur le
foin et leurs voix s'éteignent en un murmure pour ne pas les éveiller.
Quelque mère donne une gifle à son petit qui ne veut pas se taire, ou du
moins elle fait semblant.
Un petit va, de son pas de tourtereau, et un doigt à la bouche, pour observer
Jésus, "le plus beau" dit-il, qui dort, la tête appuyée sur son
bras replié qui Lui sert d'oreiller. Et tous, déchaussés, sur la pointe des
pieds, finissent par l'imiter, les premiers de tous, Mathias et Jean qui
s'émeuvent de le voir ainsi sur le foin.
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320> Mathias observe :
"Comme dans son premier sommeil, maintenant aussi notre Maître, et moins
heureux qu'alors... Sa Mère aussi Lui manque..."
"Oui. Il n'a que la persécution toujours proche. Mais nous, nous
l'aimerons toujours, nous l'aimons toujours comme à cette heure-là..."
répond Jean.
"Davantage encore, Mathias, davantage encore. Alors nous l’aimions
seulement par notre foi et parce qu'il est doux d'aimer un bébé. Mais
maintenant nous l'aimons aussi parce que nous avons la connaissance..."
"Tout petit il a été haï, Jean. Rappelle-toi ce qui arriva pour le
frapper !..."
Mathias change de couleur à ce souvenir.
"C'est vrai... Mais qu'elle soit bénie cette douleur ! Nous avons
tout perdu, sauf Lui. Et cela seul compte. À quoi nous aurait servi d'avoir
encore les parents, la maison, notre petit bien-être, si Lui était
mort ?"
"C'est vrai, tu as raison Mathias. Et à quoi nous servira d’avoir même
le monde entier quand Lui ne sera plus dans le monde ?"
"Ne m'en parle pas... Alors nous serons vraiment abandonnés... Allez,
vous autres, nous allons rester près du Maître" dit ensuite Jean en
congédiant les paysans.
"Nous regrettons de n'avoir pas pensé à leur donner la clef. Ils
auraient pu entrer dans la maison et être mieux..." dit l'homme le plus
âgé de la maison.
"Nous le Lui dirons... Mais Lui sera heureux, rien qu’à cause de votre
amour. Allez, allez..."
Les paysans vont à la maison et bientôt une fumée qui s élevé de la cheminée
dit qu'ils sont en train de préparer la nourriture. Mais ils le font
gentiment, en retenant les petits, en faisant peu de bruit... et sans bruit
ils apportent ensuite la nourriture aux disciples et murmurent :
"Pour eux, nous l'avons mise de côté... Pour quand ils
s'éveilleront"
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321> Puis le silence enveloppe la
maison. Peut-être les moissonneurs, au travail depuis l'aube, se sont jetés
sur les lits en ces heures où il serait impossible de rester dans les champs
sous le soleil brûlant.
Les disciples aussi sommeillent... Même les colombes et les moineaux restent
tranquilles. Seules les hirondelles dardent inlassablement, et leur vol
rapide écrit des paroles azurées dans l'espace et des paroles d'ombre sur
l'aire blanche...
405.3 – Le petit de tout à l'heure,
très beau dans la courte chemise à laquelle s'est réduit son vêtement à cette
heure torride. met sa petite tête brune dans l'ouverture de la cuisine, jette
un coup d’œil, avance avec précaution de ses pieds délicats qui souffrent sur
le sol que le soleil rend brûlant. Sa chemise décolletée glisse presque en
bas de son épaule grassouillette. Il rejoint les disciples, essaie de passer
dessus pour aller de nouveau regarder Jésus. Mais ses petites jambes sont
trop courtes pour pouvoir enjamber les corps musculeux des adultes et il bute
en tombant sur Mathias qui s'éveille et voit le petit visage attristé presque
aux larmes. Il sourit et dit en comprenant la manœuvre de l'enfant :
"Viens ici, je vais te mettre entre Jésus et moi. mais reste silencieux
et tranquille. Laisse-le faire dodo car il est fatigué."
Et le petit, heureux, s'assoit et reste en admiration devant le beau visage
de Jésus. Il le regarde, l'étudie et il a bien envie de Lui faire une
caresse, de toucher ses cheveux d'or. Mais Mathias veille en souriant et ne
le lui permet pas. Alors le petit demande doucement :
"Fait-il dodo toujours ainsi ?"
"Toujours ainsi" répond Mathias.
