| Vision du jeudi 26 décembre 1946 441>
   548.1 - Jésus vient à Béthanie par Ensémès. Ils doivent avoir fait une marche
  vraiment fatigante par les sentiers casse-cou des monts
  Hadomim. 
 Les apôtres, essoufflés, ont du mal à suivre Jésus qui va
  rapidement, comme si l'amour l'emportait sur ses ailes de feu. Jésus sourit
  radieux alors qu'il marche en avant de tous, la tête droite sous les rayons
  tièdes du soleil de midi.
 
 Avant qu'ils arrivent aux premières maisons de Béthanie, ils sont vus par
  un jeune garçon déchaussé qui va vers la fontaine près du village avec un
  broc de cuivre vide. Il pousse un cri, met le broc par terre et s'en va en
  courant, de toute la vitesse de ses petites jambes, vers le village.
 
 "Certainement il va prévenir que tu arrives" observe Jude
  Thaddée après avoir souri comme tous de la
  résolution... énergique du jeune garçon qui a même abandonné son broc à la
  merci du premier passant.
 
 
  548.2 - La
  petite ville, vue ainsi d'auprès de la fontaine, qui est un peu en haut,
  paraît tranquille, comme déserte. Seule la fumée grise qui s'élève des
  cheminées indique que dans les maisons les femmes sont occupées à préparer le
  repas de midi. Quelque grosse voix d'homme parmi les oliviers et les vergers
  vastes et silencieux avertit que les hommes sont au travail. Malgré cela
  Jésus préfère prendre un petit chemin qui passe en arrière du village pour
  pouvoir arriver chez Lazare sans attirer l'attention des habitants. 
 Ils sont presque à moitié route quand ils entendent derrière eux le jeune
  garçon de tout à l'heure qui les dépasse en courant et puis s'arrête au
  milieu de la route pour, pensif, regarder Jésus...
 
 "Paix à toi, petit Marc,
  tu as eu peur de Moi que tu t'es enfui ?" demande Jésus en le caressant.
 
 "Moi, non, Seigneur, je n'ai pas eu peur. Mais comme pendant plusieurs
  jours Marthe
  et Marie
  ont envoyé des serviteurs sur les routes qui viennent ici pour voir si tu
  venais, maintenant que je t'ai vu, je suis accouru pour dire que tu
  venais..."
 
 "Tu as bien fait. Les sœurs vont préparer leurs cœurs à me voir."
 
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 442> "Non,
  Seigneur. Les sœurs ne vont rien se préparer car elles ne savent rien. Ils
  n'ont pas voulu que je le dise. Ils m'ont pris quand j'ai dit, en entrant
  dans le jardin : "Il y a le Rabbi", et ils m'ont chassé dehors en
  disant : "Tu es un menteur ou un sot. Lui désormais ne vient plus car il
  est certain désormais qu'il ne peut pas faire le miracle". Et comme je
  disais que c'était bien Toi, ils m'ont donné deux gifles comme je n'en avais
  encore jamais reçues... Regarde ici mes joues rouges. Elles me brûlent ! Et
  ils m'ont poussé dehors en disant : "Cela pour te purifier d'avoir
  regardé un démon". Et je te regardais pour voir si tu étais devenu un
  démon. Mais je ne le vois pas. Tu es toujours mon Jésus beau comme les anges
  dont parle maman."
 
 Jésus se penche pour baiser ses petites joues souffletées en disant :
 
 "Ainsi va passer la démangeaison. Je suis peiné que tu aies souffert
  pour Moi..."
 
 "Moi, non, Seigneur, car ces gifles m'ont valu deux baisers de Toi"
  et il s'attache en en espérant d'autres.
 
 "Dis un peu, Marc, qui t'a chassé ? Ceux de Lazare ?" demande le
  Thaddée.
 
 "Non. Les juifs. Ils viennent pour le deuil tous les jours. Il y en a
  tant ! Ils sont dans la maison et dans le jardin. Ils viennent tôt, et s'en
  vont tard. Ils semblent les maîtres. Ils maltraitent tout le monde. Tu vois
  qu'il n'y a personne dans les rues ? Les premiers jours, on venait pour
  voir... mais ensuite... Maintenant il n'y a que nous les enfants qui
  tournicotons pour... Oh ! mon broc ! Maman qui attend l'eau... Elle va me
  battre elle aussi !..."
 
 Tous sourient de sa désolation devant la perspective d'autres claques et
  Jésus lui dit : "Va vite alors..."
 
 "C'est que... je voulais entrer avec Toi et te voir faire le
  miracle..." et il termine : "...et voir leurs figures... pour me
  venger des gifles..."
 
 "Cela non. Tu ne dois pas désirer la vengeance. Tu dois être bon et
  pardonner... Mais ta mère attend l'eau..."
 
 "Moi, j'y vais, Maître. Je sais où habite Marc. J'expliquerai à la femme
  et je te rejoindrai..." dit Jacques de
  Zébédée.
 
 Et il s'en va en courant.
 
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 443> Ils se remettent en marche
  lentement et Jésus tient par la main l'enfant ravi...
 
 
  548.3 - Les
  voilà à la grille du jardin. Ils la suivent. De nombreuses montures y sont
  attachées, surveillées par les serviteurs de chaque propriétaire. Le
  chuchotement qui vient d'eux attire l'attention de quelques juifs qui se
  tournent vers le portail ouvert, juste au moment où Jésus pose le pied à la
  limite du jardin. 
 "Le Maître !" disent les premiers qui le voient.
 
 Ce mot court comme le bruissement du vent d'un groupe à l'autre, se propage,
  s'en va, comme une vague venue de loin et qui se brise sur la rive, jusque
  contre les murs de la maison et y pénètre, apporté certainement par de
  nombreux juifs présents ou par quelques pharisiens, rabbi ou scribe ou
  sadducéen, répandus çà et là.
 
