Le jeudi 24 janvier 1946.
51> 368.1 – Je
ne vois pas la distribution de la nourriture aux lépreux de Hinnon, et j'en entends seulement parler. Mais il ne me
semble pas qu'il y ait eu des miracles parmi eux, car Simon Pierre dit :
"La solitude atroce ne leur a pas donné la grâce de croire et de savoir
où est le Salut."
Ensuite la ville les accueille par la Porte qui donne accès au bruyant ou
populeux faubourg d'Ophel.
Après quelques mètres, par une porte entrouverte bondit, joyeuse, Annalia,
qui vénère le Maître en disant :
"J'ai la permission de ma mère. Seigneur, de rester avec Toi jusqu'au
soir."
"Cela ne déplaira-t-il pas à Samuel ?"
"Il n'y a plus de Samuel dans ma vie. Seigneur. Que le Très-Haut en soit
remercié. Qu'il m'accorde seulement que, comme il m'a quitté, il ne te quitte
pas, ô mon Dieu."
La bouche juvénile sourit héroïquement alors qu'une larme brillante
resplendit dans son chaste regard.
Jésus la regarde fixement et lui dit, pour toute réponse :
"Rejoins tes sœurs, les disciples"
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Et il reprend sa route. Mais la vieille mère d'Annalia, vieillie par la
souffrance plus que par l'âge, s'approche à son tour, et elle salue toute
courbée par le respect et l'accablement. Elle dit :
"La paix à Toi, Maître. Quand pourrais-je te parler ? J'ai tant
d'ennuis !..."
"Tout de suite, femme."
Et s'adressant à ceux qui sont avec Lui, il commande :
"Restez ici. dehors. J'entre un moment dans
cette maison" et il va s'éloigner en suivant la femme. Mais Annalia, du
groupe des femmes disciples, le rappelle d'un seul mot :
"Maître !"
Mais que n'y a-t-il pas dans ce mot ! Et en le disant, elle joint les
mains comme pour supplier...
"Ne crains pas. Reste en paix. Ta cause est entre mes mains et aussi ton
secret" dit Jésus pour la rassurer.
Et puis, vivement, il entre par la porte entrouverte.
Dehors on commente le fait, et la curiosité des hommes rivalise avec celle
des femmes pour savoir... savoir... savoir...
368.2 – À
l'intérieur, on écoute et on pleure. Jésus écoute. Les épaules appuyées
contre la porte qu'il a pris sur Lui de fermer dès son entrée, les bras
croisés sur la poitrine, il écoute la mère de la jeune fille qui, en
pleurant, Lui parle de l'inconstance du fiancé qui a choisi un prétexte pour
se libérer de tout lien....
"De cette façon, Annalia est comme une femme répudiée, et elle ne pourra
plus se marier. En effet elle a déclaré que tu n'approuves pas que l'on se
marie après la répudiation. Mais ce n'est pas son cas. Elle est encore jeune
fille ! Elle ne se vend pas à un autre homme puisqu'elle n'a appartenu à
aucun homme. Et lui est coupable de cruauté et plus que cela. Il désire en
effet un autre mariage, mais ce sera ma fille qui paraîtra coupable et le
monde se moquera d'elle. Occupe-t-en, ô Seigneur,
car c'est à cause de Toi que cela arrive."
"À cause de Moi, femme ? En quoi ai-je péché ?"
"Oh ! Tu n'as pas péché, mais il (Samuel) dit qu'Annalia t'aime. Et
il simule la jalousie. Hier soir il est venu, et elle était chez Toi. Il est
entré en furie et il a juré qu'il n'en voulait plus pour épouse. Annalia qui
est survenue alors lui a répondu : "Tu fais bien. Je ne regrette
qu'une chose : que tu cherches à revêtir la vérité de mensonge et de
calomnie. Tu sais que l'on n'aime Jésus qu'avec son âme. Mais c'est ton âme
qui maintenant est corrompue et elle quitte la Lumière pour la chair, alors
que je quitte la chair pour la Lumière.
