"L'Évangile tel qu'il m'a été révélé"
de Maria Valtorta

© Fondation héritière de Maria Valtorta.

 

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 9.574 - Andando da Enon a Tersa, Gesù riscatta e accoglie un pastorello dopo aver dato la cecità ad un crudele e la vista ad un cieco.

 5.572 - At Enon. The Young Shepherd Benjamin.

 5.574 - En Enón, rescatado y acogido el pastorcillo Benjamín. Hacia Tersa.

 10.629 -  In Ennon; Der Jüngling Benjamin.


Dimanche 24 mars 30
(4 Nissan 3790)
À
Hennon et vers Tersa.


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 Le violent subit le châtiment qu'il a appelé.

 Pendant que le juste est guéri de sa cécité.


Accueil >> Plan du Site >> Sommaire du Tome.

Ancienne édition : Tome 8, chapitre 35.
Nouvelle édition : Tome 9, chapitre 574.

574
E
n route d’Hennon à Tersa. Jésus rachète et accueille un jeune berger après avoir rendu aveugle un homme cruel, et redonné la vue à un aveugle.

 574.1 : Jésus seul à la grotte du Baptiste rencontre un pastoureau orphelin qui veut fuir son maître brutal.  574.2 : Le jeune Benjamin veut s'attacher à Jésus le Christ dont il a entendu parler.  574.3 : Il faut trouver trois témoins prouvant qu’il a bien été racheté.  574.4 : Les apôtres s’apitoient sur le sort du jeune berger comme Isaac a déjà donné l'argent pour le libérer.  574.5 : Éli l'Ancien est heureux d'aller témoigner pour l'enfant.  574.6 : Alexandre est un malfaiteur dangereux. Éli secourait l’enfant comme il pouvait.  574.7 : On passe prendre les deux autres témoins.  574.8 : Jésus ne peut convaincre Alexandre qui ment et refuse de rendre le jeune berger qu’il exploite.  574.9 : Il jette sa hache à la tête de Jésus et menace du couteau.  574.10 : Ses blasphèmes le conduisent à devenir aveugle sur le champ, pendant qu'Éli est guéri de sa quasi cécité.  574.11 : Jésus quitte l'endroit en paix, emmenant le jeune Benjamin.  574.12 : Qui chante son bonheur et que Jésus transforme en Psaume chanté collectivement.  574.13 : La Vierge Marie s’attriste de l'endurcissement du cœur du coupable. 574.14 : Benjamin est choyé par les femmes disciples.  574.15 : Jésus envoie prévenir en avance Judas et Élise.

Le mardi 4 mars 1947.

195>  574.1 – Hennon, une poignée de maisons, est plus haut vers le nord. C'était l'endroit où était le Baptiste : une grotte entourée d'une végétation luxuriante. À peu de distance, des sources clapotent pour former ensuite un ruisseau bien nourri d'eaux qui vont vers le Jourdain.       

Jésus est assis en dehors de la grotte, là où il se trouvait quand il salua son cousin. Il est seul. L'aurore teint à peine de rouge l'orient et les bois se réveillent avec le pépiement des oiseaux qui s'éveillent. Des bêlements arrivent des bercails d'Hennon. Un braiement déchire l'air tranquille.      

Un trottinement de pas sur le sentier. Il passe un troupeau de chèvres conduites par un adolescent qui s'arrête un instant, indécis, pour regarder Jésus. Puis il s'en va. Mais peu après il revient, car une chevrette s'est arrêtée là pour observer l'homme qu'elle n'avait pas l'habitude de voir en cet endroit, et qui tend sa longue main pour lui offrir une tige de marjolaine
[1] et caresse sa tête intelligente. Le pastoureau reste interdit. Il ne sait pas s'il doit éloigner la bête ou laisser Jésus la caresser en souriant comme s'il était content qu'elle vienne sans crainte s'accroupir à ses pieds en posant la tête sur ses genoux. Les autres chèvres aussi reviennent en arrière pour brouter l'herbe parsemée de fleurettes.        

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196> Le pastoureau demande :

"Veux-tu du lait ? Je n'ai pas encore trait deux chèvres rétives qui, si elles ne sont pas repues, donnent des coups de cornes à celui qui leur presse les mamelles. Elles sont comme leur maître qui, s'il n'est pas soûl de gain, nous donne des coups de bâton."      

