| Le
  mercredi 21 février 1945. 248>  114.1 – Arimathie est assez
  accidentée. Je ne sais pourquoi, je me la figurais en plaine. Pourtant ses
  collines s'abaissent graduellement vers la plaine qui, à certains détours de
  la route, apparaît fertile du côté du couchant et, en cette matinée de
  novembre disparaît à l'horizon sous une brume qui semble une étendue d'eau
  illimitée. 
 Jésus est avec Simon et Thomas.
  Il n'a pas d'autres apôtres avec Lui. J'ai l'impression qu'il tient sagement
  compte des sentiments et des caractères divers des gens qu'il doit fréquenter
  et que, selon les circonstances, il amène avec Lui ceux qu'un hôte peut
  accepter sans être trop heurté. Ces Juifs doivent être plus... susceptibles
  que des femmelettes romantiques…
 
 Je me rends compte qu'ils parlent de Joseph
  d'Arimathie, et Thomas, qui peut-être
  le connaît très bien, montre ses vastes et belles propriétés sur la colline,
  spécialement du côté de Jérusalem, sur la route qui va de la capitale à
  Arimathie et relie ensuite cette localité avec Joppé.
 
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 249>
  Tel est, je me rends compte, le sens de leur conversation, et Thomas parle aussi
  avec admiration des champs que possède Joseph qui bordent les routes de la
  plaine.
 
 "Mais, au moins, ici les hommes ne sont pas traités comme des
  animaux ! Oh ! ce Doras !" dit Simon.
 
 En effet ici, les travailleurs sont bien nourris et bien vêtus, et montrent
  la satisfaction des gens qui ont une bonne situation. Ils saluent avec
  respect parce qu'ils savent certainement déjà quel est cet Homme de haute
  taille et distingué qui va à travers les campagnes d'Arimathie, vers la
  maison de leur maître, et ils l'observent en parlant entre eux à voix basse.
 
 
  114.2 – Lorsque déjà apparaît la
  maison de Joseph, voici qu'un serviteur qui demande, après une profonde
  inclination : 
 "Es-tu le Rabbi attendu ?"
 
 "C'est Moi." répond Jésus.
 
 L'homme salue profondément et court avertir le maître.
 
 La maison est entourée d'une haute haie toujours verte qui remplace ici le
  mur élevé de la maison de Lazare, et l'isole de la route en faisant une suite
  harmonieuse au jardin très boisé qui entoure la maison, et dont les arbres
  maintenant ont presque complètement perdu leur feuillage, Avant que Jésus y
  arrive, Joseph d'Arimathie, dans ses amples vêtements à franges, vient à la
  rencontre de Jésus et s'incline profondément, les bras croisés sur la
  poitrine. Ce n'est pas le salut humble de quelqu'un qui reconnaît en Jésus le
  Dieu fait Chair et qui s'humilie en pliant le genou et en s'abaissant
  jusqu'au sol avec le baiser sur les pieds ou sur la frange du vêtement de
  Jésus, mais c'est toujours un salut très respectueux. Jésus s'incline Lui
  aussi et puis donne son salut de paix.
 
 "Entre, Maître. Tu m'as fait plaisir en acceptant l'invitation. Je
  n'attendais pas de ta part tant de condescendance."
 
 "Pourquoi ? Je vais aussi chez Lazare
  et..."
 
 "Lazare est pour Toi un ami. Moi, je suis un inconnu."
 
 
  "Tu es une âme qui cherche la vérité.
  La Vérité ne te repousse donc pas." 
 "Tu es la Vérité ?"
 
 "Je suis le Chemin, la
  Vie et la Vérité. Celui qui m'aime et me suit trouvera en lui-même le Chemin
  sûr, la Vie bienheureuse et connaîtra Dieu, car Dieu qui est Amour et Justice
  est par surcroît la Vérité."
 
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 250> "Tu es un grand Docteur.
  Toutes tes paroles respirent la sagesse."
 
 Puis, il se tourne vers Simon :
 
 "Je suis heureux que toi aussi, après, une si longue absence, tu reviens
  dans ma maison."
 
