Le vendredi 27 décembre 1946.
464> 549.1 - Si la nouvelle de
la mort de Lazare
avait remué et agité Jérusalem et une bonne partie de la Judée, la nouvelle
de sa résurrection finit de remuer et de pénétrer même là où n'avait pas
produit d'agitation la nouvelle de sa mort.
Sans doute les quelques pharisiens et scribes, c'est-à-dire les synhédristes
présents à la résurrection, n'en avaient pas parlé au peuple, mais
certainement les juifs en ont parlé et la nouvelle s'est répandue comme un
éclair, et d'une maison à l'autre, d'une terrasse à l'autre, des voix de
femmes se la répètent, alors qu'en bas le petit peuple la propage en se
réjouissant grandement pour le triomphe de Jésus et pour Lazare. Les gens
remplissent les rues en courant çà et là, croyant toujours arriver les
premiers pour donner la nouvelle, mais restent déçus car on la connaît à Ophel comme à Bézéta, dans Sion comme au Sixte .
On la connaît dans les synagogues et dans les magasins, au Temple et dans le
palais d'Hérode.
On la connaît à l'Antonia
et de l'Antonia elle se répand dans les postes de garde aux portes ou vice
versa. Elle emplit les palais comme les taudis; "Le Rabbi de Nazareth a
ressuscité Lazare de Béthanie qui est mort la veille du vendredi et a été mis
au tombeau avant le début du sabbat et est ressuscité à l'heure de sexte
d'aujourd'hui."
Les acclamations hébraïques au Christ et au Très-Haut se croisent avec celles
variées des romains : "Par Jupiter ! Par Pollux ! Par Libitina !" et cætera.
549.2 - Les
seuls que je ne vois pas dans la foule qui parle dans les rues sont ceux du
Sanhédrin. Je n'en vois pas un seul, alors que je vois Kouza et Manahen qui sortent d'un splendide palais
et que j'entends Kouza qui dit :
"Grand ! Grand ! J'ai envoyé tout de suite la nouvelle à Jeanne.
Il est réellement Dieu !"
Et Manahen lui répond :
"Hérode,
venu de Jéricho pour présenter ses hommages... au Maître : Ponce Pilate,
semble fou dans son palais, alors qu'Hérodiade est furieuse et
le pousse à donner des ordres pour arrêter le Christ. Elle tremble de sa
puissance, lui de ses remords. Il claque des dents en disant aux plus fidèles
de le défendre... des spectres.
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465> Il s'est enivré pour se donner du
courage et le vin lui tourne dans la tête en lui faisant voir des fantômes.
Il crie que le Christ a aussi ressuscité Jean qui lui crie maintenant aux
oreilles les malédictions de Dieu. Je me suis enfui de cette Géhenne. Je me
suis contenté de lui dire : "Lazare a été ressuscité par Jésus de
Nazareth. Garde-toi de le toucher, car il est Dieu". Je le garde dans
cette peur pour qu'il ne cède pas à la volonté homicide de sa femme."
"Moi, je devrai y aller au contraire... Je dois y aller. Mais avant j'ai
voulu passer chez Éliel et Elcana. Ils vivent à part, mais ce sont
toujours de grandes voix en Israël ! Et Jeanne
est contente que je les honore. Et moi..."
"Une bonne protection pour toi, c'est vrai. Mais jamais telle que
l'amour du Maître. C'est l'unique protection qui ait de la valeur..."
Kouza ne réplique rien. Il réfléchit... Je les perds de vue.
549.3 - De Bézéta arrive
en toute hâte Joseph
d'Arimathie. On l'arrête. C'est un groupe
d'habitants incrédules qui se demandent s'il faut croire la nouvelle et ils
l'interrogent.
"C'est vrai ! C'est vrai ! Lazare est ressuscité et il est guéri aussi.
Je l'ai vu de mes yeux."
"Mais alors... il est vraiment le Messie !"
"Ses œuvres sont telles. Sa vie est parfaite. C'est le temps. Satan le
combat. Que chacun conclue dans son cœur ce qu'est le Nazaréen" dit Joseph prudemment et aussi avec exactitude.
Il salue et s'en va. Ils discutent et finissent par conclure :
"Il est vraiment le Messie."
Un légionnaire parle dans un groupe :
549.4 - "Si je le
peux, demain je vais à Béthanie. Par Vénus et Mars, mes dieux préférés ! Je
pourrai faire le tour de l'Orbe des déserts brûlants aux terres glacées
germaniques, mais me trouver là où ressuscite quelqu'un mort depuis des
jours, cela ne m'arrivera plus. Je veux voir comme est quelqu'un qui revient
de la mort. Il sera noirci par l'eau des fleuves d'outre-tombe..."