"Tu es serviteur berger ?"          

"Je suis orphelin, je suis seul et je suis serviteur. Lui m'est parent car c'est le mari de la sœur de la mère de ma mère. Et tant qu'il y eut
Rachel... Mais elle est morte depuis plusieurs mois... Et je suis très malheureux... Prends-moi avec Toi ! Je suis habitué à vivre de rien... Je serai ton serviteur... un peu de pain me suffit comme paiement. Ici aussi je n'ai rien... S'il me payait, je m'en irais. Mais il dit : "Voilà ton argent ? Mais je le garde pour te vêtir et te nourrir". Il me vêt !... Tu le vois ? Il me nourrit !... Regarde-moi... Et cela, ce sont les coups... Voilà mon pain d'hier..."         

Il montre des bleus sur ses bras et ses épaules très maigres.         

"Qu'avais-tu fait ?"         

"Rien. Tes compagnons, les disciples je veux dire, parlaient du Royaume des Cieux, et moi, je les écoutais... C'était le sabbat. Même si je ne travaillais pas, je n'étais pas oisif parce que c'était le sabbat... Il m'a frappé brutalement, tellement que... que je ne veux plus rester avec lui. Prends-moi. Ou je vais m'enfuir... je suis venu exprès ici, ce matin. J'avais peur de parler. Mais tu es bon. Je parle."      

"Et le troupeau ? Tu ne voudras pas certainement t'enfuir avec lui..."     

"...Je le ramènerai au bercail... L'homme, d'ici peu, va aller au bosquet pour couper du bois... Je vais ramener le troupeau et m'enfuir. Oh ! prends-moi !"        

 574.2 – "Mais tu sais qui je suis ?"       

"Tu es le Christ ! Le Roi du Royaume des Cieux. Qui te suit est bienheureux dans l'autre vie. Je n'ai jamais eu de joie ici... mais, ne me repousse pas... que je l'aie là-haut..." 

Il pleure prosterné aux pieds de Jésus, près de la chevrette.         

"Comment me connais-tu si bien ? Tu m'as peut-être entendu parler ?" 

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197> "Non. Je sais, depuis hier, que tu te trouves où était le Baptiste. Mais par Hennon, quelquefois, il passe de tes disciples. Je les ai entendus. Ils s'appellent Matthias, Jean, Siméon, et ils étaient souvent ici car le Baptiste a été leur maître avant Toi . Et puis Isaac... En Isaac j'ai retrouvé père et mère. Isaac voulait même m'enlever au maître et il avait donné l'argent. Mais lui ! Oui, il a pris l'argent, mais ensuite, il ne m'a pas donné, raillant ton disciple."        

"Tu sais beaucoup de choses. Mais sais-tu où je vais ?"       

"À Jérusalem. Mais je ne porte pas écrit sur mon visage que je suis d'Hennon
[2]."        

"Je vais plus loin. Je m'en vais bientôt. Je ne puis te prendre."     

"Prends-moi pour le peu de temps que tu peux."      

"Et puis ?" 

"Et puis... Je pleurerai, mais j'irai avec ceux de Jean qui, les premiers, ont dit au pauvre enfant que la joie que les hommes ne donnent pas sur la Terre, c'est Dieu qui la donne au Ciel à ceux qui ont eu bonne volonté. Moi, pour l'avoir, j'ai reçu tant de coups et j'ai eu si faim pour demander à Dieu de me donner cette paix. Tu vois que j'ai eu bonne volonté... Mais, maintenant, si tu me repousses, je ne pourrai plus espérer..."         

Il pleure doucement, en suppliant Jésus de ses yeux pleins de larmes plus qu'avec ses lèvres.

 574.3 – "Je n'ai pas d'argent pour te racheter et je ne sais pas si ton maître y consentirait."       

"Mais j'ai déjà été payé. J'ai des témoins :
Éli, Lévi et Jonas ont vu et fait des reproches à l'homme, et ce sont les plus grands d'Hennon, tu sais, eux !"        

"S'il en est ainsi... Allons. Lève-toi et viens." 

"Où ?"        

"Chez ton maître."          