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Nous ne pourrions plus être une seule pensée comme deux époux doivent l'être.
Va donc, et que Dieu veille sur toi". Pas une larme, tu comprends ?
Rien qui ait touché le cœur de l'homme ! Mes espérances sont
déçues ! Elle... oh ! certainement par légèreté, cause sa propre
ruine.
368.3 – Appelle-la,
Seigneur. Parle-lui. Ramène-la à la raison. Cherche Samuel. Il est chez
Abraham son parent, la troisième maison après la fontaine du figuier.
Aide-moi ! Mais d'abord parie à elle, tout de suite..."
"Pour ce qui est de parler, je parlerai. Mais tu devrais remercier Dieu
qui délie un lien humain, dont il est clair qu'il ne méritait pas la
confiance. L'homme est inconstant et injuste envers Dieu et envers sa
femme..."
"Oui, mais il est atroce que le monde pense qu'elle soit coupable, que
tu sois coupable, seulement parce qu'elle est pour Toi une disciple."
"Le monde accuse et puis oublie. Le Ciel, au contraire, est éternel. Ta
fille sera une fleur du Ciel."
"Alors pourquoi l'as-tu faite vivre ? Elle aurait été une fleur
sans devoir subir la lapidation des calomnies. Oh ! Toi qui es Dieu,
appelle-la, ramène-la à la raison, et puis fais réfléchir Samuel..."
"Rappelle-toi, femme, que Dieu Lui-même ne peut violenter la liberté de
l'homme et sa volonté. Eux, Samuel et ta fille, ont le droit de suivre ce
qu'ils pensent être bien pour eux. Annalia en a spécialement le
droit..."
"Mais pourquoi ?"
"Parce que plus que Samuel, elle est aimée de Dieu. Parce que plus que
Samuel, elle donne de l'amour à Dieu. Ta fille appartient à Dieu !"
"Non, en Israël, cela n'existe pas. La femme doit être épouse... Elle
est à moi, ma fille... Son mariage m'apportait la paix pour l'avenir..."
"Ta fille, depuis un an, était au tombeau sans mon intervention. Qui
suis-je pour toi ?"
"Le Maître et Dieu."
"Et comme Dieu et comme Maître je dis que le Très-Haut a des droits plus
que tout autre sur ses fils, et qu'il va y avoir beaucoup de changements dans
la Religion, et que dorénavant il sera possible aux vierges de rester
éternellement telles pour l'amour de Dieu.
368.4 – Ne
pleure pas, ô mère ! Quitte ta maison et viens avec nous, aujourd'hui.
Viens ! Là dehors il y a ma Mère et les autres mères héroïques qui ont
donné leurs fils au Seigneur. Joins-toi à elles..."
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"Parle à Annalia... Essaie, Seigneur !" gémit la femme en
sanglotant.
"Bon. Je vais faire comme tu veux" dit Jésus et, ouvrant la porte,
il appelle sa Mère avec Annalia.
Elles viennent rapidement et elles entrent.
"Mon enfant, ta mère veut que je te dise de réfléchir encore. Elle veut
que je parle à Samuel. Que dois-je faire ? Quelle réponse me
donnes-tu ?"
"Parle donc à Samuel, et même je te supplie de le faire. Mais seulement
parce que je voudrais qu'en t'entendant il devienne juste. Quant à moi, tu
sais. Je te prie de donner à ma mère la réponse la plus vraie."
"Tu entends, femme ?"
"Quelle est donc la réponse ?" demande de sa voix brisée la
femme qui aux premières paroles de sa fille croyait à son regret, et qui
ensuite a compris qu'il n'en était pas ainsi
"La réponse est que depuis un an ta fille appartient à Dieu, et que son
vœu est perpétuel, pour la durée de la vie."
"Oh ! misérable que je suis ! Quelle mère est plus malheureuse
que moi ?!"