"Il est fatigué ? Pourquoi ?"
"Parce qu'il marche tant, et il parle tant."
"Pourquoi parle-t-il et marche-t-il ?"
"Pour apprendre aux enfants à être bons, à aimer le Seigneur pour aller
avec Lui au Ciel."
"Là-haut ? Comment fait-on ? C'est loin..."
"L'âme, sais-tu ce que c'est que l'âme ?"
"Non !"
"C'est la chose la plus belle qu'il y a en toi, et..."
"Plus belle que les yeux ? Maman dit que mes yeux sont deux
étoiles. Elles sont belles les étoiles, sais-tu ?!"
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322> Le disciple sourit et
répond :
"Elle est plus belle que les petites étoiles de tes yeux. car l'âme
bonne est plus belle que le soleil."
"Oh ! Et où est-elle ? Où est-ce que je l'ai ?"
"Ici, dans ton petit cœur. Et elle voit, entend tout, et ne meurt
jamais. Et quand quelqu'un ne fait jamais le méchant, et meurt en juste, son
âme vole là-haut, avec le Seigneur."
"Avec Lui ?" et le petit montre Jésus.
"Avec Lui."
"Mais Lui, il l'a l'âme ?"
"Il a l'âme et la divinité, car il est Dieu, cet Homme que tu
regardes."
"Comment
le sais-tu ? Qui te l'a dit ?"
"Les anges."
L'enfant, qui était complètement assis sur Mathias, ne peut recevoir tranquillement
cette nouvelle et il se lève vivement en disant :
"Tu as vu les anges ?"
Et il regarde Mathias en écarquillant les yeux. Si étonnante est la nouvelle
qu'un instant il oublie Jésus et ainsi ne voit pas qu'il entrouvre ses yeux,
réveillé par le léger cri de l'enfant et puis, avec un sourire, les referme
en détournant la tête.
"Tais-toi ! Tu vois ? Tu l'éveilles... Je vais te
renvoyer."
"Je reste tranquille. Mais comment sont les anges. Quand les as-tu
vus ?"
La petite voix est devenue un murmure et Mathias patiemment raconte la nuit
de Noël au petit qui est revenu s’asseoir sur sa poitrine, extasié.
Patiemment il répond à tous ses pourquoi :
"Pourquoi était-il né dans une étable ? Il n'avait pas de
maison ? Si pauvre au point de ne pas trouver une maison ? Et
maintenant il n'a pas de maison ? Il n'a pas sa Mère ? Où est sa
Mère ? Pourquoi le laisse-t-elle seul. elle qui sait que déjà on a voulu
le tuer ? Elle ne l'aime pas ?..."
Une pluie de questions et une pluie de réponses. Et la dernière - à laquelle
Mathias répond :
"Cette Mère sainte aime beaucoup son divin Fils, mais elle fait le
sacrifice de sa douleur de le laisser aller pour que les hommes se sauvent.
Pour se consoler, elle pense qu'il y a encore des hommes bons capables de l'aimer"
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323> Cela provoque cette
question :
"Et elle ne sait pas qu'il y a des enfants bons qui l'aiment ? Où
est-elle ? Dis-le-moi que j'aille lui dire : "Ne pleure pas. Moi
je donne l'amour à ton Fils"
Qu'en dis-tu ? Sera-t-elle contente ?"
"Tellement, enfant" dit Mathias en l'embrassant.
"Et Lui sera content ?"
"Tellement, tellement. Tu vas le Lui dire quand il va s'éveiller."
"Oh ! oui ! Mais quand va-t-il s'éveiller ?"
L'enfant est impatient.
405.4 – Jésus n'y tient plus. Il se
tourne, les yeux grand ouverts et avec un sourire lumineux, et il dit :
"Tu me l'as déjà dit car j’ai tout entendu. Viens ici, enfant."
Oh ! l'enfant ne se le fait pas dire deux fois. Il se renverse sur
Jésus, le caresse, Lui donne des baisers, touche son front avec le doigt et
aussi ses sourcils, ses cils d'or, en se regardant dans les yeux bleus, en
caressant sa barbe et ses cheveux soyeux, et en disant à chaque
découverte :
"Comme tu es beau ! Beau ! Beau !"
Jésus sourit et aussi Mathias.
