Le jeudi 23
janvier 1947.
50> 560.1 – C'est un chemin bien difficile
que celui pris par Manahen pour conduire Jésus à l'endroit où
on l'attend. Un chemin de montagne, étroit, couvert de pierres, dans le
maquis et les bois. La lumière très claire de la lune à son premier quartier
arrive difficilement à traverser l'enchevêtrement des branches et parfois
disparaît tout à fait et Manahen y supplée avec des torches qu'il a préparées
et emportées avec lui en bandoulière comme des armes sous son manteau. Lui
devant, suivi de Jésus, ils avancent en silence dans le grand silence de la
nuit. Deux ou trois fois un animal sauvage, en courant à travers les bois,
imite un bruit de pas qui fait arrêter Manahen aux aguets. Mais à part cela,
rien ne vient troubler la marche déjà si fatigante.
"Voici, Maître, là se trouve Goféna. Maintenant nous tournons, je
compterai trois cent pas et je serai aux grottes où ils nous attendent depuis
le coucher du soleil. Le chemin t'a paru long ? Et pourtant nous sommes allés
par des raccourcis qui, je crois, respectent la distance légale."
Jésus fait un geste comme pour dire :
"On ne pouvait pas faire autrement."
Manahen ne parle plus, attentif à compter les pas. Maintenant ils sont dans
un couloir rocheux et nu, ressemblant à une caverne qui monte entre les
parois de la montagne qui se touchent presque. On dirait une
fracture produite par quelque cataclysme, tant elle est étrange : un énorme
coup de couteau dans la masse de la montagne qui l'aurait coupée sur un bon
tiers à partir du sommet. Au-dessus, là-haut, au-delà des parois
perpendiculaires, au-delà de l'agitation bruyante des arbres qui ont poussé
sur les bords de l'énorme entaille, resplendissent les étoiles, mais la
lumière de la lune ne descend pas ici, dans ce gouffre. La lumière fumeuse de
la torche réveille des oiseaux de proie qui crient en agitant leurs ailes sur
les bords de leurs nids au milieu des crevasses.
560.2 – Manahen dit : "Voilà
!" et à l'intérieur d'une fente de la paroi rocheuse, il jette un cri
qui ressemble à la plainte d'un gros hibou.
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51> Venant du fond, une lueur rougeâtre
s'avance par un autre corridor rocheux, qui pourtant est fermé en haut. Joseph
survient :
"Le Maître ?" demande-t-il car il ne voit pas Jésus qui est un peu
en arrière.
"Je suis ici, Joseph. Paix à toi."
"À Toi, la paix. Viens ! Venez. Nous avons fait du feu pour voir les
serpents et les scorpions et pour mettre en fuite le froid. Je vous
précède."
Il se retourne, et par les détours du sentier dans les entrailles de la
montagne, il les conduit vers un endroit éclairé par des flammes. Là, près du
feu, se trouve Nicodème
qui jette des branches de genévrier sur le feu.
560.3 – "Paix à toi aussi,
Nicodème. Me voici parmi vous. Parlez."
"Maître, personne ne s'est aperçu de ta venue ?"
"Et qui donc, Nicodème ?"
"Mais tes disciples ne sont pas avec Toi ?"
"Avec Moi se trouvent Jean et Judas de Simon.
Les autres évangélisent depuis le lendemain du sabbat jusqu'au crépuscule du
vendredi. Mais j'ai quitté la maison avant sexte en disant que l'on ne
m'attende pas avant l'aube du lendemain du sabbat. Et désormais ils sont
habitués à mes absences de plusieurs heures pour que cela donne des soupçons
à quelqu'un. Soyez donc tranquilles. Nous avons tout le temps de parler sans
aucune crainte d'être surpris. Ici... le lieu est commode."
"Oui. Une tanière de serpents et de vautours... et de larrons à la belle
saison, quand ces montagnes sont remplies de troupeaux. Mais maintenant les
larrons préfèrent d'autres lieux où ils tombent plus rapidement sur les
bercails et les caravanes. Nous regrettons de t'avoir amené jusqu'ici, mais
de cet endroit nous pourrons repartir par des chemins différents sans attirer
l'attention de personne. Car, Maître, là où il
soupçonne de l'amour pour Toi, le Sanhédrin fixe son attention."