"J'ai peur ! Vas-y seul. Il est là-bas, sur ce mont, au milieu des arbres qu'il coupe. Moi, j'attends ici."          

"Ne crains pas. Regarde : mes disciples viennent ici. Nous serons si nombreux contre lui. Il ne te fera pas de mal. Lève-toi. Nous irons à Hennon chercher les trois témoins et nous irons trouver ton maître. Donne-moi la main. Par la suite, je te confierai aux disciples que tu connais. Comment t'appelles-tu ?"        

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198> "Benjamin."

"J'ai deux autres petits amis de ce nom
[3]. Tu seras le troisième." 

"Ami ? C'est trop ! Je suis serviteur."  

"Du Seigneur très Haut. Pour Jésus de Nazareth, tu es l'ami. Viens. Rassemble le troupeau et partons." 

 574.4 – Jésus se lève et, pendant que le pastoureau rassemble les chèvres et pousse celles qui sont rétives sur le chemin du retour, Jésus fait signe aux apôtres, qui avancent sur le sentier et regardent du côté de Jésus, de venir rapidement. Ils hâtent le pas. Mais le troupeau est désormais en route et Jésus, tenant le pastoureau par la main, va vers eux...        

"Seigneur ! Tu es devenu pasteur de chevreaux ? Vraiment la Samarie peut être appelée la chèvre
[4]... Mais Toi..."          

"Mais je suis le bon Pasteur et je change aussi les chevreaux en agneaux. Puis les enfants sont tous des agneaux et celui-ci n'est qu'un peu plus qu'enfant."        

"N'est-ce pas peut-être l'enfant que cet homme hier a emmené si brutalement ?" dit
Matthieu en l'observant.  

"Je crois que c'est lui. Était-ce toi ?"   

"C'est moi."          

"Oh ! Pauvre garçon ! Ton père ne t'aime certainement pas !" dit
Pierre.

"Mon maître. Je n'ai pas d'autre père que Dieu."     

"Oui. Les disciples de Jean ont instruit son ignorance et réconforté son cœur, et au bon moment le Père de tous nous a fait rencontrer. Nous allons à Hennon pour prendre avec nous trois témoins, et puis allons trouver son maître..." dit Jésus.        

"Pour se faire donner l'enfant ? Et où est l'argent ?
Marie a donné les derniers deniers qu'elle avait..." observe Pierre.

"Pas besoin d'argent. Il n'est pas esclave, et on a déjà donné l'argent pour l'avoir du maître. C'est Isaac qui l'a donné, car l'enfant lui faisait peine."

"Et pourquoi ne l'a-t-il pas eu ?"          

"C'est que nombreux sont ceux qui bafouent Dieu et le prochain. Voici ma Mère avec les femmes. Allez leur dire qu'elles n'aillent pas plus loin."    

Jacques de Zébédée et André s'en vont en courant, légers comme des gazelles. Jésus se hâte vers la Mère et les femmes disciples et les rejoint quand déjà elles savent et observent l'enfant avec pitié.

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199>  574.5 – Ils retournent rapidement vers Hennon ; ils y entrent. Ils vont, conduits par le garçon, à la maison d'Éli. C'est un vieillard aux yeux embués par les ans, mais encore vigoureux. Dans sa jeunesse il devait être robuste comme un chêne de ces régions.         

"
Éli, le Rabbi de Nazareth me prend si..."      

"Te prend ? Il ne pouvait faire une plus grande bonté. Tu finirais par devenir mauvais en restant ici. Le cœur s'endurcit quand l'injustice dure trop. Et elle est trop dure. Tu l'as trouvé ? Le Très-Haut écoute donc tes pleurs, même s'ils viennent d'un enfant samaritain. Tu es heureux alors, toi qui, grâce à ton âge, es délivré de toute chaîne et qui peux suivre la Vérité sans que rien te retienne de la suivre, pas même la volonté d'un père ou d'une mère. Cela paraît providentiel maintenant ce qui pendant tant d'années a semblé un châtiment. Dieu est bon. Mais que veux-tu de moi, pour être venu ici ? Ma bénédiction ? Je te la donne comme l'Ancien de l'endroit."

"Ta bénédiction, je la veux, car tu es bon. Et puis je suis venu pour que toi, avec Lévi et Jonas, vous alliez avec le Rabbi trouver mon maître pour qu'il ne réclame pas d'autre argent."     