 "Mon absence n'était pas volontaire. Tu sais quel sort fut le mien et
  quelle douleur avait frappé la vie du petit Simon que ton père aimait
  bien."
 
 "Je le sais, et tu dois savoir qu'il n'y a jamais eu de ma part une
  parole en ta défaveur."
 
 "Je sais tout. Mon fidèle serviteur m'a dit que c'est à toi aussi que
  je dois d'avoir vu respecter ma propriété. Dieu t'en récompense."
 
 "J'étais quelque chose au Sanhédrin,
  et j'ai usé de cette situation pour apporter une aide juste à un ami de ma
  maison."
 
 "Nombreux étaient les amis de la mienne, et nombreux ceux qui
  étaient quelque chose au Sanhédrin, mais ils n'étaient pas justes
  comme toi..."
 
 "Et celui-ci, qui est-il ? Ce n'est pas un nouveau visage pour
  moi... mais, je ne sais où..."
 
 "Je suis Thomas, surnommé Didyme..."
 
 "Ah ! voilà ! Est-ce que ton vieux père vit
  encore ?"
 
 "Il vit. Il est toujours à ses affaires, avec mes frères. Je l'ai quitté
  pour le Maître, mais il en est heureux."
 
 "C'est un véritable Israélite et, puisqu'il est arrivé à croire que
  Jésus de Nazareth est le Messie, il ne peut qu'être heureux que son fils soit
  parmi ses préférés."
 
 
  114.3 – Ils se trouvent maintenant
  dans le jardin, près de la maison. 
 "J'ai retenu Lazare. Il est dans la bibliothèque, occupé à lire un
  résumé des dernières séances du Sanhédrin. Il ne voulait pas s'arrêter car...
  Je sais que maintenant tu sais... C'est pour cela qu'il ne voulait pas
  rester. Mais j'ai dit : "Non, il n'est pas juste que tu aies honte.
  Dans ma maison, personne ne te fera injure. Reste. À s'isoler, on reste seul
  contre tout un monde, et comme le monde est plutôt mauvais que bon, celui qui
  est seul, est abattu et foulé aux pieds". Ai-je bien
  parlé ?"
 
 "Tu as bien parlé et bien agi." répond Jésus.
 
 "Maître, aujourd'hui, il y aura Nicodème et... Gamaliel. Est-ce que cela te fait de la peine ?"
 
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 251> "Pourquoi devrai-je en
  souffrir ? Je reconnais sa sagesse."
 
 "Oui, il avait envie de te voir et... et quand même rester ferme dans ses
  idées. Tu sais... des idées. Il dit que lui a déjà vu le Messie et qu'il attend le signe qu'Il lui a promis pour sa
  manifestation. Mais il dit aussi que tu es un homme de Dieu. Il ne dit pas
  "l'Homme". Il dit "un homme de Dieu". Subtilités
  rabbiniques, n'est-ce pas ? Tu n'en es pas offensé ?"
 
 Jésus répond :
 
 "Subtilités. Tu as bien dit. Il faut les laisser faire. Les meilleurs
  pourront par eux-mêmes se greffer des branches inutiles qui ne donnent que
  des branches et pas de fruit, mais ensuite ils viendront à Moi."
 
 "J'ai voulu te dire ses paroles à lui, car certainement il te les dira
  simplement lui-même. Il est franc", fait remarquer Joseph.
 
 "C'est une vertu rare et que j'apprécie beaucoup." répond Jésus.
 
 "Oui, je lui ai dit encore : "Mais avec le Maître il y a
  Lazare de Béthanie". J'ai parlé ainsi parce que... eh bien oui, à cause
  de sa
  sœur. Mais Gamaliel a répondu :
  "Est-elle présente ? Non ? Et alors ? La boue tombe du
  vêtement qui n'est plus à son contact. Lazare l'a secouée de lui-même. Et je
  ne suis pas contaminé par son vêtement. Et puis, je pense que si un homme de
  Dieu va dans sa maison, je peux le fréquenter aussi, moi qui suis docteur de
  la Loi".
 