"S'il était vertueux, il sera blême après avoir bu l'eau céruléenne des
Champs Élysées. Il n'y a pas que Styx là-bas..."
"Il nous dira comment sont les prairies d'asphodèles de l'Hadès... Je
viens moi aussi."
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466> "Si Ponce le veut..."
"Oh ! bien sûr qu'il le veut ! Il a expédié tout de suite un courrier à Claudia
pour qu'elle vienne. Claudia aime ces choses. Je l'ai entendue plus d'une
fois avec les autres et avec ses affranchis grecs discuter de l'âme et de
l'immortalité."
"Claudia croit au Nazaréen. Pour elle il est plus grand que tout autre
homme."
"Oui. Mais pour Valeria, il est plus qu'un homme, c'est
Dieu. Une espèce de Jupiter et d'Apollon pour la puissance et la beauté,
disent-elles, et il est plus sage que Minerve. L'avez-vous vu ? Moi, je suis
venu ici pour la première fois avec Ponce et je ne sais pas..."
"Je crois que tu es arrivé à temps pour voir beaucoup de choses. Tout à
l'heure, Ponce criait d'une voix de Stentor : "Ici, tout doit changer.
Ils doivent comprendre que c'est Rome qui commande et qu'eux, tous,
sont asservis. Et plus ils sont grands, plus ils sont asservis, parce que
plus dangereux". Je crois que c'est à cause de cette tablette qui lui
avait été apportée par le serviteur d'Hanne..."
"Bien sûr, il ne veut pas les écouter... Et il nous change tous car...
il ne veut pas d'amitié entre nous et eux."
"Entre nous et eux ? Ha ! Ha ! Ha ! Avec ceux au gros nez qui sentent
mauvais ? Ponce digère mal la trop grande quantité de porc qu'il mange. A
moins... qu'il ne s'agisse de l'amitié avec quelque femme qui ne dédaigne pas
de baiser des bouches rasées..." dit quelqu'un en riant malicieusement.
"C'est un fait que depuis les troubles des Tabernacles
il a demandé et obtenu le changement de toutes les troupes, et qu'il nous
faut partir..."
"C'est vrai. On a déjà signalé à Césarée l'arrivée de la galère qui
transporte Longinus (Longin)
et sa centurie. De nouveaux gradés, de nouvelles troupes... et tout cela à
cause de ces crocodiles du Temple. J'étais bien ici."
"Moi, j'étais mieux à Brindisi... Mais je m'habituerai" dit celui
qui vient d'arriver en Palestine.
Ils s'éloignent eux aussi.
549.5 - Des gardes du
Temple passent avec des tablettes de cire. Les gens les observent et
disent :
"Le Sanhédrin se réunit d'urgence. Que veulent-ils faire ?"
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467> Quelqu'un répond :
"Montons au Temple et voyons…" Ils se dirigent vers la rue qui va
au Moriah.
Le soleil disparaît derrière les maisons de Sion et les monts de l'occident.
Le soir tombe et va bientôt débarrasser les rues des curieux. Ceux qui sont
montés au Temple en descendent fâchés parce qu'on les a chassés même des
portes où ils s'étaient attardés pour voir passer les sanhédristes.
549.6 - L'intérieur du
Temple, vide, désert, enveloppé par la lumière de la lune, paraît immense.
Les synhédristes se rassemblent lentement dans la salle du Sanhédrin. Ils y
sont tous, comme pour la condamnation de Jésus. Pourtant ne s'y trouvent pas
ceux qui alors faisaient office de greffiers .
Il n'y a que les sanhédristes, en partie à leurs places, en partie en groupes
près des portes.
Caïphe
entre avec sa figure et son corps de crapaud obèse et méchant, et il va à sa
place.
Ils commencent de suite à discuter sur les faits survenus et ils se
passionnent tellement pour la chose que bientôt la séance devient animée. Ils
quittent leurs places, descendent dans l'espace vide en gesticulant et en
parlant à haute voix. Quelques-uns conseillent le calme et de bien réfléchir
avant de prendre des décisions.
D'autres répliquent :
"Mais n'avez-vous pas entendu ceux qui sont venus ici après none ? Si
nous perdons les juifs les plus influents, à quoi nous sert alors d'accumuler
les accusations ? Plus il vit et moins on nous croira si nous
l'accusons."