Marie laisse la main de la jeune fille pour embrasser la femme et lui dire
doucement :
"Ne pèche pas par ta pensée et tes paroles. Ce n'est pas un malheur que
de donner à Dieu un fils, mais c'est une gloire bien grande. Tu m'as dit un
jour que tu souffrais de n'avoir eu qu'une fille car tu aurais aimé avoir un
garçon consacré au Seigneur. Ce n'est pas un garçon, mais un ange que tu as,
un ange qui précédera le Sauveur dans son triomphe. Et tu veux te dire
malheureuse ? Ma mère me consacra spontanément au Seigneur dès la
première palpitation qu'elle perçut dans son sein, de moi, qu'elle avait
conçue tardivement. Et elle ne me garda que pendant trois ans. Et moi, je ne
l'ai possédée que dans mon cœur. Cependant ce fut sa paix à sa mort de
m'avoir donnée à Dieu... Allons, viens au Temple pour chanter les louanges de
Celui qui t'a aimée au point de choisir ta fille pour son épouse. Aie dans
ton cœur une véritable sagesse. La vraie sagesse c'est de ne pas mettre de
limites à sa propre générosité envers le Seigneur."
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La femme ne pleure plus, elle écoute... Puis elle se décide. Elle prend son
manteau et s'en enveloppe. Mais en passant devant sa fille, elle
soupire :
"Ah ! d'abord la maladie, puis le Seigneur... Ah ! je ne
devais pas te posséder !..."
"Non, maman. Ne parle pas ainsi ! Jamais tu ne m'as possédée comme
maintenant. Toi et Dieu. Dieu et toi. Vous seuls, jusqu'à la mort..."
Et elle l'embrasse doucement en lui demandant :
"Une bénédiction, mère ! Une bénédiction... parce que j'ai tant
souffert de devoir te faire souffrir. Mais Dieu me voulait ainsi..."
Elles s'embrassent en pleurant. Puis elles sortent, précédées de Jésus et de
Marie et elles ferment la maison pour se joindre aux femmes disciples...
368.5 – ..."Pourquoi
entrons-nous par ici, Seigneur ? Ne valait-il pas mieux entrer de
l'autre côté ?" demande Jacques de Zébédée.
"Parce que, en passant par ici, nous passons devant l'Antonia."
"Et tu espères... Fais attention, Maître !... Le Sanhédrin
t'espionne" dit Thomas.
"Comment le sais-tu ?" demande Barthélemy.
"Il suffit de réfléchir à l'intérêt des pharisiens pour comprendre. Vous
me dites qu'avec mille excuses ils viennent continuellement observer ce que
nous faisons !... Dans quel but, sinon pour trouver le Maître en
faute ?"
"Tu as raison. Alors, Maître, ne passons pas par l'Antonia. Si les
romains ne te voient pas, tant mieux."
"Et dans cette raison, il n'y a pas tant de préoccupation pour Moi que
de mépris pour eux, n'est-ce pas Barthélemy ? Comme tu serais plus sage
si tu ôtais de ton cœur ces misères !" répond Jésus qui poursuit
son chemin sans écouter personne.
Pour aller à l'Antonia, ils doivent passer par le Siste
où se trouve le palais de Jeanne et celui d'Hérode, peu éloignés l'un de
l'autre. Et Jonathas est sur la porte du palais de Kouza et dès qu'il voit
Jésus, il le signale à ceux de la maison. Kouza sort tout de suite et
s'incline. Jeanne le suit déjà toute prête pour rejoindre le groupe des
femmes disciples.
Kouza parle :
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"J'ai appris qu'aujourd'hui tu es chez Jeanne. Accorde à ton serviteur
de t'avoir comme hôte dans un banquet."
"Oui, mais à condition que tu me permettes d'en faire un banquet de
charité pour les pauvres et les malheureux."
"Comme tu veux, Seigneur. Commande et je ferai ce que tu veux."
"Merci. La paix soit avec toi Kouza."