 Jésus y entre très lentement alors que tous, tout en accourant de tous côtés,
  s'écartent du sentier où il marche. Et comme personne ne le salue, Lui ne
  salue personne comme s'il ne connaissait même pas un grand nombre de ceux qui
  sont rassemblés là pour le regarder la colère et la haine dans les yeux, sauf
  un petit nombre qui sont secrètement ses disciples ou qui du moins ont le
  cœur droit et qui, s'ils ne l'aiment pas comme disciples, le respectent comme
  juste. De ce nombre sont Joseph,
  Nicodème, Jean,
  Éléazar, un autre Jean, le
  scribe vu à la multiplication des pains, et encore un autre Jean,
  qui rassasia les gens à la descente de la montagne des béatitudes, Gamaliel avec son fils, Josué,
  Joachim,
  Manahen,
  le scribe Joël
  d'Abia, rencontré au Jourdain dans
  l'épisode de Sabéa,
  Joseph Barnabé
  disciple de Gamaliel, Kouza qui regarde Jésus de loin, un peu
  intimidé de le revoir après sa méprise, ou peut-être retenu par le respect
  humain et n'osant pas s'avancer comme ami. Il est certain qu'il n'est salué
  ni par les amis, ni par ceux qui l'observent sans rancœur, ni par ses
  ennemis, et Jésus ne salue pas. Il a seulement fait une vague inclination en
  mettant le pied dans l'allée. Puis il a continué tout droit comme s'il était
  étranger à la foule nombreuse qui l'entoure. Le jeune garçon marche toujours
  à son côté, dans ses vêtements de petit paysan, avec ses pieds nus d'enfant
  pauvre, mais le visage lumineux de quelqu'un qui est en fête, avec ses petits
  yeux noirs, vifs, bien ouverts pour tout voir... et pour défier tout le
  monde...
 
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 444>
  548.4 - Marthe sort de la maison au milieu d'un groupe de juifs venus
  pour rendre visite et parmi lesquels se trouvent Elchias et Sadoq. De
  sa main elle protège ses yeux las de pleurer, gênés par la lumière, pour voir
  où est Jésus. Elle le voit. Elle se détache de ceux qui l'accompagnent et
  court vers Jésus à quelques pas du bassin rendu tout brillant par les rayons
  du soleil. Elle se jette aux pieds de Jésus après s'être inclinée et elle les
  baise et, en éclatant en sanglots, elle dit : 
 "Paix à Toi, Maître !"
 
 Jésus aussi, dès qu'il l'a vue près de Lui, lui a dit : "Paix à toi
  !" et il a levé la main pour la bénir, en laissant aller celle de
  l'enfant que Barthélemy a prise tout en l'attirant un peu en arrière.
 
 Marthe poursuit :
 
 "Mais il n'y a plus de paix pour ta servante."
 
 Elle lève son visage vers Jésus en restant encore à genoux. Et dans un cri de
  douleur que l'on entend bien dans le silence qui s'est fait elle s'écrie :
 
 "Lazare est mort ! Si tu avais été là il ne serait pas mort. Pourquoi
  n'es-tu pas venu plus tôt, Maître ?"
 
 Elle a un ton involontaire de reproche en posant cette question.
 
 Puis elle revient au ton accablé de quelqu'un qui n'a plus la force de faire
  des reproches et dont l'unique réconfort est de rappeler les dernières
  actions et les derniers désirs d'un parent auquel on a cherché à donner ce
  qu'il désirait et pour qui on n'a pas de remords dans le cœur :
 
 "Il t'a tant appelé, Lazare, notre frère !... Maintenant, tu vois ! Je
  suis désolée et Marie pleure sans pouvoir se donner la paix. Et lui n'est
  plus ici. Tu sais si nous l'aimions ! Nous espérions tout de Toi !..."
 
 Un murmure de compassion pour la femme et de reproche à l'adresse de Jésus,
  un assentiment à la pensée sous-entendue : "et tu pouvais nous exaucer
  car nous le méritions à cause de l'amour que nous avons pour Toi, et Toi, au
  contraire, tu nous as déçues" court de groupe en groupe parmi des
  hochements de tête ou des regards moqueurs. Seuls quelques secrets disciples,
  disséminés dans la foule ont des regards de compassion pour Jésus qui écoute,
  très pâle et affligé, la femme désolée qui Lui parle. Gamaliel, les bras
  croisés dans son ample et riche vêtement de laine très fine, orné de nœuds
  bleus, un peu à part dans le groupe de jeunes où se trouve son fils et Joseph
  Barnabé, regarde fixement Jésus, sans haine et sans amour.
 
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 445>
  Marthe, après s'être essuyée le visage,
  recommence à parler : 
 "Mais même maintenant j'espère car je sais que tout ce que tu demanderas
  à ton Père, te sera accordé."
 
 Une douloureuse, héroïque profession de foi, dite d'une voix que les larmes
  font trembler, avec un regard qui tremble d'angoisse, avec l'ultime espérance
  qui lui tremble dans le cœur.
 
 "Ton frère ressuscitera. Lève-toi, Marthe."
 
 Marthe se lève tout en restant courbée en vénération devant Jésus auquel elle
  répond :
 
 "Je le sais, Maître. Il ressuscitera au dernier jour."
 
 "Je suis la Résurrection
  et la Vie. Quiconque croit en Moi, même s'il est mort, vivra. Et celui qui
  croit et vit en Moi ne mourra pas éternellement. Crois-tu tout cela ?"
 
 Jésus, qui d'abord avait parlé d'une voix plutôt basse uniquement à Marthe,
  élève la voix pour dire ces phrases où il proclame sa puissance de Dieu, et
  son timbre parfait résonne comme une trompette d'or dans le vaste jardin. Un
  frémissement presque d'épouvante secoue l'assistance. Mais ensuite certains
  raillent en secouant la tête.
 
 Marthe, à laquelle Jésus semble vouloir transfuser une espérance de plus en
  plus forte en tenant la main appuyée sur son épaule, lève son visage qu'elle
  gardait penché. Elle le lève vers Jésus, en fixant ses yeux affligés dans les
  lumineuses pupilles du Christ et serrant ses mains sur sa poitrine, elle
  répond avec une angoisse différente :
 
 "Oui, Seigneur. Je crois cela.
 
 Je crois que tu es le Christ, le Fils du Dieu Vivant, venu dans le monde. Et
  que tu peux tout ce que tu veux. Je crois.
 
  548.5 - "Maintenant,
  je vais prévenir Marie" et elle s'éloigne rapidement en disparaissant
  dans la maison. 
 Jésus reste où il était, ou plutôt il fait quelques pas en avant et
  s'approche du parterre qui entoure le bassin. Le parterre est tout éclairé de
  ce côté par la fine poussière du jet d'eau qu'un vent léger pousse de ce côté
  comme un plumet d'argent, et il paraît se perdre, Jésus, dans la
  contemplation du frétillement des poissons sous le voile de l'eau limpide,
  dans leurs jeux qui mettent des virgules d'argent et des reflets d'or dans le
  cristal des eaux frappées par le soleil.
 