"Voilà, sur ce point je suis en désaccord avec Joseph. Il me semble à
moi que maintenant c'est nous qui voyons des ombres où il n'y en a pas. Il me
semble encore que depuis quelques jours la chose s'est beaucoup
apaisée..." dit Nicodème.
"Tu te trompes, mon ami. C'est moi qui te le dis. La chose s'est apaisée
en ce qu'ils ne s'efforcent plus de rechercher le Maître, car ils savent
désormais où il se trouve. Aussi c'est Lui et non pas nous qu'ils
surveillent. À cause de cela, j'ai recommandé de ne dire à personne que nous
nous serions rencontrés, pour qu'il n'y ait personne de prêt... à quoique ce
soit" dit Joseph.
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52> 560.4 – "Je
ne crois pas que ceux d'Éphraïm..." objecte Manahen.
"Pas ceux d'Éphraïm ni personne de Samarie. Seulement pour agir
différemment de ce que nous faisons de l'autre côté..."
"Non, Joseph. Pas pour cela. Mais parce qu'ils n'ont pas, dans leur
cœur, ce serpent maléfique que vous avez. Eux ne craignent pas d'être
dépouillés d'aucune prérogative. Ils n'ont pas à défendre des intérêts de
secte ou de caste. Ils n'ont rien, hormis un besoin instinctif de se sentir
pardonnés et aimés par Celui qu'ont offensé leurs ancêtres et qu'eux
continuent à offenser en restant en dehors de la Religion parfaite. En
dehors, parce qu'eux étant orgueilleux et vous de même, on ne sait pas des
deux côtés renoncer à la rancune qui sépare et se tendre la main au nom de
l'Unique Père. Et même, s'il y avait chez eux tant de bonne volonté, vous la
briseriez, car vous, vous ne savez pas pardonner. Vous ne savez pas dire, en
foulant aux pieds toute sottise : "Le passé est mort, car s'est
levé le Prince du Siècle à venir qui nous rassemble tous sous son
Signe". En fait, je suis venu et je rassemble. Mais vous ! Oh ! pour
vous est toujours anathème même ce que j'ai pensé qu'il méritait d'être
rassemblé !"
"Tu es sévère pour nous, Maître."
560.5 – "Je suis juste.
Pouvez-vous peut-être dire que vous ne m'avez pas reproché, en votre cœur,
certaines de mes actions ? Pouvez-vous dire que vous approuvez ma miséricorde
qui est la même pour les juifs et les galiléens que pour les samaritains et
les gentils, et même encore plus grande pour eux et pour les grands pécheurs,
justement parce qu'ils en ont davantage besoin ? Pouvez-vous dire que vous
n'attendriez pas de Moi des actes d'une violente majesté pour manifester mon
origine surnaturelle et surtout, faites bien attention, ma mission de Messie,
d'après l'idée que vous avez du Messie ?
Dites vraiment la vérité : à part la
joie de votre cœur pour la résurrection de l'ami, n'auriez-vous pas préféré à
celle-là que j'arrive à Béthanie beau et cruel comme nos anciens avec les
amorrhéens
et les basanites
et comme Josué avec ceux de Aï
et de Jéricho, ou mieux encore en faisant crouler avec ma voix les pierres et
les murs sur mes ennemis, comme les trompettes de Josué le firent pour les
murs de Jéricho ?
