442> 420.1 – Jésus et les siens sont à
travers les campagnes. Ici la moisson du blé est déjà terminée et les champs
montrent leurs chaumes brûlés. Jésus suit un sentier ombreux et il parle avec
des hommes qui se sont joints au groupe des apôtres.
"Oui, dit quelqu'un. Rien ne le guérit, il est plus que fou. Et, tu
sais, il est la terreur de tout le monde, spécialement des femmes car il les
poursuit avec des plaisanteries obscènes. Et malheur s'il les
prenait !"
"On ne sait jamais où il est, dit un autre. Sur les monts, dans les
bois, dans les sillons des prés... il débouche à l'improviste comme un
serpent... Les femmes en ont grand peur. Une, toute jeune, qui revenait du
fleuve, se voyant saisie par le forcené a été prise d'une grande fièvre qui
l'a emportée en quelques jours."
"L'autre jour, mon beau-frère était allé à l'endroit où il a préparé un
tombeau pour lui et les siens, ayant perdu son beau-père, il faisait les
préparatifs de la sépulture. Mais il a dû fuir car il y avait à l'intérieur
l'obsédé, nu et criant comme toujours, qui le menaçait à coups de pierres...
Il l'a suivi presque jusqu'au village et puis il est retourné au tombeau, et
il a dû ensevelir le mort dans mon tombeau."
"Et cette fois qu'il s'est rappelé que Tobie et Daniel l'avaient
pris de force, lié et ramené chez lui ? Il les a attendus, à moitié
enseveli dans les roseaux et la boue du fleuve et, quand ils sont montés dans
la barque pour pêcher ou traverser, je ne sais pas au juste, avec sa force
démoniaque il a soulevé l'embarcation et l'a retournée.
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443> Ils se sont sauvés par miracle, mais tout ce qu'il y avait
dans la barque a été perdu et elle en est sortie avec la quille rompue et les
rames brisées."
420.2 – "Mais
vous ne l'avez pas fait voir aux prêtres ?"
"Oui. On l'a amené lié comme un ballot jusqu'à Jérusalem... Un
voyage ! un voyage !... J'y étais et je te dis qu'il n'est pas
besoin de descendre dans l'enfer pour savoir ce qui s'y passe et ce qui s'y
dit. Mais cela n'a servi à rien..."
"Comme avant ?"
"Pire !"
"Et pourtant... le Prêtre !..." s’exclame Barthélemy.
"Mais que veux-tu !... Il faudrait que..."
"Quoi ? Continue..."
Silence.
"Parle donc. Ne crains pas, je ne t'accuserai pas."
"Voilà... je disais... mais je ne veux pas pécher... je disais... que...
oui... le prêtre pourrait réussir si... si..."
"S'il était saint, tu veux dire, et tu n'oses pas le dire. Moi, je te
dis : évite de juger. Mais ce que tu dis est vrai, c'est douloureusement
vrai !..."
Jésus se tait et soupire. Un bref silence gêné. Puis quelqu'un ose de
nouveau.
"Si nous le rencontrions, le guérirais-tu ?
Délivrerais-tu cette contrée ?"
"Tu espères que je le puisse ? Pourquoi ?"
"Parce que tu es saint."
"Dieu est saint."
"Et tu es son Fils."
"Comment peux-tu le savoir ?"
"Hé ! on le dit, et puis nous sommes du fleuve et nous savons ce
que tu as fait, il y a trois lunes. Qui arrête une crue, s'il n'est pas Fils
de Dieu ?"
"Et Moïse ? Et Josué ?"
"Ils agissaient au nom de Dieu et pour sa gloire, et ils l'ont pu, parce
qu'ils étaient saints. Tu l'es plus qu'eux."
"Le feras-tu, Maître ?"
"Je le ferai si nous le rencontrons."
