167> Jésus est dans la synagogue
de Corozaïn qui se remplit de gens. Les notables de l'endroit doivent avoir
insisté pour que Jésus y enseigne ce jour de sabbat. Je le comprends d'après
leurs raisonnements et les réponses de Jésus.
168> "Nous ne sommes pas plus
arrogants que les juifs ou que ceux de la Décapole" disent-ils "et
pourtant tu y vas et y retournes maintes fois."
"Ici aussi, c'est la même chose. Ici, par les paroles et les œuvres, par
le silence et l'action, je vous ai donné l'enseignement."
"Mais si nous sommes plus durs que les autres, raison de plus pour
insister..."
"C'est bien, c'est bien."
"Certainement que cela va bien ! Nous t'accordons l'usage de la
synagogue pour que tu y donnes l'enseignement justement parce que nous
jugeons qu'il est bien de faire ainsi. Accepte donc l'invitation et
parle."
Jésus ouvre les bras, signe de silence pour ceux qui sont là, et il commence
son discours et il dit sur un ton de psalmodie, un récit lent, chantant et
emphatique : " Aréuna répondit à
David : 'Que le roi, mon seigneur, prenne et offre comme il lui plaît.
Voici les bœufs pour l'holocauste, le char et les jougs des bœufs pour le
bois ;
c'est tout, ô roi, ce qu'Aréuna donne au roi '. Et
il ajouta : 'Que le Seigneur Dieu accepte ton vœu !'.
Mais le roi répondit : 'Ce ne Sera pas comme tu voudrais. Non. Je veux
acheter comptant et je ne veux pas offrir au Seigneur mon Dieu des
holocaustes qui m'ont été donnés en cadeau"
Jésus abaisse son regard, car il parlait le visage presque tourné vers le
plafond, et il fixe intensément le chef de la synagogue et les quatre
notables qui étaient avec Lui, et il leur demande : "Avez- vous
compris le sens ?"
"Ceci se trouve dans le second livre des Rois, quand le saint roi acheta
l'aire d'Aréuna... Mais nous ne comprenons pas
pourquoi tu l'as dit. Ici,
il n'est pas question de peste et il n'y a pas de sacrifice à offrir. Toi, tu
n'es pas roi... Nous voulons dire : tu ne l'es pas encore."
"En vérité votre pensée est lente à comprendre les symboles, et votre
foi est incertaine. Si elle était assurée, vous verriez que déjà je suis Roi
comme je l'ai dit, et si vous aviez une prompte intuition, vous comprendriez
qu'il y a ici une peste très grave, plus que celle qui tourmentait David.
Vous avez celle de l'incrédulité qui vous fait périr."
"Eh bien ! Si nous sommes lents et incrédules, donne-nous
l'intelligence et la foi, et explique-nous ce que tu as voulu dire."
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169> "Je dis : je
n'offre pas à Dieu des holocaustes que l'on m'impose, ceux qu'on offre pour
un intérêt mesquin. Je n'accepte pas de parler seulement si on l'accorde à
Celui qui est venu pour parler. C'est mon droit et j'en use. Sous le soleil
ou entre quatre murs, sur la cime des monts ou au fond des vallées, sur la
mer ou assis sur les bords du Jourdain, partout j'ai le droit et le devoir
d'enseigner et d'acquérir les seuls holocaustes qui soient agréables à
Dieu : les cœurs convertis et rendus fidèles par ma Parole. Ici,
vous de Corozaïn, vous avez accordé au Verbe la parole non par respect ou par
foi, mais parce que vous avez dans le cœur une voix qui vous torture comme le
ver qui ronge le bois : "Cette punition de la gelée, c'est à cause
de la dureté de notre cœur". Et vous voulez réparer pour la bourse, non
pour l'âme. Oh ! Corozaïn païenne et entêtée ! Mais ce n'est pas
Corozaïn toute entière qui est ainsi. C'est pour ceux qui ne sont pas tels
que je vais parler, par une parabole.
