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Jésus
dit :
280> "Béni soit le fruit de tes
entrailles".
La maternité divine et virginale fait que Marie n’est surpassée que par Dieu.
Mais ne vous arrêtez pas à contempler
uniquement la gloire de Marie. Pensez à ce qu’il lui en a coûté pour obtenir
cette gloire. Celui qui regarde le Christ dans la lumière de la résurrection
et ne médite pas sur le Rédempteur mourant dans les ténèbres du Vendredi
Saint n’est qu’un sot. De même, celui qui pense à la gloire de Marie et ne
médite pas sur la façon dont elle parvint à la gloire n’est qu’un sot. Le
fruit de son sein, moi, le Christ, Verbe de Dieu, a déchiré son sein.
Et n’allez pas comprendre mes paroles de travers.
Je ne l’ai pas déchiré humainement.
Elle était au-dessus des misères humaines; sur elle ne pesait pas la
condamnation d’Ève,
mais elle n’était pas au-dessus de la douleur. Et la grande douleur, douleur
insigne, souveraine, absolue, est entrée en elle, avec la violence d’un
météore qui fond du ciel, à l’instant même où elle connut l’extase de
l’étreinte avec l’Esprit créateur.
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281> La
béatitude et la douleur ont serré le cœur de Marie en un seul nœud au moment
de son ‘fiat’ suprême et de ses noces très chastes. La béatitude et la
douleur se fondirent en une seule chose, tout comme Marie ne faisait plus
qu’un avec Dieu. Elle était appelée à une mission de rédemptrice et, dès le
premier instant, la douleur surpassa la béatitude. Celle-ci vint à son Assomption.
Unie à l’Esprit de sagesse, son esprit eut la révélation de l’avenir qui
était réservé à sa créature, et dès lors, il n’y eut plus, pour Marie, de
joie au sens habituel de ce mot.
À chaque heure qui passait, pendant que je me formais, puisant la vie à son
sang de vierge-mère
— et caché au fond de ses entrailles, j’avais d’inénarrables échanges d’amour
avec ma Mère
— un amour et une douleur sans pareil se levaient, telles les vagues d’une
mer orageuse, dans le cœur de Marie et la fouettaient de leur violence.
Le cœur de ma Mère connut la morsure des
épées de la douleur
du moment où la Lumière, quittant le centre du Feu Unique et Trin, pénétra en
elle, amorçant l’Incarnation de Dieu et la Rédemption de l’humanité; et cette
morsure s’accrut, d’heure en heure, pendant la sainte gestation au cours de
laquelle le sang divin s’élaborait d’une source de sang humain, le cœur du
Fils battait au rythme du cœur de la Maman, la chair éternelle se formait
avec la chair immaculée de la vierge.
La douleur fut plus grande au moment où je
naquis pour être Lumière dans un monde de ténèbres. La béatitude de la mère
qui embrasse son enfant se transforma chez Marie en la certitude de la
Martyre qui sait que le martyre approche.
"Béni soit le fruit de tes entrailles".
Oui. Mais à ces entrailles qui méritaient toute la joie destinée à un Adam
sans faute, j’ai dû donner toute la douleur. Et pour vous. Pour vous la peine
d’affliger Joseph.
Pour vous l’accouchement dans une telle désolation. Pour vous la prophétie de
Siméon qui lui tourna la lame dans la
plaie, renforçant et aiguisant la morsure de l’épée. Pour vous la fuite en terre étrangère,
pour vous les anxiétés de toute une vie, pour vous les soucis de savoir que
j’évangélisais des castes ennemies qui me persécutaient, pour vous l’effroi
de la capture, le tourment des multiples tortures, l’agonie de mon agonie, la
mort de ma mort.
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282> J’ai
été recueilli sur le sein qui m’avait porté avec une piété qui ne pouvait
être plus grande; mais, en vérité, je vous dis que, entre mon cœur, privé de mouvement vital et lacéré par le coup de
lance, et celui de la Mère très affligée qui me tenait sur ses genoux, il n’y
avait aucune différence de vie et de mort. Le cœur de Marie
et son sein avaient été tués comme moi, l’Innocent, avais été tué.
Aux miracles reliés à la Rédemption, connus ou inconnus, manifestes pour tous
ou révélés à quelques privilégiés, ajoutez celui-ci : le fait que la vie a
continué en Marie par œuvre de l’Éternel après que son cœur fut brisé par et
pour le genre humain comme celui du Fils, son Jésus.
Vous qui ne connaissez pas et ne voulez pas supporter la douleur, pouvez-vous
imaginer quelle fut celle de la Bénie, de l’Immaculée, de la Sainte, de
porter en elle un cœur lacéré, mort, abandonné, et de voir replié sur son
sein un corps sans vie, martyrisé, ensanglanté, livide, lequel avait été le
corps du Fils, la chair de sa chair, le sang de son sang, la vie de sa vie,
l’amour de son esprit ?
Vous
m’avez eu parce que, trente-trois ans avant moi, Marie a accepté de boire le
calice de l’amertume. Sur le bord de la coupe que j’ai bue dans des
sueurs de sang, j’ai trouvé la saveur des lèvres de ma Mère, et ses pleurs
amers étaient mélangés au fiel de mon sacrifice. Et, croyez-moi, la chose qui
m’a coûté le plus fut de la faire souffrir, elle qui ne méritait pas la
douleur. L’abandon du Père, la souffrance de ma Mère, la trahison de l’ami
qui contenait toutes les trahisons futures, voilà les choses les plus atroces
de mon atroce supplice de Rédempteur. Le coup de lance de Longin
dans un organe désormais insensible à la douleur n’est rien en comparaison.
Je voudrais que, pour la douleur qui a
déchiré ma Mère pour vous, vous lui donniez de l’amour. Un grand amour, très
tendre, l’amour des enfants envers la plus parfaite de toutes les mères, la
Mère qui n’a pas encore fini de souffrir, pleurant des larmes célestes sur
les enfants de son amour, lesquels répudient la maison paternelle et se font
les gardiens de bêtes immondes, les vices, au lieu de rester des enfants de
roi, enfants de Dieu.
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