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444> 420.3 – Ils continuent leur route. La
chaleur qui augmente les amène à quitter la route et à
chercher du repos dans un bouquet d'arbres qui sont le long du fleuve, qui
n'est plus troublé comme quand il était en crue. Mais bien qu'il soit encore
riche en eaux, les eaux sont tranquilles et bleues et toutes scintillantes
sous le soleil.
Le sentier s'élargit et l'on aperçoit un groupe de maisons blanches. On doit
approcher d'un village. Aux abords se trouvent des petites constructions très blanches et avec une seule
ouverture dans une paroi; une partie sont ouvertes, les autres sont fermées
hermétiquement. Autour, il n'y a personne. Elles sont éparses sur un terrain
aride et inculte qui semble abandonné. Il n'y a que des mauvaises herbes et
des cailloux.
"Va-t-en ! Va-t-en ! Recule ou je te
tue !"
"Voilà le possédé qui nous a vus ! Moi, je m'en vais."
"Et moi, aussi."
"Et moi, je vous suis."
"Ne craignez rien. Restez et voyez."
Jésus montre tant d'assurance que les hommes... courageux obéissent. Pourtant, ils se mettent derrière Jésus. Les disciples aussi restent
en arrière. Jésus s'avance seul et solennel comme s'il ne voyait et
n'entendait rien.
"Va-t-en !"
Le cri est déchirant : il participe du grondement et du hurlement. Il
paraît impossible qu'il puisse sortir d'une gorge humaine.
"Va-t-en ! En arrière ! Je te
tue ! Pourquoi me poursuis-tu ? Je ne veux pas te voir !"
Le possédé bondit, complètement nu, brun, avec la barbe et les cheveux longs
et ébouriffés. Les mèches noires et hirsutes remplies de feuilles sèches et
de poussière, retombent sur ses yeux torves, injectés de sang, qui roulent
dans leurs orbites, jusque sur la bouche ouverte dans ses cris et ses éclats
de rire de fou, qui semblent un cauchemar, sur la bouche qui écume et saigne
car le forcené la frappe avec une pierre pointue et il dit :
"Pourquoi je ne peux pas te tuer ? Qui lie ma force ?
Toi ? Toi ?"
420.4 – Jésus
le regarde et avance.
Le fou se roule sur le sol, il se mord, écume encore davantage, se frappe avec
son caillou, se redresse, pointe son index vers Jésus qu'il fixe bouleversé
et il dit :
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445> "Écoutez ! Écoutez ! Celui qui vient,
c'est..."
"Tais-toi, démon de l'homme ! Je te le commande."
"Non ! Non ! Non ! Je ne me tais pas, non, je ne me tais
pas. Qu'y a-t-il entre nous et Toi ? Pourquoi
ne nous traites-tu pas bien ? Il ne t'a pas suffi de nous avoir confinés
dans le royaume de l'enfer ? Il ne te suffit pas de venir, d'être venu
pour nous arracher l'homme ? Pourquoi nous repousses-tu là-bas ?
Laisse-nous habiter dans nos proies ! Toi, grand et puissant, passe et
conquiers, si tu le peux, mais laisse-nous jouir et nuire. C'est pour cela
que nous existons. Oh ! mau... Non ! Je
ne peux pas le dire ! Ne te le fais pas dire ! Ne te le fais pas dire ! Je ne puis te maudire ! Je te hais !
Je te persécute ! Je t'attends pour te torturer ! Je
te hais, Toi et Celui de qui tu procèdes, et je hais Celui qui est votre
Esprit. L'Amour, je le hais, moi qui suis la Haine ! Je veux te
maudire ! Je veux te tuer ! Mais je ne peux pas. Je ne peux
pas ! Je ne peux pas encore ! Mais je t'attends, ô Christ, je
t'attends. Je te verrai mort ! Oh, heure de joie ! Non ! Pas
de joie ! Toi, mort ? Non, pas mort. Et moi vaincu !
Vaincu ! Toujours vaincu !... Ah !!!..."
Le paroxysme est à son comble.