"Et ce fait, on ne peut le nier. On ne peut dire aux gens nombreux qui
étaient là : "Vous avez mal vu. C'est une illusion. Vous étiez
ivres". Le mort était mort, putréfié, décomposé. Il avait été déposé
dans un tombeau fermé et le tombeau était bien muré. Le mort était sous les
bandelettes et les baumes depuis plusieurs jours. Le mort était lié. Et
pourtant il est sorti de sa place, il est venu de lui-même sans marcher
jusqu'à l'ouverture. Et une fois libéré, il n'était plus mort en son
corps. Il respirait. Il n'y avait plus de corruption, alors qu'auparavant
quand il vivait, il était couvert de plaies et, dès sa mort, il était tout
décomposé."
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468> "Vous avez entendu les juifs
les plus influents, ceux que nous avions poussés là pour les conquérir
complètement à notre cause ? Ils sont venus nous dire : "Pour nous, il
est le Messie". Presque tous sont venus ! Le peuple ensuite !..."
"Et ces maudits romains pleins de fables ! Qu'en faites-vous ? Pour eux,
il est Jupiter Maximus. Et s'ils se mettent cette idée en tête ! Ils nous ont
fait connaître leurs histoires, et cela a été une malédiction. Anathème sur
ceux qui ont voulu l'hellénisme en nous , et pour les
flatter nous ont profanés par des coutumes qui ne sont pas nôtres ! Mais
pourtant cela sert aussi à notre information, et nous savons que le romain a
vite fait d'abattre et d'élever par des conjurations et des coups d'état. Or
si certains de ces fous s'enthousiasment pour le Nazaréen et le proclament
César, et par conséquent divin, qui pourra le toucher ?"
"Mais non ! Qui veux-tu qui fasse cela ? Eux se rient de Lui et de nous.
Pour grand que soit ce qu'il accomplit, pour eux il est toujours "un
juif", et donc un misérable. La peur te rend stupide, ô fils d’Hanne
!"
"La peur ? As-tu entendu comment Ponce a répondu à l'invitation de mon
père ? Il est bouleversé, te dis-je, il est bouleversé par ce dernier fait et
il craint le Nazaréen. Malheureux que nous sommes ! Cet homme est venu pour
notre ruine !"
549.7 - "Si au moins
nous n'y étions pas allés et si nous n'avions pas presque commandé aux plus
puissants des juifs d'y aller ! Si Lazare était ressuscité sans
témoins."
"Eh bien ? Qu'est-ce que cela aurait changé ? Nous ne pouvions sûrement
pas le faire disparaître pour faire croire qu'il était toujours mort !"
"Cela non. Mais nous pouvions dire que cela avait été une fausse mort.
Des témoins payés pour dire le faux, on en trouve toujours."
"Mais pourquoi tant d'agitation ? Je n'en vois pas la raison ! A-t-il,
par hasard, provoqué le Sanhédrin et le Pontificat ? Non. Il s'est borné à
accomplir un miracle."
"Il s'est borné ? ! Mais tu es sot ou vendu à Lui, Éléazar
? Il n'a pas provoqué le Sanhédrin et le Pontificat ? Et que veux-tu de plus
? Les gens..."
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469> "Les gens peuvent dire ce
qu'ils veulent, mais les choses sont comme le dit Eléazar. Le Nazaréen n'a
fait qu'un miracle."
"Voilà l'autre qui le défend ! Tu n'es plus un juste, Nicodème
! Tu n'es plus un juste ! C'est un acte contre nous, contre nous,
comprends-tu ? Plus rien ne persuadera la foule. Ah ! malheureux que nous
sommes ! Moi, aujourd'hui, j'ai été bafoué par certains juifs. Moi, bafoué !
Moi !"
"Tais-toi, Doras
! Tu n'es qu'un homme, mais c'est l'idée qui est frappée ! Nos lois. Nos
prérogatives !"
"Tu parles bien, Simon,
et il faut les défendre."
"Mais comment ?"
"En attaquant, en détruisant les siennes !"
"C'est vite dit, Sadoq.
Mais comment les détruis-tu si de toi-même tu ne sais pas faire revivre un
moucheron ? Ici, il nous faudrait un miracle plus grand que le sien, mais
aucun de nous ne peut le faire parce que…" Celui qui parle ne sait pas
dire pourquoi.
Joseph
d'Arimathie termine la phrase :
"Parce que nous sommes des hommes, seulement des hommes."
Ils se jettent sur lui en demandant :
"Et Lui, qui est-il alors ?"
L'homme d'Arimathie répond avec assurance :
"Il est Dieu. Si j'avais encore des doutes..."