"Mais, où est le Rabbi ? Je suis vieux et j'y vois bien peu et je ne reconnais que ceux que je connais beaucoup. Moi, je ne connais pas le Rabbi."  

"Il est ici. Il est devant toi."       

"Ici ? Puissance éternelle !"      

Le vieillard se lève et il s'incline vers Jésus en disant :        

"Pardonne au vieux dont les yeux sont enténébrés. Je te salue car il n'y a qu'un juste dans tout Israël, et tu es celui-là.
 574.6 – Allons. Lévi est dans son jardin autour de sa cuve, et Jonas est à ses fromages."

Le vieillard se relève. Il est grand comme Jésus, bien que voûté par l'âge. Il se met en route en tâtant le mur, évitant à l'aide de son bâton les obstacles du chemin.     

Jésus, qui l'a salué par sa paix, le secourt dans un endroit où trois marches rudimentaires rendent la route dangereuse pour un demi-aveugle. Avant de se mettre en route, Jésus avait dit aux femmes disciples de l'attendre à cet endroit. Pendant ce temps, Benjamin va à son bercail.       

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200> Le vieillard dit :    

"Tu es bon, mais
Alexandre est un fauve. C'est un loup. Je ne sais pas si... Mais je suis assez riche pour te donner ce qu'il faut d'argent pour Benjamin, si encore Alexandre en veut. Mes enfants n'ont pas besoin de mon argent. Je suis près du siècle et l'argent ne sert pas pour l'autre vie. Un acte d'humanité, oui, il a de la valeur..."

"Pourquoi ne l'as-tu pas fait plus tôt ?"          

"Ne me fais pas de reproches, Rabbi. Je donnais à manger à l'enfant et je le réconfortais, pour qu'il ne devienne pas un malfaiteur. Alexandre est capable de rendre féroce une tourterelle, mais je ne pouvais pas, personne ne pouvait lui enlever l'enfant. Toi... tu t'en vas loin. Mais nous... nous restons ici et nous craignons ses vengeances. Un jour, quelqu'un d'Hennon s'interposa parce que, ivre, il battait à mort l'enfant et lui, je ne sais pas comment il fit, réussit à empoisonner le troupeau."       

"N'est-ce pas mal penser ?"       

"Non. Il attendit plusieurs mois. L'hiver, quand les brebis restent enfermées et il empoisonna l'eau du bassin. Elles burent, elles gonflèrent, elles moururent toutes. Nous sommes tous bergers ici, et nous avons compris… Pour en être sûr, on a fait manger de leur viande à un chien et le chien est mort. Et il y eut quelqu'un qui vit Alexandre entrer furtivement dans l'enclos... Oh ! C'est un malfaiteur ! Nous le craignons... Cruel, toujours ivre le soir. Impitoyable avec tous les siens. Maintenant qu'ils sont tous morts, il torture le garçon."

"Et alors, ne viens pas si..."       

"Oh ! non. Je viens. Il faut dire la vérité.        
 574.7 – Voilà. J'entends le marteau, c'est Lévi."        

Et il l'appelle à haute voix près d'une haie :   

"Lévi ! Lévi !"       

Un vieillard, qui est moins vieux que le premier, sort dehors en vêtements courts, un marteau dans la main. Il salue Éli et lui demande :      

"Que veux-tu, ami ?"      

"J'ai à côté de moi le Rabbi de Galilée. Il est venu pour prendre Benjamin. Viens, car Alexandre est dans le bois, pour témoigner que lui a déjà eu l'argent de ce disciple."     

"Je viens. On m'a toujours dit que le Rabbi était bon. Maintenant je le crois. Paix à toi !"

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201> Il dépose le marteau, dit à je ne sais qui de l'attendre, et il s'en va avec Éli et Jésus.          

Ils sont vite arrivés au bercail de Jonas. Ils l'appellent, expliquent...       

"Je viens. Toi, commande-t-il à un garçon, avance le travail."      

Il s'essuie les mains à un linge qu'il jette sur une pioche et suit Jésus, après l'avoir salué en même temps que Lévi et Éli. 