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51> Ou en attirant du ciel sur mes
ennemis de grosses pierres comme il arriva dans la descente de Béteron encore au temps de Josué
ou, comme dans des temps plus récents, en appelant des
cavaliers célestes s'élançant dans l'air couverts d'or, armés de lances comme
des cohortes, et un défilé de cavaliers en escadrons rangés et des attaques
de part et d'autre et, une agitation de boucliers et d'armées coiffées de
heaumes avec leur épée dégainée et lançant des flèches pour terroriser mes
ennemis ? Oui, vous auriez préféré cela parce que, bien que vous m'aimiez
beaucoup, votre amour est encore impur et nourrit pour cela, en désirant ce qui
n'est pas saint, votre pensée d'Israélites, votre vieille pensée, celle
qui est chez Gamaliel
comme chez le dernier d'Israël, celle qui est chez le Grand Prêtre, chez le
Tétrarque, chez le paysan, chez le berger, chez le nomade, chez l'homme de la
Diaspora : la pensée fixe du Messie conquérant. Le cauchemar de ceux qui
craignent qu'il ne les réduise à rien. L'espoir de ceux qui aiment la
Patrie avec la violence d'un amour humain. Le rêve de ceux qui sont opprimés
sous d'autres puissances dans d'autres terres. Ce n'est pas votre faute. La
pensée pure, telle que Dieu l'a donnée sur ce que je suis, est allée en se
couvrant au cours des siècles de scories inutiles. Et peu savent, par la
souffrance, ramener à sa pureté initiale l'idée messianique. Maintenant,
ensuite, comme sont proches les temps où sera donné le signe qu'attend
Gamaliel, et avec lui tout Israël, maintenant, ensuite, que viennent les
temps de ma parfaite manifestation, Satan travaille à rendre plus imparfait
votre amour et à altérer davantage votre pensée. Son heure vient. Je
vous le dis. Et en cette heure de ténèbres même ceux qui actuellement sont
voyants, ou ont seulement la vue basse, seront complètement aveugles. Peu,
bien peu, dans l'Homme abattu reconnaîtront le Messie.
Peu le reconnaîtront pour le vrai Messie, justement parce qu'il sera
abattu comme l'ont vu les prophètes. Moi, je voudrais, pour le bien de mes
amis, que pendant qu'il fait encore jour ils sachent me voir et me
connaître, pour pouvoir me reconnaître et me voir même quand je serai
défiguré et dans les ténèbres de l'heure du monde...
560.6 – Mais
dites-moi maintenant ce que vous vouliez me dire. L'heure avance
rapidement et l'aube va venir. Je parle pour vous car Moi, je ne crains pas
de rencontres dangereuses."
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54> "Voilà : nous voulions donc te
dire que quelqu'un doit avoir dit où tu es et que ce quelqu'un n'est
certainement ni Nicodème, ni Manahen, ni Lazare,
ni ses sœurs,
ni Nikê,
ni moi. Avec qui d'autres as-tu parlé du lieu choisi pour ton refuge ?"
"Avec personne, Joseph."
"Tu en es sûr ?"
"Sûr."
"Et tu as donné des ordres à tes disciples pour qu'ils n'en parlent pas
?"
"Avant le départ je ne leur ai pas parlé de l'endroit. Arrivé à Éphraïm
je leur ai donné l'ordre d'aller évangéliser et d'opérer à ma place. Et je
suis sûr de leur obéissance."
"Et... Tu es seul à Éphraïm ?"
"Non. Je suis avec Jean et Judas de Simon. Je l'ai déjà dit. Lui, Judas,
car je lis dans ta pensée, ne peut m'avoir nui par son irréflexion, car
il ne s'est jamais éloigné de la ville, et en cette période il n'y passe pas
de pèlerins d'autres lieux."
"Alors... c'est sûrement Belzébuth qui a parlé car, au Sanhédrin, on
sait que tu es ici."
"Eh bien ? Comment réagissent-ils à ma conduite ?"
"De manières diverses, Maître. Très différentes les unes des autres.
Certains disent que c'est logique : puisqu'ils t'ont mis au ban des lieux
saints, il ne te restait qu'à te réfugier en Samarie. D'autres disent au
contraire que cela te fait connaître pour ce que tu es : un samaritain
d'esprit plus encore que de race, et que cela suffit pour te condamner. Tous,
ensuite, se réjouissent d'avoir pu t'imposer le silence et de pouvoir
t'indiquer aux foules comme ami des samaritains. Ils disent : "Nous
avons déjà gagné la bataille. Le reste ne sera qu'un jeu d'enfants".