Jésus s'avance vers le possédé en le tenant sous le rayonnement de ses yeux magnétiques. Il est tout seul, maintenant,
Jésus. Les apôtres et le peuple sont restés en arrière; celui-ci derrière les
apôtres et les apôtres à une trentaine de mètres au moins de Jésus.
Des habitants du village, qui paraît très peuplé et qui me paraît aussi
riche, sont sortis, attirés par les cris, et ils
regardent la scène, tout prêts eux aussi à s'enfuir comme l'autre groupe.
Voici la disposition de la scène : au centre le possédé et Jésus, à
quelques mètres désormais l'un de l'autre; en arrière de Jésus, à gauche, les
apôtres et des gens du peuple; à droite, derrière le possédé, les citadins.
420.5 – Jésus,
après lui avoir commandé de se taire, n'a plus parlé. Il fixe seulement le
possédé. Mais maintenant Jésus s'arrête et lève les bras, les tend vers le
possédé, il va parler. Les cris deviennent vraiment infernaux. Le possédé se
contorsionne, saute à droite, à gauche, en l'air. Il semble qu'il veuille ou
s'enfuir ou s'élancer, mais il ne le peut. Il est cloué là et, en dehors de
son continuel tortillement, aucun mouvement ne lui est permis.
Quand Jésus tend les bras, les mains tendues comme s'il faisait un serment,
le fou crie plus fort et après avoir fait tant d'imprécations, ri et
blasphémé, il se met à pleurer et à supplier.
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446> "À l'enfer, non ! Non, pas à l'enfer !
Ne m'y envoie pas ! Elle est horrible ma vie même ici, dans cette prison
d'homme, car je voudrais parcourir le monde et mettre en pièces tes
créatures. Mais là, là, là !... Non ! Non ! Non !
Laisse-moi dehors !..."
"Sors de lui. Je te le commande."
"Non !"
"Sors !"
"Non !"
"Sors !"
"Non !"
"Au nom du Dieu vrai, sors !"
"Oh ! Pourquoi tu me vaincs ? Mais je ne sors pas, non. Tu es
le Christ, Fils de Dieu, mais moi je suis..."
"Qui es-tu ?"
"Je suis Belzébuth,
je suis Belzébuth, le maître du monde, et je ne me soumets pas. Je te défie,
ô Christ !"
Le possédé s'immobilise tout à coup, raide, presque hiératique, et il fixe Jésus de ses yeux phosphorescents, remuant à
peine les lèvres pour prononcer des paroles inintelligibles, les mains vers
les épaules et les coudes pliés, il fait de légers mouvements.
Jésus aussi s'est arrêté; maintenant, les bras croisés sur la poitrine, il le
fixe. Jésus aussi remue à peine les lèvres, mais je n'entends pas de paroles.
420.6 – Les
spectateurs attendent, mais ils ne sont pas tous du même avis:
"Il n'y arrive pas !"
"Si, maintenant le Christ y arrive."
"Non, c'est l'autre qui a le dessus."
"Il est vraiment fort."
"Oui."
"Non."
Jésus desserre ses bras. Son visage est un éclat impérieux. Sa voix est un tonnerre.
"Sors. Pour la dernière fois, sors, ô Satan ! C'est Moi qui
commande !"
"Aaaaah !"
(c'est le cri prolongé d'un déchirement infini. Plus que celui de quelqu'un
que l'on transperce lentement d'une épée). Et puis le cri se transforme en
paroles :
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447> "Je sors, oui, tu m'as vaincu. Mais je
me vengerai. Tu me chasses, mais tu as un démon à ton côté et j'entrerai en
lui pour le posséder, en l'assaillant de tout mon pouvoir. Et ce ne sera pas
ton commandement qui l'arrachera à moi. En tout temps, en tout lieu, je
m'engendre des fils, moi, l'auteur du Mal. Et comme Dieu s'est engendré de
Lui-même, moi, voilà que je m'engendre de moi-même. Je me conçois dans le
cœur de l'homme, et lui m'enfante, il enfante un nouveau Satan qui est
lui-même, et j'en jubile, je jubile d'avoir une pareille descendance !