 "Gamaliel a un bon jugement. Pharisien et docteur jusqu'à la moelle des
  os, mais aussi honnête et juste."
 
 "Je suis content de te l'entendre dire.
 
  114.4 – Maître, voici Lazare." 
 Lazare se baisse pour baiser le vêtement de Jésus. Il est heureux d'être avec
  Lui, mais on voit aussi sa satisfaction qui est manifeste dans l'attente des
  convives. Certes, je sais que le pauvre Lazare doit ajouter, à ses tortures
  déjà connues par les hommes à travers l'histoire, celle ignorée et pas assez
  réfléchie par le plus grand nombre, la souffrance morale de ce terrible
  aiguillon qui est la pensée et qui s'interroge : "Que me dira-t-il
  celui-ci ? Que pense-t-il de moi ? Me blessera-t-il avec des
  paroles ou avec un regard de mépris ?". C'est l'aiguillon qu'ont
  tous ceux qui ont une tache dans leur famille.
 
 Une fois entrés dans la riche salle où sont dressées les tables, ils
  n'attendent plus que Gamaliel et Nicodème, car les autres quatre invités sont
  déjà arrivés. J’entends qu'on les présente sous les noms de Félix, Jean, Simon et Corneille.
 
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 252>
  Grand branle-bas des serviteurs qui accourent à l'arrivée de Nicodème et Gamaliel, celui-ci toujours imposant dans son
  splendide vêtement de neige filée qu'il porte avec la majesté d'un roi.
  Joseph se précipite à sa rencontre, et le salut, entre les deux, est marqué
  d'un respect pompeux. Jésus aussi s'est incliné et s'incline devant le grand
  rabbin qui Lui adresse le salut : "Le Seigneur soit avec Toi."
  Jésus répond : "Et que sa paix te soit toujours une compagne
  fidèle." Lazare aussi s'incline et pareillement les autres.
 
 
  114.5 – Gamaliel prend place au milieu
  de la table, entre Jésus et Joseph. Après Jésus est Lazare. Après Joseph,
  Nicodème. Le repas commence avec les prières rituelles que Gamaliel récite et
  après l'échange des politesses des principaux personnages : Jésus,
  Gamaliel et Joseph. 
 Gamaliel est très digne, mais sans orgueil. Il écoute plus qu'il ne parle. On
  se rend compte quand même qu'il réfléchit à chaque parole de Jésus et le
  regarde souvent de ses yeux profonds sombres et sévères. Quand Jésus se tait,
  parce que le sujet est terminé c'est Gamaliel qui, par une question
  opportune, ranime la conversation.
 
 Lazare tout au début est d'abord un peu confus, mais après, il s'enhardit et
  parle lui-aussi.
 
 Des allusions directes à l'égard de Jésus, il n'y en a pas jusque vers la fin
  du repas. C'est alors que s'allume une discussion entre celui qui s'appelle
  Félix et Lazare, et à laquelle s'unit ensuite Nicodème pour soutenir Lazare,
  et à la fin celui qui s'appelle Jean, au sujet de la preuve, pour ou contre
  un individu, pour ce qui concerne les miracles. Jésus se tait, Il sourit
  parfois d'un mystérieux sourire, mais il se tait. Gamaliel aussi se tait. Il
  a le coude appuyé sur le lit et fixe intensément Jésus. Il semble vouloir
  déchiffrer une parole surnaturelle gravée dans la peau pâle et lisse du
  maigre visage de Jésus. Il semble en analyser chaque fibre.
 
 
  114.6 – Félix soutient que la sainteté
  de Jean est incontestable et, de cette sainteté indiscutée et
  indiscutable, il tire une conséquence qui n'est pas favorable à Jésus de
  Nazareth, auteur de miracles nombreux et connus. Il dit : 
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 253> "Le miracle n'est pas une
  preuve de sainteté, car la vie du prophète Jean en est dépourvue. Et
  personne, en Israël, ne mène une vie pareille à la sienne. Pour lui, pas de banquets,
  pas d'amitiés, pas d'intérêts personnels. Pour lui, souffrance et
  emprisonnement pour l'honneur de la Loi. Pour lui, la solitude. Car, oui,
  s'il a des disciples, il ne mène pas de vie en commun. Il trouve des fautes
  même chez les plus honnêtes et tonne contre tout le monde, tandis que...
  eh ! tandis que le Maître de Nazareth ici présent a fait, il est vrai,
  des miracles, mais je vois que Lui aime ce qu'offre la vie. Il ne dédaigne
  pas les amitiés et, pardonne si un des Anciens du Sanhédrin te le dit, il
  donne trop facilement au nom de Dieu, pardon et amour même aux pécheurs
  connus et flétris par l'anathème. Tu ne devrais pas le faire, Jésus."
 
