Le samedi 26 janvier 1946.
69/70> 370.1 – "La paix soit à cette
maison et à tous ceux qui sont présents"
Ainsi salue Jésus en entrant dans le vaste vestibule très fastueux, tout
illuminé bien qu'il fasse encore jour. Et les lampes ne sont pas inutiles car
s'il est vrai qu'il fait jour, et il est vrai aussi que dehors le soleil est
éblouissant dans les rues et sur les façades des maisons blanchies à la
chaux, mais ici, dans le vaste et surtout très long corridor qui sert de
vestibule, qui traverse toute la maison, depuis le portail massif jusqu'au
jardin dont on aperçoit au fond la verdure ensoleillée que la perspective
fait paraître lointaine, il doit y avoir habituellement de la pénombre qui
est de l'ombre pour ceux qui viennent du dehors, les yeux éblouis par le
grand soleil.
Aussi Kouza a pourvu à ce que les larges poêles de cuivre repoussé, fixées en
grand nombre et à des intervalles réguliers sur les deux murs, soient toutes
éclairées et de même aussi le lampadaire central, un large bassin d'albâtre
rosé, avec encastrées dans la transparence carnée de l'albâtre, des jaspes et
autres écailles précieuses et multicolores qui, à cause de la lumière allumée
à l'intérieur, resplendissent comme autant d'étoiles qui projettent des
arcs-en-ciel sur les murs peints en bleu foncé, sur les visages, sur le
dallage de marbre cipolin. Il semble que de petites étoiles se posent sur les
murs, sur les visages, sur le sol, étoiles multicolores, menues et mouvantes,
car le lampadaire se balance légèrement a cause du
courant d'air qui traverse le vestibule et qui déplace continuellement les
facettes des écailles précieuses.
"La paix à cette maison" répète Jésus en entrant, alors que sans
arrêt il bénit les serviteurs courbés jusqu'à terre, les hôtes étonnés d'être
rassemblés là, tout près du Rabbi, dans un palais princier...
370.2 – Les hôtes ! La pensée de
Jésus se dessine clairement. Le festin d'amour, qu'il a voulu dans la maison
de la bonne disciple, est la mise en action d'une page de l'Évangile. Il y a
des mendiants, des estropiés, des aveugles, des orphelins, des vieillards,
des jeunes veuves avec leurs petits attachés à leurs vêtements ou suçant le
lait peu abondant de la mère mal nourrie. La richesse de Jeanne a déjà pourvu
à remplacer les vêtements déchirés par des vêtements modestes, mais propres
et neufs. Les chevelures peignées dans un souci prévoyant de propreté, les
vêtements propres des malheureux que les serviteurs alignent et aident à
gagner leurs places, leur donnent certainement un aspect moins misérable que
celui qu'ils avaient quand Jeanne les envoya chercher dans les ruelles, aux
carrefours, sur les chemins qui conduisent à Jérusalem, là ou leur misère
honteuse se cachait ou bien s'exposait pour avoir l'aumône. Mais à côté de
cela, restent bien visibles les privations sur les visages, les infirmités
des membres, et les malheurs, les solitudes dans les regards...
Jésus passe et bénit. Chaque malheureux reçoit sa bénédiction, et si la main
droite se lève pour bénir, la gauche s'abaisse pour caresser les têtes
tremblantes et chenues des vieillards ou les têtes innocentes des petits. Il
parcourt ainsi le vestibule, en allant et venant pour bénir tout le monde,
même ceux qui entrent alors que Lui bénit déjà et, encore en lambeaux, se
cachent craintifs et timides dans un coin jusqu'à ce que les serviteurs les
amènent gentiment ailleurs pour être, comme ceux qui les ont précédés, lavés
et habillés de vêtements propres.
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71> 370.3 – Une jeune
veuve passe avec sa nichée d'enfants...
Quelle misère ! Le plus jeune est tout à fait nu, serré dans le voile
déchiré de sa mère... les plus grands avec juste ce qu'il faut pour
sauvegarder la décence. Seul l'aîné, un garçon efflanqué, a ce que l'on peut
appeler un habit mais en revanche il n'a pas de chaussures.
Jésus observe et appelle la femme pour lui dire :
"D'où viens-tu ?"
"De la plaine de Saron, Seigneur. Lévi est devenu majeur... J'ai dû
l'accompagner au Temple... moi... puisqu'il n'a plus de père" et la
femme pleure sans bruit, du pleur muet de qui a trop pleuré.
"Quand ton homme est-il mort ?"
"Il y a eu un an au mois de Shebat. J'étais enceinte depuis deux
lunes..." et elle réprime ses sanglots pour ne pas troubler, en se
penchant sur son petit.
"Le bébé a donc huit mois ?"
"Oui, Seigneur."
"Que faisait ton mari ?"
La femme murmure si doucement que Jésus ne comprend pas. Il se penche pour
entendre en disant:
"Répète sans crainte."
"Il était forgeron dans une maréchalerie... Mais il a été très malade...
car il avait des blessures qui s'étaient envenimées."
Et elle termine en disant tout bas :
"C'était un soldat de Rome."
"Mais toi, tu es d'Israël ?"
"Oui, Seigneur. Ne me chasse pas pour impureté, comme l'ont fait mes
frères quand je suis allée implorer leur pitié après la mort de
Cornélius..."
"N'aie pas pareille peur ! Que fais-tu maintenant comme
travail ?"
"La servante, quand on veut de moi, la glaneuse, la laveuse de draps, la
broyeuse de chanvre... de tout... pour leur donner à manger. Lévi maintenant
va faire le paysan... si on veut de lui car... c'est un bâtard de race."
"Fais confiance au Seigneur !"
"Si je n'avais pas eu confiance, je me serais tuée avec eux,
Seigneur."
