Le samedi 23 juin
1945.
294> 198.1 – Par la route ombragée qui unit le mont des Oliviers à
Béthanie - et je pourrais dire que la montagne avec ses verts contreforts
arrive jusqu'à la campagne de Béthanie - Jésus, avec les siens, marche
rapidement jusqu'à la ville de Lazare.
Il n'y est pas encore entré, qu'on le reconnaît et que des messagers
volontaires se répandent dans tous les sens pour annoncer sa venue. Grâce à
cela, voici qu'accourent Lazare et Maximin d'un côté, Isaac avec Timon et Joseph de l'autre, et en
troisième lieu arrive Marthe avec Marcelle qui relève son voile
afin de se baisser pour baiser le vêtement de Jésus, et tout de suite après
accourent Marie d'Alphée et Marie Salomé qui vénèrent le Maître et puis embrassent leurs fils.
Pendant ce temps, le petit Yabeç que Jésus tient toujours par la main, ballotté par tous
ces gens qui arrivent, regarde avec stupéfaction, et Jean d'En-Dor, de son côté, se sentant étranger, se retire à part au
fond du groupe. Et voici que s'avance, sur le sentier qui mène à la maison de
Simon, la
Mère.
Jésus laisse la main de Yabeç et repousse doucement les amis pour se hâter
vers elle, Les paroles connues ébranlent l'air, se détachant comme un solo
d'amour sur le bourdonnement de la foule : "Fils !" ;
"Maman !" Ils se donnent un baiser et dans le baiser de Marie
il y a l'angoisse de celle qui a craint pendant si longtemps et maintenant,
dans la délivrance de la terreur qui l'a possédée, sent la fatigue de
l'effort qu'elle a fait à la mesure du danger qu'il a couru...
Jésus la caresse, Lui qui comprend, et il dit :
"En plus de mon ange, j'avais le tien, Mère, pour veiller sur Moi. Il ne
pouvait m'arriver rien de mal."
"Que louange en soit donnée au Seigneur. Mais j'ai tant
souffert !"
"Je voulais venir plus rapidement, mais j'ai dû emprunter une autre
route pour t'obéir. Et cela a été un bien, parce que ton ordre, ma Mère,
comme toujours a donné de belles fleurs."
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295>
"Ton obéissance, Fils !"
"Ton sage commandement, Mère..." Ils se sourient comme deux
amoureux.
Mais est-il possible que cette Femme soit la Mère de cet Homme ? Où sont
les seize années de différence ? La fraîcheur et la grâce du visage et du corps
virginal font de Marie la sœur de son Fils qui est dans la plénitude de
son splendide développement humain. "Tu ne me demandes pas pourquoi
cette belle floraison ?" demande Jésus toujours souriant.
"Je sais que mon Jésus ne me cache rien."
"Chère Maman !"
Il lui donne encore un baiser...
Les gens qui se sont tenus à quelques mètres paraissent ne pas observer la
scène. Mais je parie qu'il n'y en a pas un de tous ces yeux, qui semblent
regarder ailleurs, qui ne jette un coup d’œil sur cette douce scène.
198.2 – Celui qui regarde plus que tous, c'est Yabeç. Jésus l'a
abandonné quand il a couru embrasser sa Mère et l'enfant est resté seul parce
que dans l'empressement des questions et des réponses on n'a plus prêté
attention au pauvre enfant... Il regarde, regarde, puis incline la tête,
lutte contre le chagrin... mais à la fin il n'y tient pas et fond en larmes
en disant : "Maman ! Maman !"
Tous, Jésus et Marie les premiers, se retournent et tous cherchent à y
remédier ou se demandent quel est cet enfant.
Marie d'Alphée accourt, et Pierre accourt aussi - ils étaient ensemble - en
disant tous deux :
"Pourquoi pleures-tu ?"
Mais avant que dans son grand chagrin Yabeç puisse retrouver son souffle pour
parler, Marie est accourue et l'a pris dans ses bras en disant :
"Oui, mon petit enfant, la Maman ! Ne pleure plus et excuse- moi si
je ne t'ai pas vu plus tôt. Voici, mes amis, mon petit enfant..."
On se rend compte que Jésus, tout en faisant quelques mètres, lui a
dit :
"C'est un petit orphelin que j'ai pris avec Moi."