Mais, nous t'en prions, fais que cela ne soit pas vrai."
"Ce ne sera pas vrai. Laissez-les parler. Ceux qui m'aiment ne se
troubleront pas à cause des apparences. Laissez tomber le vent tout à fait.
C'est un vent de terre. Puis viendra le vent du Ciel, et il s'ouvrira le
voile pour qu'apparaisse la gloire de Dieu.
560.7 – Avez-vous autre chose à me
dire ?"
"Non, pour ce qui te concerne. Veille, sois prudent, ne sors pas d'où tu
es. Et de te dire encore que nous te ferons savoir..."
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55> "Non. Pas besoin. Restez où
vous êtes. Je vais avoir bientôt avec Moi les femmes
disciples et, cela oui, dites à Élise
et à Nikê de rejoindre les autres, si elles le veulent. Dites-le aussi aux
deux sœurs. Comme le lieu où je me trouve est désormais connu, ceux qui ne
craignent pas le Sanhédrin peuvent désormais venir pour notre réconfort
mutuel."
"Les deux sœurs ne peuvent venir jusqu'au retour de Lazare. Il est parti
en grande pompe et Jérusalem toute entière a su qu'il allait à ses propriétés
lointaines et on ne sait pas quand il reviendra. Mais son serviteur est déjà
revenu de Nazareth et il a dit, cela aussi nous devions le dire, que ta Mère
sera ici avec les autres avant la fin de cette lune. Elle se porte bien et de
même Marie
d'Alphée. Le serviteur les a vues, mais
elles tardent un peu car Jeanne
veut venir avec elles, et elle ne le peut qu'à la fin de cette lune.
560.8 – Et puis, voilà, si tu nous le
permets, nous voudrions venir en ton aide... en amis fidèles même si
imparfaits, comme tu le dis."
"Non. Les disciples qui vont évangéliser apportent la veille de chaque
sabbat ce qu'il faut pour eux et pour nous qui restons à Éphraïm. Il ne faut
pas autre chose. L'ouvrier vit de son salaire. Cela est juste. Le reste
serait du superflu. Donnez-le à quelques malheureux. C'est ce que j'ai imposé
aussi à ceux d'Éphraïm et à mes apôtres eux-mêmes. J'exige qu'à leur retour
ils n'aient pas la moindre piécette en réserve et que toute obole soit
donnée en route en ne prenant pour nous que ce qu'il faut pour notre
nourriture très frugale de la semaine."
"Mais pourquoi, Maître ?"
"Pour leur enseigner le détachement des richesses et la nécessité pour
l'esprit de dominer les préoccupations du lendemain. C'est pour cela et pour
mes autres bonnes raisons de Maître que je vous prie de ne pas
insister."
"Comme tu veux. Mais nous regrettons de ne pouvoir te servir."
"L'heure viendra où vous le ferez...
560.9 – N'est-ce pas une première
clarté de l'aube ?" dit-il en se tournant vers l'orient, c'est-à-dire du
côté opposé à celui par lequel il est venu, et en montrant une lueur timide
qui apparaît par une ouverture sur des fonds lointains.
"Oui. Nous devons nous quitter. Moi, je retourne à Goféna où j'ai laissé
ma monture et Nicomède, par cet autre côté, descendra vers Bérot et de là à Rama, une fois le sabbat fini."
"Et toi, Manahen ?"
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56> "Oh ! moi, j'irai ouvertement
par les grandes routes vers Jéricho,
où se trouve maintenant Hérode. J'ai mon cheval dans une maison de pauvres
gens qui pour une obole n'ont honte de rien, pas même d'un samaritain qu'ils
croient que je suis. Mais pour le moment je reste avec toi. Dans mon
sac, j'ai des vivres pour deux."
"Alors saluons-nous.
560.10 – À Pâque nous nous
retrouverons."
"Non ! Tu ne voudras pas t'exposer à ce danger ! disent Joseph et
Nicodème. Ne le fais pas, Maître !"