Jeanne demande :
"As-tu des ordres pour Jonathas ? Il est à ta disposition."
"Je les donnerai quand je serai passé au Temple. Allons parce que nous
sommes attendus."
Ils passent peu après près du beau et cruel palais d'Hérode. Mais il est
fermé comme s'il était inhabité. Ils passent près de l'Antonia. Les soldats
observent le petit cortège du Nazaréen.
368.6 – Ils
entrent dans le Temple ; et alors que les femmes s'arrêtent à la partie
inférieure, les hommes continuent vers le lieu qui leur est réservé.
Ils arrivent à l'endroit où sont présentés les enfants et purifiées les
femmes. Un petit groupe de gens accompagnent une jeune mère et s'arrête pour
observer les cérémonies rituelles.
"Un petit consacré au Seigneur, Maître !" dit André qui
observe la scène.
"Si je ne me trompe, c'est la femme de Césarée de Philippe,
celle du château. Elle est passée devant moi pendant que nous t'attendions à
la Porte Dorée" dit Jacques d'Alphée.
"Oui. Il y a aussi sa belle-mère et l'intendant de Philippe. Ils ne nous
ont pas vus, mais nous nous les avons vus"
ajoute le Thaddée.
Et Mathieu ajoute :
"Nous deux, d'autre part, nous avons vu Marie de Simon avec un vieil
homme. Mais Judas n'y était pas. La femme paraissait très triste. Elle
regardait autour avec anxiété."
"Nous la chercherons ensuite. Maintenant prions. Et toi, Simon, fais
l'offrande au trésor
pour tout le monde."
Ils prient longuement, très remarqués par les gens qui se montrent le Maître.
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57> 368.7 – Une
brève altercation, où domine la note aiguë d'une voix féminine, fait tourner
la tête à ceux qui prient avec moins de recueillement.
"Si je suis venue ici pour offrir un garçon à Dieu, je puis rester un
peu pour l'offrir à Celui qui l'a sauvé au Seigneur" dit la voix aiguë.
Et des voix nasales d'hommes insistent :
"Il n'est pas permis à une femme de rester ici après la cérémonie
rituelle. Va-t-en."
"Je vais partir, mais derrière Lui."
"Appelle-le alors et va-t-en avec Lui."
"Doucement ! Doucement ! Laissez la femme parler et qu'elle
dise comment elle peut dire que le Nazaréen a sauvé l'enfant pour Dieu"
dit une voix traînante d'homme.
"Et en quoi cela t'intéresse-t-il, Jonathas d'Uriel ?"
"Si cela m'intéresse ?! Il y a certainement là un nouveau péché.
Une nouvelle preuve. Écoute-moi, femme. Comment cet homme a-t-il sauvé ton
fils ? Veux-tu le dire à ceux qui cherchent avec ténacité la
vérité ?" demande d'un ton mielleux ce pharisien que j'ai déjà vu.
"Oh ! oui. C'est avec reconnaissance que j'en parle. J'étais
désespérée parce que l'enfant était mort-né. Je suis veuve, et cette enfant
est tout pour moi. Lui est venu et lui a donné la vie."
"Quand ? Où ?"
"À Césarée de Philippe. Je suis au château de Césarée."
"La vie ! Sans doute une défaillance de l'enfant..."
"Non. Il était mort. Ma mère peut le dire. Et peut le dire l'intendant
du château. Lui est venu et lui a soufflé dans la bouche, et le bébé a remué
et il a vagi."
"Et toi, où étais-tu?"
"Au lit. Seigneur. J'avais à peine enfanté."
"Oh ! horreur !"
"Ah ! anathème."
"Impur !"
"Sacrilège !"
"Vous voyez si j'avais raison de l'interroger ?"
"Tu es sage, Jonathas d'Uriel ! Comment as-tu deviné ?"
"Je connais l'homme. Je l'ai vu violer le sabbat sur mes terres de la
plaine pour rassasier sa faim."