Toi et les hommes, vous trouverez toujours ces créatures qui m'appartiennent,
qui sont autant d'autres moi-même. Je vais, ô Christ, prendre possession de
mon nouveau royaume, comme tu veux, et je te laisse cette loque maltraitée
par moi. En échange de celui que je te laisse, aumône que Satan te fait à
Toi, Dieu, j'en prends pour moi mille et dix mille maintenant, et tu les
trouveras quand Toi tu seras une loque dégoûtante de chair exposée à la risée
des chiens. Dans la succession des temps j'en prendrai dix mille et cent
mille pour en faire mon instrument et ton tourment. Tu crois me vaincre en
levant ton Signe ? Les miens l'abattront et je vaincrai... Ah !
non, je ne te vaincs pas ! Mais je te torture en Toi et dans les
tiens !..."
On entend un fracas comme un coup de foudre mais il n'y a pas de lueur d'éclair ni de grondement de tonnerre,
seulement un éclatement sec et déchirant et, alors que le possédé tombe comme
mort sur le sol et y reste, près des disciples un gros tronc tombe à terre,
comme si à environ un mètre du sol il avait été scié par une scie
foudroyante. Le groupe apostolique a juste le temps de s'écarter, puis les
gens du peuple s'enfuient de tous côtés.
420.7 – Mais
Jésus, qui s'est penché sur l'homme jeté à terre et l'a pris par la main se retourne, restant ainsi penché et avec la
main de l'homme délivré dans la sienne, il dit :
"Venez. Ne craignez rien !"
Les gens s'approchent, craintifs.
"Il est guéri. Apportez un vêtement."
Quelqu'un part en courant.
L'homme revient à lui tout doucement. Il ouvre les yeux et rencontre le
regard de Jésus. Il se met assis. Avec sa main libre, il s'essuie la sueur, le sang et la bave, il rejette en
arrière ses cheveux, se regarde, se voit nu devant tant de gens et il a honte
de lui. Il se recroqueville sur lui-même et demande :
Haut de page.
448> "Qu'est-ce qu'il y a ? Qui es-tu ?
Pourquoi suis-je ici, nu ?"
"Rien, ami. Maintenant, on va t'apporter des vêtements et tu vas
retourner à ta maison.
"D'où est-ce que je viens ? Et Toi, d'où viens-tu ?" Il
parle avec la voix fatiguée et blanche d'un malade.
"Moi, je viens de la Mer de Galilée."
"Et comment me connais-tu ? Pourquoi me
secours-tu ? Comment t'appelles-tu ?"
Des hommes arrivent avec un vêtement qu'ils présentent au miraculé, et arrive une pauvre vieille en pleurs qui
serre l'homme guéri sur son cœur.
"Mon fils !"
"Maman, pourquoi m'as-tu laissé si longtemps ?"
La pauvre vieille pleure plus fort, l'embrasse et le caresse. Peut-être lui
dirait-elle d'autres paroles, mais Jésus la domine du regard et lui en inspire d'autres, plus affectueuses :
"Tu as été si malade, mon fils ! Loue Dieu qui t'a guéri et son
Messie qui a opéré au nom de Dieu."
"Lui ? Comment s'appelle-t-il ?"
"Jésus de Galilée, mais son nom est Bonté. Baise-lui les mains, fils,
dis-lui qu'il te pardonne pour ce que tu as fait ou dit... Certainement tu as
parlé dans ta..."
"Oui, il a parlé dans sa fièvre, dit Jésus pour arrêter les paroles
imprudentes. Mais ce n'était pas lui qui parlait et Moi, je ne suis pas
sévère avec lui. Sois bon, maintenant. Sois continent."
Jésus appuie sur ces mots. L'homme baisse la tête, confus.
420.8 – Mais
ce que Jésus lui épargne, ne lui est pas épargné par les riches citadins qui maintenant se sont approchés. Il y a
parmi eux les ineffables pharisiens.