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 446> Les juifs l'observent. Ils se sont
  involontairement séparés en groupes bien distincts. D'un côté, en face de
  Jésus, tous ceux qui Lui sont hostiles, habituellement divisés entre eux par
  esprit sectaire, maintenant d'accord pour s'opposer à Jésus. À côté de Lui,
  derrière les apôtres, auxquels s'est réuni Jacques de Zébédée, Joseph,
  Nicodème et les autres d'esprit bienveillant. Plus loin, Gamaliel, toujours à
  sa place et avec la même attitude, est seul, car son fils et ses disciples se
  sont séparés de lui pour se répartir entre les deux groupes principaux pour
  être plus près de Jésus.
 
 
  548.6 - Avec
  son cri habituel : "Rabboni !" Marie
  sort de la maison en courant, les bras tendus vers Jésus. Elle se jette à ses
  pieds qu'elle baise en sanglotant. Divers juifs, qui étaient dans la maison
  avec elle et qui l'ont suivie, unissent à ses pleurs leurs pleurs d'une
  sincérité douteuse. Maximin aussi, Marcelle, Sara, Noémi ont suivi Marie ainsi que tous ses
  serviteurs et de fortes lamentations s'élèvent. Je crois que dans la maison
  il n'est resté personne. Marthe, en voyant pleurer ainsi Marie, redouble elle
  aussi ses pleurs. 
 "Paix à toi, Marie. Lève-toi ! Regarde-moi ! Pourquoi ces pleurs
  semblables à ceux des gens qui n'ont pas d'espérance ?" Jésus se penche
  pour dire doucement ces paroles, ses yeux dans les yeux de Marie qui, restant
  à genoux, reposant sur ses talons, tend vers Lui ses mains dans un geste
  d'invocation et ne peut parler tant elle sanglote : "Ne t'ai-je pas dit
  d'espérer au-delà de ce qui est croyable pour voir la gloire de Dieu ? Est-ce
  que par hasard ton Maître est changé pour que tu aies raison d'être ainsi
  angoissée ?"
 
 Mais Marie ne recueille pas les mots qui veulent déjà la préparer à une joie
  trop forte après tant d'angoisse, et elle crie, finalement maîtresse de sa
  voix :
 
 
  "Oh ! Seigneur ! Pourquoi n'es-tu pas
  venu plus tôt ? Pourquoi t'es-tu tellement éloigné de nous ? Tu le savais que
  Lazare était malade ! Si tu avais été ici, il ne serait pas mort, mon frère.
  Pourquoi n'es-tu pas venu ? Je devais lui montrer encore que je l'aimais. Il
  devait vivre. Je devais lui montrer que je persévérais dans le bien. Je l'ai
  tant angoissé, mon frère ! Et maintenant ! Maintenant que je pouvais le
  rendre heureux, il m'a été enlevé ! Tu pouvais me le laisser, donner à la
  pauvre Marie la joie de le consoler après lui avoir donné tant de douleur. Oh
  ! Jésus ! Jésus ! Mon Maître ! Mon Sauveur ! Mon espérance !" 
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 447> Et elle s'abat de nouveau, le front
  sur les pieds de Jésus qui se trouvent de nouveau lavés par les pleurs de
  Marie, et elle gémit :
 
 "Pourquoi as-tu fait cela, ô Seigneur ? ! Même à cause de ceux qui te haïssent
  et se réjouissent de ce qui arrive... Pourquoi as-tu fait cela, Jésus
  ?!"
 
 Mais il n'y a pas de reproche dans le ton de la voix de Marie comme dans
  celui de Marthe, il y a seulement l'angoisse de quelqu'une, qui outre sa
  douleur de sœur, a aussi celle d'une disciple qui sent amoindrie dans le cœur
  d'un grand nombre l'opinion de son Maître.
 
 Jésus, très penché pour entendre ces paroles qu'elle murmure
  la face contre terre, se redresse et dit à haute voix : "Marie, ne
  pleure pas ! Ton Maître aussi souffre de la mort de l'ami fidèle... car il
  a dû le laisser mourir..."
 
 Oh ! quelles railleries et quels regards de joie livide il y a sur les
  visages des ennemis du Christ ! Ils le voient vaincu, et s'en réjouissent,
  alors que les amis deviennent de plus en plus tristes.
 
 Jésus dit encore plus fort :
 
 "Mais, je te le dis : ne pleure pas. Lève-toi ! Regarde-moi ! Crois-tu
  que Moi qui t'ai tant aimée j'ai fait cela sans motif ? Peux-tu croire que je
  t'ai donné cette douleur inutilement ? Viens.
 
  548.7 - "Allons
  vers Lazare. Où l'avez-vous mis ?" 
 Jésus, plutôt que Marie et Marthe, qui ne parlent pas prises comme elles le
  sont par des pleurs plus forts, interroge tous les autres, surtout ceux qui,
  sortis avec Marie de la maison, semblent les plus troublés. Ce sont peut-être
  des parents plus âgés, je ne sais pas. Et ceux-ci répondent à Jésus,
  visiblement affligé : "Viens et vois" et ils se dirigent vers
  l'endroit où se trouve le tombeau à l'extrémité du verger, là où le sol a des
  ondulations et des veines de roche calcaire qui affleurent à la surface du
  sol.
 
 Marthe, à côté de Jésus qui a forcé Marie à se lever et il la conduit, car
  elle est aveuglée par ses larmes, montre de la main à Jésus où se trouve
  Lazare et quand ils sont près de l'endroit elle dit aussi : "C'est ici,
  Maître, que ton ami est enseveli" et elle indique la pierre posée
  obliquement à l'entrée du tombeau.
 
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 448> Jésus pour s'y
  rendre, suivi de tout le monde, a dû passer devant Gamaliel. Mais ils ne se
  sont pas salués. Ensuite Gamaliel s'est uni aux autres en s'arrêtant comme
  tous les pharisiens les plus rigides à quelques mètres du tombeau, alors que
  Jésus s'avance tout près avec les sœurs, Maximin et ceux qui sont peut-être
  des parents. Jésus contemple la lourde pierre qui sert de porte au tombeau et
  forme un lourd obstacle entre Lui et l'ami éteint, et il pleure. Les larmes
  des sœurs redoublent et de même celles des intimes et familiers.
 
 
  548.8 - "Enlevez
  cette pierre" crie Jésus tout d'un coup, après avoir essuyé ses larmes. 
 Tous ont un geste d'étonnement et un murmure court dans le rassemblement qui
  a grossi de quelques habitants de Béthanie qui sont entrés dans le jardin et
  se sont mis à la suite des hôtes. Je vois certains pharisiens qui se touchent
  le front en secouant la tête comme pour dire : "Il est fou !"
 