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296> Le
reste, Marie l'a deviné. L'enfant pleure encore, mais moins désolé et comme
Marie le tient dans ses bras et l'embrasse, il finit par sourire, avec son
visage encore tout baigné de larmes.
"Viens que je t'essuie toutes ces larmes. Tu ne dois plus pleurer !
Embrasse-moi..."
Yabeç... ne demandait que cela et après tant de caresses d'hommes barbus, il
est heureux de baiser la douce joue de Marie.
198.3 – Mais Jésus a cherché et trouvé Jean d'En-Dor et va le
prendre dans son coin, à l'écart. Pendant que les apôtres saluent Marie,
Jésus vient à elle tenant par la main Jean d'En-Dor, et il dit :
"Mère, voici l'autre disciple. Ces deux fils c'est ton ordre qui les a
obtenus."
"Ton obéissance, Fils" répète Marie, et puis elle salue l'homme en
disant : "La Paix est avec toi."
L'homme, l'homme rude, inquiet d'En-Dor qui avait déjà bien changé depuis ce matin où le caprice de l'Iscariote avait amené Jésus
à En-Dor, finit de se dépouiller de son passé alors qu'il s'incline devant
Marie. Je crois qu'il en est ainsi tant le visage qui se redresse après la
profonde inclination paraît serein, réellement "pacifié".
198.4 – Tout
le monde se dirige vers la maison de Simon : Marie avec Yabeç dans ses bras, Jésus tenant par
la main Jean d'En-Dor et puis, autour et derrière, Lazare et Marthe, les apôtres avec Maximin,
Isaac, Joseph, Timon.
Ils entrent dans la maison sur le seuil de laquelle le vieux serviteur de
Simon vénère Jésus et son maître.
"Paix à toi, Joseph, et à cette maison" dit Jésus en levant la main
pour bénir après l'avoir posée sur la tête blanche du vieux serviteur.
Lazare et Marthe, après la première impression joyeuse, sont un peu tristes,
et Jésus demande :
"Pourquoi, mes amis ?"
"Parce que tu n'es pas avec nous, et parce que tout le monde vient à Toi
excepté l'âme dont nous voudrions qu'elle soit tienne."
"Affermissez votre patience, votre espérance, votre prière. Et puis, je
suis avec vous. Cette maison !... Cette maison ce n'est que le nid d'où
le Fils de l'homme volera chaque jour vers de chers amis, si voisins dans
l'espace mais, à considérer les choses surnaturellement, infiniment plus
voisins dans l'amour.
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297> Vous
êtes dans mon cœur et je suis dans le vôtre. Peut-on être plus voisins que
cela ? Mais ce soir nous serons ensemble. Veuillez vous asseoir à ma
table."
"Oh ! pauvre de moi ! Et moi je suis à flâner ici !
Viens, Salomé, nous avons du travail !"
Le cri de Marie d'Alphée fait sourire tout le monde alors que la bonne
parente de Jésus se lève rapidement pour aller à ses occupations.
Mais Marthe la rejoint :
"Ne te préoccupe pas, Marie, pour la nourriture. Je vais donner des
ordres. Toi prépare seulement les tables. Je t'enverrai les sièges qui seront
nécessaires. Viens, Marcelle. Je reviens tout de suite, Maître."
198.5 – "J'ai vu Joseph
d'Arimathie, Lazare. Il vient lundi ici avec des amis."
"Oh ! alors, ce jour-là tu m'appartiens !"
"Oui. Il vient pour qu'on soit ensemble et aussi pour régler une
cérémonie qui concerne Yabeç. Jean, conduis l'enfant sur la terrasse. Il
s'amusera."
Jean de Zébédée, toujours obéissant, se lève immédiatement
de sa place et peu après on entend le babil de l'enfant et le bruit de ses
petits pieds sur la terrasse qui entoure la maison.
"L'enfant" explique Jésus à sa Mère, aux amis, aux femmes, parmi
lesquelles se trouve Marthe qui s'est empressée pour ne pas perdre une minute
de joie auprès du Maître, "c'est le petit-fils d'un paysan de Doras.
Je suis passé par Esdrelon..."
"Est-il vrai que les champs sont désolés et qu'il veut les
vendre ?"
"Pour être désolés, ils le sont. Pour la vente, je ne sais pas. Un
paysan de Yokhanan (Giocana) m'en a parlé mais je ne sais pas si c'est sûr."