Jésus parle pendant ce temps avec le vieillard. Il lui dit :   

"Tu es un juste, Dieu te donnera la paix."      

"Je l'espère. Le Seigneur est juste ! Ce n'est pas ma faute si je suis né en Samarie..."

"Ce n'est pas ta faute. Dans l'autre vie, il n'y a pas de frontières pour les justes. Seule la faute dresse une frontière entre le Ciel et l'Abîme."          

"C'est vrai. Comme je te verrais volontiers ! Ta voix est douce, et douce est ta main pour conduire le vieil aveugle. Douce et forte. Il me semble que c'est celle de mon fils bien-aimé : Éli, comme moi, fils de Joseph, mon fils. Si ton aspect est comme ta main, bienheureux qui te voit."

"Il vaut mieux m'entendre que me voir. Cela rend plus saint l'esprit."     

"C'est vrai. Moi, j'écoute ceux qui parlent de Toi. Mais ils passent rarement...
 574.8 – Mais cela n'est-il pas un bruit de hache sur les troncs ?"  

"Si."

"Alors... Alexandre est près d'ici... Appelle-le."         

"Oui. Vous, restez ici. Si je puis faire seul, je ne vous appellerai pas. Ne vous montrez pas si je ne vous appelle pas."           

Il avance et appelle à haute voix.         

"Qui me veut ? Qui es-tu ?" dit un homme âgé, très robuste, au profil dur, avec une poitrine et des membres de lutteur. Un coup de ces mains doit être comme un brutal coup de massue.        

"C'est Moi, un inconnu qui te connaît. Je viens prendre ce qui m'appartient."        

"À Toi ? Ah ! Ah ! Qu'est-ce qui est à toi dans mon bois ?" 

"Rien dans le bois. Dans ta maison, il y a Benjamin."         

"Tu es fou ! Benjamin est mon serviteur."     

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202> "Et ton parent. Et toi, tu es son geôlier. Un de mes envoyés t'a donné, pour avoir l'enfant, l'argent que tu demandais. Toi, tu as pris l'argent et gardé l'enfant. Mon envoyé, homme de paix, n'a pas réagi. Je viens au nom de la justice."     

"Ton envoyé a dû boire l'argent. Moi, je n'ai rien eu, et je garde Benjamin. Je l'aime bien."         

"Non. Tu le hais. Ce que tu aimes, c'est le profit dont tu ne lui donnes rien. Ne mens pas. Dieu punit les menteurs."  

"Moi, je n'ai pas eu d'argent. Si tu as parlé avec mon serviteur, sache que c'est un rusé menteur. Et moi je le frapperai, puisqu'il me calomnie. Adieu !"

Il tourne le dos à Jésus et va s'éloigner.         

"Attention, Alexandre, que Dieu est présent. Ne défie pas sa bonté."      

"Dieu ! Est-Il par hasard chargé de protéger mes intérêts, Dieu ? C'est à moi seul de sauvegarder mes intérêts, et je m'en charge."         

"Gare à toi !"         

 574.9 – "Mais qui es-tu, misérable galiléen ? Comment te permets-tu de me faire des reproches ? Moi, je ne te connais pas."       

"Tu me connais : je suis le Rabbi de Galilée, et..."    

"Ah ! oui ! Et tu crois me faire peur ? Je ne crains ni Dieu ni Belzébuth, moi, et tu veux que je te craigne, Toi ? Un fou ? Va, va ! Laisse-moi travailler. Va-t'en, te dis-je. Ne me regarde pas. Crois-tu que tes yeux puissent me faire peur ? Que veux-tu voir ?"        

"Tes crimes non, car je les connais tous. Tous. Même ceux que personne ne connaît. Mais je veux voir si tu ne comprends même pas que cette heure est la dernière que te donne la miséricorde de Dieu pour te repentir. Je veux voir si le remords ne se lève pas pour fendre ton cœur de pierre, si..."     

L'homme, qui a sa hache dans les mains, la lance vers Jésus qui se penche rapidement. La hache fait un arc au-dessus de sa tête et va frapper un jeune chêne vert qui se trouve coupé net et tombe avec un grand bruit de feuillage et un frémissement d'ailes d'oiseaux épouvantés.        