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72> "Va, femme, nous nous reverrons"
Et il la congédie.
370.4 – Jeanne,
pendant ce temps, est accourue et elle est restée à genoux en attendant que
le Maître la voie. Lui se retourne, en fait, et il la voit.
"Paix à toi, Jeanne ! Tu m'as parfaitement obéi."
"T'obéir, c'est ma joie. Mais je n'ai pas été la seule à te procurer
"la cour" comme tu le voulais. Kouza m'a aidée de toute manière et
aussi Marthe et Marie. Et Elise avec elles. Les uns en envoyant leurs
serviteurs prendre ce qu'il fallait et pour aider les miens à rassembler les
hôtes, d'autres en aidant les serviteurs et les servantes des bains, à laver
les "bien-aimés" comme tu les appelles.
Maintenant, avec ta permission, je vais donner à tout le monde un peu de
nourriture pour qu'ils n'aient pas trop faim en attendant le repas."
"Fais-le, oui. Où sont les femmes disciples ?"
"Sur la terrasse supérieure où je fais préparer les tables. Ai-je pensé
juste ?"
"Oui, Jeanne. Là-haut, on sera tranquille, aussi bien eux que
nous."
"Oui, c'est ce que j'ai pensé. D'ailleurs, dans aucune autre salle je
n'aurais pu faire les préparatifs pour tant de monde... Et je ne voulais pas
faire de séparation pour ne pas occasionner des jalousies et des souffrances.
Les malheureux ont une sensibilité si vive, ils souffrent si facilement, je
dirais même !... Ils ne sont qu'une plaie et il suffit d'un regard pour
les faire souffrir."
"Oui, Jeanne. Ton âme est sensible à la pitié, et tu comprends. Que Dieu
te récompense pour ta pitié.
370.5 – Y a-t-il beaucoup de femmes
disciples ?"
"Oh ! toutes celles qui étaient à Jérusalem!... Mais... Seigneur...
j'ai peut-être commis une faute... Je voudrais te dire quelque chose en
secret."
"Conduis-moi dans un endroit solitaire."
Ils vont eux deux seuls dans une pièce où, à cause des jouets étalés partout,
je comprends que c'est la salle de jeux de Marie et de Matthias.
"Eh bien, Jeanne ?"
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73> "Oh ! mon Seigneur,
certainement j'ai été imprudente... Mais l'idée m'en est venue, si
spontanément, et avec tant d'impétuosité ! Kouza me l'a reproché. Mais
maintenant... Au Temple il est venu un esclave de Plautina avec une tablette.
Elle et ses compagnes demandaient s'il était possible de te voir. J'ai
répondu : "Oui, dans l'après-midi, chez moi". Et elles vont
venir... Ai-je mal fait ? Oh ! pas à cause de Toi !... Mais à
cause des autres, pour ceux qui sont tous Israël... et ne sont pas amour comme
Toi. Si j'ai fauté, j'essaierai de réparer... Mais je désire tant que le
monde, le monde entier, t'aime, que... que je n'ai pas réfléchi que
dans le monde Toi seul es Perfection et qu'il y en a trop peu qui cherchent à
te ressembler."
"Tu as bien fait. Aujourd'hui je prêche à vous tous par les œuvres. Et
la présence des gentils parmi ceux qui croient en Jésus Sauveur sera une des
choses que dans l'avenir devront faire ceux qui croient en Moi. Les enfants,
où sont-ils ?"
"Un peu partout, Seigneur" dit en souriant Jeanne rassurée, et elle
dit pour finir : "La fête les exalte, et ils courent ça et là comme des oiseaux heureux."
Jésus la quitte, revient dans le vestibule, fait un signe aux hommes qui
étaient avec Lui et se dirige vers le jardin pour monter sur la vaste
terrasse.
370.6 – Une joyeuse activité remplit
la maison de la cave au toit. C'est un va et vient incessant, avec des vivres
et du mobilier, avec des paquets de vêtements, des sièges. On accompagne les
hôtes, en répondant aux questions toujours joyeusement et affectueusement.
Jonathas, solennel dans sa fonction d'intendant, dirige, surveille, conseille
inlassablement.
La vieille Esther, heureuse de voir l'entrain et le bonheur de Jeanne, rit au
milieu d'un cercle de pauvres enfants auxquels elle distribue des fouaces
tout en racontant des histoires merveilleuses. Jésus s'arrête un moment pour
écouter la conclusion magnifique de l'une d'elles, où on dit que "à la
bonne Aube de mai, qui jamais ne se révoltait contre le Seigneur pour les
souffrances qui étaient survenues dans sa maison, Dieu accorda beaucoup de
faveurs qui permirent à Aube de mai d'apporter sauvegarde et biens même à ses
frères. Les anges emplissaient la petite huche, finissaient le travail sur le
métier pour aider la bonne fillette en disant : "C'est notre sœur
parce qu'elle aime le Seigneur et son prochain. Il faut que nous
l'aidions."
"Dieu te bénisse, Esther ! Je m'arrêterais presque Moi aussi pour
écouter tes paraboles ! Me veux-tu ?" dit Jésus en souriant.
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74> "Oh ! mon Seigneur !
C'est moi qui dois t'écouter, mais pour les tout petits,
je fais encore l'affaire, moi pauvre vieille sotte !"
"Ton âme juste est utile aux adultes aussi. Continue, continue,
Esther..."
Et il lui sourit en s'éloignant.
370.7 – Dans le vaste jardin, les
hôtes sont maintenant dispersés et consomment un casse-croûte, en regardant
autour d'eux et en se regardant l'un l'autre stupéfaits. Ils parlent et
échangent des commentaires sur ce bonheur inespéré. Mais, en voyant Jésus passer,
ils se lèvent quand ils peuvent le faire et se courbent pour adorer.
