Le jeudi 28 décembre 1944 à 12 heures.
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[…]
66.1 – Dans l'après-midi, je vois Jésus... sous des oliviers... Il est
assis sur un talus, dans sa pose habituelle, les coudes sur les genoux, les
avant-bras en avant et les mains jointes. La nuit tombe et la lumière baisse
de plus en plus sous les frondaisons des oliviers. Jésus est seul. Il a
quitté son manteau comme s'il avait chaud, et son vêtement blanc met une
teinte claire sur la verdure que le crépuscule obscurcit.
Un homme descend entre les oliviers. Il semble chercher quelqu'un ou quelque
chose. Il est grand, vêtu d'un habit de teinte vive : un jaune rose qui
fait ressortir la couleur du manteau tout orné de franges flottantes. Je ne
vois pas bien son visage parce que la faiblesse du jour et la distance m'en
empêchent, et aussi parce qu'il tient un coin de son manteau qui descend très
bas sur son visage. Quand il voit Jésus, il fait un geste, comme pour
dire : "Le voilà !" et il presse le pas. À quelques
mètres, il salue : "Salut, Maître !"
Jésus se retourne brusquement et lève la tête, car à son arrivée l'homme
survenu est près de lui sur le talus. Jésus le regarde sérieux, je dirais
avec tristesse. L'autre répète : "Je te salue Maître ! Je suis Judas de Kérioth. Tu ne me reconnais pas ? Tu ne te souviens
pas ?"
"Je me souviens et
je te reconnais. Tu es celui qui m'a parlé avec Thomas
à la Pâque dernière."
"Et auquel tu as dit : "Réfléchis et décide-toi avant mon
retour". C'est décidé. Je viens."
"Pourquoi viens-tu, Judas ?"
Jésus est vraiment attristé.
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435> "Parce que... je te l'ai dit
une autre fois, la raison. Parce que je rêve au Royaume d'Israël et j'en vois
en Toi, le Roi."
"C'est pour cela que tu viens ?"
"Pour cela. Je me mets moi-même et tout ce que je puis
avoir : capacités, connaissances, amitiés, fatigue, à ton service et au
service de ta mission pour reconstruire Israël."
Les deux sont maintenant vis-à-vis, proches l'un de l'autre debout et, se
considèrent fixement. Jésus sérieux, jusqu'à paraître attristé, l'autre perdu
dans son rêve, souriant, beau et juvénile, léger et ambitieux.
"Moi, je ne t'ai pas cherché, Judas."
"Je m'en aperçois, mais moi, je te cherchais. Il y a des jours et des
jours que j'ai envoyé quelqu'un aux portes, pour me signaler ton arrivée. Je
pensais que tu serais venu avec des disciples et que par conséquent il aurait
été facile de te reconnaître. Au contraire... J'ai compris que tu étais là
parce qu'un groupe de pèlerins te bénissait pour avoir guéri un malade. Mais
personne ne savait dire où tu étais. Alors je me suis rappelé cet endroit et
je suis venu. Si je ne t'avais pas trouvé ici, je me serais résigné à ne plus
te trouver."
"Crois-tu que cela ait été un bien pour toi de m'avoir
trouvé ?"
"Oui, parce que je te cherchais, je te désirais, je te veux..."
"Pourquoi, pourquoi m'as-tu cherché ?"
"Mais, je te l'ai dit, Maître !
66.2 – Tu ne m'as pas
compris ?"
"Je t'ai compris, oui, je t'ai compris. Mais je veux aussi que toi, tu
me comprennes avant de me suivre. Viens, Nous parlerons ensemble tout en
marchant. " Et ils se mettent à marcher, l'un à côté de l'autre, montant
et descendant les sentiers qui découpent l'oliveraie.
"Tu me suis pour une idée qui est
humaine, Judas Moi, je dois te dissuader. Je ne suis pas venu pour
cela."
"Mais n'es-tu pas Celui qui est marqué pour être le Roi des Juifs ?
Celui dont ont parlé les Prophètes. Il s'en est levé d'autres, mais il leur
manquait trop de choses, mais ils sont tombés comme des feuilles envolées que
le vent ne soutient plus. Tu as Dieu avec Toi, au point d'opérer le miracle.
Là, où est Dieu, assurée est la réussite de la mission."
"Tu as bien parlé. J'ai Dieu avec Moi. Je suis son Verbe. Je suis Celui
qu'ont prophétisé les Prophètes, qui a été promis aux Patriarches, Celui que
les foules attendent.