 574.10 – Les trois autres, cachés à peu de distance, sortent en criant, craignant que Jésus aussi ait été frappé, et celui qui ne voit pas crie :

"Oh ! y voir ! Voir si Lui est réellement sans blessure ! Pour cela seulement y voir, ô Dieu éternel !"     

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203> Et sourd à toutes les assurances des autres, il avance à l'aveuglette car il a perdu son bâton et il veut toucher Jésus, pour se rendre compte s'il ne saigne pas en quelque partie du corps, et il gémit :  

"Un clair rayon de lumière, et puis les ténèbres. Mais voir, voir, sans ce voile qui me permet à peine de deviner les obstacles..."   

"Je n'ai rien, père, touche-moi" dit Jésus en le touchant et en se faisant toucher.    

 Pendant ce temps les autres adressent au brutal de dures paroles et lui reprochent ses coups et ses mensonges. N'ayant plus sa hache, il sort un couteau et il s'avance pour frapper, en blasphémant Dieu, en se moquant de l'aveugle, en menaçant les autres, vraiment semblable à un fauve furieux. Mais il chancelle, s'arrête, laisse tomber le poignard, se frotte les yeux, les ouvre, les ferme, puis il pousse un cri terrifiant :

"Je n'y vois plus ! À l'aide ! Mes yeux... Les ténèbres... Qui me sauve ?"  

Les autres crient aussi, de stupeur. Et même ils se moquent de lui en disant :        

"Dieu t'a entendu."         

En effet, parmi ses blasphèmes, il y avait ceci :         

"Que Dieu m'aveugle si je mens et si j'ai péché, Et que je m'aveugle plutôt que d'adorer un fou nazaréen ! En ce qui vous concerne, je me vengerai, et je briserai Benjamin comme cet arbuste..."       

Et ils se moquent de lui en disant :     

"Maintenant venge-toi..."          

"Ne soyez pas comme lui, ne haïssez pas" conseille Jésus. 

Et il caresse le vieillard qui ne se préoccupe de rien autre que de la sauvegarde de Jésus et Jésus, pour le rassurer, lui dit :   

"Lève le visage ! Regarde !"       

Le miracle s'accomplit. Comme là-bas, pour le brutal, les ténèbres ; de même, ici, pour le juste, la lumière. Et c'est un cri différent, bienheureux, qui s'élève sous les arbres robustes :          

"J'y vois ! Mes yeux ! La lumière ! Béni sois-tu !"     

Et le vieillard fixe Jésus avec des yeux qui rayonnent d'une nouvelle vie et puis il se prosterne pour baiser ses pieds.   

"Allons, nous deux. Vous, vous reconduirez à Hennon ce malheureux. Et ayez pitié car Dieu l'a déjà puni. Et Dieu suffit. Que l'homme soit bon pour tout malheur." 

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204> "Prends pour toi l'enfant, les brebis, le bois, la maison, l'argent. Mais rends-moi la vue. Je ne peux rester ainsi."    

"Je ne puis. Je te laisse tout ce par quoi tu es devenu pécheur. Je prends avec Moi l'innocent car il a déjà souffert le martyre. Que dans les ténèbres ton âme puisse s'ouvrir à la Lumière."   

 574.11 – Jésus salue Lévi et Jonas, et descend rapidement avec le vieillard qui paraît rajeuni et qui, arrivé aux premières maisons, crie sa joie... Hennon toute entière est en émoi...      

Jésus se fraie un passage, va trouver le pastoureau qui est près des apôtres, et lui dit :       

"Viens ! Partons, car on nous attend à
Tersa."          

"Libre ? Libre ? Avec Toi ? Oh ! Je n'y croyais pas ! Je salue Éli. Et les autres ?"      
Le garçon est agité...       

Éli l'embrasse, le bénit et lui dit :        

"Et pardonne au malheureux."

"Pourquoi ? Pardonner, oui. Mais pourquoi malheureux ?"

"Parce qu'il a blasphémé le Seigneur et la lumière s'est éteinte dans ses yeux. Personne de nous ne le pourra plus craindre. Il est dans les ténèbres et l'infirmité. Redoutable puissance de Dieu … !"         

Le vieillard paraît un prophète inspiré, ainsi, les bras levés, tourné vers le ciel, pensant à ce qu'il a vu.   