"Mangez, mangez, en toute liberté et bénissez le Seigneur" dit
Jésus en passant pour aller vers les pièces des jardiniers où commence
l'escalier extérieur qui mène à la vaste terrasse.
370.8 – "Oh ! mon Rabbouni !" crie Marie-Madeleine qui sort en
courant d'une pièce, les bras chargés de langes et de chemisettes pour les
petits. Et sa voix veloutée d'orgue d'or remplit le chemin, ombragé par des
festons de rosés.
"Marie, Dieu soit avec toi. Où vas-tu avec tant
d'empressement ?"
"Oh ! j'ai dix enfants à vêtir ! Je les ai lavés et maintenant
je les habille. Après cela, je te les amènerai, frais comme des fleurs. Je
m'enfuis, Maître, car... tu les entends ? On dirait dix agneaux qui
bêlent..."
Et elle s'en va en courant et en riant splendide et sereine dans son vêtement
simple et seigneurial de lin blanc, serré à la taille par une fine ceinture
d'argent, les cheveux serrés d'un simple nœud sur la nuque, retenus par un
ruban blanc noué au front.
"Comme elle est différente de celle qui était sur le Mont des
Béatitudes !" s'exclame Simon le Zélote.
370.9 – Au premier palier de l'escalier,
ils rencontrent la fille de Jaïre et Annalia qui descendent si vite qu'elles
semblent voler.
"Maître !"
"Seigneur !"
s'écrient-elles.
"Dieu soit avec vous. Où allez-vous ?"
"Prendre des nappes. C'est la servante de Jeanne qui nous envoie. Tu
parles, Maître ?"
"Certainement !"
"Oh ! alors cours, Myriam !
Faisons vite !" dit Annalia.
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75> "Vous avez tout le temps de
faire votre travail. J'attends d'autres personnes. Mais depuis quand, ma
fille, t'appelles-tu Myriam ?" dit-il en regardant la fille de
Jaïre.
"Depuis aujourd'hui. Depuis maintenant. C'est ta Mère qui m'a donné ce
nom. Parce que... n'est-ce pas Annalia ? Aujourd'hui c'est un grand jour
pour quatre vierges..."
"Oh ! oui. Allons-nous le dire au Seigneur ou en laissons-nous le
soin à Marie ?"
"À Marie, à Marie. Va, va,
Seigneur. La Mère t’en parlera"
Et elles s'en vont en courant, dans la prime fleur de la jeunesse, humaines
dans leurs belles formes, angéliques dans leur regard radieux...
370.10 – Ils sont au troisième palier
quand ils rencontrent Élise de Beth-Çur ,
qui descend gravement avec la femme de Philippe.
"Ah ! Seigneur ! Aux uns tu prends, aux autres tu
donnes !... Mais que tu en sois également béni !" crie cette
dernière.
"De quoi parles-tu, femme ?"
"Tu vas le savoir... Quelle peine et quelle gloire, Seigneur ! Tu
me mutiles et tu me couronnes."
Philippe, qui est près de Jésus, dit :
"Que dis-tu ? De quoi parles-tu ? Tu es mon épouse et ce qui
t'arrive me touche..."
"Oh ! tu vas le savoir, Philippe. Va, va avec le Maître."
Entre temps, Jésus demande à Élise si elle est bien guérie. La femme, à
laquelle la grande douleur d'autrefois a donné une majesté de reine
souffrante, dit :
"Oui, mon Seigneur. Mais ce n'est pas une douleur que de souffrir avec
la paix dans le cœur. Et maintenant j'ai la paix dans le cœur."
"Et tu vas avoir bientôt davantage."
"Quoi, Seigneur ?"
"Va et reviens, et tu le sauras."
370.11 – "Voilà Jésus ! Voilà
Jésus !" crient les deux enfants qui ont le visage appuyé contre la
balustrade ornée d'arabesques qui borde la terrasse des deux côtés qui
donnent sur le jardin, et de laquelle descendent des branches de rosiers et
de jasmins en fleurs, car la terrasse est un vaste jardin suspendu sur
lequel, en cette heure ensoleillée, s'étend un voile multicolore.
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76> Toutes les personnes occupées aux
préparatifs sur la terrasse se retournent au cri de Marie et de Matthias et,
laissant ce qu'elles faisaient, elles vont à la rencontre de Jésus aux genoux
duquel sont déjà accrochés les deux enfants.
Jésus salue les nombreuses femmes qui se pressent. Parmi les disciples
proprement dites ou les femmes, les filles, les sœurs des apôtres et des
disciples, sont mêlées d'autres moins connues, moins intimes, telles que
l'épouse du cousin Simon ; les mères des âniers de Nazareth ; la mère d'Abel de Bethléem de
Galilée ; Anne
de Jude (la maison près du lac de Mérom); Marie
de Simon, mère de Judas de Kérioth ; Noémi
d'Ephèse ; Sarah
et Marcelle
de Béthanie (Sara est la femme que Jésus guérit sur le Mont des Béatitudes et
envoya à Lazare avec le vieil Ismaël. Elle semble être maintenant servante de
Marie de Lazare) ; puis la mère de Jaia ;
la mère de Philippe d'Arbela ; Dorca, la jeune mère de Césarée de
Philippe, et sa belle-mère ; la mère d'Annalia ; Marie de Bozra,
la lépreuse miraculée venue avec son mari à Jérusalem ; et d'autres,
d'autres que je connais de vue mais dont je ne puis dire exactement les noms.
Jésus pénètre sur la vaste terrasse rectangulaire qui donne d'un côté sur le Siste, et il va se mettre près de la pièce sur laquelle
débouche l'escalier intérieur, et qui ressemble à un cube de faible hauteur
situé à l'angle nord de la terrasse. Jérusalem se montre toute entière, et
avec elle ses alentours immédiats. Une vue étonnante. Toutes les disciples,
toutes les femmes même, quittent le travail des tables pour se serrer autour
de Lui. Les serviteurs continuent leur travail.