"Mais tu n'en avais pas. Nous le savons, Joseph. Nous le savons. Dis-le
donc ouvertement que tu l'aimes !"
549.8 - "Il n'y a
rien de mal à ce que Joseph l'aime. Moi-même je le reconnais pour le plus
grand Rabbi d'Israël."
"C'est toi ! Toi, Gamaliel, qui dis cela
?"
"Je le dis. Et je m'honore d'être... détrôné par Lui. Jusqu'à présent
j'avais conservé la tradition des grands rabbis, dont le dernier était Hillel, mais après moi je n'aurais pas su
qui pouvait recueillir la sagesse des siècles. Maintenant je m'en vais
content parce que je sais qu'elle ne mourra pas, mais au contraire deviendra
plus grande parce qu'elle sera accrue de la sienne, à laquelle est certainement
présent l'Esprit de Dieu."
"Mais que dis-tu, Gamaliel ?"
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470> "La vérité. Ce n'est pas en se
fermant les yeux que l'on peut ignorer ce que nous sommes. Nous ne sommes
plus sages car le principe de la sagesse c'est la crainte de Dieu et nous
nous sommes des pécheurs dépourvus de la crainte de Dieu. Si nous avions
cette crainte, nous ne piétinerions pas le juste et nous n'aurions pas la
sotte avidité des richesses du monde. Dieu donne et Dieu enlève, selon les
mérites et les démérites. Et si maintenant Dieu nous enlève ce qu'il nous
avait donné, pour le donner à d'autres, qu'il soit béni car saint est le
Seigneur, et saintes sont toutes ses actions."
"Mais nous parlions de miracle et nous voulions dire que personne de
nous ne peut les faire parce que Satan n'est pas avec nous."
"Non. Parce que Dieu n'est pas avec nous. Moïse sépara les eaux et
ouvrit le rocher, Josué arrêta le soleil, Élie ressuscita l'enfant et fit
tomber la pluie, mais Dieu était avec eux. Je vous rappelle qu'il y a six
choses que Dieu hait et qu'il exècre la septième : les yeux orgueilleux, la
langue menteuse, les mains qui répandent le sang innocent, le cœur qui médite
des desseins mauvais, les pieds qui courent rapidement vers le mal, le faux
témoin qui dit des mensonges et celui qui met la discorde parmi ses frères .
Nous faisons toutes ces choses. Je dis "nous", mais c'est vous
seuls qui les faites, car moi je m'abstiens de crier "Hosanna" et de
crier "Anathème".
549.9 - J'attends."
"Le signe ! Naturellement, tu attends le signe ! Mais quel signe
attends-tu d'un pauvre fou, si vraiment nous voulons Lui donner tous les
pardons ?"
Gamaliel lève les mains et, les bras en avant, les yeux
fermés, la tête légèrement inclinée, hiératique d'autant plus qu'il parle
lentement et d'une voix lointaine :
"J'ai interrogé anxieusement le Seigneur pour qu'Il m'indiquât la
vérité, et Lui a éclairé pour moi les paroles de Jésus fils de Sirac, celles-ci : "Le Créateur de toutes choses m'a
parlé et m'a donné ses ordres, et Celui qui m'a crée a reposé dans mon
Tabernacle et Il m'a dit : 'Habite en Jacob, que ton héritage soit en Israël,
jette tes racines parmi mes élus"
... Et encore Il m'a éclairé celles-ci, et je les ai reconnues : "Venez
à Moi, vous tous qui me désirez et rassasiez-vous de mes fruits, car mon
esprit est plus doux que le miel et mon héritage plus qu'un rayon de miel.
Mon souvenir durera dans les générations des siècles. Celui qui me mange aura
faim de Moi, et celui qui boit de Moi aura soif de Moi, et celui qui m'écoute
n'aura pas à rougir, et celui qui travaille pour Moi ne pèche pas, et celui
qui me met en lumière aura la vie éternelle" .
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471> Et la lumière de Dieu s'accrut en
mon esprit alors que mes yeux lisaient ces paroles : "Ce sont toutes ces
choses que contient le livre de la Vie, le testament du Très-Haut, la
doctrine de la Vérité
... Dieu a promis à David de faire naître de lui le Roi très puissant qui
doit rester assis éternellement sur le trône de la gloire. Lui regorge de
sagesse comme le Phison et le Tigre au temps des
nouveaux fruits, comme l'Euphrate regorge d'intelligence, et il croît comme
le Jourdain au temps de la moisson. Il répand la sagesse
comme la lumière... Lui, le premier, l'a parfaitement connue" .