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436> Mais pourquoi, ô Israël, es-tu devenu aveugle et sourd au
point de ne savoir plus lire et voir écouter et comprendre le sens réel des
faits ? Mon Royaume n'est pas de ce monde, Judas. Renonce à tes idées. À
Israël, je viens apporter la Lumière et la Gloire, mais pas la lumière et la
gloire de la terre.
Je viens appeler au Royaume les justes d'Israël, car
c'est par Israël et avec Israël que doit se former et grandir l'arbre de la
vie éternelle, dont la sève sera le sang du Seigneur, l'arbre qui étendra ses
rameaux sur toute la terre jusqu'à la fin des siècles. Mes disciples, les
premiers, seront d'Israël. Mes confesseurs, les premiers, d'Israël. Mais
aussi mes persécuteurs, d'Israël. Et aussi mes bourreaux, d'Israël. Mais
aussi mon traître, d'Israël."
"Non, Maître. Cela, jamais. Si tous te trahissaient, je te resterais et
te défendrais."
"Toi, Judas ? et sur quoi te bases-tu pour l'assurer ?"
"Sur mon honneur d'homme."
"C'est chose plus fragile qu'une toile d'araignée, Judas. C'est à Dieu
que nous devons demander la force d'être honnêtes et fidèles !
L'homme !... L'homme fait œuvre d'homme. Pour accomplir œuvre d'esprit - car
suivre le Messie dans sa vérité et sa justice c'est faire œuvre d'esprit - il
faut tuer l'homme et le faire renaître. Es-tu capable d'en faire
autant ?"
"Oui, Maître. Et puis... Ce n'est pas tout Israël qui t’aimera. Mais des
bourreaux et des traîtres à son Messie, il n'en viendra pas d'Israël. Il
t'attend depuis des siècles !"
"Il en viendra. Rappelle-toi les Prophètes, leurs
paroles et leurs fins. Je suis destiné à décevoir beaucoup de gens. Et tu es
un de ceux-là. Judas, tu as en face de toi, un doux, un pacifique, un pauvre
qui veut rester pauvre. Je ne suis pas venu pour m’imposer et faire la
guerre. Je ne dispute aux forts
et aux puissants, aucun royaume, aucun
pouvoir. Ce n'est qu'à Satan que je viens disputer les âmes et je viens briser les
chaînes de Satan avec le feu de mon amour. Je viens pour enseigner la
miséricorde, la justice, l'humilité, la continence. Je te dis, et je le dis à
tous : "N'ayez pas soif des richesses
humaines, mais travaillez pour les éternelles". Désillusionne-toi Judas,
si tu crois que je viens triompher de Rome et des castes dominantes. Les
Hérodes aussi bien que les Césars peuvent dormir tranquilles pendant que je
parle aux foules. Je ne suis pas venu arracher le sceptre à qui que ce
soit... et mon sceptre, éternel, est déjà tout prêt. Mais il n'est personne,
à moins qu'être amour comme je le suis, qui voudrait le défendre.
66.3 – Va, Judas et médite..."
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437> "Tu me repousses,
Maître ?"
"Je ne repousse personne, car celui qui repousse n'aime
pas. Mais dis-moi, Judas : comment qualifierais-tu l'acte de quelqu'un
qui se sentant malade et contagieux dirait à un autre qui ignore son mal et
viendrait boire à sa coupe: "Pense à ce que tu fais" Dirais-tu de
lui qu'il est haine ou amour ?"
"Je dirais qu'il est amour parce qu'il ne veut pas que celui qui ignore
se ruine la santé."
"Interprète ainsi mon acte."
"Puis-je me ruiner la santé en venant avec Toi ? Non; jamais."
"C'est plus que la santé que tu peux te ruiner, parce
que, penses-y bien, Judas, il sera comptable de peu celui qui assassinera
croyant faire justice, le croyant, parce qu'il ne connaît pas la Vérité; mais
il sera terriblement justiciable, celui qui l’ayant connue, non seulement ne
la suivra pas, mais s'en fera l'ennemi."
"Moi, je ne le serai pas. Prends-moi, Maître. Tu ne peux me refuser. Si
tu es le Sauveur et si tu vois que je suis pécheur, brebis égarée, un aveugle
qui s'est éloigné du chemin de la justice, pourquoi refuses-tu de me sauver.
Prends-moi. Je te suivrai jusqu'à la mort..."
"Jusqu'à la mort ! C'est vrai, cela
est vrai. Puis..."
"Et puis, Maître ?"
"L'avenir est dans le sein de Dieu. Va. Demain nous nous reverrons près
de la Porte des poissons."
"Merci, Maître. Le Seigneur soit avec Toi."
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