370.12 – Marie est près de son Fils.
Dans la grande lumière dorée qui filtre à travers le grand
voile étendu sur la terrasse et qui devient couleur émeraude là où
pour arriver à la vue elle doit pour passer filtrer à travers un massif de
jasmins et de rosiers disposés pour faire une tonnelle, Marie paraît encore
plus jeune et plus agile ; une sœur des plus jeunes disciples, à peine
plus âgée, et belle, belle comme la plus splendide des rosés épanouies dans
le jardin suspendu, dans les vasques disposées tout autour qui contiennent
des rosiers, des jasmins, des muguets, des lys et autres plantes charmantes.
"Mère, mon épouse a parlé d'une certaine façon !... Qu'est-ce qui
est arrivé pour qu'elle puisse se dire à la fois mutilée et
couronnée ?" demande Philippe qui brûle de le savoir.
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77> Marie sourit doucement pendant
qu'elle le regarde et elle, si rétive à la confidence, lui prend la main en
disant :
"Serais-tu capable, toi, de donner à mon Jésus la chose qui t'est la
plus chère ? Vraiment tu le devrais... parce que Lui te donne le Ciel et
le Chemin pour y aller."
"Mais certainement, Mère, que je le saurais... surtout si je savais que
ce que je Lui donnerais pouvait le rendre heureux."
"Il l'a, Philippe : ta seconde fille se consacre aussi au Seigneur . Elle l'a dit
tout à l'heure, à sa mère et à moi, en présence de nombreuses
disciples..."
"Toi !? Toi !?" demande Philippe stupéfait, en montrant
de l'index une gentille enfant qui se serre contre Marie comme pour qu'elle
la protège. L'apôtre a du mal à avaler ce second coup qui le prive pour
toujours de l'espoir d'une descendance. Il essuie la sueur soudaine que la
nouvelle lui a causée... il tourne son regard sur ceux qui l'entourent. Il
lutte... Il souffre.
La fille gémit :
"Père... ton pardon... et ta bénédiction..."
Et elle glisse à ses pieds.
Philippe caresse machinalement ses cheveux châtains et s'éclaircit la gorge
qui se serre. Enfin il parle :
"On pardonne aux enfants qui pèchent... Toi, tu ne pèches pas en te
consacrant au Maître... et... et... ton pauvre père ne peut que te dire...
que te dire : "Que tu sois bénie"... Ah ! fille ! ma
fille !... Comme elle est douée et terrible la volonté de
Dieu !"
Et il se penche, la relève, l'embrasse, lui dépose un baiser sur le font, sur
les cheveux, en pleurant... et puis, la tenant encore dans ses bras, il va
vers Jésus et Lui dit :
"Moi, je l'ai engendrée, mais Toi, tu es son Dieu... Ton droit est plus
grand que le mien... Merci... merci, Seigneur, de la... de la joie
que..."
Il ne peut poursuivre. Il tombe à genoux aux pieds de Jésus et se baisse pour
baiser ses pieds en gémissant :
"Jamais plus, jamais plus de petits-enfants... Mon rêve !... Le
sourire de ma vieillesse !... Pardonne-moi ces pleurs, mon Seigneur...
Je suis un pauvre homme..."
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78> "Lève-toi, mon ami, et sois
heureux de donner les prémices aux parterres angéliques.
370.13 – Viens. Viens ici entre ma Mère
et Moi. Apprenons d'elle comment la chose est arrivée parce que, je te
l'assure, je n'y suis pour rien."
Marie explique :
"Moi aussi, je sais peu de chose. Nous parlions entre nous, femmes, et
comme il arrive souvent on m'interrogeait sur mon vœu de virginité. On me
demandait encore comment seraient les futures vierges, quelles fonctions,
quelles gloires je prévoyais pour elles. Je répondais comme je sais... Et
pour l'avenir, je prévoyais une vie de prière, de consolation pour les
souffrances que le monde donnera à mon Jésus. Je disais : "Ce seront les vierges qui soutiendront
les apôtres, qui laveront le monde souillé en le revêtant et en le parfumant
de leur pureté. Elles seront les anges qui chanteront les louanges pour
couvrir les blasphèmes. Et Jésus en sera heureux, et il donnera des grâces au
monde, et il donnera ses miséricordes grâce à ces agnelles disséminées parmi
les loups..." et je disais autre chose encore. Ce fut alors que la fille
de Jaïre me dit : "Donne-moi un nom, ô Mère, pour mon avenir de
vierge, car je ne puis permettre qu'un homme jouisse de ce corps qui a été
ranimé par Jésus. C'est à Lui seul qu'appartient mon corps jusqu'à ce qu'il
soit la chair du tombeau et mon âme au Ciel", et Annalia dit :
"Moi aussi, j'ai pensé le faire. Et aujourd'hui je suis plus légère que
l'hirondelle, car j'ai rompu tout lien". Et ce fut alors que ta fille, ô
Philippe, dit : "Moi aussi, je serai comme vous. Vierge pour
l'éternité !" La mère, voici qu'elle vient, la fit réfléchir qu'on
ne peut prendre ainsi une telle décision. Mais elle ne changea pas d'avis. Et
à ceux qui lui demandaient s'il y avait longtemps qu'elle y pensait, elle
disait "non", et à ceux qui lui demandaient comment cela lui était
venu, elle disait : "Je ne sais. C'est comme une flèche de lumière
qui m'a traversé le cœur, et j'ai compris de quel amour j'aime Jésus".
L'épouse de Philippe demande à son mari :
"Tu as entendu ?"