Et puis, à mesure que les autres s'éveillent, parce que maintenant le petit
ne prend plus tant de précautions, les disciples et les apôtres sourient à la
vue de cet examen attentif, répété de l'homme en miniature, à moitié nu,
grassouillet, qui prend plaisir à passer sur le corps de Jésus pour
l'observer de la tête aux pieds et finit par Lui dire :
"Tourne-toi !" et explique ensuite : "Pour voir les
ailes" et qui demande, déçu :
"Pourquoi ne les as-tu pas ?"
"Je ne suis pas un ange, mon enfant."
"Mais tu es Dieu ! Comment fais-tu pour être Dieu, si tu n'es pas
plein d’ailes ? Comment feras-tu pour aller au Ciel ?"
"Je suis Dieu. Et justement parce que je suis Dieu, je n'ai pas besoin
d’ailes. Je fais ce que je veux et je puis tout."
"Alors fais-moi des yeux comme les tiens. Ils sont beaux "
"Non. Ceux que tu as, c'est Moi qui te les ai donnés, et ils me plaisent
ainsi. Demande plutôt que je te donne une âme de juste pour que tu m'aimes de
plus en plus."
"Elle aussi, c'est Toi qui me l'as donnée et alors elle te plaira comme
elle est" dit le petit avec sa logique enfantine.
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324> "Oui. elle me
plaît maintenant parce qu'elle est innocente Mais alors que tes yeux seront
toujours de cette couleur d'olive mûre ton âme de blanche, peut devenir
noire, si tu deviens méchant".
"Méchant, non. Je t'aime bien et je veux faire comme disaient les anges
quand tu es né : "Paix à Dieu au Ciel, et gloire aux hommes de
bonne volonté" dit le petit en se trompant, ce qui provoque un bruyant
éclat de rire chez les adultes, ce qui le mortifie et le rend muet.
Mais Jésus le console tout en rectifiant :
"Dieu est toujours Paix mon enfant. Il est la Paix. Mais les anges Lui
donnaient gloire pour la naissance du Sauveur, et ils donnaient aux hommes la
première règle pour obtenir la paix qui serait venue de ma naissance :
"avoir bonne volonté". Celle que tu veux."
"Oui. Alors donne-la-moi. Mets-la à l'endroit où cet homme dit que j'ai
l'âme"
Et avec les deux index, il frappe plusieurs fois sur sa petite poitrine.
"Oui, petit ami. Comment t'appelles-tu?"
"Mikaël !"
"Le nom du puissant Archange. Alors, la bonne volonté pour toi Mikaël.
Et que tu sois un confesseur du Dieu vrai, en disant aux persécuteurs comme
ton angélique patron : "Qui est comme Dieu ?" Sois béni maintenant et toujours".
Et il lui impose les mains. Mais le petit n'est pas convaincu. Il dit :
"Non. embrasses ici, sur l’âme. Et c'est à l'intérieur qu'entrera ta
bénédiction et elle y restera enfermée" et il découvre sa petite
poitrine pour que Jésus la baise afin qu'aucun obstacle ne s'interpose entre
son petit corps et les lèvres divines.
Ceux qui sont là sourient et en même temps sont émus. Et il y a de
quoi ! La foi merveilleuse de l'innocent qui, par instinct diraient
certains, moi je dis sous la poussée de l'esprit, est allé vers Jésus, est
vraiment émouvante et Jésus le fait remarquer en disant :
"Ah ! si tous avaient le cœur des enfants !..."
405.5 – Pendant ce temps les heures
ont passé. La maison se ranime : des voix de femmes, d'enfants, d'hommes
se font entendre. Et une mère crie :
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325> "Mikaël !
Mikaël ! Où es-tu ?"
On la voit apeurée qui regarde le puits profond avec une atroce pensée dans
le cœur.
"Ne crains pas, femme. Ton fils est avec Moi."
"Oh ! je craignais... Il aime tant l'eau..."
"Et en effet il est venu à l'Eau Vive qui descend du Ciel pour donner la
Vie aux hommes."
"Il t'a dérangé... Il m'a échappé si doucement que je ne m'en suis pas
aperçue..." dit la femme pour s'excuser.
"Oh ! non ! Il ne m'a pas dérangé. Il m'a consolé ! Les
enfants ne donnent jamais de douleur à Jésus."
Les hommes s'approchent et les autres femmes. Le chef de famille dit :
"Entre pour te restaurer. Et pardonne-nous si nous ne t'avons pas fait
le maître de la maison du moment où nous t'avons vu..."
