Vision du
mercredi 8 août 1951
508> 646.1 - C’est
une pleine nuit, sombre car la lune est déjà couchée, quand Marie
sort de sa maison du Gethsémani
avec Pierre,
Jacques d'Alphée,
Jean, Nicodème
et le Zélote. À cause de l’obscurité Lazare,
qui est devant la maison pour les attendre là où commence le sentier qui mène
à la grille la plus basse, allume une lampe à huile protégée par une plaque
mince d’albâtre ou autre matière transparente. La lumière est faible, mais en
la tenant en bas vers la terre, comme on le fait,
elle sert toujours à voir les pierres et les obstacles qui peuvent se trouver
sur le parcours. Lazare se met à côté de Marie pour qu’elle surtout y voie
clair. Jean est de l’autre côté, et soutient la Mère par un bras. Les autres
sont derrière en groupe.
Ils vont jusqu’au Cédron et avancent, en le côtoyant, de façon à être à
moitié cachés par les buissons sauvages qui s’élèvent près de ses rives. Le
bruissement de l’eau sert aussi à les dissimuler en se confondant avec celui
des sandales des voyageurs.
En suivant toujours la partie extérieure des
murs jusqu’à la Porte la plus proche du Temple, et puis en pénétrant dans la
zone inhabitée et dépouillée, ils arrivent là où on a lapidé Étienne.
Ils se dirigent vers le monceau de pierres sous lequel il est à demi
enseveli, et en enlèvent les pierres jusqu’au moment où le pauvre corps
apparaît. Il est désormais livide, à la fois par la mort et par les coups et
les pierres qu’il a reçues, dur, raidi, pelotonné sur lui-même comme la mort
l’a saisi.
646.2 - Marie,
que par pitié Jean avait tenue éloignée de quelques pas, se dégage et elle
court à ce pauvre corps déchiré et sanglant. Sans se soucier des taches que
le sang coagulé imprime sur son vêtement, Marie, aidée par Jacques d’Alphée
et Jean, dépose le corps sur une toile étendue sur la poussière, dans un
endroit sans pierres et avec un linge, qu’elle trempe dans une petite amphore
que lui présente le Zélote, elle nettoie, comme elle peut, le visage
d’Étienne, remet en ordre ses cheveux en cherchant à les amener sur les
tempes et sur les joues blessées pour couvrir les traces horribles laissées
par les pierres.
Haut
de page.
509>
Elle nettoie aussi les autres membres et voudrait lui donner une pose moins
tragique. Mais le froid de la mort, arrivée déjà depuis plusieurs heures, ne
le permet qu’en partie.
Ils essaient aussi les hommes, plus forts physiquement et moralement que
Marie, qui semble de nouveau la Mère douloureuse du Golgotha et du Tombeau.
Mais eux aussi doivent se résigner à le laisser comme ils ont réussi à le
réduire après tant d’efforts. Ils le revêtent d’un long vêtement propre, car
le sien a été dispersé ou volé, par mépris, par ceux qui l’ont lapidé, et la
tunique qu’ils lui avaient laissée n’est plus qu’une loque déchirée et
couverte de sang.
Ceci une fois fait, toujours à la faible lueur de la lanterne que Lazare
tient tout près du pauvre corps, ils le soulèvent et le déposent sur une
autre toile bien propre. Nicodème prend la première toile, trempée par l’eau
qui a servi à laver le martyr et par son sang coagulé, et la met sous son
manteau. Jean et Jacques du côté de la tête, Pierre et le Zélote du côté des
pieds, soulèvent la toile qui contient le corps, et commencent le chemin du
retour, précédés par Lazare et Marie. Ils ne reviennent pas cependant par le
chemin fait pour venir mais, au contraire, entrent dans la campagne et
tournent au pied de l’Oliveraie pour rejoindre le chemin qui mène à Jéricho
et à Béthanie.
646.3 - Là
ils s’arrêtent pour se reposer et pour parler. Nicodème, qui pour avoir été
présent, bien que d’une manière passive, à la condamnation d’Étienne, et
parce qu’il était un des chefs des juifs, connaissait mieux que les autres
les décisions du Sanhédrin,
avertit ceux qui sont présents que l’on a déchaîné et ordonné la persécution
contre les chrétiens, et qu’Étienne n’est que le premier d’une longue liste
de noms déjà désignés comme partisans du Christ.
Tous les apôtres commencent par s’écrier :
"Qu’ils fassent ce qu’ils veulent ! Nous ne changerons pas, ni par
menace, ni par prudence !"