Voilà les lumières que Dieu m'a données ! Mais,
hélas ! que dis-je, que la Sagesse qui est parmi nous est trop grande pour
que nous la comprenions et que nous accueillions une pensée plus vaste que la
mer et un conseil plus profond que le grand abîme. Et nous l'entendons crier
: "Comme un canal d'eaux immenses j'ai jailli du Paradis et j'ai dit :
'J'arroserai mon jardin' et voilà que mon canal devient un fleuve, et le
fleuve une mer. Comme l'aurore, je diffuse à tous ma doctrine et je la ferai
connaître à ceux qui sont le plus loin. Je pénétrerai dans les parties les
plus basses, je jetterai mon regard sur ceux qui dorment, j'éclairerai ceux
qui espèrent dans le Seigneur. Et je répandrai encore ma doctrine comme une
prophétie et je la laisserai à ceux qui cherchent la sagesse, je ne cesserai
pas de l'annoncer jusqu'au siècle saint. Je n'ai pas travaillé pour moi
seulement, mais pour tous ceux qui cherchent la vérité"
.
Voilà ce que m'a fait lire Jéhovah
(Jeovè), le Très-Haut"
Et il abaisse les bras en relevant la tête.
"Mais alors pour toi il est le Messie ? ! Dis-le !"
"Ce n'est pas le Messie."
"Il ne l'est pas ? Mais alors, qu'est-il pour toi ? Un démon, non. Un
ange, non. Le Messie, non,.."
"Il est Celui qui est. "
"Tu délires ! Il est Dieu ? Il est Dieu pour toi, ce fou ?"
"Il est Celui qui est. Dieu sait ce qu'il est. Nous voyons ses œuvres,
Dieu voit aussi ses pensées. Mais il n'est pas le Messie car, pour nous,
Messie veut dire Roi. Lui n'est pas, ne sera pas roi. Mais il est saint, et
ses œuvres sont celles d'un saint. Et nous, nous ne pouvons pas lever la main
sur l'Innocent, sans commettre un péché. Moi, je ne souscrirai pas au
péché."
"Mais par ces paroles tu l'as presque appelé l'Attendu !"
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472> "C'est ce que j'ai dit. Tant
qu'a duré la lumière du Très-Haut, je l'ai vu tel. Puis... quand m'a
abandonné la main du Seigneur, élevé dans sa lumière, je suis redevenu homme,
l'homme d'Israël, et les paroles n'ont plus été que des paroles auxquelles
l'homme d'Israël, moi, vous, ceux d'avant nous et, que Dieu ne le permette pas,
ceux d'après nous, donnent le sens de leur, de notre pensée,
pas le sens qu'elles ont dans la Pensée éternelle qui les a dictées à son
serviteur."
549.10 - "Nous
parlons, nous divaguons, nous perdons du temps et, pendant ce temps-là, le
peuple s'agite" dit Chanania de sa voix
rauque.
"Bien dit ! Il faut décider et agir, pour se sauver et triompher."
"Vous dites que Pilate n'a pas voulu nous écouter quand nous demandions
son aide contre le Nazaréen. Mais si nous lui faisions savoir... Vous avez
dit auparavant que si les troupes s'exaltent elles peuvent le proclamer
César... Eh ! Eh ! c'est une bonne idée ! Allons exposer au Proconsul ce
danger. Nous serons honorés comme de fidèles serviteurs de Rome et... si lui
intervient nous serons débarrassés du Rabbi. Allons, allons ! Toi, Éléazar
d'Hanne, qui es plus que tous son ami, sois
notre chef" dit en riant Elchias
de sa voix de serpent.
Il y a un peu d'hésitation, mais ensuite un groupe des plus fanatiques sort
pour se rendre à l'Antonia. Caïphe reste avec les autres.
"À cette heure ! Ils ne seront pas reçus" objecte quelqu'un.
"Non, au contraire ! C'est la meilleure. Ponce est toujours de bonne
humeur quand il a bu et mangé comme boit et mange un païen... "
549.11 - Je les laisse là à
discuter, et pour moi s'éclaire la scène de l'Antonia.
Le parcours est fait vite et sans difficulté tant est limpide la clarté de la
lune qui contraste grandement avec la lumière rouge des lampes allumées dans
le vestibule du palais prétorien.