"Oui, femme, la chair gémit... et elle devrait chanter parce que cela
c'est notre glorification. Elle, notre lourde chair, a engendré deux anges.
Ne pleure pas, femme. Tu l'as dit précédemment : Il t'a couronnée... La
reine ne pleure pas quand elle reçoit le diadème..."
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79> 370.14 – Mais Philippe pleure encore et
plusieurs pleurent, tant hommes que femmes, maintenant que tous sont
rassemblés là-haut. Marie de Simon fond en larmes dans un coin... Marie de
Magdala pleure dans un autre, en tiraillant machinalement le lin de son vêtement
arrachant machinalement des fils à la bordure qui l'orne. Anastasica pleure
en essayant de cacher de la main son visage en larmes.
"Pourquoi pleurez-vous ?" demande Jésus.
Personne ne répond. Le Seigneur appelle Anastasica et il l'interroge de
nouveau. Et elle répond :
"Parce que, Seigneur, pour une joie nauséabonde éprouvée une seule nuit,
j'ai perdu d'être une de tes vierges."
"Tout état est bon. lorsqu'on y sert le Seigneur. Dans la future
Église, il faudra des vierges et des femmes mariées, toutes utiles au
triomphe du Royaume de Dieu dans le monde et au travail des frères prêtres.
370.15 – Élise de Beth-Çur, viens là.
Console cette femme qui n’est guère qu'une enfant..."
Et de sa main, il met Anastasica dans les bras d'Élise. Il les observe
pendant qu'Élise la caresse et que l'autre s'abandonne dans ces bras
maternels, et puis il demande :
"Élise, connais-tu son Histoire"
"Oui Seigneur. Et elle me fait tant de peine, pauvre colombe sans
nid."
"Élise, aimes-tu cette sœur ?"
"L'aimer ? Tellement, mais pas comme une sœur. Elle pourrait être
ma fille. Et maintenant que je la tiens dans mes bras, il me semble redevenir
la mère heureuse du temps passé. À qui vas-tu confier cette douce
gazelle ?"
"À toi. Élise."
"À moi ?" La femme desserre le cercle de ses bras pour
regarder le Seigneur, incrédule…
"À toi. Tu ne la veux pas ?"
"Oh ! Seigneur ! Seigneur ! Seigneur !"...
Élise, à genoux, rampe vers Jésus, et elle ne sait pas, elle ne sait pas
comment, ce que dire ce que faire pour exprimer sa joie.
"Lève-toi et sois pour elle saintement mère, et qu'elle soit pour toi
saintement fille, et avancez toutes les deux sur le chemin du Seigneur.
370.16 – Marie de Lazare, pourquoi
pleures-tu, toi si gaie il y a un instant ? Où sont les dix fleurs que
tu voulais m'amener ?"
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80> "Ils dorment, rassasiés, dans
la propreté, Maître... Et moi je Pleure, parce que jamais plus je n'aurai la
pureté des vierges et mon âme toujours pleurera, jamais satisfaite parce que
parce que j'ai péché…"
"Mon pardon et tes larmes te rendent plus pure qu'elles. Viens ici, ne
pleure plus. Laisse les pleurs à ceux qui doivent avoir honte de quelque
chose. Allons, va prendre tes fleurs. Allez, vous aussi, épouses et vierges.
Allez dire aux hôtes de Dieu de monter. Il faut les congédier avant la
fermeture des Portes, car beaucoup d'entre eux sont disséminés à travers la
campagne."
Ils s'en vont obéissants. Il ne reste sur la terrasse que Jésus à sa place,
qui caresse Marie et Matthias; Élise et Anastasica qui, un peu plus loin, se
tiennent par la main en se regardant dans les yeux avec un sourire qui
éclaire une larme de joie; Marie de Simon sur laquelle se penche avec pitié
Marie très Sainte; et Jeanne qui, sur le seuil de la porte, regarde
incertaine un peu dedans, un peu dehors, vers Jésus. Les apôtres et les
disciples sont descendus en même temps que les femmes pour aider les serviteurs
à transporter les estropiés, les aveugles, les boiteux, les bossus, les
vieillards. par le long escalier.
370.17 – Jésus relève sa tête qui était
penchée sur les deux enfants, et il voit Marie penchée sur la mère de Judas.
Il se lève et va vers elles. Il pose sa main sur la tête grisonnante de Marie
de Simon :
"Pourquoi pleures-tu, femme ?"
"Oh ! Seigneur ! Seigneur ! J'ai enfanté un démon !
Aucune mère en Israël ne m'égalera pour la douleur !"
"Marie, une autre mère, et pour le même motif que toi, m'a dit et dit
ces paroles. Pauvres mères !..."
"Oh ! mon Seigneur, il y en a donc un autre qui comme mon Judas est
perfide et criminel à ton égard ? Oh ! ce n'est pas possible !
Lui, qui te possède, s'est livré à des pratiques immondes. Lui, qui respire
ton haleine, est luxurieux et voleur, peut-être il deviendra homicide. Lui...
Oh ! Sa pensée est mensonge ! Sa vie est une fièvre. Fais-le
mourir, Seigneur ! Par pitié ! Fais-le mourir !"
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81> "Marie, ton cœur te le montre
pire qu'il ne l'est. La peur t'affole. Mais calme-toi et raisonne. Quelles
preuves as-tu de son inconduite ?"
"À ton égard, rien. Mais c'est une avalanche qui descend. Je l'ai
surpris et il n'a pas pu cacher les preuves qui... Le voilà... Par pitié,
tais-toi ! Il me regarde, il soupçonne. C'est ma douleur. Aucune mère
n'est plus malheureuse que moi en Israël !..."
Marie murmure :
"Moi... Parce qu'à ma douleur je joins celle de toutes les mères
malheureuses... Parce que ma douleur m'est donnée par la haine, non d'un
seul, mais de tout un monde."