 Personne n'exécute l'ordre. Même chez les plus fidèles, on éprouve de
  l'hésitation, de la répugnance à le faire.
 
 Jésus répète plus fort son ordre, effrayant encore davantage les gens pris
  par deux sentiments opposés et qui, après avoir pensé à fuir, s'approchent
  tout à coup davantage pour voir, défiant la puanteur toute proche du tombeau
  que Jésus veut faire ouvrir.
 
 "Maître, ce n'est pas possible" dit Marthe en s'efforçant de
  retenir ses pleurs pour parler :
  "Il y a déjà quatre jours qu'il est là
  dessous. Et tu sais de quel mal il est mort ! Seul notre amour pouvait le
  soigner... Maintenant la puanteur est certainement plus forte malgré les
  onguents... Que veux-tu voir ? Sa pourriture ?... On ne peut pas... même à
  cause de l'impureté de la corruption et..." 
 "Ne t'ai-je pas dit que si tu crois tu verras la gloire de Dieu ?
  Enlevez cette pierre, je le veux !"
 
 C'est un cri de volonté divine... Un "oh !" étouffé sort de toutes
  les poitrines. Les visages deviennent blêmes, certains tremblent comme s'il
  était passé sur tous un vent glacial de mort.
 
 Marthe fait un signe à Maximin et celui-ci ordonne aux serviteurs de prendre
  les outils pouvant servir à remuer la lourde pierre.
 
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 449> Les serviteurs s'en vont rapidement
  pour revenir avec des pics et des leviers robustes. Ils travaillent en
  faisant entrer la pointe brillante des pics entre la roche et la pierre, et
  ensuite ils remplacent les pics par des leviers robustes et enfin ils
  soulèvent avec attention la pierre en la faisant glisser d'un côté et en la
  traînant ensuite avec précaution contre la paroi rocheuse. Une puanteur
  infecte sort du sombre trou et fait reculer tout le monde.
 
 Marthe demande tout bas :
 
 "Maître, tu veux y descendre ? Si oui, il faut des torches..."
 
 Mais elle est livide à la pensée qu'il doit le faire.
 
 
  548.9 - Jésus
  ne lui répond pas. Il lève les yeux vers le ciel, met ses bras en croix et
  prie d'une voix très forte, en scandant les mots : 
 "Père ! Je te remercie de m'avoir exaucé.
  Je le savais que Tu m'exauces toujours, mais je le dis pour ceux qui sont
  présents ici, pour le peuple qui m'entoure, pour qu'ils croient en Toi, en
  Moi, et que Tu m'as envoyé !"
 
 Il reste encore ainsi un moment et il semble ravi en extase tellement il est
  transfiguré alors que, sans plus émettre aucun son, il dit des paroles
  secrètes de prière ou d'adoration, je ne sais. Ce que je sais, c'est qu'il a
  tellement outrepassé l'humain, qu'on ne peut le regarder sans se sentir le
  cœur trembler dans la poitrine. Il semble devenir lumière en perdant son
  aspect corporel, se spiritualiser, grandir et même s'élever de terre. Tout en
  gardant la couleur de ses cheveux, de ses yeux, de sa peau, de ses vêtements,
  au contraire de ce qui se passa à la transfiguration du Thabor durant
  laquelle tout devint lumière et éclat éblouissant, il paraît dégager de la
  lumière et que tout ce qui est de Lui devient lumière. La lumière semble
  l'entourer d'un halo, en particulier son visage levé vers le ciel,
  certainement ravi dans la contemplation du Père.
 
 Il reste ainsi quelque temps, puis redevient Lui : l'Homme, mais d'une
  majesté puissante. Il s'avance jusqu'au seuil du tombeau. Il déplace ses bras
  — que jusqu'à ce moment il avait gardés ouverts en croix, les paumes tournées
  vers le ciel — en avant, les paumes vers la terre, et par conséquent les
  mains se trouvent déjà à l'intérieur du tunnel du tombeau, toutes blanches
  dans ce tunnel obscur. Il plonge le feu bleu de ses yeux, dont l'éclat
  miraculeux est aujourd'hui insoutenable, dans cette obscurité muette, et
  d'une voix puissante, avec un cri plus fort que celui par lequel il commanda
  sur le lac aux vents de tomber, d'une voix que je ne Lui ai jamais entendue
  dans aucun miracle, il crie :
 
 
  "Lazare ! Viens dehors !" 
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 450> L'écho répercute sa voix dans la
  cavité du tombeau et se répand ensuite à travers tout le jardin, se répercute
  contre les ondulations du terrain de Béthanie, je crois qu'il s'en va
  jusqu'aux premiers escarpements au-delà des champs et revient de là, répété
  et amorti, comme un ordre qui ne peut faillir. Il est certain que de tous les
  côtés, on entend à nouveau : "dehors ! dehors ! dehors !"
 
 Tous éprouvent un frisson plus intense, et si la curiosité les cloue tous à
  leurs places, les visages pâlissent et les yeux s'écarquillent alors que les
  bouches s'entrouvrent involontairement avec déjà dans la gorge le cri de stupeur.
 
 Marthe, un peu en arrière et de côté, est comme fascinée en regardant Jésus.
  Marie tombe à genoux, elle qui ne s'est jamais écartée de son Maître, elle
  tombe à genoux au bord du tombeau, une main sur sa poitrine pour calmer les
  palpitations de son cœur, l'autre qui inconsciemment et convulsivement tient
  un pan du manteau de Jésus, et on se rend compte qu'elle tremble car le
  manteau a de légères secousses imprimées par la main qui le tient.
 
 
  548.10 - Quelque
  chose de blanc semble émerger du plus profond du souterrain. C'est d'abord
  une petite ligne convexe, puis elle fait place à une forme ovale, puis à
  l'ovale se substituent des lignes plus amples, plus longues, de plus en plus
  longues. Et celui qui était mort, serré dans ses bandes, avance lentement,
  toujours plus visible, fantomatique, impressionnant. 
 Jésus recule, recule, insensiblement, mais continuellement à mesure que
  Lazare avance. La distance, entre les deux, reste donc la même.
 
 Marie est contrainte de lâcher le pan du manteau, mais elle ne bouge pas de
  l'endroit où elle est. La joie, l'émotion, tout, la cloue à l'endroit où elle
  était.
 