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"Chassons-le d'ici !"
"Rapportons la chose aux Princes des prêtres."
"Non. Demandons-lui s'il s'est purifié. Nous ne pouvons l'accuser sans
savoir..."
"Tais-toi, Eléazar. Ne te souille pas par une sotte défense."
Au milieu de cette scène, la jeune Dorca, cause de cette bagarre, éclate en
sanglots et crie :
368.8 – "Oh !
Ne Lui faites pas de mal à cause de moi !"
Mais quelques forcenés ont rejoint le Seigneur et Lui disent d'un ton
autoritaire :
"Viens ici et réponds."
Les apôtres et les disciples s'agitent par colère et par crainte. Jésus,
calme et solennel, suit celui qui l'appelle.
"Reconnais-tu cette femme ?" crient-ils en le poussant au
milieu du cercle qui s'est formé autour de Dorca qu'ils montrent du doigt
comme si elle était lépreuse.
"Oui, c'est une jeune mère qui est veuve, de Césarée de Philippe. Cette
femme est sa belle-mère, et cet homme est l'intendant du château. Eh
bien ?"
"Elle t'accuse d'être entré chez elle pendant qu'elle enfantait."
"Ce n'est pas vrai, Seigneur ! Je ne l'ai pas dit. J'ai dit que tu
as ranimé mon fils. Rien d'autre ! Je voulais te faire honneur et je te
fais du mal. Oh ! Pardon, pardon !"
L'intendant de Philippe vient à son secours et il dit :
"Ce n'est pas vrai. Vous mentez. La femme n'a pas dit cela et j'en suis
témoin. Je suis prêt à le jurer et aussi que le Rabbi n'est pas entré dans la
pièce mais que c'est du seuil qu'il a opéré le miracle."
"Tais-toi, serviteur."
"Non. Je ne me tairai pas. Et je le dirai à Philippe qui vénère le Rabbi
plus que vous, faux dévots du Dieu Très-Haut."
L'altercation glisse de la femme au terrain religieux et politique. Jésus se
tait. Dorca pleure.
368.9 – Eléazar,
l'hôte juste du banquet chez Ismaël,
dit :
"Je crois que le doute est éclairci et l'accusation tombe, et le Rabbi,
justifié, peut être libre d'aller."
"Non ; Je veux savoir s'il s'est purifié d'avoir touché le mort.
Qu'il le jure sur Jéhovah !
" crie Jonathas d'Uriel.
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"Je ne me suis pas purifié car, l'enfant n'était pas mort, mais il avait
du mal à respirer."
"Ah ! cela t'arrange maintenant de dire qu'il n'est pas ressuscité,
hein !" crie un pharisien.
"Pourquoi ne t'en vantes-tu pas comme tu l'as fait à Cédés ?"
demande un autre.
"Mais ne perdons pas notre temps à parler ! Chassons-le et
apportons la nouvelle accusation au Sanhédrin. Un paquet
d'accusations !"
"Quelle autre ?" demande Jésus.
"Quelle autre ? Et d'avoir touché une lépreuse sans te
purifier ? Peux-tu le nier ? Et d'avoir blasphémé à Capharnaüm au
point que les plus justes t'ont abandonné ? Peux-tu le nier ?"
"Je ne nie rien. Mais je suis sans péché. En effet, Sadoq, toi qui
m'accuses, tu sais par le mari d'Anastasica qu'elle n'était pas lépreuse, tu le sais, toi, entremetteur de
l'adultère de Samuel, toi qui as menti au monde avec lui, pour favoriser la
passion d'un homme dégoûtant en donnant le nom de lépreuse à celle qui
n'était pas lépreuse, et en condamnant une femme à cette torture qu'est le
fait d'être appelé "lépreux" en Israël, seulement parce que tu es
complice du mari coupable."
Le scribe Sadoq, un de ceux qui étaient à Giscala et puis à
Cédés, frappé de plein fouet, s'esquive sans rien dire. Les gens le
poursuivent de leurs railleries.