370.18 – Jésus, appelé par Jeanne, va la
trouver. Pendant ce temps, Judas va vers sa mère que Marie réconforte encore,
et il l'apostrophe:
"As-tu pu dire tous tes délires ? Me calomnier ? Es-tu
heureuse maintenant ?"
"Judas ! Est-ce ainsi que tu parles à ta mère ?" demande
sévèrement Marie.
C'est la première fois que je la vois ainsi...
"Oui, parce que je suis las de sa persécution."
"Oh ! mon fils, ce n'est pas une persécution ! C'est de
l'amour. Tu dis que je suis malade, mais c'est toi qui l'es ! Tu dis que
je te calomnie et que j'écoute tes ennemis. Mais c'est toi qui te fais tort,
mais tu suis et fréquentes des êtres néfastes qui t'entraîneront. C'est que
tu es un faible, mon fils, et eux s'en sont aperçus... Crois-en ta mère.
Écoute Ananias qui est âgé et sage. Judas ! Judas ! Aie pitié de
toi, de moi ! Judas !!! Où vas-tu, Judas ?!"
Judas, qui presque en courant traverse la terrasse, se retourne et
crie :
"Là où je suis utile et vénéré".
Et il descend précipitamment l'escalier alors que la malheureuse mère, se
penchant sur le parapet, lui crie :
"N'y va pas ! N'y va pas ! Ils veulent ta ruine !
Fils ! Fils ! Mon fils !..."
Judas est arrivé en bas, et les arbres le cachent à la vue de sa mère. Il
réapparaît un instant dans un espace vide avant d'entrer dans le vestibule.
"Il est parti !... L'orgueil le dévore !" gémit sa mère.
"Prions pour lui, Marie. Prions nous deux ensemble..." dit la
Vierge en tenant par la main la triste mère du futur déicide.
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82> 370.19 – Pendant ce temps, les hôtes
commencent à monter... et Jésus parle avec Jeanne.
"Bon, qu'elles viennent donc. C'est bien qu'elles aient pris des
vêtements hébraïques, pour ne pas heurter les préventions de plusieurs. Je
les attends ici. Va les appeler"
Et adossé à l'huisserie, il observe l'afflux des convives que les apôtres,
les disciples, hommes et femmes, guident affectueusement selon un ordre fixé
d'avance. Au milieu se trouve la table basse des enfants, puis de part et
d'autre toutes les autres disposées parallèlement.
Mais alors que les aveugles, les boiteux, les bossus, les estropiés, les
vieillards, les veuves, les mendiants, prennent place avec leurs douloureuses
histoires imprimées sur leurs visages, voilà que, gentils comme des paniers
de fleurs, on apporte des paniers transformés en berceaux et jusqu'à de
petits coffres dans lesquels, étendus sur des coussins, dorment repus de
jeunes bébés pris à leurs mères mendiantes. Et Marie de Magdala, rassérénée,
court vers Jésus en disant :
"Elles sont arrivées les fleurs. Viens les bénir, mon Seigneur."
Mais en même temps, Jeanne arrive de l'escalier intérieur en disant :
"Maître, voici les disciples païennes."
Il y a sept femmes, vêtues d'habits modestes et foncés, semblables à ceux des
hébreux. Elles ont toutes le visage couvert d'un voile et un manteau les
couvre jusqu'aux pieds.
Deux sont grandes et majestueuses, les autres de taille moyenne. Mais quand
après avoir vénéré le Maître, elles enlèvent leurs manteaux, il est facile de
reconnaître Plautina, Lidia, Valeria, l'affranchie Flavia, celle qui a écrit
les paroles de Jésus dans le jardin de Lazare ,
et puis il y a trois inconnues. Une d'elles, au regard habitué au
commandement, et qui pourtant s'agenouille en disant au Seigneur :
"Et avec moi, Rome se prosterne à tes pieds"
Et puis une forte matrone d'environ cinquante ans, et enfin une toute jeune
femme élancée et sereine comme une fleur des champs.
Marie de Magdala reconnaît les romaines, malgré leurs vêtements hébreux, et
murmure :
"Claudia !!!" et elle reste les yeux écarquillés.
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83> "C'est moi. J'en ai assez
d'entendre par la parole d'autrui ! La Vérité et la Sagesse, il faut les
atteindre directement à la source."
"Crois-tu qu'ils vont nous reconnaître ?" demande Valeria à Marie
de Magdala.
"Si vous ne vous trahissez pas en disant vos noms, je ne crois pas. Du
reste, je vais vous mettre dans un endroit sûr."
"Non, Marie. Aux tables, pour servir les mendiants. Personne ne pourra
penser que ce sont des patriciennes qui servent les pauvres, les plus petits
du monde hébraïque" dit Jésus.
"C'est une bonne idée, ô Maître, car l'orgueil est inné en nous."
"Et l'humilité est le signe le plus net de ma doctrine. Qui veut me
suivre doit aimer la Vérité, la Pureté et l'Humilité, avoir de la charité
pour tous, et de l'héroïsme pour défier l'opinion des hommes et les pressions
des tyrans. Allons."
"Pardon, ô Rabbi. Cette fillette est une esclave, fille d'esclaves. Je
l'ai rachetée parce qu'elle est d'origine Israélite et Plautina la garde avec
elle. Mais je te l'offre, pensant bien faire. Son nom est Egla.
Elle t'appartient."
"Marie, accueille-la. Puis nous penserons... Merci, femme."
370.20 – Jésus va sur la terrasse pour bénir
les enfants. Les dames éveillent une grande curiosité. Mais ainsi habillées
et coiffées à l'hébraïque, en vêtements presque pauvres, elles n'éveillent
pas de soupçons. Jésus va au milieu de la terrasse, près de la table des
enfants, et il prie, offrant pour tous la nourriture au Seigneur, il bénit et
donne l'ordre de commencer le repas.