 Un "oh !" de plus en plus net sort des gorges d'abord fermées par
  la douleur de l'attente. C'est d'abord un murmure à peine distinct qui se
  change en voix, et la voix devient un cri puissant.
 
 Lazare est désormais au bord du tombeau et il s'arrête là, raide, muet, semblable
  à une statue de plâtre à peine ébauchée et donc informe, une longue chose,
  mince à la tête, mince aux jambes, plus large au tronc, macabre comme la mort
  elle-même, spectrale, dans la blancheur des bandes contre le fond sombre du
  tombeau. Au soleil qui l'enveloppe, les bandes paraissent ça et là laisser
  couler la pourriture.
 
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 451> Jésus crie d'une voix forte :
 
 "Débarrassez-le et laissez-le aller. Donnez-lui des vêtements et de la
  nourriture."
 
 "Maître !..." dit Marthe, et elle voudrait peut-être en dire
  davantage, mais Jésus la regarde fixement, la subjuguant de son regard
  étincelant, et il dit :
 
 "Ici ! Tout de suite ! Tout de suite, apportez un vêtement. Habillez-le
  en présence de tout le monde et donnez-lui à manger."
 
 Il commande et ne se retourne jamais pour regarder ceux qui sont derrière et
  autour de Lui.
 
 Son œil regarde seulement Lazare, Marie qui est près du ressuscité sans souci
  de la répulsion que donnent à tous les bandes souillées, et Marthe qui halète
  comme si son cœur allait éclater et qui ne sait si elle doit crier sa joie ou
  pleurer...
 
 
  548.11 - Les
  serviteurs se hâtent d'exécuter les ordres. Noémi s'en va en courant la première et
  la première revient avec les vêtements qu'elle tient pliés sur son bras.
  Quelques-uns délient les lacets des bandelettes après avoir retroussé leurs
  manches et relevé leurs vêtements pour qu'ils ne touchent pas la pourriture
  qui coule. Marcelle
  et Sarah
  reviennent avec des amphores de parfums, suivies de serviteurs les uns avec
  des bassins et des brocs fumants d'eau chaude, les autres avec des plateaux,
  des bols pleins de lait, du vin, des fruits, des fouaces recouvertes de miel. 
 Les bandelettes étroites et très longues, de lin, me semble-t-il, avec des
  lisières des deux côtés, certainement tissées pour cet usage, se déroulent
  comme des rouleaux de ganse d'une grande bobine et s'entassent sur le sol,
  alourdies par les aromates et la pourriture. Les serviteurs les écartent en
  se servant de bâtons. Ils ont commencé par la tête, et là aussi il y a la
  pourriture qui s'est écoulée du nez, des oreilles, de la bouche. Le suaire
  placé sur le visage est tout trempé de ces souillures et le visage de Lazare
  que l'on voit très pâle, squelettique, avec les yeux tenus fermés par des
  pommades mises dans les orbites, avec les cheveux collés et de même la
  barbiche du menton, en est tout souillé. Le drap descend lentement, le suaire
  mis autour du corps, à mesure que les bandelettes descendent, descendent,
  descendent, libérant le tronc qu'elles avaient comprimé pendant de nombreux
  jours, et rendant une forme humaine à ce qu'elles avaient d'abord rendu
  semblable à une grande chrysalide. Les épaules osseuses, les bras
  squelettiques, les côtes à peine couvertes de peau, le ventre creusé,
  apparaissent lentement.
 
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  de page.
 
 452> À mesure que les bandes tombent,
  les sœurs, Maximin, les serviteurs, s'empressent d'enlever la première couche
  de crasse et de baume, et s'y appliquent en changeant continuellement l'eau
  rendue détergente par les aromates qu'on y a mis jusqu'à ce que la peau
  apparaisse nette.
 
 
  548.12 - Lorsqu'on
  a dégagé le visage de Lazare et qu'il peut regarder, il dirige son regard
  vers Jésus avant même de regarder ses sœurs. Il oublie tout et s'abstrait de
  tout ce qui arrive pour regarder, avec un sourire d'amour sur ses lèvres
  pâles et une larme lumineuse au fond des yeux, son Jésus. Jésus aussi lui
  sourit et a une lueur de larme dans le coin de l'œil, mais sans parler il
  dirige le regard de Lazare vers le ciel, Lazare comprend et remue les lèvres
  dans une prière silencieuse. 
 Marthe croit qu'il veut dire quelque chose sans avoir encore de voix et elle
  demande :
 
 "Que me dis-tu, mon Lazare ?"
 
 "Rien, Marthe. Je remerciais le Très-Haut."
 
 La prononciation est assurée, la voix forte.
 
 Les gens poussent de nouveau un "oh !" étonné.
 
 Désormais ils l'ont dégagé jusqu'aux hanches, libéré et propre, et ils
  peuvent le revêtir de la tunique courte, une sorte de chemisette qui dépasse
  l'aine pour retomber sur les cuisses.
 
 On le fait asseoir pour dégager ses jambes et les laver. Quand elles
  apparaissent, Marthe et Marie poussent un grand cri en montrant les jambes et
  les bandelettes. Sur les bandelettes qui serraient les jambes, et sur le
  suaire posé par dessous, les écoulements purulents sont si abondants qu'ils
  forment des grosses gouttes sur les toiles, mais les jambes visiblement sont
  tout à fait cicatrisées. Seules les cicatrices rouges-bleuâtres indiquent où
  elles étaient gangrenées.
 
 Tous les gens crient plus fort leur étonnement. Jésus sourit et aussi Lazare
  qui regarde un instant ses jambes guéries, puis s'abstrait de nouveau pour
  regarder Jésus. Il semble ne pouvoir se rassasier de le voir. Les juifs,
  pharisiens, sadducéens, scribes, rabbis, s'approchent avec précaution pour ne
  pas souiller leurs vêtements. Ils regardent de tout près Lazare, ils
  regardent de tout près Jésus. Mais ni Lazare ni Jésus ne s'occupent d'eux :
  ils se regardent et tout le reste est inexistant.
 
 
  548.13 - Voilà
  que l'on met les sandales à Lazare. Il se lève, agile, sûr de lui. Il prend
  le vêtement que Marthe lui présente et l'enfile tout seul, lie sa ceinture,
  ajuste les plis. Le voilà, maigre et pâle, mais semblable à tout le monde. 
 Haut
  de page.
 
 453> Il se lave encore les mains et les
  bras jusqu'aux coudes après avoir retroussé ses manches. Et puis avec une
  nouvelle eau il se lave de nouveau le visage et la tête, jusqu'à ce qu'il se
  sente tout à fait net. Il essuie ses cheveux et son visage, rend la serviette
  au serviteur et va tout droit vers Jésus. Il se prosterne, Lui baise les
  pieds.
 