Eléazar réussit à se faire annoncer à Pilate, et on les fait passer dans une grande salle vide, absolument
vide. Il n'y a qu'un siège massif, avec un dossier bas, couvert d'un drap
pourpre qui ressort vivement dans la blancheur absolue de la salle. Ils se
tiennent en groupe, un peu craintifs, transis de froid, debout sur le marbre
blanc du pavé. Il ne vient personne. Le silence est absolu. Pourtant, par
intervalles, une musique lointaine rompt ce silence.
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473> "Pilate est à table,
certainement avec des amis. Cette musique vient du triclinium
.
Il y aura des danses en l'honneur des hôtes" dit Eléazar d'Hanne.
"Corrompus ! Demain je me purifierai. La luxure transpire de ces
murs" dit avec dégoût Elchias.
"Pourquoi es-tu venu, alors ? C'est toi qui l'as proposé" lui
réplique Eléazar.
"Pour l'honneur de Dieu et le bien de la Patrie, je sais faire n'importe
quel sacrifice. Et c'est un grand sacrifice ! Je m'étais purifié pour m'être
approché de Lazare... et maintenant !... Journée terrible, aujourd'hui
!..."
Pilate ne vient pas. Le temps passe. Eléazar, habitué à l'endroit, essaie les
portes. Elles sont toutes fermées. La crainte s'empare de ceux qui sont
présents. Des histoires effrayantes reviennent à l'esprit. Ils regrettent d'être venus. Ils se sentent déjà perdus.
549.12 - Finalement, du
côté qui est opposé à eux, qui sont près de la porte par laquelle ils sont
entrés, et par conséquent près de l'unique siège de la pièce, voilà que
s'ouvre une porte et qu'entre Pilate avec un vêtement tout blanc comme la
salle. Il entre en parlant avec des invités. Il rit. Il se tourne pour
commander à un esclave qui soulève un rideau au-delà de la sortie, de jeter
des essences dans un brasier et d'apporter des parfums et de l'eau pour les
mains, et qu'un esclave vienne avec un miroir et des peignes. Il ne s'occupe
pas des hébreux, c'est comme s'ils n'existaient pas. Ceux-ci sont en colère,
mais n'osent pas bouger...
Là-bas, pendant ce temps, on apporte des brasiers, on répand des résines sur
le feu, on verse de l'eau parfumée sur les mains des romains. Un esclave, par
des mouvements adroits, peigne les cheveux selon la mode des riches romains
de l'époque. Et les hébreux s'emportent.
Les romains rient entre eux et plaisantent en regardant de temps en temps le
groupe qui attend là-bas, au fond, et quelqu'un parle à Pilate qui ne s'est
jamais tourné pour regarder; mais Pilate hausse les épaules avec un geste
d'ennui et bat des mains pour appeler un esclave auquel il ordonne à haute
voix d'apporter des friandises et de faire entrer les danseuses. Les hébreux,
scandalisés, frémissent de colère. Pensez à un Elchias obligé de voir des
danseuses ! Son visage est un poème de souffrance et de haine.
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474> Les esclaves arrivent avec des
friandises dans des coupes précieuses, et derrière les danseuses couronnées
de fleurs et à peine couvertes de toiles si légères qu'elles semblent des
voiles. Les chairs très blanches transparaissent à travers les vêtements
légers, teints de rosé et bleu clair, quand elles passent devant les brasiers
allumés et les lampes nombreuses posées au fond. Les romains admirent la
grâce des corps et des mouvements et Pilate redemande un pas de danse qui lui
a plu particulièrement. Elchias, imité par ses compagnons, se tourne indigné
contre le mur pour ne pas voir les danseuses voler comme des papillons dans
un balancement d'habits inconvenants.
Une fois finie la courte danse, Pilate les congédie en mettant dans la main
de chacune une coupe remplie de friandises où il jette nonchalamment un
bracelet.
549.13 - Finalement il
daigne se tourner pour regarder les hébreux et il dit à ses amis d'un air
ennuyé :
"Et maintenant... je devrai passer du rêve à la réalité... de la poésie
à... l'hypocrisie... de la grâce aux ordures de la vie. Misère d'être
Proconsul !... Salut, amis, et ayez compassion de moi."
Il reste seul et lentement il s'approche des hébreux. Il s'assoit, observe
ses mains bien soignées, et découvre sous un ongle quelque chose qui ne va
pas. Il s'en occupe et s'en préoccupe en sortant de son vêtement une fine
baguette d'or avec laquelle il remédie au grand dommage d'un ongle
imparfait...
Puis il fait la grâce de tourner lentement la tête. Il ricane à la vue des
juifs encore inclinés servilement, et leur dit :
"Vous ! Ici ! Et soyez brefs. Je n'ai pas de temps à perdre à des choses
sans importance."