Apôtres, disciples hommes et femmes, dames, sont serviteurs des pauvres.
Jésus donne l'exemple en retroussant les larges manches de son vêtement rouge
et en s'occupant de ses enfants, aidé par Myriam de Jaïre et par Jean.
Les bouches de tous travaillent remarquablement, mais les yeux sont tous
tournés vers le Seigneur. Le soir arrive et on enlève le voile pendant que
les serviteurs apportent les lampes encore superflues.
Jésus circule parmi les tables. Il n'en laisse aucune sans encouragement et
sans aide. Il frôle ainsi plusieurs fois les royales Claudia et Plautina qui
partagent humblement le pain et portent le vin aux lèvres des aveugles, des
paralytiques, des manchots.
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84> Il sourit à ses vierges qui
s'occupent des femmes; aux mères disciples toutes pleines de pitié auprès des
malheureux; à Marie de Magdala qui se prodigue à une tablée de pauvres vieux,
la plus triste de toutes, pleine de tousseurs, de gens qui tremblent, de
mâchoires édentées qui mâchonnent et de bouches qui bavent; et il aide
Mathieu qui secoue un enfant qui a avalé de travers un morceau de fouace
qu'il suçait et mordait avec ses nouvelles dents; il complimente Kouza qui,
arrivé au début du repas, découpe les viandes et s'en tire comme un serviteur
expérimenté.
Le repas prend fin. Sur les visages empourprés, dans les regards plus joyeux,
on voit clairement la satisfaction des pauvres gens.
370.21 – Jésus se penche sur un vieil
homme secoué par un tremblement, et il lui dit :
"À quoi penses-tu, père, toi qui souris ?"
"Je pense que vraiment ce n'est pas un rêve. Il y a encore un instant,
je croyais dormir et rêver. Mais maintenant je sens que c'est vrai. Mais qui
te rend si bon, Toi, qui rends si bons tes disciples ? Vive
Jésus !" crie-t-il pour finir.
Et toutes les voix de ces pauvres, et il y en a des centaines, crient :
"Vive Jésus !"
Jésus se rend de nouveau au milieu et il ouvre les bras pour faire signe de
se taire et de rester en place. Il commence à parler en restant assis avec un
petit enfant sur ses genoux.
"Vive, oui, vive Jésus, non parce que
c'est Moi qui suis Jésus. Mais parce que Jésus veut dire l'amour de Dieu fait
chair, et descendu parmi les hommes pour être connu et pour faire connaître
l'amour qui sera le signe de la nouvelle ère. Vive Jésus, parce que Jésus
veut dire "Sauveur". Et c'est Moi qui vous sauve . Je vous sauve
tous, riches et pauvres, enfants et vieillards, Israélites et païens, tous,
pourvu que vous vouliez me donner la volonté d'être sauvés. Jésus est pour
tous.
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85> Il n'est pas pour tel ou tel. Jésus
appartient à tous. Il appartient à tous les hommes et il est pour tous les
hommes. C'est pour tous que je suis l'Amour miséricordieux et le Salut
assuré. Qu'est-il nécessaire de faire pour
appartenir à Jésus, et donc pour avoir le salut ? Peu de choses, mais de
grandes choses. Non pas grandes parce que difficiles comme celles que
font les rois, mais grandes parce qu'elles veulent que l'homme se renouvelle
pour les faire et pour devenir la possession de Jésus. Par conséquent amour,
humilité, foi, résignation, compassion. Voilà. Vous, qui êtes disciples,
qu'avez-vous fait aujourd'hui de grand ? Vous direz : "Rien.
Nous avons servi un repas". Non, vous avez servi l'amour. Vous vous êtes
humiliés. Vous avez traité en frères des inconnus de toutes races, sans
demander qui ils sont, s'ils sont sains, s'ils sont bons. Et vous l'avez fait
au nom du Seigneur. Peut-être espériez-vous de Moi de grandes paroles pour
votre instruction. Je vous ai fait faire de grandes actions. Nous avons
commencé le jour par la prière, nous sommes venus à l'aide des lépreux et des
mendiants, nous avons adoré le Très-Haut dans sa Maison, nous avons commencé
les agapes fraternelles et le soin des pèlerins et des pauvres, nous avons
servi parce que servir par amour c'est être semblable à Moi qui suis le Serviteur
des serviteurs de Dieu, Serviteur jusqu'à l'anéantissement de la mort pour
vous procurer le salut..."
370.22 – Un cri et un bruit de pas interrompt
Jésus. Un groupe d'Israélites forcenés monte l'escalier en courant. Les
romaines les plus connues, c'est-à-dire Plautina, Claudia, Valeria et Lidia,
se mettent à l'ombre en baissant leurs voiles.
Les perturbateurs font irruption sur la terrasse et ils semblent chercher je
ne sais quoi. Kouza, offensé, va au-devant d'eux et leur demande :
"Que voulez-vous ?"
"Rien qui te concerne. Nous cherchons Jésus de Nazareth et pas
toi."
"Me voici. Ne me voyez-vous pas ?" demande Jésus en mettant
l'enfant par terre et en se levant imposant.
"Que fais-tu ici ?"
"Vous le voyez. Je fais ce que j'enseigne et j'enseigne ce qu'il faut
faire : l'amour pour les plus pauvres. Qu'est-ce qu'on vous a
dit ?"
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86> "On a entendu des cris
séditieux et comme là où tu es il y a des troubles, nous sommes venus
voir."
"Là où je suis, c'est la paix. On criait : "Vive Jésus."
"Justement. On a pensé, aussi bien au Temple qu'au palais d'Hérode,
qu'ici on conjurait contre..."