"Je n'ai rien à pardonner. Je me suis trouvé bien ici. Ton respect me
donne tout honneur. Nous avions de la nourriture et ton puits est frais, le
foin est moelleux. C'est plus qu'il n'en faut pour le Fils de l'Homme. Je ne
suis pas un satrape syrien."
Et Jésus, suivi des siens, entre dans la vaste cuisine pour prendre la
nourriture, pendant que sur l'aire les hommes s'arrangent pour qu'il y ait de
la place pour ceux qui déjà viennent de tous côtés afin d'entendre le Maître,
et d'autres se hâtent de préparer des boissons, des vivres et à dépouiller un
agnelet pour donner une provision de voyage aux évangélisateurs, et les
femmes apportent des œufs et du beurre. Le beurre provoque les protestations
de Pierre qui a raison de dire qu'on ne peut porter dans les besaces un
aliment qui fond si facilement par ces chaleurs. Mais ce n'est pas pour rien
qu'il y a des cruches... Et elles en emplissent une de beurre, la ferment et
la descendent dans le puits pour la refroidir le plus possible.
Jésus remercie et voudrait limiter ces offrandes. Mais oui ! C'est peine
perdue. D'autres dons arrivent de tous côtés et tous s'excusent de donner peu
de chose...
Pierre murmure :
"On voit bien qu'ici il y a eu les bergers. C'est une terre amendée...
une bonne terre."
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326> L'aire est pleine de gens, impassibles, bien que la
fraîcheur ne soit pas encore venue et qu'un dernier rayon de soleil effleure
encore l'aire.
405.6 – Jésus commence à parler :
"La paix soit avec vous ! Je ne suis pas ici, où je vois que déjà
est connue la doctrine du Maître d'Israël par les soins des bons disciples,
pour répéter ce que vous savez déjà. Je laisse aux bons disciples la gloire
et le soin de vous avoir instruits et de le faire de plus en plus jusqu'à
vous donner la parfaite assurance que je suis le Promis de Dieu et que ma
Parole est de Dieu."
"Et tes miracles sont de Dieu, Béni que tu es !" crie une voix
de femme du milieu de la foule.
Beaucoup se retournent pour regarder dans cette direction. La femme élève en
l'air un enfant rieur à la mine florissante et elle crie :
"Maître, c'est le petit Jean que tu as guéri à "La Belle Eau" .
L'enfant, aux hanches brisées qu'aucun médecin ne pouvait guérir, que je t'ai
apporté avec foi et que tu as guéri, en le tenant assis sur ton sein."
"Je m'en souviens, femme. Ta foi a mérité le miracle."
"Elle a grandi, Maître. Toute ma parenté croit en Toi. Va, fils,
remercier le Sauveur. Laissez-le aller à Lui..." prie la femme.
Et la foule s'écarte pour laisser passer l'enfant qui s'en va vivement vers
Jésus en Lui tendant les bras pour pouvoir l'embrasser. Ce qui se produit au
milieu des hosannas et des commentaires des gens de la ville ou des environs,
car ceux de la campagne connaissent déjà le fait et n'en sont pas surpris.
Jésus reprend la parole en tenant l'enfant par la main.
"Et voici confirmée par une mère reconnaissante ma Nature, et confirmé
le pouvoir de la foi sur le cœur de Dieu qui ne déçoit jamais les confiantes
et justes demandes de ses fils.
405.7 – Je vous invite à vous rappeler
Judas Maccabée, quand il se présenta sur cette plaine
pour étudier le formidable campement de Gorgias, fort de cinq mille
fantassins et de mille cavaliers exercés à la bataille, bien pourvus de
cuirasses, d'armes et de tours de guerre. Judas regardait avec ses trois
mille fantassins, sans boucliers ni épées, et il sentait la crainte
s'insinuer dans le cœur de ses soldats.
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327> Alors il parla, fort de
son bon droit que Dieu approuvait parce qu'il ne visait pas l'injustice, mais
la défense de la patrie envahie et profanée. Et il dit : "Que leur
nombre ne vous effraie pas, n'ayez pas peur de leur attaque. Rappelez-vous
comment nos pères furent sauvés dans la Mer Rouge, quand le Pharaon les
poursuivait avec sa grande armée". Et ayant ranimé la foi dans la
puissance de Dieu qui est toujours avec les justes, il apprit aux siens le
moyen d'obtenir de l'aide. Il dit : "Élevons donc la voix vers
le Ciel et le Seigneur aura pitié de nous, et se rappelant de l’alliance
faite avec nos pères, aujourd'hui Il détruira devant nous cette armée, et
toutes les nations sauront qu'il y a un Sauveur qui délivre Israël"
Voilà : je vous indique deux éléments capitaux
pour avoir Dieu avec soi pour nous aider dans les justes entreprises.