Écoutez. A un artisan fut apporté par un riche, qui était sot, un gros bloc
d'une matière blonde comme le miel le plus fin, et on lui ordonna de le
travailler pour en faire une fiole ornée.
"Cette matière ne se prête pas au travail" dit l'artisan au riche.
"Tu vois ? Elle est molle, élastique. Comment puis-je la sculpter
et la modeler ?"
"Comment ? Elle n'est pas bonne ? C'est une résine précieuse
et un de mes amis en a une petite amphore dans laquelle son vin acquiert une
précieuse saveur. Je l'ai payée au poids de l'or pour avoir une amphore plus
grande et mortifier ainsi mon ami qui vante la sienne, Fais-la-moi, et tout
de suite, ou bien je dirai que tu es un artisan incapable".
"Mais celle de ton ami ne serait-elle pas d'albâtre blond ?" "Non,
elle est de cette matière". "Ne serait-elle pas d'ambre
fin ?" "Non. Elle est de cette matière;'. "Elle est
peut-être, admettons-le, de la même matière, mais rendue compacte, durcie,
par l'effet des siècles ou le mélange avec d'autres matières qui l'ont
solidifiée. Demande-le-lui et reviens me dire comment la sienne a été
faite".
"Non. Il me l'a vendue lui-même en me certifiant que c'est ainsi qu'il
faut l'employer".
"Et alors il t'a escroqué, pour te punir de l'envie que tu avais de sa
belle amphore".
"Attention à tes paroles ! Travaille ou je te punirai en t'enlevant
l'atelier qui n'a pas une valeur comparable avec celle de cette résine
extraordinaire".
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170> L'artisan, désolé, se mit au
travail. Il en faisait de la pâte. ..Mais la pâte lui collait aux mains. Il
essayait d'en solidifier un morceau avec des mastics et des poudres... Mais
la résine perdait sa transparence dorée. Il la portait près du creuset
espérant que la chaleur la durcirait, mais en s'arrachant les cheveux, il
devait l'enlever parce qu'elle se liquéfiait. Il envoya prendre de la neige
gelée sur la cime de l'Hermon, et l'y plongea... Elle se durcissait, elle
était belle, mais elle ne se modelait plus. "Je vais la modeler avec le
ciseau" dit-il. Mais au premier coup de ciseau, la résine vola en
éclats.
L'artisan, tout à fait désespéré, déjà convaincu que rien ne pouvait
permettre de travailler cette matière, tenta un dernier essai. Il ramassa les
morceaux, les rendit de nouveau liquides à la chaleur du fourneau, les
congela de nouveau avec la neige, mais légèrement, et dans la masse à peine
ramollie, il essaya de travailler avec le ciseau et la spatule. Elle se
modelait, oh ! oui ! mais à peine enlevés le ciseau et la spatule
elle revenait à sa forme première, comme si cela avait été la pâte du pain
gonflée dans le pétrin.
L'homme s'avoua vaincu. Et pour fuir les représailles du riche et échapper à
la ruine, pendant la nuit il mit sur un char sa femme, ses enfants, ses
objets, ses instruments de travail, et il laissa au milieu de son atelier,
qu'il laissait vide, la masse blonde de la résine avec dessus un écriteau et
l'inscription : ''Impossible à travailler", et il s'enfuit hors des
frontières...
J'ai été envoyé pour travailler les cœurs, pour y faire entrer la Vérité et
le Salut. Il m'est venu dans les mains des cœurs de fer, de plomb, d'étain,
d'albâtre, de marbre, d'argent, d'or, de jaspe, de gemmes. Des cœurs durs,
des cœurs sauvages, des cœurs trop tendres, des cœurs changeants, des cœurs
endurcis par la souffrance, des cœurs précieux, toutes sortes de cœurs. Je
les ai tous travaillés. Et j'en ai modelé beaucoup, suivant le désir de Celui
qui m'a envoyé. Certains m'ont blessé pendant que je les travaillais, d'autres
ont préféré se briser que de se laisser travailler à fond. Mais, peut-être
qu'avec la haine, ils garderont toujours un souvenir de Moi.