"Qui ? Contre qui ? Qui est roi en Israël ? Pas le
Temple, pas Hérode. C'est Rome qui est maîtresse et bien fou est celui qui
pense à se faire roi là où elle commande."
"Toi, tu dis que tu es roi."
"Je suis Roi, mais pas de ce royaume. Il est trop mesquin pour
Moi ! Trop mesquin est aussi l'empire. Je suis le Roi du Royaume saint
des Cieux, du Royaume de l'Amour et de l'Esprit. Allez en paix, ou restez si
vous voulez et apprenez comment on arrive à mon Royaume. Mes sujets, les
voilà : les pauvres, les malheureux, les opprimés, et puis les bons, les
humbles, les charitables. Restez. joignez-vous à eux."
"Cependant tu es toujours à banqueter dans des maisons fastueuses, au
milieu de belles femmes et..."
"Cela suffit ! On ne fait pas d'insinuations contre le Rabbi et on
ne l'offense pas dans ma maison. Sortez !" tonne Kouza.
370.23 – Mais par l'escalier intérieur
bondit sur la terrasse une jolie silhouette de fillette voilée. Elle court,
légère comme un papillon, vers Jésus et là elle jette son voile et son
manteau pour tomber à ses pieds et essayer de les Lui baiser.
"Salomé !" crie Kouza avec les autres.
Jésus s'est retiré si vivement pour fuir son contact que son siège se
renverse et il en profite pour en faire une séparation entre Lui et Salomé.
Ses yeux font peur tant ils sont phosphorescents, terribles.
Salomé, agile et effrontée, toute cajoleries, dit :
"Oui, moi. L'acclamation est parvenue au Palais. Hérode envoie une
ambassade pour dire qu'il veut te voir. Mais moi, je l'ai prévenue. Viens
avec moi, Seigneur. Je t'aime tant et je te désire tant ! Je suis moi
aussi chair d'Israël."
"Va à ta maison."
"La Cour t'attend pour te faire honneur."
"Ma Cour, la voilà. Je ne
connais pas d'autre cour, ni d'autres honneurs" et de la main il montre
les pauvres assis aux tables.
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87> "Je t'apporte des cadeaux pour
elle. Voici mes bijoux."
"Je n'en veux pas."
"Pourquoi les refuses-tu ?"
"Parce qu'ils sont impurs et donnés dans une intention impure. Va-t-en !"
Salomé se relève interdite. Elle regarde à la dérobée le Terrible, le Très
Pur qui la foudroie avec le bras tendu et son regard de feu. Elle regarde
furtivement tout le monde, et elle voit moquerie ou nausée sur les visages.
Les pharisiens sont pétrifiés et ils observent la scène d’une grande
intensité. Les romaines osent avancer pour mieux voir.
Salomé tente un dernier essai :
"Tu approches même les lépreux..." dit-elle humble et suppliante.
"Ce sont des malades. Toi, tu es une impudique. Va-t-en !"
Le dernier "va-t-en !" est tellement
puissant que Salomé ramasse voile et manteau et, penchée, rampante, se dirige
vers l'escalier.
"Attention, Seigneur !... Elle est puissante... Elle pourrait te
nuire" murmure Kouza à voix basse.
Mais Jésus répond d'une voix très forte, pour que tous puissent entendre,
celle qu'il chasse pour commencer :
"N'importe. Je préfère être tué que de faire alliance avec le vice.
Sueur de femme lascive et or de courtisane sont des poisons d'enfer. S'allier
par lâcheté avec les puissants c'est une faute. Je suis Vérité, Pureté et
Rédemption. Et je ne change pas. Va. Accompagne-la..."
"Je punirai les serviteurs qui l'ont laissée passer."
"Tu ne puniras personne. Une seule le mérite. Elle, et elle l'est. Et
qu'elle sache, et sachez que sa pensée m'est connue et que j'en éprouve du
dégoût. Que le serpent retourne à son trou. L'Agneau revient à ses
jardins."
Il s'assoit. Il transpire. Il se tait.
370.24 – Puis il dit :
"Jeanne, donne à chacun une obole pour que
leur vie soit moins triste pendant quelques jours... Que dois-je faire
d'autre, enfants de la douleur ? Que voulez-vous que je puisse vous
donner ? Je lis dans les cœurs. Aux malades qui savent croire, paix et
santé !"
Une pause d'un instant et puis un cri... et ils sont nombreux, très nombreux,
ceux qui se lèvent guéris. Les juifs, venus pour surprendre Jésus, s'en vont
abasourdis et négligés dans le délire général, à cause des miracles et de la
pureté de Jésus.
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88> Jésus sourit en embrassant les
enfants, puis il congédie les hôtes en retenant les veuves et il parle à
Jeanne en leur faveur. Jeanne en prend note et les invite pour le lendemain.
Puis, elles aussi, s'en vont. Les vieillards partent les derniers...
Il reste les apôtres, les disciples et les romaines. Jésus dit :
"Ainsi doit être l'union dans l'avenir. Il n'y a pas de paroles. Ce sont
les actes qui parlent aux esprits et aux âmes par leur évidence. La paix soit
avec vous."
Il se dirige vers l'escalier intérieur et il disparaît suivi de Jeanne et
puis des autres.
370.25 – Au bas de l'escalier, il
rencontre Judas :
"Maître, ne va pas au Gethsémani ! Il y a là des ennemis qui te
cherchent. Et toi, mère, que dis-tu maintenant ? Toi qui
m'accuses ! Si je n'y étais pas allé, je n'aurais pas appris le piège
tendu au Maître. Dans une autre maison ! Allons dans une autre
maison !"
"Dans la nôtre, alors. Dans la maison de Lazare n'entre que celui qui
est ami de Dieu" dit Marie de Magdala.
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