"Cela t'a bien réussi ! Heureusement pour toi, que tu l'as
rencontré Lui, le maître des démons."
"Possédé, moi ?"
L'homme est terrorisé.
La petite vieille s'emporte :
"Maudits ! Sans pitié, ni respect ! Vipères odieuses et
cruelles ! Et toi aussi, ministre inutile de la synagogue. Maître des démons le Saint !"
Haut de page.
449> "Et qui veux-tu qui ait du pouvoir sur eux, sinon
leur roi et père ?"
"Oh ! sacrilèges ! Blasphémateurs ! Soyez m..."
"Silence, femme. Sois heureuse avec ton fils. Pas d'imprécations. Cela
ne me cause ni chagrin, ni angoisse. Allez tous en paix. Aux bons ma
bénédiction. Allons, amis."
"Puis-je te suivre ?" C'est l'homme guéri qui parle.
"Non, reste. Sois un témoignage de Moi et la joie de ta mère.
Va !"
Et au milieu des cris qui l'applaudissent et les murmures méprisants, Jésus
traverse en partie la petite ville et puis il rentre dans l'ombre des arbres
le long du fleuve.
420.9 – Les apôtres se serrent à Lui.
Pierre demande :
"Pourquoi, Maître, l'esprit immonde a-t-il fait tant de
résistance ?"
"Parce que c'était un esprit complet."
"Que veut dire ce mot ?"
"Écoutez-moi. Il en est qui se donnent à Satan en ouvrant une porte à un
vice principal. Il en est qui se donnent deux, trois, sept fois. Quand
quelqu'un ouvre son esprit aux sept vices, alors il entre en lui un esprit
complet. C'est Satan qui entre, le prince noir."
"Cet homme, jeune encore, comment pouvait-il être pris par
Satan ?"
"Oh !
amis ! Savez-vous par quel sentier vient Satan ? Trois sont les
chemins généralement battus, et il en est un qui ne manque jamais.
Trois : la sensualité, l'argent, l'orgueil de l'esprit. La sensualité
c'est ce qui ne manque jamais. Estafette des autres concupiscences, elle
passe en semant son poison, et c'est toute une floraison de fleurs
sataniques. C'est pour cela que je vous dis : "Soyez maîtres de
votre chair". Que cette maîtrise soit le commencement de toute autre,
comme cet esclavage est le commencement de tout autre. L'esclave de la luxure devient voleur et
prévaricateur, cruel, homicide, pour servir sa maîtresse. La soif de
puissance est elle-même apparentée avec la chair. Il ne vous semble
pas ? Il en est ainsi. Méditez et vous verrez si je me trompe. C'est par
la chair que Satan est entré dans l'homme et, heureux s'il le peut faire,
c'est par la chair qu'il y rentre. Lui, un et septuple, avec la prolifération
de ses légions de démons inférieurs."
Haut
de page.
450> "Marie
de Magdala, tu disais qu'elle
avait sept démons, tu l'as dit , et certainement c'étaient des démons de luxure, et
pourtant tu l'as délivrée avec beaucoup de facilité."
"Oui, Judas, c'est vrai."
"Et alors ?"
"Et alors, tu dis, ma théorie ne tient pas debout. Non, ami. La femme voulait,
désormais, être délivrée de sa possession. Elle voulait. La volonté, c'est tout."
420.10 – "Pourquoi, Maître, nous
voyons que beaucoup de femmes sont prises par le démon et, on peut le dire,
par ce démon?"
"Tu vois, Matthieu,
la femme n'est pas pareille à l'homme dans sa formation et dans ses réactions
à la faute d'origine. L'homme a d'autres buts pour ses désirs plus ou moins
bons. La femme a un but : l'amour. L'homme a une autre formation. La
femme a celle-là : sensible, encore plus parfaite parce qu'elle est
destinée à engendrer. Tu sais que toute perfection produit une augmentation
de sensibilité. Une ouïe parfaite entend ce qui échappe à une oreille moins
parfaite et en jouit. Il en est ainsi de l’œil, ainsi du palais et de
l'odorat.