Vous êtes impossibles à travailler. Chaleur
de l'amour, patience de l'instruction, froideur des reproches, fatigue du
ciseau, rien ne sert sur vous. A peine mes mains enlevées, vous redevenez ce
que vous étiez. Vous devriez faire une seule chose pour changer : vous
abandonner totalement à Moi. Vous ne le faites pas, vous ne le ferez jamais.
Le Travailleur, désolé, vous abandonne à votre destin. Mais, comme il est
juste, il ne vous abandonne pas tous de la même manière. Dans sa désolation
il sait choisir encore ceux qui méritent son amour, et il les réconforte et
les bénit. Femme, viens ici !" dit-il en montrant du doigt une
femme qui se tient près du mur, courbée au point de paraître un point
d'interrogation.
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171> Les gens regardent dans la
direction qu'indique Jésus, mais ne voit pas la femme qui, à cause de sa
position, ne peut voir Jésus et sa main. "Va donc, Marthe ! Il t'appelle" lui disent plusieurs. Et la
malheureuse s'en va en boitant avec son bâton, à la hauteur duquel se trouve
sa tête.
Elle est maintenant devant Jésus qui lui
dit : "Femme, reçois un souvenir de mon passage et une récompense
pour ta foi silencieuse et humble. Sois délivrée de ton infirmité"
crie-t-il en dernier lieu en lui mettant ses mains sur les épaules.
Tout à coup, la femme se lève, et droite comme un palmier, lève le bras en criant :
"Hosanna ! Il m'a guérie ! Il a regardé sa servante fidèle et
lui a accordé son bienfait. Louange soit au Sauveur et Roi d'Israël !
Hosanna au Fils de David !"
Les gens répondent, avec les leurs, aux hosannas de la femme qui maintenant
est à genoux aux pieds de Jésus et qui baise le bord de son vêtement pendant
que Jésus lui dit : "Va en paix et persévère dans la Foi."
Le chef de la synagogue, que doivent encore brûler les paroles dites par
Jésus avant la parabole, veut jeter son venin à cause du reproche et s'écrie
avec indignation pendant que la foule s'ouvre pour laisser passer la
miraculée : "Il y a six jours pour travailler, six jours pour
demander et pour donner. Venez donc ces jours-là, tant pour demander que pour
donner. Venez guérir ces jours-là, sans violer le sabbat, pécheurs et
mécréants, corrompus et corrupteurs de la Loi !" et il cherche à
expulser tout le monde de la synagogue, comme pourchasser la profanation du
lieu de prière.
Mais Jésus, qui le voit aidé par les quatre notables déjà mentionnés et par
d'autres disséminés dans la foule qui manifestent ouvertement leur scandale
et la souffrance qu'ils éprouvent du... crime de Jésus, crie à son tour,
alors que les bras croisés, sévère, imposant, il le regarde :
"Hypocrites ! Qui de vous, en ce jour, n'a pas détaché son bœuf ou
son âne de la mangeoire et ne l'a pas mené boire ? Et qui n'a pas porté
des bottes d'herbe aux brebis du troupeau et n'a pas trait le lait des
mamelles pleines ? Pourquoi donc, puisque vous avez six jours pour le
faire, l'avez-vous fait aujourd'hui aussi pour quelques deniers de lait ou
par crainte que votre bœuf ou votre âne ne meure de soif ?
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172> Et Moi, je ne devais pas
délier cette femme des chaînes par lesquelles Satan l'a tenue pendant
dix-huit ans, uniquement parce que c'est le sabbat ? Allez. Moi, j'ai pu
délier celle-ci de son malheur involontaire. Mais je ne pourrai jamais vous
détacher des vôtres qui sont volontaires, ô ennemis de la Sagesse et de la
vérité !"
Les gens honnêtes de Corozaïn, qui sont parmi ceux nombreux qui ne le sont
pas, approuvent et louent alors que les autres, livides de rage, s'en vont
laissant en plan le chef livide de la synagogue.
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