Le premier : pour posséder l'alliance, avoir l'âme juste de nos pères
Rappelez-vous la sainteté, la promptitude des patriarches dans l’obéissance
au Seigneur, que la chose demandée fût de faible ou de très grande
importance. Rappelez-vous avec quelle fidélité ils restèrent fidèles au
Seigneur. Nous nous lamentons beaucoup en Israël de ne plus avoir le Seigneur
avec nous, bienveillant comme il l'était autrefois. Mais Israël a-t-il encore
l'âme de ses pères ? Qui a rompu et ne cesse de rompre l'alliance avec
le Père ?
Seconde chose capitale pour avoir Dieu avec soi : l’humilité. Judas
Maccabée était un grand Israélite et un grand soldat, mais il ne dit
pas : "Aujourd'hui je vais détruire cette armée et les nations
auront que je suis le sauveur d'Israël". Non. Il dit : "Et le
Seigneur détruira cette armée devant nous, qui sommes incapables de le faire,
faibles comme nous sommes". Car Dieu est Père et Il a soin de ses petits
et, pour les empêcher de périr, Il envoie ses puissants bataillons combattre
avec des armes surhumaines les ennemis de ses enfants. Quand Dieu est avec
nous, qui peut nous vaincre ? Ne cessez pas de vous dire cela maintenant
et davantage dans l’avenir quand on voudra vous vaincre et non plus pour une
chose d’importance relative comme une lutte nationale, mais pour une chose
d'importance beaucoup plus grande dans le temps et dans ses conséquences
comme elle l'est pour votre âme. Ne vous laissez pas dominer par la frayeur
ou l'orgueil. Les deux sont dommageables.
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328> Dieu sera avec vous
si vous êtes persécutés à cause de mon Nom et Il vous donnera la force dans
les persécutions. Dieu sera avec vous si vous êtes humbles, si vous
reconnaissez que vous par vous-mêmes. n'êtes capables de rien. mais que vous
pouvez tout si vous êtes unis au Père.
Judas ne se fit pas valoir en se parant du titre de Sauveur d'Israël Mais
c'est au Dieu éternel qu'il donna ce titre. En effet c'est inutilement que
les hommes s'agitent si Dieu n'est pas présent à leurs efforts. Au contraire,
sans s'agiter est victorieux celui qui se fie dans le Seigneur. Lui sait
quand il est juste de récompenser par des victoires et quand il est juste de
punir par des défaites. Bien sot est l'homme qui veut juger Dieu, le
conseiller ou le critiquer. Vous imaginez une fourmi qui en observant le
travail d'un sculpteur dirait : "Tu ne sais pas y faire, je ferais
mieux et plus vite que toi" ? L'homme lui ressemble tout à fait
quand il veut faire la leçon à Dieu. Et à sa figure ridicule, il unit celle
d'un ingrat et d'un prétentieux, oublieux de ce qu'il est : une
créature, et de ce qu'est Dieu : le Créateur. Donc si Dieu a créé un
être si bien créé qu'il peut se croire capable de conseiller Dieu Lui-même,
quelle sera la perfection de l'Auteur de toute créature ? Cette seule
pensée devrait suffire pour rabaisser l'orgueil, pour détruire cette plante
mauvaise et satanique, ce parasite qui, en s'insinuant dans un esprit,
l'envahit, la supplante, l'étouffe, tue tout arbre bon, toute vertu qui sur
la Terre rend l'homme grand, vraiment grand, non par la richesse ni par les
couronnes, mais par la justice et la sagesse surnaturelle, et bienheureux
dans le Ciel pour l'éternité.
405.8 – Et regardons un autre conseil
que nous donne le grand Judas Maccabée et les événements de ce jour-là dans
cette plaine.