"En vérité, vous êtes de mauvais amis car vous me conseillez le péché et
la lâcheté. Pourriez-vous ensuite m'aimer en réfléchissant à ma conduite ?
Dites-le. Soyez sincères. Où devrais-je aller adorer le Seigneur à la Pâque
des Azymes ? Peut-être sur le mont Garizim ? Ne devrais-je
pas paraître devant le Seigneur dans son Temple de Jérusalem comme le doit
tout homme d'Israël dans les trois grandes fêtes annuelles ? Ne vous
souvenez-vous pas que déjà on m'accuse de violer le sabbat bien que — Manahen
est ici pour en témoigner — bien que même aujourd'hui, pour me plier à votre
désir, j'ai pris mon départ le soir à un endroit pouvant concilier votre
désir avec la loi sabbatique ?"
"Nous aussi nous nous sommes arrêtés à Goféna pour cette raison... et
nous ferons un sacrifice pour expier une transgression involontaire pour un
motif qui s'imposait. Mais Toi, Maître !... Ils te verront tout de
suite..."
"Même s'ils ne me voyaient pas, je ferai en sorte qu'ils me
voient."
"Tu veux te ruiner ! C'est comme si tu te tuais..."
"Non. Votre esprit est tout enveloppé
de ténèbres. Ce n'est pas comme si je voulais me tuer,
mais c'est uniquement obéir à la voix de mon Père qui me dit : "Va.
C'est l'heure". J'ai toujours essayé de concilier la Loi avec la
nécessité, même le jour où j'ai dû m'enfuir de Béthanie et me réfugier à
Éphraïm parce que ce n'était pas encore l'heure qu'on me prenne. L'Agneau du
Salut ne peut être immolé que pour la Pâque des Azymes. Voudriez-vous que si
j'ai agi ainsi pour la Loi, je n'agisse pas de même pour obéir à mon Père ?
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57> Allez, allez ! Ne vous affligez pas
ainsi. Et pourquoi suis-je venu sinon pour être proclamé roi de toutes les
nations ? Car cela veut dire "Messie", n'est-ce pas ? Oui, cela. Et
cela veut dire aussi "Rédempteur". Seulement que le vrai
sens de ces deux mots ne correspond pas à ce que vous vous figurez.
560.11 – Mais Moi je vous bénis en
implorant qu'un rayon céleste descende sur vous avec ma bénédiction, car je
vous aime et vous m'aimez. Car je voudrais que votre justice soit toute
lumineuse. En effet vous n'êtes pas mauvais mais vous êtes vous aussi le "Vieil
Israël", et vous n'avez pas la volonté héroïque de vous dépouiller
du passé et vous rendre nouveaux.
Adieu, Joseph. Sois juste. Juste comme celui qui fut mon
tuteur pendant tant d'années et qui fut capable de se
renouveler complètement pour servir le Seigneur son Dieu. S'il était ici
parmi nous, oh ! comme il vous enseignerait à savoir servir Dieu
parfaitement, à être justes, justes, justes. Mais il est bien qu'il soit déjà
dans le sein d'Abraham !... Pour ne
pas voir l'injustice d'Israël. Saint serviteur de Dieu !... Nouvel Abraham
lui, le cœur transpercé, mais avec une volonté parfaite, il ne m'aurait pas
conseillé la lâcheté, mais m'aurait dit la parole dont il avait l'habitude de
se servir quand quelque chose de pénible pesait sur nous : "Élevons
notre esprit. Nous rencontrerons le regard de Dieu et nous oublierons que ce
sont les hommes qui nous donnent la douleur, et faisons tout ce qui est
pénible comme si c'était le Très-Haut qui nous le présentait. De cette façon
nous sanctifierons même les plus petites choses, et Dieu nous aimera".
Oh ! c'est ainsi qu'il aurait parlé aussi en m'encourageant à subir les plus
grandes douleurs... Il nous aurait réconfortés... Oh ! ma Mère
!..."
Jésus laisse Joseph qu'il tenait embrassé et il baisse la tête en silence, en
contemplant certainement son prochain martyre et celui de sa pauvre Mère...
