| Vision du jeudi 6
  septembre 1945 351>  272.1 – Jésus met le pied sur la rive droite du Jourdain à un bon
  mille, peut-être plus, de la petite péninsule de Tarichée. Ce ne sont que des campagnes bien vertes car le
  terrain, maintenant sec mais humide en profondeur, garde en vie les plantes
  les plus faibles. Jésus trouve alors une foule de gens qui l'attendent. 
 Ses cousins viennent à sa rencontre avec Simon le Zélote :
 
 "Maître, les barques nous ont trahi... Peut-être Manahen leur a fourni une
  indication..."
 
 "Maître, s'excuse Manahen, je suis parti de nuit pour qu'on ne me voie
  pas et je n'ai parlé à personne. Crois-le. Plusieurs m'ont demandé où tu
  étais. Mais j'ai seulement dit à tous: "Il est parti". Mais je
  crois que le mal vient d'un pêcheur qui a dit t'avoir donné sa
  barque..."
 
 "Mon imbécile de beau-frère !" tonne Pierre.
  "Et je lui avais dit de ne pas parler ! Et je lui avais dit que
  nous allions à Bethsaïde ! Et je lui avais dit que, s'il parlait, je lui
  arracherais la barbe ! Et je le ferai ! Pour sûr que je le ferai.
  Et maintenant ? Adieu paix, solitude, repos !"
 
 "Du calme, Simon ! Nous avons déjà eu nos journées de paix. Et du
  reste, j'ai atteint en partie le but que je poursuivais : vous
  instruire, vous consoler et vous calmer pour empêcher des offenses et des
  heurts entre vous et les pharisiens de Capharnaüm. Maintenant allons trouver
  ces gens qui nous attendent. Pour récompenser leur foi et leur amour. Et même
  cet amour n'est- il pas pour nous un soulagement ? Nous souffrons de ce
  qui est de la haine. Ici il y a l'amour, et donc la joie."
 
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 352> Pierre se calme comme un vent qui tombe tout d'un coup.
  Et Jésus va vers la foule des malades qui l'attendent avec un désir marqué
  sur leurs figures, et il les guérit l'un après l'autre, bienveillant,
  patient même à l'égard d'un scribe qui Lui
  présente son petit enfant malade. 
 
  272.2 – C'est ce scribe qui Lui dit : 
 "Tu le vois ? Tu fuis. Mais c'est inutile. La haine et l'amour sont
  ingénieux pour te trouver. Ici, c'est l'amour qui t'a trouvé comme dit le
  Cantique. Désormais pour trop de gens tu es comme l'Époux des Cantiques et on
  vient à Toi comme la Sulamite va vers son époux en bravant les gardes de
  ronde et les quadriges d'Aminadab !"
 
 "Pourquoi dis-tu cela ? Pourquoi ?"
 
 "Parce que c'est vrai. Venir à Toi est dangereux parce qu'on te hait. Ne
  sais-tu pas que Rome te surveille et que le Temple te hait ?"
 
 "Pourquoi me tentes-tu, homme ? Tes paroles sont des pièges pour
  porter à Rome et au Temple mes réponses. Je ne t'ai pas tendu un piège en
  guérissant ton fils..."
 
 Le scribe, sous ce doux reproche, baisse la tête, confus, et
  avoue :
 
 "Je vois que réellement tu vois les cœurs des hommes. Pardonne. Je vois
  que réellement tu es saint. Pardonne. Oui, j'étais venu alors que fermentait
  en moi le levain que d'autres y avaient mis..."
 
 "Et qui avait trouvé en toi la chaleur qui convenait pour sa
  fermentation."
 
 "Oui, c'est vrai... Mais maintenant je m'en vais sans levain, ou plutôt
  avec un levain nouveau."
 
 "Je le sais et n'ai pas de rancune. Beaucoup sont en faute par leur
  propre volonté, beaucoup par la volonté d'autrui. Différente sera la mesure
  dont se servira pour les juger le juste Dieu. Toi., scribe, sois juste, et à
  l'avenir ne corromps pas comme on t'a corrompu. Quand le monde exercera sur
  toi sa pression, regarde la grâce vivante qu'est ton fils, sauvé de la mort,
  et sois-en reconnaissant à Dieu."
 