"Silence ! Le lieu est sacré" dit Jésus.
Il commande à la femme et à ceux qui l'accompagnent :
"Allons, venez avec Moi où je suis attendu."
Et il s'éloigne sévère et majestueux, suivi des siens.
368.10 – La
femme, pendant ce temps, interrogée par plusieurs ne cesse de raconter, en
répétant à chaque fois :
"Mon fils Lui appartient et je le Lui consacre."
L'intendant, de son côté, s'approche de Jésus et dit :
"Maître, j'ai dit le miracle à Philippe. Il m'a envoyé te dire qu'il
t'aime. Aie recours à lui, dans les embûches d'Hérode... et des autres. Mais
il voudrait voir lui aussi et t'entendre. Ne viendrais-tu pas aujourd'hui
chez lui ? Il te garderait volontiers, même dans la Tétrarchie."
"Je ne suis pas un histrion ni un mage. Je suis le Maître de la Vérité.
Qu'il vienne à la Vérité, et je ne le repousserai pas."
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Ils sont dans la cour des femmes.
"Le voici ! Le voici !" disent les femmes disciples à
Marie qui s'inquiète du retard.
Ils se réunissent et Jésus voudrait congédier les gens de Césarée pour aller
à la recherche de Marie, mère de Judas, mais Dorca s'agenouille et Lui
dit :
"Je t'ai cherché avant elle, avant celle que tu cherches et qui est la
mère d'un disciple. Je t'ai cherché pour te dire : "Ce fils
t'appartient. Fils unique, je te le consacre. Tu es le Dieu Vivant. Qu'il
soit ton serviteur"
"Sais-tu ce que cela veut dire ? Cela veut dire consacrer ton fils
à la souffrance, le perdre comme mère et l'avoir comme martyr au Ciel. Es-tu
capable d'être martyre en ton enfant ?"
"Oui, mon Seigneur. Sa mort m'aurait faite martyre, et d'un martyre de
pauvre mère. Je le serai pour Toi, d'une manière parfaite, agréable au
Seigneur."
"Et qu'il en soit ainsi !...
368.11 – Oh !
Marie de Simon, quand es-tu venue ?"
"Maintenant. Avec Ananias, mon parent... Moi aussi, je te cherchais,
Seigneur..."
"Je le sais. J'ai envoyé Judas pour te dire de venir. N'est-il pas
venu ?"
La mère de Judas baisse la tête et murmure :
"Je suis sortie tout de suite après lui pour venir au Gethsémani. Mais
tu étais parti de là !... Je suis accourue au Temple... Maintenant je te
trouve... À temps pour entendre cette enfant, déjà mère, et si
heureuse !... Oh ! comme je voudrais pouvoir parler ainsi,
Seigneur, et d'un Judas nouveau-né... doux, doux... comme un de ces
agneaux..."
Et en pleurant, elle montre les agneaux bêlants qui vont vers le
sacrificateur. Elle s'enveloppe dans son manteau pour cacher ses pleurs.
"Viens avec Moi, mère. Nous parlerons dans la maison de Jeanne. Ici, ce
n'est pas l'endroit."
Les femmes prennent avec elles Marie, mère de Judas, alors que son parent
Ananias se mêle aux disciples. Dorca aussi et sa belle-mère rejoignent les
femmes, et Marie d'Alphée et Salomé extasiées cajolent le bébé.
Ils se dirigent vers la sortie. Mais avant d'y arriver, un esclave romain
apporte à Jeanne une tablette enduite de cire. Elle la lit et répond :
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"Tu diras que oui. Dans l'après-midi, chez moi, au palais."
Et puis c'est le cri de Jaia
et de sa mère en voyant le Sauveur :
"Le voilà, le voilà, Celui qui donne la lumière ! Bénis sois-tu,
Lumière de Dieu !"