Les hébreux s'approchent dans une attitude toujours servile jusqu'à ce qu'un :
"Assez ! Pas trop près !" les cloue au sol.
"Parlez ! Et redressez-vous. Il ne convient qu'à des animaux de rester
courbés vers le sol" et il rit.
Les hébreux se redressent sous le mépris et se tiennent en plastronnant.
"Donc ? Parlez ! Vous avez voulu absolument venir. Maintenant que vous
êtes ici, parlez."
"Nous voulions te dire... Pour autant que nous sachions... Nous sommes
des serviteurs fidèles de Rome..."
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475> "Ha ! Ha ! Ha ! Des serviteurs
fidèles de Rome ! Je le ferai savoir au divin César et il en sera heureux !
Il sera heureux ! Parlez, farceurs ! Et faites vite !"
Les sanhédristes trépignent, mais ne réagissent pas.
549.14 - Elchias prend la
parole au nom de tous :
"Tu dois savoir, ô Ponce, qu'aujourd'hui à Béthanie un homme a été
ressuscité..."
"Je le sais. C'est pour me dire cela que vous êtes venus ? Je le savais
déjà depuis plusieurs heures. Il a de la chance de savoir déjà ce que c'est
que mourir et ce que c'est que l'autre monde ! Et que puis-je y faire si Lazare de
Théophile est ressuscité ?
Peut-être il m'a apporté un message de l'Hadès ?"
Il est ironique.
"Non. Mais sa résurrection est un danger..."
"Pour lui ? Certainement ! Le danger de devoir mourir de nouveau.
Opération peu agréable. Eh bien ! Que puis-je y faire ? Suis-je Jupiter, moi ?"
"Un danger, non pour Lazare, mais pour César."
"Pour ?... Domine
! Mais peut-être ai-je bu ! Vous avez dit : pour César ? Et en quoi Lazare
peut-il nuire à César ? Vous craignez peut-être que la puanteur de son
tombeau puisse corrompre l'air que respire l'Imperator ? Rassurez-vous !
C'est trop loin !"
"Ce n'est pas cela. C'est que Lazare, en ressuscitant, peut faire
détrôner l'Imperator."
"Détrôner ? Ha ! Ha ! Ha ! C'est plus grand que
le monde ! Mais alors ce n'est pas moi qui suis ivre, mais vous. Peut-être
l'épouvante vous a bouleversé l'esprit. Voir ressusciter... Je crois, je
crois que cela peut troubler. Allez, allez au lit. Un bon repos. Et un bain
chaud, bien chaud, salutaire contre les délires."
"Nous ne délirons pas, Ponce, Nous te disons que si tu n'y mets pas bon
ordre, tu passeras de tristes heures. Tu seras certainement puni, si même tu
n'es pas tué par l'usurpateur. D'ici peu, le Nazaréen sera proclamé roi, roi
du monde, comprends-tu ? Les légionnaires eux-mêmes le feront. Ils sont
séduits par le Nazaréen et l'événement d'aujourd'hui les a exaltés. Quel
serviteur de Rome es-tu si tu ne te préoccupes pas de sa paix ? Veux-tu donc
voir l'Empire bouleversé et divisé à cause de ton inertie ? Veux-tu voir Rome
vaincue, et les enseignes abattues, l'Imperator tué, tout détruit..."
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de page.
476> "Silence ! C'est moi qui
parle, et je vous dis : vous êtes des fous ! Davantage encore : vous
êtes des menteurs, vous êtes des malandrins. Vous mériteriez la mort.
Sortez d'ici, hideux serviteurs de vos intérêts, de votre haine, de votre
bassesse. Vous êtes esclaves, pas moi. Je suis citoyen romain et les citoyens
romains ne sont assujettis à personne. Je suis le fonctionnaire impérial et
je travaille pour les intérêts de la patrie. Vous... vous êtes les sujets.
Vous... vous êtes sous notre domination. Vous... vous êtes les galériens
attachés aux bancs, et vous frémissez inutilement. Le fouet du chef est sur
vous. Le Nazaréen !... Vous voudriez que je tue le Nazaréen ? Vous voudriez
que je l'emprisonne ? Par Jupiter ! Si pour le salut de Rome et du divin
Imperator je devais emprisonner les sujets dangereux, ou les tuer ici où je
gouverne, c'est le Nazaréen et ses partisans, eux seuls, que je
devrais laisser libres et vivants. Allez. Dégagez et ne revenez plus jamais
devant moi. Turbulents ! Fauteurs de troubles ! Voleurs et complices de
voleurs ! Aucune de vos manigances ne m'est inconnue. Sachez-le, et sachez
aussi que des armes toutes neuves et de nouveaux légionnaires ont servi à
découvrir vos pièges et vos instruments. Vous criez pour les impôts romains,
mais que vous a coûté Melchias de Galaad, et Jonas
de Scythopolis, et Philippe de Soco,
et Jean de Bétaven, et Joseph de Ramaot, et tous les autres qui vont bientôt être pris ?