Mais les plus avisés de ceux qui sont
présents, c’est-à-dire Lazare et Nicodème, font observer à Pierre
et à Jacques d’Alphée que l’Église a encore bien peu de prêtres du Christ et
que, si les plus puissants d’entre eux, c’est-à-dire le Pontife Pierre et
Jacques, évêque de Jérusalem, venaient à être tués, l’Église aurait du mal à
se sauver. Ils rappellent aussi à Pierre que leur Fondateur et Maître avait
quitté la Judée pour la Samarie pour ne pas être tué avant de les avoir bien
formés, et comment il avait conseillé à ses serviteurs d’imiter son exemple
jusqu’à ce que les pasteurs fussent assez nombreux pour ne pas faire craindre
la dispersion des fidèles par suite de la mort des pasteurs. Et ils terminent
en disant :
Haut
de page.
510> "Dispersez-vous vous aussi à
travers la Judée et la Samarie. Faites-y là des prosélytes, d’autres pasteurs
nombreux, et de là répandez-vous à travers la Terre, afin que, comme Lui a
commandé de le faire, toutes les nations connaissent l’Évangile."
646.4 - Les
apôtres sont perplexes. Ils regardent Marie comme pour savoir ce qu’elle en
pense.
Et Marie, qui comprend ces regards, dit :
"Le conseil est juste. Écoutez-le. Ce n’est pas de la lâcheté, mais de
la prudence. Lui vous l’a enseigné : “Soyez simples comme les colombes et
prudents comme les serpents. Je vous envoie comme des brebis au milieu des
loups. Gardez-vous des hommes..."
Jacques l’interrompt :
"Oui, Mère. Pourtant il a dit aussi : “Quand vous serez tombés entre
leurs mains et traduits devant ceux qui gouvernent, ne vous troublez pas pour
ce que vous devrez répondre.
Ce ne sera pas vous qui parlerez, mais l’Esprit de votre Père parlera par
vous et en vous”. Pour moi, je reste ici. Le disciple doit être comme le
Maître. Lui est mort pour donner la vie à l’Église. Chacune de nos morts sera
une pierre ajoutée au grand nouveau Temple, un accroissement de vie pour le
grand et immortel corps de l’Église universelle. Qu’ils me tuent donc, s’ils
veulent. Vivant au Ciel je serai plus heureux, car je serai à côté de mon
Frère, et plus puissant encore. Je ne crains pas la mort, mais le péché. Abandonner
ma place me paraît imiter le geste de Judas, le traître parfait. Ce péché,
Jacques d’Alphée ne le fera jamais. Si je dois tomber, je tomberai en héros à
mon poste de combat, au poste où Lui me veut."
Marie lui répond :
"Je n’entre pas dans tes secrets avec l’Homme-Dieu. Si Lui te donne
cette inspiration, suis-la. Lui seul, qui est Dieu, peut avoir le pouvoir de
commander. À nous tous il nous appartient seulement de Lui obéir toujours, en
tout, pour faire sa Volonté."
646.5 - Pierre,
moins héroïque, s’entretient avec le Zélote pour savoir ce qu’il en pense.
Lazare, qui est près des deux, propose :
Haut
de page.
511> "Venez à Béthanie. Elle est
proche de Jérusalem et proche du chemin pour la Samarie. C’est de là que le
Christ est parti tant de fois pour échapper à ses ennemis..."
Nicodème propose à son tour :
"Venez dans ma maison de campagne. Elle est sûre, et proche aussi bien
de Béthanie que de Jérusalem, et sur la route qui conduit, par Jéricho, à Éphraïm."
"Non, la mienne est meilleure, protégée par Rome" insiste Lazare.
"Tu es déjà trop haï depuis que Jésus t’a ressuscité, affirmant ainsi, puissamment,
sa Nature divine. Réfléchis que c’est pour ce motif que son sort fut
décidé. Que tu n’aies pas à décider le tien" lui répond Nicodème.
"Et ma maison, qu’en faites-vous ? En réalité elle appartient à Lazare,
mais elle porte encore mon nom" dit Simon le Zélote.
Marie intervient en disant :
"Laissez-moi réfléchir, penser, juger ce qu’il vaut mieux faire. Dieu ne
me laissera pas sans sa lumière. Quand je le saurai, je vous le dirai. Pour
le moment, venez avec moi au Gethsémani."
"Siège de toute Sagesse, Mère de la Parole et de la Lumière, tu es
toujours pour nous l’Étoile qui nous guide sûrement. Nous t’obéissons"
disent-ils tous ensemble comme si vraiment l’Esprit-Saint avait parlé dans
leurs cœurs et par leurs lèvres.
|