"S'il vendait, je les achèterais volontiers pour te procurer un asile
même au milieu de ce nid de serpents."
"Je ne crois pas que tu y réussisses. Yokhanan est décidé à les
acquérir."
"Nous verrons... Mais continue ton récit. Qui sont les paysans ?
Ceux qui y étaient, il les a tous dispersés."
"Oui. Ceux-ci viennent de ses terres de Judée, au moins le vieillard qui
est le parent de l'enfant. Il le gardait dans le bois comme un animal sauvage
pour que Doras ne l'aperçoive pas... et il y était depuis l'hiver..."
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298> "Oh !
pauvre enfant ! Mais pourquoi ?"
Les femmes sont toutes bouleversées.
"Parce que son père et sa mère sont restés ensevelis dans l'éboulement
aux environs d'Emmaüs. Tous : père, mère, frères. Lui a échappé à la mort
parce qu'il n'était pas à la maison. On l'a conduit chez le vieux père. Mais
que pouvait faire un paysan de Doras ? Toi, Isaac, tu as parlé de Moi
comme d'un sauveur, même pour ce cas."
"Ai-je mal fait, Seigneur ?" demande humblement Isaac.
"Tu as bien fait. Dieu le voulait. Le vieillard m'a donné l'enfant qui
doit aussi devenir majeur ces jours-ci."
"Oh ! le pauvre ! Si petit à douze ans ! Mon Jude mesurait le double à cet âge... Et Jésus ? Quelle
fleur !" dit Marie d'Alphée.
Et Salomé :
"Même mes fils étaient bien plus forts !"
Marthe murmure :
"Vraiment, il est bien petit ! Je croyais qu'il n'avait pas encore
dix ans."
"Hé ! la faim c'est effroyable ! Et il a souffert la faim
depuis qu'il est au monde. En maintenant... Que pouvait bien lui donner le
vieil homme si là-bas tout le monde meurt de faim ?" dit Pierre.
"Oui, il a beaucoup souffert. Mais il est très bon et intelligent. Je
l'ai pris pour consoler le vieillard et le petit."
198.6 – "Tu l'adoptes ?" demande Lazare.
"Non. Je ne peux pas."
"Alors je le prends, moi."
Pierre voit se dissiper son espoir et pousse un vrai gémissement et puis
dit :
"Seigneur ! Tout pour lui ?"
Jésus sourit :
"Lazare, tu as déjà tant fait et je t'en suis reconnaissant. Mais cet
enfant, je ne peux te le confier. C'est "notre" enfant. À nous
tous. La joie des apôtres et du Maître. De plus, ici il grandirait dans
le faste. Je veux lui faire don de mon manteau royal : "l'honnête
pauvreté". Celle que le Fils de l'homme veut pour Lui-même, pour pouvoir
approcher les plus grandes misères sans mortifier personne. Tu as eu encore
récemment un cadeau de Moi..."
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299> "Ah !
oui ! Le vieux patriarche et sa fille. Très active la femme, et le vieil
homme est très bon."
"Où sont-ils maintenant ? Je veux dire : en quel
endroit ?"
"Mais ici, à Béthanie. Tu crois que j'aurais voulu éloigner la
bénédiction que tu m'envoyais ? La femme travaille au lin. Ce travail
demande des mains légères et expertes. Le vieillard, étant donné qu'il
voulait absolument travailler, je l'ai mis aux ruches. Hier - n'est-ce pas,
ma sœur ? - sa longue barbe était toute dorée. Les abeilles, en
essaimant, s'y étaient toutes attachées, et il leur parlait comme à ses
filles. Il est heureux."
"Je le crois ! Que tu sois béni !" dit Jésus.
"Merci, Maître.
198.7 – Mais cet enfant occasionnera des frais ! Me
permettrais-tu au moins..."
"J'y pense moi à son vêtement de fête" s'écrie Pierre.
Tout le monde rit de son impulsivité.
"Très bien, mais il aura besoin d'autres vêtements. Simon, sois gentil.
Moi aussi, je suis sans enfants. Permets que Marthe et moi nous nous
consolions en lui faisant faire des petits habits."
Pierre, ainsi sollicité, s'émeut tout de suite :
"Les habits... oui... mais le vêtement de mercredi, c'est moi qui m'en
charge. Le Maître me l'a promis, et il a dit que j'irai avec la Mère pour
l'acheter demain."