 Jésus sourit et ne parle pas. Lazare répond pour Lui :
 
 "Notre puissant Seigneur est libre de diriger ses serviteurs comme et où
  Il le veut. À Moïse, Il a accordé le miracle, à Aaron son premier pontife, il
  ne l'a pas accordé .
  Et alors, qu'est-ce que tu en conclu ? Le premier est-il plus saint que
  l'autre ?"
 
 "Certainement." répond Félix.
 
 "Alors, le plus saint c'est Jésus qui fait des miracles."
 
 Félix est désorienté. Mais il se raccroche à un argument :
 
 "Aaron avait déjà reçu le pontificat : C'en était assez."
 
 "Non, ami, répond Nicodème. Le pontificat était une mission. Sainte,
  mais rien de plus qu'une mission. Ce n'est pas toujours que les pontifes
  d'Israël ont été saints, et ils ne l'ont pas tous été. Et pourtant ils
  étaient pontifes, même sans être saints."
 
 "Tu ne voudrais pas dire que le Grand Prêtre est un homme dépourvu de la
  grâce !..." s'exclame Félix.
 
 "Félix... n'entrons pas dans ce sujet brûlant. Moi, toi, Gamaliel,
  Joseph, Nicodème, tous, nous savons tant de choses..." dit celui qui
  s'appelait Jean.
 
 "Mais comment ? Mais comment ? Gamaliel, interviens,
  donc !..." Félix en est scandalisé.
 
 "S'il est juste, il dira la vérité que tu ne veux pas écouter."
  disent les trois qui sont enflammés contre Félix.
 
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 254> Joseph cherche à rétablir le calme.
  Jésus reste muet et aussi Thomas, le Zélote et l'autre Simon ami de Joseph. Gamaliel semble jouer avec les franges
  de son vêtement, mais par en dessous regarde Jésus.
 
 "Parle donc, Gamaliel." crie Félix.
 
 "Oui. Parle, parle." disent les trois.
 
 "Moi, je dis : les faiblesses de la famille, doivent rester
  cachées." dit Gamaliel.
 
 "Ce n'est pas une réponse ! crie Félix. Tu sembles reconnaître
  qu'il y a des taches dans la maison du Pontife !"
 
 "C'est l'expression de la vérité." disent les trois.
 
 
  114.7 – Gamaliel se redresse et se
  tourne vers Jésus : 
 "Voici le Maître qui éclipse les plus doctes. Que Lui parle à ce
  sujet."
 
 "Tu le veux. J'obéis. Je dis : l'homme, c'est l'homme. La mission dépasse
  l'homme. Mais l'homme, investi d'une mission, devient capable de l'accomplir
  en surhomme quand, par une vie sainte il a Dieu pour ami. C'est Lui qui a
  dit : "Tu es prêtre selon l'ordre que J'ai donné" .
  Qu'est-ce qui est écrit sur le Rational ?
  "Doctrine et Vérité". Voilà ce que devraient posséder ceux qui sont
  les Pontifes. À la Doctrine, on y arrive par une constante méditation tendue
  vers la connaissance de la Sagesse. À la Vérité, par une fidélité absolue au
  bien. Qui se mêle au mal, entre dans le Mensonge et perd la Vérité."
 
 "Bien ! Tu as répondu comme un grand rabbin. Moi, Gamaliel je te le
  dis. Tu me dépasses."
 