S'étant engagées dans la bataille, les troupes de Judas avec lesquelles Dieu
était, vainquirent et mirent en déroute les ennemis, en les poursuivant
jusqu'à Jézeron, Azot,
Idumée et Jamnia ,
dit l'histoire, et en passant une partie au fil de l'épée, en laissant sur
les champs plus de trois mille cadavres. Mais Judas dit à ses soldats que la
victoire avait enivrés: "Ne restez pas là à faire du butin car la guerre
n'est pas finie, et Gorgias, avec son armée, est dans la montagne près de
nous. Maintenant nous avons encore à combattre nos ennemis et à les vaincre
complètement, et ensuite, tranquillement, vous ferez le butin". Et ils
agirent ainsi et ils eurent une victoire assurée et un riche butin, et la
délivrance, et en rentrant ils chantaient des bénédictions à Dieu car
"Il est bon et sa miséricorde est éternelle".
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329> L'homme aussi,
n'importe quel homme, est comme les champs qui entourent la cité sainte des
juifs. Entouré d'ennemis extérieurs et intérieurs, tous cruels, ayant tous
l'espoir de livrer bataille à la cité sainte de chaque homme : son
esprit, et de la livrer à l'improviste pour la prendre par surprise par mille
ruses et la détruire. Les passions, que Satan cultive et excite, et que
l'homme ne surveille pas par toute sa volonté pour les freiner, dangereuses
s'il n'arrive pas à les maîtriser, mais inoffensives si elles sont surveillées
comme un voleur enchaîné, et avec lesquelles le monde complote au moyen de
toutes les séductions de la chair, de l'argent, de l'orgueil, ressemblent aux
puissantes armées de Gorgias, cuirassées, pourvues de tours de guerre,
d'archers, excellents tireurs, de cavaliers rapides, toujours prêts à
commencer l'attaque sur les ordres du Mal.
Mais que peut le Mal si Dieu est avec l'homme qui veut être juste ?
L'homme souffrira, restera blessé, mais sauvera sa liberté et sa vie, et il
connaîtra la victoire après la bataille favorable. Mais celle-ci ne se
produit pas une seule fois, mais recommence toujours, tant que dure la vie,
ou tant que l'homme ne se dépouille pas suffisamment de son humanité et ne
devient pas esprit plus que chair, esprit fondu avec Dieu que les flèches,
les morsures, les feux de guerre ne peuvent blesser profondément et tombent
après l'avoir frappé superficiellement comme peut le faire une goutte d'eau
tombant sur un jaspe dur et brillant.
Ne vous arrêtez pas à faire du butin, ne vous distrayez pas tant que vous
n'êtes pas au seuil de la vie, non pas de cette vie de la terre, mais de la
vraie Vie des Cieux. Alors, victorieux, rassemblez votre butin et entrez,
avancez glorieux devant le Roi des rois et dites : "J'ai vaincu.
Voici mon butin. Je l'ai fait avec ton aide et ma bonne volonté, et je te
bénis, Seigneur, parce que Tu es bon et que ta miséricorde est
éternelle".
405.9 – Cela c'est pour la vie en
général, pour tout le monde. Mais pour vous, pour vous qui croyez en Moi, il y
a une autre bataille qui vous guette. Plusieurs batailles. La bataille contre
le doute, contre les paroles que l'on viendra vous dire, contre les
persécutions.
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330> Moi, je vais être
élevé au lieu pour lequel je suis venu du Ciel. Ce lieu vous fera peur, vous
paraîtra un démenti à mes paroles. Non. Regardez l'événement avec l’œil de
l'esprit et vous verrez que ce qui arrivera sera la confirmation de ce que je
suis réellement : non le pauvre roi d'un pauvre royaume, mais le Roi
prédit par les prophètes, et aux pieds de son trône unique, immortel, comme
les fleuves vont à l'océan, toutes les nations de la Terre viendront, en
disant : "Nous t'adorons, ô Roi des rois et Juge éternel, parce que
par ton saint Sacrifice tu as racheté le monde".
Résistez au doute. Moi, je ne mens pas. Je suis Celui dont parlent les
prophètes. Comme la mère de Jean il y a un instant, élevez le souvenir de ce
que j'ai fait pour vous, et dites : "Telles sont les œuvres de
Dieu. Il nous les a laissées comme un souvenir, une confirmation, une aide
pour croire et pour croire justement en cette heure". Luttez et vous
vaincrez le doute qui étrangle la respiration de l'âme. Luttez contre les
paroles qui vous seront dites. Rappelez-vous les prophètes et mes œuvres, et
répondez aux paroles hostiles par les prophètes et par les miracles que vous
m'avez vu faire. N'ayez pas peur et ne soyez pas ingrats par peur, en taisant
les miracles que j'ai faits pour vous. Luttez contre les persécutions, mais
ne luttez pas en persécutant ceux qui vous persécutent, mais en donnant une
confession héroïque à ceux qui voudront, par des menaces de mort, vous
persuader de me renier. Luttez sans cesse contre les ennemis. Tous. Contre
votre humanité, contre vos peurs, contre les compromissions indignes, les
alliances intéressées, les pressions, les menaces, les tortures, la mort.