Pierre débite tout cela, craignant quelque changement à son détriment.
Jésus sourit et dit :
"Oui, Mère. Je te prie d'aller demain avec Simon. Autrement cet homme
meurt d'angoisse. Tu le conseilleras pour le choix."
"Moi, j'ai dit : vêtement rouge, ceinture verte. Cela ira très
bien, Mieux que cette couleur qu'il a maintenant."
"Le rouge ira très bien" dit doucement Marie. "Jésus aussi
avait un vêtement rouge. Mais je dirais que sur le rouge il vaudrait mieux
une ceinture rouge, ou du moins avec une broderie rouge."
"Moi, je faisais cette proposition parce que je vois
que Judas, qui est brun, est très bien avec ces bandes vertes sur l'habit
rouge."
"Mais elles ne sont pas vertes, ami !" dit en riant
l'Iscariote.
"Non ? Et quelle couleur est-ce alors ?"
"On nomme cette couleur "veine d'agate".
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300> "Et
que veux-tu que j'en sache ?! Elle me paraissait verte. Je l'ai vue
aussi sur les feuilles..."
Marie Très Sainte intervient avec bienveillance :
"Simon a raison. C'est exactement la couleur que prennent les feuilles
aux premières pluies de Tisri..."
"Voilà ! Comme les feuilles sont vertes, je disais que la ceinture
était verte" conclut Pierre, satisfait.
La Suave a mis la paix et la joie jusque dans ce petit détail.
198.8 – "Appelez le petit ?" demande Marie.
Et l'enfant arrive tout de suite avec Jean.
"Comment t'appelles-tu ?" demande Marie en le caressant.
"Je m'appelle... je m'appelais Yabeç. Mais maintenant j'attends un
nom..."
"Tu l'attends ?"
"Oui, Yabeç veut un nom qui signifie que je l'ai sauvé. Tu le
chercheras, Mère. Un nom d'amour et de salut."
Marie réfléchit... et puis elle dit :
"Marjiam (Maarhgziam). Tu es la petite goutte dans la mer de ceux qui
sont sauvés par Jésus. Il te plaît ? Ce nom, outre le Salut, rappelle
aussi mon souvenir."
"Il est très beau" dit l'enfant tout content.
"Mais, n'est-ce pas un nom de femme ?" demande Barthélemy.
"Avec un "l" au lieu d'un "m", quand cette petite
goutte d'humanité sera adulte, vous pourrez changer son nom en nom d'homme.
Maintenant il porte le nom que lui a donné la Mère. N'est-ce pas ?"
L'enfant dit oui et Marie le caresse.
Sa belle-sœur l'interpelle :
"C'est de la belle laine" et elle touche le petit manteau de Yabeç.
"Mais elle a une telle couleur ! Qu'en dis-tu ? Je le teindrai
en rouge très foncé. Cela ira bien."
"Demain soir, nous le ferons, car demain il aura son nouveau vêtement.
Maintenant nous ne pouvons le lui enlever."
Marthe dit à l'enfant :
"Viendrais-tu avec moi, petit ? Je t'amène tout près d'ici pour
voir tant de choses, et puis on revient ici..."
Yabeç ne refuse pas. Il ne refuse jamais rien... mais il paraît un peu
intimidé d'aller avec une femme presque inconnue. Il dit timidement et avec
gentillesse :
"Est-ce que Jean pourrait venir avec moi ?"
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301> "Mais bien sûr !"
Ils s'en vont.
198.9 – Et pendant leur absence, les conversations se poursuivent
entre les différents groupes. Récits, commentaires, soupirs sur la dureté des
hommes. Isaac raconte ce qu'il a pu savoir du Baptiste.
Certains le disent à Machéronte, d'autres à Tibériade. Les
disciples ne sont pas encore de retour...
"Mais ne l'avaient-ils pas suivi ?"
"Si. Mais, près de Docco, ceux
qui l'avaient arrêté ont traversé le fleuve avec leur prisonnier, et on ne
sait pas s'ils sont remontés vers le lac ou descendus à Machéronte. Jean, Mathias et Siméon se sont séparés pour s'informer et ne l'abandonneront
sûrement pas."
"Et toi, Isaac, tu n'abandonneras certainement pas ce nouveau disciple.
Pour l'instant il est avec Moi. Je veux qu'il fasse la Pâque avec Moi."