 
  "Qu'il explique alors, celui-ci,
  pourquoi Aaron n'a pas fait de miracles et que Moïse en a
  fait." crie bruyamment Félix. 
 Jésus répond sans tarder :
 
 "C'est que Moïse devait s'imposer à la masse lourde et peu éclairée, et
  même opposée, des Israélites et arriver à avoir de l'ascendant sur eux, de
  manière à les plier à la volonté de Dieu. L'homme est l'éternel sauvage et
  l'éternel enfant. Il est frappé par tout ce qui sort de l'ordinaire. Le
  miracle c'est ça : une lumière que l'on agite devant des pupilles
  obscurcies c'est un bruit près des oreilles bouchées. Il réveille. Il appelle
  l'attention. Il fait dire : "Dieu est là".
 
 "Tu le dis, à ton avantage." réplique Félix.
 
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 255> "À mon avantage ? Et qu'est-ce que cela me
  donne de plus quand je fais un miracle ? Puis-je paraître plus grand si
  je me mets un brin d'herbe sous le pied ? Le rapport est le même entre le
  miracle et la sainteté. Il y a des saints qui n'ont jamais fait de miracles.
  Il y a des mages et des nécromanciens qui mettent en œuvre des forces
  obscures pour en faire, c'est-à-dire qu'ils font des choses surhumaines mais
  qui ne sont pas saintes, et ils sont, eux, des démons. Je serai Moi-même,
  même si je ne fais plus de miracle."
 
 "Très bien ! Tu es grand, Jésus !" approuve Gamaliel.
 
 "Et qui est, d'après toi, ce "grand" ?" poursuit
  Félix en se tournant vers Gamaliel.
 
 "Le plus grand prophète que je connaisse, autant dans ses œuvres que dans ses
  paroles." répond-il.
 
 "C'est le Messie, je te le dis, Gamaliel. Crois en Lui, toi qui es sage
  et juste." dit Joseph.
 
 "Comment ? Toi aussi, qui dirige les Juifs, toi, l'Ancien, notre
  gloire, tu tombes dans cette idolâtrie pour un homme ? Mais qu'est-ce
  qui te prouve que c'est le Christ ? Pour moi, je ne le croirai pas, même
  si je le voyais faire des miracles, Mais pourquoi n'en fait-il pas un devant
  nous ? Dis-le Lui; toi qui le loues; dis-le Lui, toi qui le
  défends." dit Félix à Gamaliel et à Joseph.
 
 "Je ne l'ai pas invité pour amuser des amis et je te prie de te souvenir
  qu'il est mon hôte." répond sèchement Joseph.
 
 Félix se lève et s'en va, fâché et grossier.
 
 
  114.8 – Il y a un moment de silence,
  Jésus se tourne vers Gamaliel : 
 "Et toi, tu ne demandes pas de miracles pour croire ?"
 
 "Ce ne seront pas les miracles d'un homme de Dieu qui m'enlèveront
  l'aiguillon que je porte au cœur de ces trois questions qui restent sans
  réponse."
 
 "Quelles questions ?"
 
 "Le Messie est-il vivant ? Était-ce celui-là ? Est-ce
  celui-ci ?"
 
 "C'est Lui, je te le dis, Gamaliel !" s'exclame Joseph.
  "Ne te rends-tu pas compte qu'il est saint ? Différent des
  autres ? Puissant ? Oui ? Et alors, qu'attends-tu pour
  croire ?"
 
 Gamaliel ne répond pas à Joseph. Il se tourne vers Jésus :
 
 "Une fois... ne te déplaise, Jésus, si je suis tenace dans mes idées...
  Une fois, quand vivait encore le grand et sage Hillel,
  j'ai cru, et lui comme moi, que le Messie était en Israël . Grand éclair du soleil divin en cette froide journée
  d'un hiver qui ne voulait pas finir ! C'était la Pâque...
 
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 256> Les gens tremblaient à cause des
  moissons gelées… Moi, je dis, après avoir entendu ces paroles :
  "Israël est sauvé ! À partir d'aujourd'hui, abondance dans les
  champs et bénédiction dans les cœurs ! L'Attendu s’est manifesté par son
  premier éclair". Et je ne me suis pas trompé. Vous pouvez tous vous
  rappeler quelle récolte il y eut en cette année de treize mois, comme
  celle-ci 
  et ça continue..."
 