Et n'allez pas près des grottes de la vallée car il s'y trouve plus de
légionnaires que de pierres, et les lois et la galère sont les mêmes pour
tous. Pour tous ! Vous comprenez ? Pour tous. Et j'espère vivre assez
pour vous voir tous enchaînés, esclaves parmi les esclaves sous le talon de
Rome. Sortez ! Allez et rapportez ma réponse, même
toi, Eléazar d'Anna que je ne veux plus voir dans ma maison, car le temps de
la clémence est fini, car moi je suis le Proconsul et vous les sujets.
Les sujets. C'est moi qui commande, au nom de Rome. Sortez ! Serpents
de nuit ! Vampires ! Et le Nazaréen veut vous racheter ? S'il était Dieu, il
devrait vous foudroyer ! Et du monde serait disparue la tache la plus
dégoûtante. Dehors ! Et n'osez pas faire de conjurations, ou vous connaîtrez
le glaive et le fouet."
Il se lève et s'en va en claquant la porte devant les sanhédristes interdits
qui n'ont pas le temps de se remettre car un détachement en armes les chasse
hors de la salle et du palais comme des chiens.
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de page.
477/478> 549.15 - Ils reviennent à
la salle du Sanhédrin. Ils racontent. L'agitation est à son comble. La
nouvelle de l'arrestation de plusieurs voleurs et des battues dans les
grottes pour prendre les autres, trouble fortement tous ceux qui sont restés,
car plusieurs, lassés d'attendre, s'en sont allés.
"Et pourtant nous ne pouvons pas le laisser vivre" crient des
prêtres.
"Nous ne pouvons pas le laisser faire. Lui agit. Nous nous ne faisons
rien, et jour après jour nous perdons du terrain. Si nous le laissons libre
encore, il continuera de faire des miracles et tous croiront en Lui. Et les
romains finiront par être contre nous, et nous détruire complètement. Ponce
parle ainsi, mais si la foule le proclamait roi, oh ! alors Ponce a le devoir
de nous punir, tous. Nous ne devons pas le permettre" crie Sadoq.
"C'est bien. Mais comment ? La voie... légale romaine a failli. Ponce
est sûr du Nazaréen. Notre voie... légale est rendue impossible. Lui ne pèche
pas..." objecte quelqu'un.
"On invente la faute, si elle n'existe pas" insinue Caïphe.
"Mais c'est un péché de faire cela ! Jurer ce qui est faux ! Faire
condamner un innocent ! C'est... trop !..., disent la plupart avec horreur.
C'est un crime car ce sera la mort pour Lui."
"Eh bien ? Cela vous effraie ? Vous
êtes des sots et n'y comprenez rien. Après ce qui est arrivé, Jésus doit mourir. Vous ne réfléchissez pas
vous tous qu'il vaut mieux qu'il meure un homme plutôt qu'un grand nombre ?
Par conséquent que Lui meure pour sauver son peuple pour que ne périsse pas
toute la nation. Du reste... Lui dit qu'il est le Sauveur. Qu'il se sacrifie
donc pour sauver tout le monde" dit Caïphe, odieux par sa haine froide
et astucieuse.
"Mais Caïphe ! Réfléchis ! Lui..."
"J'ai parlé. L'esprit du Seigneur est sur moi, le Grand Prêtre. Malheur
à qui ne respecte pas le Pontife d'Israël. Les foudres de Dieu sur lui !
C'est assez attendu ! C'est assez discuté ! J'ordonne et décrète que
quiconque sait où se trouve le Nazaréen vienne dénoncer l'endroit, et
anathème sur qui n'obéira pas à ma parole."
"Mais Hanne..." objectent certains.
"Hanne m'a dit : "Tout ce que tu feras sera saint". Levons la
séance. Vendredi, entre tierce et sexte, tous ici pour délibérer. J'ai dit
tous, faites-le savoir aux absents. Et que soient convoqués tous les
chefs de familles et de classes, toute l'élite d'Israël. Le Sanhédrin a
parlé. Allez."
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