"Moi, je la ferai à Jérusalem, dans la maison de Jeanne. Elle m'a vu et
m'a offert une pièce : pour moi et mes compagnons. Ils viennent tous,
cette année. Et nous serons avec Jonathas."
"Même ceux du Liban ?"
"Eux aussi. Mais les disciples de Jean ne pourront peut-être pas
venir."
"Ceux de Yokhanan viennent, tu le sais ?"
"Vraiment ? Je serai à la porte, près des prêtres qui immolent. Je
les verrai et je les amènerai avec moi."
"Attends-les pour la dernière heure. Ils n'ont qu'un temps limité. Mais
ils ont l'agneau."
"Moi aussi. Magnifique. C'est Lazare qui me l'a donné. Nous immolerons
celui-ci, et l'autre, il leur servira pour le retour."
198.10 – Marthe rentre avec Jean et l'enfant dans un petit
vêtement de lin blanc avec un vêtement de dessus rouge. Sur le bras, il a
aussi un petit manteau rouge.
"Tu les reconnais, Lazare ? Tu vois que tout sert ?" Le
frère et la sœur se sourient.
Jésus dit :
"Je te remercie, Marthe."
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302> "Oh !
Mon Seigneur ! J'ai la manie de tout conserver. Je l'ai héritée de ma
mère. J'ai encore beaucoup de vêtements de mon frère. Ils me sont chers parce
que ma mère les a touchés. De temps en temps j'en enlève une pièce pour
quelque enfant. Maintenant je vais les donner à Marziam. Ils sont un peu
longs, mais on peut les raccourcir. Lazare, devenu majeur, n'en voulut
plus... Un beau caprice, un vrai caprice d'enfant... et ma mère lui céda
parce qu'elle adorait son Lazare."
Marthe le caresse avec amour, et Lazare prend sa très belle main, la baise et
dit :
"Et toi, pas ?"
Ils se sourient.
"C'est providentiel cela" observent
plusieurs.
"Oui, mon caprice a fait du bien. Peut-être il me sera pardonné pour ce
motif."
Le souper est prêt et chacun gagne sa place…
198.11 – La nuit est tombée quand Jésus peut parler en paix avec
la Mère. Ils sont montés sur la terrasse et, assis sur un siège l’un près de
l'autre, la main dans la main, ils se parlent et s'écoutent.
D'abord c'est Jésus qui raconte ce qui est arrivé. Puis c'est Marie qui
dit :
"Fils, après ton départ, tout de suite après, est venue chez moi une
femme... Elle te cherchait. Une grande misère. Et une grande rédemption.
Mais cette créature a besoin de ton pardon pour bien garder sa résolution. Je
l'ai confiée à Suzanne en lui disant que c'était une femme que tu avais
guérie. C'est vrai. J'aurais pu la garder avec moi si notre maison n'était
pas désormais une mer où tous font voile... et beaucoup avec des intentions
malveillantes. Et la femme éprouve du dégoût pour le monde, désormais.
Veux-tu savoir qui c'est ?"
"Une âme. Mais dis-moi son nom pour que je puisse l'accueillir sans
faire d'erreur."
"C'est Aglaé. La
romaine, mime et pécheresse que tu as commencé à sauver à Hébron, qui t'a cherché et trouvé à "La Belle Eau", qui a déjà souffert de son honnêteté reconquise.
Combien !... Elle m'a tout dit... Quelle horreur… !"
"Son péché ?"
"Lui, et... je dirais plus encore : quelle horreur est le monde.
Oh ! mon Fils ! Méfie-toi des pharisiens de Capharnaüm ! Ils ont voulu se servir de cette malheureuse pour
te nuire. Même d'elle..."
"Je le sais, Mère... Où est Aglaé ?"
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303> "Elle
arrivera avec Suzanne avant la
Pâque."
"C'est bien. Je lui parlerai. Je serai ici chaque soir, et sauf la
soirée de Pâque que je consacrerai à la famille, je l'attendrai. Tu n'as qu'à
la retenir, si elle vient. C'est une grande rédemption, tu l'as dit. Et si
spontanée ! En vérité je te dis qu'en peu de cœurs ma semence prend
racine avec la force qu'elle l'a fait sur ce terrain malheureux. Et depuis
André en a aidé sa croissance jusqu'à sa complète formation."
"Elle me l'a dit."
"Mère, qu'as-tu éprouvé au voisinage de cette ruine ?"
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