Puis il lève la tête et embrasse Nicodème en disant :
"La première fois que tu es venu à Moi comme disciple secret, je t'ai
dit que pour entrer dans le Royaume de Dieu et pour avoir le Royaume de Dieu
en vous, il est nécessaire que votre esprit renaisse et que vous aimiez la
Lumière plus que le monde ne l'aime.
Aujourd'hui, et c'est peut-être la dernière fois que nous nous rencontrons en
secret, je te répète les mêmes paroles. Renais en ton esprit, Nicodème, pour
pouvoir aimer la lumière que je suis et pour que j'habite en toi comme Roi et
Sauveur. Allez, et que Dieu soit avec vous."
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58> 560.12 – Les
deux sanhédristes s'en vont par le côté opposé à celui par lequel est venu
Jésus. Quand le bruit de leurs pas s'est éloigné, Manahen, qui s'était mis à
l'entrée de la grotte pour les voir s'éloigner, revient en arrière pour dire
d'un air très expressif :
"Et pour une fois ceux qui violeront la distance sabbatique ce seront
eux ! Et ils n'auront pas de paix tant qu'ils n'auront pas réglé leur dette
avec l'Éternel par le sacrifice d'un animal ! Ne vaudrait-il pas mieux pour
eux de sacrifier leur tranquillité en se disant ouvertement "des
tiens". Ne serait-ce pas plus agréable au Très-Haut ?"
"Ce le serait certainement, mais ne les juge pas. Ce sont des pâtes qui
lèvent lentement mais, le moment venu, quand tant qui se croient meilleurs
qu'eux, crouleront, eux se dresseront contre tout un monde."
"Le dis-tu pour moi, Seigneur ? Enlève-moi plutôt la vie, mais fais que
je ne te renie pas."
"Tu ne renieras pas. Mais en toi il y a déjà des éléments différents des
leurs pour t'aider à être fidèle."
560.13 – "Oui. Je suis...
l'hérodien, ou plutôt j'étais l'hérodien. En effet, comme je me suis détaché
du Conseil, je me suis détaché du parti quand je l'ai vu lâche et injuste
comme les autres envers Toi. Être hérodien !... Pour les autres castes, c'est
être un peu moins que païen. Je ne dis pas que nous soyons des saints. C'est
vrai. Pour une fin impure nous avons commis l'impureté. Je parle comme si
j'étais encore l'hérodien d'autrefois, avant que je sois à Toi. Nous sommes
donc doublement impurs, selon le jugement humain, parce que nous nous sommes
alliés aux romains et parce que nous l'avons fait dans un but intéressé. Mais
dis-moi, Maître, Toi qui dis toujours la vérité et qui ne t'en abstiens pas
par crainte de perdre un ami. Entre nous, qui sommes alliés avec Rome pour...
avoir encore d'éphémères triomphes personnels, et les pharisiens, les chefs
des prêtres, les scribes, les sadducéens qui s'allient à Satan pour
t'abattre, quels sont les plus impurs ? Moi, tu le vois, maintenant que j'ai
vu que le parti des hérodiens se range contre Toi, je les ai quittés. Je ne
le dis pas pour que tu m'en loues, mais pour te dire ma pensée.
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59> Et eux, je parle des pharisiens et
des prêtres, des scribes et des sadducéens, croient tirer profit de cette
alliance imprévue des hérodiens avec eux ! Les malheureux ! Ils ne savent pas
que les hérodiens le font pour avoir plus de mérite et par conséquent plus de
protection de la part des romains, et après... une fois éclaircie et terminée
la cause et le motif qui les unit présentement, pour abattre ceux qu'ils
prennent maintenant comme alliés. C'est ainsi que l'on joue des deux côtés.
Tout se base sur le mensonge et cela me répugne tellement que je me suis
rendu indépendant de tout. Toi... Tu es un grand fantôme qui les effraie.
Tous ! Et tu es aussi un prétexte pour le louche jeu des intérêts des divers
partis. Le motif religieux ? L'indignation sacrée pour "le
blasphémateur", comme ils t'appellent ? Tout cela n'est que mensonge !