 "À Toi."
 
 "À Dieu. À Lui toute gloire et louange. Je suis son Messie et je suis le
  premier à le louer et à le glorifier. Le premier à Lui obéir. Car l'homme
  ne se rabaisse pas en honorant et en servant Dieu avec fidélité, mais il se
  dégrade en servant le péché."
 
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 353> "Tu parles bien. Parles-tu toujours ainsi, à
  tous ?"
 
 "À tous. Que je parle à Hanne ou à Gamaliel, ou que je parle au mendiant lépreux, sur un chemin de
  campagne, les paroles sont les mêmes, car la Vérité est une."
 
 "Parle, alors, car nous sommes tous ici pour mendier une de tes paroles
  ou l'une de tes grâces."
 
 "Je parlerai, pour qu'on ne dise pas que je suis prévenu contre ceux qui
  sont honnêtes dans leurs convictions."
 
 "Elles sont mortes, celles que j'avais. Mais c'est vrai. J'étais
  honnête, je croyais servir Dieu en te combattant."
 
 "Tu es sincère, et pour cela tu mérites de comprendre Dieu qui n'est
  jamais mensonge. Mais tes convictions ne sont pas encore mortes. C'est Moi
  qui te le dis. C'est comme du chiendent qu'on a brûlé. En surface il semble
  détruit et en vérité il a subi un rude assaut qui l'a affaibli. Mais les
  racines sont vivantes, mais le terrain les nourrit, mais la rosée les invite
  à mettre de nouvelles tiges et celles-ci de nouvelles feuilles. Il faut
  surveiller pour que cela n'arrive pas ou tu seras de nouveau envahi par le
  chiendent.
 
  272.3 – Israël a la vie dure !" 
 "Israël doit donc mourir ? C'est une plante mauvaise ?"
 
 "Il doit mourir pour ressusciter."
 
 "Une réincarnation spirituelle ?"
 
 "Une évolution spirituelle. Il n 'y a pas de réincarnation d'aucune
  sorte."
 
 "Il y en a qui y croient."
 
 "Ils sont dans l'erreur."
 
 "L'hellénisme a mis en nous aussi ces croyances. Et les savants s'en
  repaissent et s'en glorifient comme d'une très noble nourriture."
 
 "Contradiction absurde, pour ceux qui crient à l'anathème pour la
  négligence de l'un des six cent treize préceptes mineurs."
 
 "C'est vrai. Mais... c'est ainsi. On prend plaisir à imiter ce que
  pourtant on hait."
 
 "Alors imitez-Moi, puisque vous me haïssez. Ce sera mieux pour
  vous."
 
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 354> Le scribe doit par force esquisser un sourire devant
  cette sortie de Jésus. Les gens sont bouche bée à écouter et ceux qui sont
  loin se font répéter par les plus proches les paroles des deux.
 
 "Mais Toi, entre nous, que penses-tu de la réincarnation ?"
 
 "C'est une erreur. Je l'ai dit."
 
 "Il y en a qui soutiennent que les vivants proviennent des morts et les
  morts des vivants, parce que qui existe ne peut se détruire."
 
 "Ce qui est éternel, en effet, ne se détruit pas. Mais, dis-moi. Selon
  toi le Créateur a t-il des limites à Lui-même ?"
 
 «Non, Maître. Le penser serait l'amoindrir."
 
 "Tu l'as dit. Et est-il possible alors de penser que Lui permet la
  réincarnation d'un esprit parce qu'il ne pourrait y avoir qu'un nombre donné
  d'esprits ?"
 
 "On ne devrait pas le penser, et pourtant il y en a qui le
  pensent."
 