Jésus le salue et fend la petite foule agitée. Il s'en va et à sa suite s'en vont les apôtres et les femmes disciples, et Benjamin s'en va, salué par les femmes qui veulent donner au préféré du Seigneur un gage de leur affection : un fruit, une bourse, un pain, un vêtement, ce qu'elles trouvent sur place. Et lui, heureux, les salue, les remercie et leur dit :        

"Toujours bonnes avec moi ! Je m'en souviendrai. Je prierai pour vous. Envoyez vos fils au Seigneur. Il est beau d'être avec Lui. Il est la Vie. Adieu ! Adieu … !" 

 574.12 – Ils ont dépassé Hennon. Ils descendent vers le Jourdain : vers la plaine de la vallée du Jourdain, vers de nouveaux événements, encore inconnus...

Mais l'enfant ne se tourne pas pour regarder. Il ne commente pas. Il ne pense pas. Il ne soupire pas. Il sourit. Il regarde Jésus, là-bas, tout en avant, vrai Berger suivi de son troupeau, du troupeau dans lequel il est maintenant lui aussi, le pauvre enfant... et à l'improviste, il chante, à gorge déployée...  

Les apôtres sourient en disant :

"Le garçon est heureux."

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205> Les femmes sourient en disant :

"L'oiseau prisonnier a retrouvé la liberté et son nid."         

Jésus sourit, en se tournant pour le regarder, et son sourire, comme toujours, parait rendre tout plus lumineux et il l'appelle en disant :  

"Viens ici, agnelet de Dieu. Je veux t'enseigner un beau chant."   

Et, suivi par les autres, il entonne le psaume :          

"Le Seigneur est mon Berger. Il ne me manquera rien. Il m'a mis dans un lieu d'abondants pâturages
[5]" et cætera. La voix très belle de Jésus se répand à travers la campagne fertile, l'emporte sur les autres, même sur les meilleures, tant elle exprime puissamment sa joie.          

 574.13 – "Il est heureux, ton Fils, Marie" dit Marie d'Alphée.         

"Oui. Il est heureux. Il a encore quelques joies..."    

"Aucun voyage n'est sans fruit. Il passe en répandant les grâces, et toujours il y a quelqu'un qui rencontre vraiment le Sauveur. Te souviens-tu de ce soir-là à
Bethléem de Galilée ? [6]" demande Marie de Magdala.     

"Oui. Mais je ne voudrais pas me rappeler ces lépreux et cet aveugle..." 

"Tu pardonnerais toujours. Tu es tellement bonne ! Mais la justice aussi est nécessaire" observe
Marie Salomé.     

"Elle est nécessaire, mais heureusement pour nous que la miséricorde est plus grande" dit encore Marie de Magdala.

"Toi, tu peux le dire. Mais Marie..." répond
Jeanne.

"Marie ne veut que le pardon, bien qu'elle-même n'ait pas besoin de pardon. N'est-ce pas, Marie ?" dit
Suzanne.     

"Je ne voudrais que le pardon, oui. Cela seulement. Être mauvais doit être déjà une terrible souffrance..." Elle soupire en le disant.

"Tu pardonnerais à tous, à tous vraiment ? Mais serait-ce juste de le faire ? Il y a des obstinés dans le mal qui empêchent tout pardon en s'en moquant comme d'une faiblesse" dit
Marthe.    

"Je pardonnerais. Pour moi, je pardonnerais. Non par sottise, mais parce que je vois en toute âme un petit enfant plus ou moins bon. Comme un fils... Une mère pardonne toujours... même si elle dit : "La justice veut un juste châtiment".          

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206> Oh ! si une mère pouvait mourir pour engendrer un cœur nouveau, bon, pour le fils mauvais, croyez-vous qu'elle ne le ferait pas ? Mais cela ne se peut. Il y a des cœurs qui repoussent toute aide... Et je pense qu'à eux aussi la pitié doit donner le pardon. Car il est déjà si grand le poids qu'ils ont sur le cœur : de leurs fautes, de la rigueur de Dieu... Oh ! pardonnons, pardonnons aux coupables... Et plût à Dieu accueillir notre pardon absolu pour diminuer leur dette..."     

"Mais pourquoi pleures-tu toujours, Marie ? Même maintenant que ton Fils a une heure de joie !" se plaint Marie d'Alphée.