 "Quelles paroles as-tu entendues ? Qui les prononçait ?"
 
 "C'était quelqu'un qui sortait de l'enfance... mais Dieu resplendissait
  sur son visage innocent et charmant... Il y a dix-neuf ans 
  que j'y pense et que je garde ce souvenir ...et je cherche à
  entendre de nouveau cette voix... qui disait des paroles de sagesse... Quelle
  est la partie du monde qui l'accueille ? Moi, je pense: ...que c'était
  Dieu. Sous l'apparence d'un enfant pour ne pas effrayer l'homme. Comme un
  éclair qui en sillonnant le ciel apparaît rapide à l'orient et au couchant,
  au nord et au midi; Lui, le Divin, sous son apparence
  de miséricordieuse bonté, avec la voix et le visage d'un enfant et une pensée
  divine, il parcourt la terre pour dire aux hommes : "C'est
  Moi". Telle est ma pensée... Quand reviendra-t-il en Israël ?
  ...Quand ? Et je pense: quand Israël sera un autel pour son pied divin;
  et mon cœur gémit en voyant l'abjection d'Israël : jamais. Oh !
  dure réponse ! Et elle est vraie ! La Sainteté peut-Elle descendre
  en la personne de son Messie tant que l'abomination est en nous ?"
 
 "Elle le peut et le fait parce qu'Elle est miséricorde." répond
  Jésus.
 
 
  114.9 – Gamaliel le regarde pensif et
  puis demande : 
 "Quel est ton vrai Nom ?"
 
 Jésus se lève, imposant, et dit :
 
 "Je suis Celui qui suis. La Pensée et la Parole du Père. Je suis le
  Messie du Seigneur."
 
 "Toi ?... Je ne puis le croire. Grande est ta sainteté. Mais cet
  Enfant, auquel je crois, voici ce qu'il dit alors : "Je donnerai un
  signe... Ces pierres frémiront quand ce sera mon heure". J'attends ce
  signe pour croire. Peux-tu me le donner pour me persuader que tu es, Toi,
  l'Attendu ?"
 
 Les deux, maintenant debout, grands, solennels, l'un dans son ample vêtement
  de lin blanc, l'autre dans son simple habit de laine rouge foncé, l'un âgé,
  l'autre jeune, aux yeux dominateurs et profonds tous les deux, se regardent
  fixement.
 
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 257> Puis Jésus abaisse le bras droit
  qui était plié sur sa poitrine et, comme s'il jurait, s'écrie :
 
 "Tu veux ce signe, et tu l'auras ! Je répète les lointaines paroles
  : "Les pierres du Temple du Seigneur frémiront à mes dernières
  paroles". Attends ce signe, docteur d'Israël, homme juste; et puis crois
  si tu veux obtenir le pardon et le salut. Bienheureux dès maintenant si tu
  pouvais déjà croire. Mais tu ne le peux. Des siècles de croyance erronée au
  sujet d’une juste promesse, et des amas d'orgueil te barrent comme un mur le
  chemin de la Vérité et de la Foi."
 
 "Tu dis bien. J'attendrai ce signe. Adieu. Que le Seigneur soi avec
  Toi."
 
 "Adieu, Gamaliel. Que l'Esprit Éternel t'éclaire et te conduise."
  Tous saluent Gamaliel qui s'en va avec Nicodème, Jean et Simon du Sanhédrin.
  Restent Jésus, Joseph, Lazare, Thomas, Simon le Zélote et Corneille.
 
 "Il ne se rend pas ! ... Je voudrais que tu l'aies parmi tes
  disciples. Poids décisif en ta faveur... et je n'y réussis pas." dit
  Joseph.
 
 "Ne t'en afflige pas. Aucune influence ne pourra me
  sauver de l'orage qui déjà se prépare. Mais Gamaliel, s'il ne se prononce pas
  en ma faveur, ne se prononcera pas non plus contre le Christ. C'est quelqu'un
  qui attend..."
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