La femme devait être la douceur de Dieu sur la Terre, elle devait être l'amour, l'incarnation de ce feu qui meut Celui qui
est, la manifestation, le témoignage de cet amour. Dieu l'avait par
conséquent douée d'un esprit suréminement sensible pour que, devant être mère
un jour, elle sût et pût ouvrir à ses enfants les yeux du cœur à l'amour de
Dieu et de leurs semblables, de même que l'homme aurait ouvert à ses enfants
les yeux de l'intelligence pour comprendre et agir.
Réfléchis au commandement que Dieu se donna à Lui-même : "Faisons à
Adam une compagne". Dieu-Bonté ne pouvait que vouloir faire une bonne
compagne à Adam. Qui est bon, aime. La compagne d'Adam devait donc être assez
capable d'aimer pour finir de rendre bienheureux le jour de l'homme dans
l'heureux Jardin. Elle devait être assez capable pour être seconde,
collaboratrice et remplaçante de Dieu dans l'amour de l'homme, sa créature,
de façon que même aux heures où la Divinité ne se manifestait pas à sa
créature avec sa voix d'amour, l'homme ne se sentît pas malheureux par manque
d'amour.
Haut de page.
451/452> Satan connaissait cette perfection. Satan sait tant de choses. C'est lui
qui parle par les lèvres des pythons en disant des mensonges mêlés à des
vérités. Et ces vérités que lui hait parce qu'il est Mensonge, il les dit
seulement - retenez-le bien, vous tous et vous qui viendrez plus tard -
pour vous séduire par la chimère que ce n'est pas la Ténèbre qui parle, mais
la Lumière. Satan, rusé, sournois et cruel, s'est insinué dans cette
perfection et y a mordu et y a laissé son poison. La perfection de la femme
en amour est ainsi devenue pour Satan un instrument pour dominer
la femme et l'homme, et propager le mal..."
420.11 – "Mais
nos mères, alors ?"
"Jean, tu crains pour
elles ? Toutes les femmes ne sont pas des instruments pour Satan. Parfaites
dans le sentiment, elles sont toujours excessives dans l'action : anges
si elles veulent appartenir à Dieu, démons si elles veulent appartenir à
Satan. Les femmes saintes - et ta mère est de celles-là - veulent appartenir
à Dieu, et elles sont des anges."
"Ne te semble-t-elle pas injuste, Maître, la punition pour la
femme ? L'homme aussi a péché."
"Et la récompense, alors ? Il est dit que c'est par la Femme que le
Bien reviendra dans le monde et que Satan sera vaincu."
"Ne jugez jamais les œuvres de Dieu. Cela pour commencer. Mais pensez
que, comme c'est par la femme que le Mal est entré, il est juste que ce soit
par la Femme que le Bien entre dans le monde. Il s'agit d'anéantir une page
écrite par Satan, et ce seront les larmes d'une Femme qui le feront. Et
puisque Satan poussera éternellement ses cris, voilà qu'une voix de Femme
chantera pour les couvrir."
"Quand ?"
"En vérité je vous dis que sa voix est déjà descendue des Cieux où elle
chantait éternellement son alléluia."
"Elle sera plus grande que Judith ?"
"Plus grande que toute femme."
"Que fera-t-elle ? Que fera-t-elle donc ?"
"Elle renversera Ève dans son triple péché. Obéissance absolue. Pureté
absolue. Humilité absolue. C'est sur cela qu'elle se dressera, reine et
victorieuse..."
"Mais, n'est-ce pas ta Mère, Jésus, la plus grande pour t'avoir
engendré ?"
"Grand est celui qui fait la volonté de Dieu, et c'est pour cela que
Marie est grande. Tout autre mérite vient de Dieu, mais celui-là est tout à
fait sien, et qu'elle en soit bénie."
Et tout prend fin.