"Cela n'a pas été toute joie car le coupable ne s'est pas repenti. Jésus est dans une joie complète quand il peut racheter..."  

Qui sait pourquoi
Nikê, qui n'a jamais parlé, dit à l'improviste :   

"D'ici peu, nous serons de nouveau avec
Judas de Kérioth."         

Les femmes se regardent comme si cette simple phrase était une chose extraordinaire, comme si derrière elle se cachait je ne sais quelle grande chose. Mais aucune ne dit mot.

 574.14 – Jésus s'est arrêté dans une très belle oliveraie. Tous s'arrêtent. Jésus bénit la nourriture et la partage et puis il la répartit.

Benjamin regarde et range ce qu'on lui a donné : vêtements trop longs ou trop larges, sandales qui ne lui vont pas, amandes encore dans leur enveloppe, les dernières noix, un petit fromage, quelques pommes ridées, un coutelas. Il est heureux de son trésor. Il veut offrir les aliments, et il plie les vêtements en disant :      

"Je mettrai le plus beau pour Pâque." 

Marie d'Alphée promet :

Béthanie, je te remettrai tout en ordre. En attendant, laisse-le dehors. À Tersa, il y aura de l'eau pour le rafraîchir et plus loin il y aura du fil pour le mettre aux mesures. Pour les sandales, ensuite... je ne sais comment faire."        

"On va les donner au premier pauvre que l'on rencontre si elles vont à son pied et, à
Tersa, on va en acheter une paire de neuves" dit tranquillement Marie de Magdala.   

"Avec quel argent, ma sœur ?" lui demande Marthe.

"Ah ! c'est vrai ! Nous n'avons plus une piécette... Mais Judas a de l'argent... Ainsi chaussé, Benjamin ne peut faire une longue route. Et puis, le pauvre enfant ! Son âme a eu une grande joie, mais son humanité aussi doit avoir un sourire... Certaines choses font plaisir."         

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207> Suzanne, jeune et de bonne humeur, lui dit en riant :          

"Tu parles comme si tu savais par expérience qu'une paire de sandales neuves fait la joie de qui n'en a jamais possédées de pareilles !"     

"C'est vrai. Mais c'est parce que, en effet, je sais comment peut faire plaisir un vêtement sec quand on est trempé, et un vêtement frais quand on n'en a qu'un. Moi, je me souviens..."   

Et elle penche la tête sur l'épaule de Marie très Sainte en disant :

"Tu te rappelles, Ô Mère ?"       

Et elle l'embrasse avec tendresse
[7].     

 574.15 – Jésus donne l'ordre de partir pour être à Tersa avant le soir :     

"Ils vont s'inquiéter les deux qui ne sont pas au courant..."

"Veux-tu que l'on aille en avant pour leur dire que tu arrives ?" propose
Jacques d'Alphée.

"Oui. Allez tous, sauf
Jean et Jacques et mon frère Jude. Tersa n'est pas loin désormais... Allez donc. Cherchez Judas et Élise et préparez en même temps les places pour nous, car ayant tant tardé et ayant les femmes avec nous, il est bien d'y passer la nuit... Nous vous suivrons pendant ce temps. Faites en sorte qu'on vous trouve aux premières maisons..."



Les huit apôtres s'en vont rapidement et Jésus les suit plus lentement.  

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Fiche mise à jour le 09/03/2024.

 



[1] La marjolaine sauvage ou origan, vient de Palestine, importée probablement par les croisés.        

[2] Que je suis d’Hennon, autrement dit Samaritain, honni en Judée.    

[3] Le jeune Benjamin de Capharnaüm et celui de Magdala.        

[4] = Bouc. Voir Matthieu 25,32 pour la symbolique désobligeante (parabole du jugement dernier où Jésus sépare les brebis des boucs (chèvres). 

[5] Psaume 22 (Hébreu 23). 

[6] Jésus y sauve Abel l'innocent accusé de meurtre par les véritables meurtriers. Ceux-ci sont frappés d'une lèpre subite par Jésus (Cf. EMV 248.5/10).         

[7] Référence à l'arrivée à Nazareth de Marie de Magdala repentie. Cf. EMV 238.3/6.