Ils sont le front contre terre, heureux. Les gens se pressent, interrogent,
comprennent, crient des hosannas. Et puis c'est le vieux Matthias, l'homme
qui dans une nuit de tempête logea Jésus et les siens près de Jabès Galaad,
qui vénère et bénit Jésus.
Et puis c'est le grand-père de Marziam et les autres paysans auxquels Jésus,
après avoir parlé à Jeanne, dit :
"Venez avec Moi", comme il l'a déjà dit à Dorca, à Jaia, à Matthias.
368.12 – Mais
près de la Porte Dorée, voici Marc de Josias,
le disciple traître, qui parle avec animation à Judas Iscariote. Judas voit
venir le Maître et le dit à son interlocuteur. Celui-ci se retourne quand
déjà Jésus est derrière lui. Les regards se croisent. Quel regard, celui du
Christ ! Mais l'autre désormais est sourd à tout pouvoir
saint.
Pour fuir plus vite, il jette presque Jésus contre une colonne et Jésus, pour
toute réaction, dit :
"Marc, arrête-toi. Par pitié, pour ton âme et pour ta mère !"
"Satan !" crie l'autre, et il s'en va.
"Horreur !" crient les disciples. "Mais, maudis-le,
Seigneur !"
Et le premier à le dire, c'est l'Iscariote.
"Non. Je ne serais plus Jésus... Allons."
"Mais comment, comment a-t-il pu devenir ainsi ? Il était si
bon !" dit Isaac qui paraît transpercé par une flèche, tellement il
est affligé du changement de Marc.
"C'est un mystère. Une chose inexplicable !" disent plusieurs.
Et Judas de Kériot :
"Oui. Je le faisais parler. Toute une hérésie. Mais comment il
l’explique ! Il vous persuade presque. Il n'était pas si sage quand il
était juste."
"Tu devrais dire qu'il n'était pas si fou quand il était possédé près de
Gamala !" dit Jacques de Zébédée.
Et Jean demande :
"Pourquoi, Seigneur, quand il était possédé te nuisait-il moins que
maintenant ? Ne pourrais-tu pas le guérir pour qu'il ne te nuise
pas ?"
"Parce que maintenant il a accueilli en lui un démon intelligent.
C'était d'abord une auberge prise de force par une légion de démons, mais il
ne consentait pas à les loger.
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Maintenant son intelligence a voulu Satan et Satan a mis en lui une force
démoniaque intelligente. Contre cette seconde possession, je ne puis rien. Je
devrais violenter la volonté libre de l'homme."
"Tu souffres, Maître ?!"
"Oui. Ce sont mes angoisses... mes défaites... Et je m'en afflige, car
ce sont des âmes qui se perdent. Pour cela seulement, non pour le mal qu'ils
me font à Moi."
368.13 – Ils
se sont arrêtés en attendant que le chemin soit dégagé d'un engorgement de
gens et de montures et ils se trouvent tous groupés. Le regard de la mère de
Judas est si perçant que son fils lui demande :
"Mais, enfin, qu'as-tu ? Est-ce la première fois que tu vois mon
visage ? En vérité tu es malade et je dois te faire soigner..."
"Je ne suis pas malade, fils ! Et ce n'est pas la première fois que
je te vois !"
"Et alors ?"
"Et alors... rien. Je voudrais seulement que tu ne mérites jamais ces
paroles du Maître."
"Moi, je ne l'abandonne pas et je ne l'accuse pas. Je suis son apôtre,
moi !"
Ils reprennent la route jusqu'à ce que Jésus s'arrête pour saluer Jeanne et
les femmes disciples qui vont avec Jeanne chez cette dernière. Les hommes, de
leur côté, vont tous au Gethsémani.
"Nous pouvions aller tous là. J'aurais voulu voir ce que disait
Élise."
"Tu le verras. Car c'est seulement aujourd'hui qu'elle saura, et par
Moi, que je lui confie Anastasica."
"Et le repas, ce soir ?"
"Oui. J'ai dit à Jeanne ce qu'elle doit faire."
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