 Jésus se penche, le relève, le serre contre son cœur en lui disant :
 
 "Bien revenu, mon ami. Que la paix soit avec toi et la joie. Vis pour
  accomplir ton heureuse destinée. Lève ton visage pour que je te donne le
  baiser de salutation."
 
 Il dépose un baiser sur les joues et Lazare Lui rend son baiser.
 
 C'est seulement après avoir vénéré et embrassé le Maître que Lazare parle à
  ses sœurs et les embrasse, puis il embrasse Maximin et Noémi qui pleurent de
  joie, et certains autres dont je crois qu'ils lui sont apparentés ou amis
  très intimes. Puis il embrasse Joseph, Nicodème, Simon le Zélote et quelques
  autres.
 
 Jésus va personnellement trouver un serviteur qui a sur les bras un plateau
  avec de la nourriture et il prend une fouace avec du miel, une pomme, une
  coupe de vin et il offre le tout à Lazare, après les avoir offerts et bénis,
  pour qu'il se restaure. Et Lazare mange avec l'appétit de quelqu'un qui se
  porte bien. Tout le monde pousse encore un "oh !" d'étonnement.
 
 
  548.14 - Jésus
  semble ne voir que Lazare, mais en réalité il observe tout et tout le monde.
  Voyant qu'avec des gestes de colère Sadoq
  avec Elchias, Chanania, Félix,
  Doras
  et Cornélius et d'autres sont
  sur le point de s'éloigner, il dit à haute voix : 
 "Attends un moment, Sadoq. J'ai un mot à te dire, à toi et aux
  tiens."
 
 Ils s'arrêtent avec une figure de criminels. Joseph
  d'Arimathie fait un geste effaré et fait signe
  au Zélote
  de retenir Jésus.
 
 Mais Lui est déjà en train d'aller vers le groupe haineux, et il dit à haute
  voix :
 
 "Est-ce que cela te suffit, Sadoq, ce que tu as vu ? Tu m'as dit un jour
  que pour croire tu avais besoin, toi et tes pareils, de voir recomposé, en
  bonne santé, un homme décomposé. Es-tu rassasié de la putréfaction que tu as
  vue ? Es-tu capable de reconnaître que Lazare était mort et que
  maintenant il est vivant et sain comme il ne l'était pas depuis des années ?
  Je le sais. Vous êtes venus ici pour les tenter, pour mettre en eux plus de
  douleur et le doute.
 
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  de page.
 
 454> Vous êtes venus ici pour me
  chercher, espérant me trouver caché dans la pièce du mourant. Vous êtes venus
  ici, non par un sentiment d'amour et le désir d'honorer celui qui s'était
  éteint mais pour vous assurer que Lazare était réellement mort, et vous avez
  continué de venir, vous réjouissant toujours plus à mesure que le temps
  passait. Si les choses étaient allées comme vous l'espériez, comme désormais
  vous croyiez qu'elles iraient, vous auriez eu raison de vous réjouir. L'Ami
  qui guérit tout le monde, mais ne guérit pas l'ami. Le Maître qui récompense
  la foi de tout le monde, mais pas celle de ses amis de Béthanie. Le Messie
  impuissant devant la réalité de la mort. Voilà ce qui vous donnait raison de
  vous réjouir. Mais voilà : Dieu vous a répondu. Nul prophète n'a jamais pu
  rassembler ce qui était décomposé, en plus que mort. Dieu l'a fait. Voilà le
  témoignage vivant de ce que je suis. Il y eut un jour où Dieu prit de la
  boue, lui donna une forme et y insuffla l'esprit de vie et ce fut l'homme.
  J'y étais pour dire : "Que l'on fasse l'homme à notre image et à notre
  ressemblance",
  car je suis le Verbe du Père. Aujourd'hui, Moi, le Verbe, j'ai dit à ce qui
  était encore moins que de la boue : à la corruption : "Vis" et la
  corruption s'est faite de nouveau chair, une chair intègre, vivante,
  palpitante. La voici qui vous regarde. Et à la chair j'ai réuni l'esprit qui
  gisait depuis des jours dans le sein d'Abraham. Je l'ai rappelé par ma
  volonté car je puis tout, Moi, le Vivant, Moi, le Roi des rois auquel sont
  soumises toutes les créatures et toutes les choses. Maintenant, que me
  répondez-vous ?"
 
 Il est devant eux, grand, fulgurant de majesté, vraiment Juge et Dieu. Ils ne
  répondent pas.
 
 Lui insiste :
 
 "Ce n'est pas encore assez pour croire, pour accepter l'inéluctable
  ?"
 
 "Tu n'as tenu qu'une partie de la promesse. Ce n'est pas le signe de
  Jonas..." dit brutalement Sadoq.
 
 "Vous aurez aussi celui-là. J'ai promis et je tiendrai ma promesse"
  dit le Seigneur. "Un autre présent ici, attend un autre signe, et il
  l'aura.
  Et comme c'est un juste, il l'acceptera. Vous non. Vous resterez ce que vous
  êtes."
 
 
  548.15 - Il
  fait un demi-tour sur Lui-même et il voit Simon,
  le synhédriste, fils d'Eli-Hanna. Il le fixe, le fixe. Il laisse de côté ceux
  de tout à l'heure et, arrivé en face de lui, il lui dit, à voix basse mais
  nette : 
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  de page.
 
 455> "C'est heureux pour toi que
  Lazare ne se rappelle pas son séjour parmi les morts ! Qu'as-tu fait de ton
  père, Caïn ?"
 
 Simon s'enfuit en poussant un cri de peur qui se change en un hurlement de
  malédiction :
 
 "Sois maudit, Nazaréen !"
 
 Auquel Jésus répond :
 
 "Ta malédiction monte vers le Ciel et du Ciel le Très-Haut te la
  renvoie. Tu es marqué du signe, ô malheureux !"
 
 Il revient en arrière, parmi les groupes étonnés, presque effrayés. Il
  rencontre Gamaliel qui se dirige vers la route. Il le regarde et Gamaliel le
  regarde. Jésus lui dit sans s'arrêter :
 
 "Tiens-toi prêt, ô rabbi. Le signe viendra bientôt. Je ne mens
  jamais."
 