 "Et, ce qui est pire, on le pense en Israël. Cette pensée de
  l'immortalité de l'esprit qui est déjà grande, même si elle est unie chez un
  païen à une erreur d'appréciation inexacte sur la façon dont se produit cette
  immortalité, devrait être parfaite en Israël. Au contraire, chez ceux qui
  l'admettent d'après les termes de la thèse païenne, elle devient une pensée
  amoindrie, rabaissée, coupable. Ce n'est pas la gloire d'une pensée qui se
  montre digne d'admiration pour avoir frôlé par elle seule la Vérité et qui,
  par conséquent, témoigne de la nature composite de l'homme comme elle l'est
  chez le païen à cause de son intuition d'une vie immortelle de la chose
  mystérieuse qu'on appelle l'âme et qui nous distingue des brutes.
 
 Mais c'est une dégradation de la pensée qui, connaissant la
  Divine Sagesse et le Dieu Vrai, devient matérialiste, même dans une chose
  aussi profondément spirituelle.
 
 
  272.4 – Il n'y a de transmigration de l'esprit que du Créateur à
  l'être et de l'être au Créateur, auquel on se présente après la vie pour
  recevoir un jugement de vie ou de mort. Voilà la vérité. Et là où il est
  envoyé, il reste, pour toujours." 
 "Tu n'admets pas le Purgatoire ?"
 
 "Si. Pourquoi me le demandes-tu ?"
 
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 355> "Parce que tu dis : "Là où on l'envoie,
  il reste". Le Purgatoire est temporaire."
 
 "C'est que, dans ma pensée, je l'assimile à la Vie éternelle. Le
  Purgatoire est déjà "vie". Amoindrie, liée, mais toujours de la
  vie.
 
 Une fois terminé le séjour temporaire dans le Purgatoire, l'esprit conquiert
  la Vie parfaite, la rejoint sans plus de limites et de liens. Il y aura deux
  choses qui resteront : le Ciel - l'Abîme. Le Paradis - l'Enfer. Il y
  aura deux catégories : les bienheureux - les damnés. Mais, de ces trois royaumes qui existent maintenant,
  aucun esprit ne reviendra jamais se revêtir de chair. Et cela jusqu'à la
  résurrection finale qui terminera pour toujours l'incarnation des esprits
  dans la chair, de l'immortel dans le mortel."
 
 "De l'éternel, non ?"
 
 "Dieu est éternel. L'éternité, c'est de n'avoir ni commencement ni fin.
  Et cela, c'est Dieu. L'immortalité c'est de continuer à vivre du moment où
  l'on a commencé à vivre. Et cela c'est pour l'esprit de l'homme. Voilà la
  différence."
 
 "Tu dis : "Vie éternelle".
 
 "Oui. Du moment où quelqu'un est créé pour vivre, il peut par l'esprit,
  par la Grâce et sa volonté, arriver à la Vie éternelle, pas à l'éternité. La
  vie suppose un commencement. On ne dit pas "Vie de Dieu" car Dieu
  n'a pas eu de commencement."
 
 "Et Toi ?"
 
 "Moi, je vivrai parce que je suis chair aussi, et à l'esprit divin j'ai
  uni l'âme du Christ en une chair d'homme."
 
 "Dieu est dit le "Vivant".
 
 "En effet Il ne connaît pas la mort. Lui est Vie. La Vie inépuisable.
  Non pas Vie de Dieu, mais Vie. Cela seulement. Ce sont des nuances, ô scribe,
  mais c'est de nuances que se revêt la Sagesse et la Vérité."
 
 
  272.5 – "Parles-tu ainsi aux gentils ?" 
 "Pas ainsi. Ils ne comprendraient pas, mais je leur montre le Soleil. Mais
  comme je le montrerais à un enfant jusqu'alors aveugle et idiot, et arrivé
  par miracle à la vue et à l'intelligence. Ainsi, comme un astre, sans arriver
  à en expliquer la composition. Mais vous d'Israël, vous n'êtes ni aveugles ni
  idiots. Depuis des siècles, le doigt de Dieu vous a ouvert les yeux et
  éclairci l'esprit..."
 
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 356> "C'est vrai, Maître. Et pourtant nous sommes
  aveugles et idiots."
 
 "Vous vous êtes rendus tels. Et vous ne voulez pas du miracle de Celui
  qui vous aime."
 
 "Maître...".
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