405.10 – La mort ! Je ne suis pas
un chef de peuple qui dit à son peuple : "Souffrez pour moi, alors
que moi, je jouis". Non. Je souffre le premier pour vous donner
l'exemple. Je ne suis pas un chef d'armées qui dit à ses armées : "Combattez
pour me défendre, mourez pour me donner la vie". Non. Je combats le
premier. Je mourrai le premier pour vous apprendre à mourir. Ainsi, comme
j'ai toujours fait ce que j'ai dit de faire, prêchant la pauvreté je suis
resté pauvre, la continence chaste, la tempérance tempérant, la justice
juste, le pardon et j'ai pardonné et je pardonnerai. Comme j'ai fait tout
cela, je ferai encore la dernière chose. Je vous apprendrai comment on
rachète. Je vous l'enseignerai non pas avec des paroles mais avec des faits.
Je vous apprendrai à obéir, en me soumettant à la plus dure obéissance :
celle de ma mort...
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331> Je vous apprendrai à pardonner, en
pardonnant dans les derniers tourments comme j'ai pardonné sur la paille de mon
berceau à l'Humanité qui m'avait arraché au Ciel. Je pardonnerai comme j'ai
toujours pardonné. À tous. Pour ce qui me concerne, à tous. À mes
petits ennemis, à ceux qui sont passifs, indifférents, changeants, et aux
grands ennemis qui non seulement me donnent la douleur d'être apathiques à
mon pouvoir et à mon désir de les sauver, mais qui me donnent et me donneront
la douleur d'être les déicides. Je pardonnerai. Et comme je ne pourrai donner
l'absolution aux déicides impénitents, je prierai encore, par les dernières
douleurs, le Père pour eux... pour qu'il leur pardonne... parce qu'ils sont
enivrés d'une liqueur satanique... Je pardonnerai... Et vous, pardonnez en
mon Nom. Et aimez, aimez comme Moi j'aime, comme je vous aime et vous
aimerai, éternellement.
405.11 – Adieu. Le soir descend. Prions
ensemble et puis que chacun retourne chez lui avec les paroles du Seigneur
dans le cœur, et qu'elles se transforment en épis grenus pour vos faims
futures, quand vous désirerez entendre encore l'Ami, le Maître, votre Sauveur,
et seulement en lançant votre esprit dans les Cieux vous pourrez trouver
Celui qui vous a aimés plus que Lui-même. Notre Père qui êtes aux
Cieux..."
Et Jésus, les bras ouverts, haute et blanche croix contre le mur foncé de la
façade du nord, dit lentement le Pater. Puis il bénit avec la bénédiction
mosaïque. Il embrasse les enfants, il les bénit encore. Il prend congé et
s'en va vers le nord en côtoyant Emmaüs sans y entrer. Les teintes violacées
du crépuscule absorbent lentement la douce vision du Maître qui s'en va, qui
s'en va de plus en plus vers son destin.
Dans la cour demi-obscure, c'est un silence de douleur paisible... Une sorte
d'attente. Puis les pleurs du petit Mikaël, les pleurs d'un agnelet qui se
trouve seul, rompt l'enchantement, et beaucoup d'yeux se baignent de larmes
et beaucoup de lèvres répètent les paroles innocentes du petit :
"Oh ! pourquoi es-tu parti ? Reviens ! Reviens !...
Fais-le revenir. Seigneur !"
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332> Et quand Jésus est
vraiment disparu, la constatation désolée du fait accompli :
"Jésus n'est plus là !"
C'est inutilement que cherche à le consoler la mère du petit Mikaël qui
pleure comme s'il avait perdu plus que sa mère, et qui dans ses bras n'a plus
d'yeux que pour le point où est disparu Jésus, et tend les bras en
appelant :
"Jésus ! Jésus !"
405.12 – ... Jésus attend d'être un peu
loin, puis il dit :
"Nous irons à Joppé. Les disciples y ont beaucoup travaillé et on y
attend la parole du Seigneur."
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