 
  548.16 - Le
  jardin se vide lentement. Les juifs sont abasourdis, mais la plupart giclent
  de la colère par tous leurs pores. Si leurs regards pouvaient le réduire en
  cendres, Jésus serait complètement pulvérisé. Ils parlent, discutent entre
  eux en s'en allant, si bouleversés maintenant par leur défaite qui ne peuvent
  plus cacher sous une apparence hypocrite d'amitié le but de leur présence à
  cet endroit. Ils s'en vont sans saluer ni Lazare ni ses sœurs. 
 Il reste en arrière certains qui ont été conquis au Seigneur par le miracle.
  Parmi eux se trouve Joseph Barnabé
  qui se jette à genoux devant Jésus et l'adore. Un autre est le scribe Joël d'Abia qui fait la même
  chose avant de partir à son tour, et d'autres encore que je ne connais pas
  mais qui doivent être influents.
 
 Pendant ce temps, Lazare, entouré de ses plus intimes, s'est retiré dans la
  maison. Joseph, Nicodème et les autres bons saluent Jésus et s'en vont.
  Partent avec de profondes salutations les juifs qui étaient restés auprès de
  Marthe et Marie. Les serviteurs ferment la grille. La maison redevient
  tranquille.
 
 
  548.17 - Jésus
  regarde autour de Lui. Il voit de la fumée et des flammes au fond du jardin,
  dans la direction du tombeau. Jésus, seul, debout au milieu d'un sentier, dit
  : 
 "La putréfaction qui va être annulée par le feu... La putréfaction de la
  mort... Mais celle des cœurs... de ces cœurs, aucun feu ne l'annulera... Pas
  même le feu de l'Enfer. Elle sera éternelle... Quelle horreur !... Plus que
  la mort... Plus que la corruption... Et...Mais qui te sauvera, ô Humanité, si
  tu aimes tant d'être corrompue ! Tu veux être corrompue. Et Moi... Moi j'ai
  arraché au tombeau un homme par une seule parole... Et avec un flot de
  paroles... et de douleurs, je ne pourrai arracher au péché l'homme, les
  hommes, des millions d'hommes."
 
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  de page.
 
 456> Il s'assoit et avec ses mains se
  couvre le visage, accablé...
 
 Un serviteur qui passe le voit. Il va à la maison. Peu après Marie sort de la
  maison. Elle va trouver Jésus, légère comme si elle ne touchait pas le sol.
  Elle s'approche, Lui dit doucement :
 
 "Rabboni, tu es las... Viens, ô mon Seigneur. Tes apôtres fatigués sont
  allés dans l'autre maison, tous, sauf Simon le Zélote... Tu pleures, Maître ?
  Pourquoi ?..."
 
 Elle s'agenouille aux pieds de Jésus... l'observe... Jésus la regarde. Il ne
  répond pas. Il se lève et se dirige vers la maison, suivi de Marie.
 
 
  548.18 - Ils
  entrent dans une salle. Lazare n'y est pas, ni non plus le Zélote, mais il y
  a Marthe, heureuse, transfigurée par la joie. Elle s'adresse à Jésus pour
  expliquer : 
 "Lazare est allé au bain pour se purifier encore. Oh ! Maître ! Maître !
  Que te dire !"
 
 Elle l'adore de toute elle-même. Elle remarque la tristesse de Jésus et elle
  dit :
 
 "Tu es triste, Seigneur ? Tu n'es pas heureux que Lazare..." Il lui
  vient un soupçon : "Oh ! Tu es réservé avec moi. J'ai péché. C'est
  vrai."
 
 "Nous avons péché, ma sœur" dit Marie.
 
 "Non, pas toi... Oh ! Maître. Marie n'a pas péché. Marie a su obéir, moi
  seule ai désobéi. Je t'ai envoyé appeler, parce que... parce que je ne
  pouvais plus les entendre insinuer que tu n'étais pas le Messie, le
  Seigneur... et je pouvais plus le voir souffrir... . Lazare te désirait tant.
  Il t'appelait tant... Pardonne-moi, Jésus."
 
 "Et toi, tu ne parles pas, Marie ?" demande Jésus.
 
 "Maître... moi... Je n'ai souffert alors que comme femme. Je souffrais
  parce que... Marthe, jure, jure ici, devant le Maître que jamais, jamais
  tu ne parleras à Lazare de son délire...
  Mon Maître... je t'ai connu tout à fait, ô Divine Miséricorde, dans les
  dernières heures de Lazare. Oh ! mon Dieu ! Mais comme tu m'as aimée, Toi,
  Toi qui m'as pardonnée, Toi, Dieu, Toi, Pur, Toi... si mon frère, qui
  pourtant m'aime, mais qui est homme, seulement homme, au fond de son cœur ne
  m'a pas tout pardonné ? ! Non, je m'exprime mal. Il n'a pas oublié mon passé
  et quand la faiblesse de la mort a émoussé en lui sa bonté que je croyais
  oublieuse du passé, il a crié sa douleur, son indignation pour moi... Oh
  !..."
 
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  de page.
 
 457> Marie pleure...
 
 "Ne pleure pas, Marie. Dieu t'a pardonnée et a oublié. L'âme de Lazare
  aussi a pardonné et a oublié, a voulu oublier. L'homme n'a pas pu tout
  oublier, et quand la chair a dominé par son dernier spasme la volonté
  affaiblie, l'homme a parlé."
 
 "Je n'en éprouve pas d'indignation, Seigneur. Cela m'a servi à t'aimer
  davantage et à aimer encore plus Lazare. Dès lors moi aussi je t'ai désiré,
  car j'étais trop angoissée de penser que Lazare était mort sans paix à cause
  de moi... et ensuite, ensuite, quand je t'ai vu méprisé par les juifs...
  quand j'ai vu que tu ne venais pas même après la mort, pas même après que je
  t'avais obéi en espérant au-delà de ce qui est croyable, en espérant jusqu'à
  ce que le tombeau s'ouvre, alors mon esprit aussi a souffert. Seigneur, si j'avais
  à expier, et certainement je l'avais, j'ai expié, Seigneur..."
 
 "Pauvre Marie ! Je connais ton cœur. Tu as mérité le miracle et que cela
  t'affermisse dans ton espérance et ta foi."
 
 "Mon Maître, j'espérerai et je croirai toujours désormais. Je ne douterai plus, jamais plus, Seigneur.
  Je vivrai de foi. Tu m'as donné la capacité de croire ce qui est
  incroyable."
 