L'unique motif est, non pas la défense de la Religion, ni le zèle sacré pour
le Très-Haut, maïs leurs intérêts, cupides, insatiables. Ils me
dégoûtent comme des choses immondes. Et je voudrais... Oui, je voudrais plus audacieux
le peu de gens qui ne sont pas immondes. Ah ! cela me pèse désormais d'avoir
une double vie ! Je voudrais te suivre Toi seul. Mais je te sers ainsi plus
que si je te suivais. Cela me pèse... Mais tu dis que ce sera
bientôt... Comment...
560.14 – Mais tu seras réellement
immolé parce que tu es l'Agneau ? N'est-ce pas un langage figuré ? La vie
d'Israël est un tissu de symboles et de figures..."
"Et tu voudrais qu'il en fût ainsi pour Moi... Mais pour Moi, ce n'est
pas une figure."
"Pas une figure ? En es-tu sûr ? Je pourrais... En grand nombre, nous
pourrions répéter les gestes antiques et te faire oindre comme Messie et te
défendre. Il suffirait d'un mot, et au nombre de milliers et de dizaines de
milliers se lèveraient les défenseurs du vrai Pontife, saint et sage. Je ne
parle plus d'un roi terrestre, puisque je sais maintenant que ton Royaume est
tout spirituel. Mais puisque humainement parlant nous ne serons jamais plus
forts et libres, qu'il y ait au moins ta sainteté pour soutenir et guérir
Israël corrompu. Personne, et Toi tu le sais, n'aime le sacerdoce actuel et
ceux qui le soutiennent. Veux-tu, Seigneur ? Commande et j'agirai."
"Ta pensée, Manahen, a déjà fait beaucoup
de chemin. Mais tu es encore aussi loin du but que la Terre l'est du soleil.
Je serai Prêtre, et pour l'éternité, Pontife immortel
dans un organisme que je vivifierai jusqu'à la fin des siècles. Mais je ne
serai pas oint avec l'huile d'allégresse, ni proclamé et défendu par la
violence d'actes voulus par une poignée de fidèles pour jeter la Patrie dans
le schisme le plus féroce et la rendre plus esclave qu'elle ne l'a jamais
été.
Haut
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60> Et tu crois qu'une main d'homme
puisse oindre le Christ ? En vérité, je te dis que non. La véritable Autorité
qui m’oindra Pontife et Messie c'est celle de Celui qui m'a envoyé. Personne,
qui ne serait pas Dieu, ne pourrait oindre Dieu comme Roi des rois et
Seigneur des seigneurs, pour l'éternité."
"Alors, rien !? Rien à faire !? Oh ! quelle douleur pour moi !"
"Tout. M'aimer. Tout revient à cela. Aimer non pas la créature qui a
pour nom Jésus, mais ce qu'est Jésus. M'aimer avec l'humanité et avec
l'esprit, comme Moi je vous aime avec l'Esprit et l'Humanité, pour être avec
Moi au-delà de l'Humanité.
560.15 – Regarde cette belle aurore. La
lumière paisible des étoiles n'arrivait pas ici à l'intérieur, mais celle
triomphante du soleil, si. Ainsi en adviendra-t-il dans les cœurs de ceux qui
arriveront à m'aimer avec justice. Viens dehors. Dans le silence de la
montagne dont les voix rauques des intérêts humains n'altèrent pas la pureté.
Regarde là-haut ces aigles comment, en leur larges vols, s'éloignent pour
chercher leur proie .
La voyons-nous cette proie ? Non, Mais eux, si. Car l'œil de
l'aigle est plus puissant que le nôtre et des hauteurs où il se déplace il
voit un large horizon et sait choisir. Moi aussi, je vois ce que vous autres
ne voyez pas, et des hauteurs où plane mon esprit je sais choisir mes douces
proies, non pas pour les dévorer comme font les vautours et les aigles, mais
pour les emporter avec Moi. Nous serons si heureux là-haut, dans le Royaume
de mon Père, nous qui nous aimons !.."
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