 "Et toi, Marthe, as-tu appris ? Non, pas encore. Tu es ma Marthe mais tu
  n'es pas encore ma parfaite adoratrice. Pourquoi agis-tu au lieu de
  contempler ? C'est plus saint. Tu vois ? Ta force, parce qu'elle était trop
  tournée vers les choses terrestres, a cédé à la constatation de faits
  terrestres qui semblent parfois sans remède. En vérité les choses humaines
  n'ont pas de remède, si Dieu n'intervient pas. La créature, à cause de cela,
  a besoin de savoir croire et contempler, d'aimer jusqu'au bout des forces de
  l'homme tout entier, avec sa pensée, son âme, sa chair, son sang, avec toutes
  les forces de l'homme, je le répète. Je te veux forte, Marthe. Je te veux
  parfaite. Tu n'as pas su obéir parce que tu n'as pas su croire et espérer
  complètement, et tu n'as pas su croire et espérer parce que tu n'as pas su
  aimer totalement. Mais Moi, je t'en absous. Je te pardonne, Marthe. J'ai
  ressuscité Lazare aujourd'hui. Maintenant je te donne un cœur plus fort. A
  lui j'ai rendu la vie. À toi, j'infuse la force d'aimer, croire et espérer
  parfaitement. Maintenant soyez heureuses et en paix. Pardonnez à ceux qui
  vous ont offensé ces jours-ci..."
 
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  de page.
 
 458> "Seigneur, en cela j'ai péché.
  Il y a un instant j'ai dit au vieux Chanania qui t'avait méprisé les autres
  jours : "Qui a triomphé ? Toi ou Dieu ? Ton mépris ou ma foi ? Le Christ
  est le Vivant et il est la Vérité. Moi, je savais que sa gloire aurait
  resplendi plus grande, et toi, vieillard, refais ton âme si tu ne veux pas
  connaître la mort".
 
 "Tu as bien parlé. Mais ne discute pas avec les méchants, Marie. Et
  pardonne. Pardonne si tu veux m'imiter...
 
  548.19 - "Voici
  Lazare. J'entends sa voix." 
 En effet Lazare rentre, vêtu à neuf et bien rasé, bien peigné et la chevelure
  parfumée. Avec lui se trouvent Maximin et le Zélote.
 
 "Maître !"
 
 Lazare s'agenouille encore pour l'adorer.
 
 Jésus lui met la main sur la tête et sourit en disant : "L'épreuve est
  surmontée, mon ami. Pour toi et pour tes sœurs. Maintenant soyez heureux et
  forts pour servir le Seigneur. Que te rappelles-tu, ami, du passé ? Je veux
  parler de tes derniers moments ?"
 
 "Un grand désir de te voir et une grande paix au milieu de l'amour des
  sœurs."
 
 "Et qu'est-ce qui t'affligeait le plus de quitter en mourant ?"
 
 "Toi, Seigneur, et mes sœurs. Toi parce que je ne pouvais plus te
  servir, elles parce qu'elles m'ont donné toute joie..."
 
 "Oh ! moi, frère !" soupire Marie.
 
 "Toi, plus que Marthe. Tu m'as donné Jésus et la mesure de ce qu'est
  Jésus. Et Jésus t'a donnée à moi. Tu es le don de Dieu, Marie."
 
 "Tu le disais aussi en mourant..." dit Marie et elle étudie le
  visage de son frère.
 
 "Parce que c'est ma constante pensée."
 
 "Mais moi, je t'ai donné tant de douleur..."
 
 "La maladie aussi m'a donné de la douleur. Mais, par elle, j'espère
  avoir expié les fautes du vieux Lazare et d'être ressuscité, purifié pour
  être digne de Dieu. Toi et moi : tous deux ressuscités pour servir le
  Seigneur, et Marthe au milieu de nous, elle qui fut toujours la paix de la
  maison."
 
 "Tu l'entends, Marie ? Lazare dit des paroles de sagesse et de vérité.
  Maintenant je me retire et vous laisse à votre joie..."
 
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  de page.
 
 459> "Non, Seigneur, reste avec
  nous. Ici. Reste à Béthanie et dans ma maison. Ce sera beau..."
 
 "Je resterai. Je veux te récompenser de tout ce que tu as souffert.
  Marthe, ne sois pas triste. Marthe pense m'avoir affligé. Mais ma peine n'est
  pas autant pour vous que pour ceux qui ne veulent pas se racheter. Eux
  haïssent de plus en plus. Ils ont le venin dans le cœur... Eh bien...
  pardonnons."
 
 "Pardonnons, Seigneur" dit Lazare avec son doux sourire... et sur
  cette parole tout prend fin.
 
 Jésus dit : "On peut mettre ici la dictée du 23-3-44 pour le commentaire
  de la résurrection de Lazare."
 
 
  548.20 - En
  marge 
  de la résurrection de Lazare et en rapport avec une phrase de Saint Jean. 
 Jésus dit :
 
 "Dans l'Évangile de Jean, comme on le lit désormais depuis des siècles,
  il est écrit : "Jésus n'était pas encore entré dans le village de
  Béthanie" (Jean 9,30). Pour prévenir toutes objections possibles,
  je fais remarquer que entre cette phrase et celle de l'Œuvre, que je
  rencontrai Marthe à quelques pas du bassin dans le jardin de Lazare, il n'y a
  pas de contradictions de faits mais seulement de traduction et de
  description.
 
 Béthanie appartenait pour les trois quarts à Lazare, de même que Jérusalem
  lui appartenait en grande partie. Mais parlons de Béthanie. Comme elle
  appartenait pour les trois quarts à Lazare, on pouvait dire : Béthanie de
  Lazare. Par conséquent le texte ne serait pas erroné même si j'avais,
  rencontré Marthe dans le village ou à la fontaine, comme certains veulent
  dire. Mais en réalité je n'étais pas entré dans le village pour éviter
  qu'accourent les béthanites ,
  tous hostiles aux gens du Sanhédrin. J'étais passé en arrière de Béthanie
  pour rejoindre la maison de Lazare, qui était à l'extrémité opposée pour qui
  entrait à Béthanie par Ensémès.
 
 Justement pour cela Jean dit que Jésus n'était pas encore entré dans le
  village. Et avec autant de justesse le petit Jean dit que je m'étais arrêté
  près du bassin (fontaine pour les hébreux)
  déjà dans le jardin de Lazare, mais encore très loin de la maison.
 
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  de page.
 
 460> Que l'on considère en outre que. durant
  le temps du deuil et de l'impureté (ce n'était pas encore le septième jour
  après la mort),
  les sœurs ne sortaient pas de la maison. C'est donc dans l'enceinte de leur
  propriété qu'est arrivée la rencontre.
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