Vision du jeudi 17 février 1944
488/489> 599.1 – Je vois le cénacle où doit se
consommer la Pâque.
Je le vois distinctement: je pourrais énumérer toutes les rugosités du mur et
les fissures du pavé. C'est une pièce qui n'est pas parfaitement carrée mais
aussi peu rectangulaire. Il peut y avoir un mètre ou un peu plus de
différence, au maximum, entre le côté le plus long et le plus court. Le
plafond est bas. Peut-être il paraît ainsi à cause de sa grandeur à laquelle
ne correspond pas la hauteur. Il est légèrement voûté, c'est-à-dire que les
deux côtés les plus courts ne se terminent pas à angle droit avec le plafond
mais par un arrondi.
Dans les deux
côtés les plus courts se trouvent deux larges fenêtres, larges et basses, qui
regardent sur le dehors. Je ne vois pas où elles regardent, si c'est sur une
cour ou sur un chemin, parce qu'elles sont garnies de châssis qui les
tiennent bien closes. J'ai dit : châssis, et je ne sais pas si c'est le mot
juste, Ce sont des volets plats, bien serrés par une barre de fer qui les
traverse. Le pavé est fait de larges briques de terre cuite carrées que le
temps a décolorées. Au milieu du plafond pend une lampe à huile à plusieurs
becs. Des murs les plus longs, l'un n'a aucune ouverture. Dans l'autre, au
contraire, il y a dans un coin une petite porte à laquelle on accède par un
petit escalier sans rampe de six marches, qui se termine par un palier d'un
mètre carré. Sur celui-ci il y a, contre le mur, une autre marche et la porte
s'ouvre à son niveau. Je ne sais si je me suis bien expliquée. J’essaie d’en
faire le dessin :
Les murs sont
simplement blanchis, sans décorations ni bordures. Au milieu de la pièce, une
table rectangulaire, très longue pour sa largeur, disposée parallèlement au
mur le plus long, en bois très ordinaire. Contre les murs les plus longs, ce
qui servira de sièges. Près des murs les plus courts, d'un
côté sous la fenêtre, une sorte de coffre avec dessus des bassins et des
amphores, et sous l'autre fenêtre une crédence basse et longue sur laquelle,
pour le moment, il n'y a rien.
599.2 – Voilà la description de la
pièce où se consommera la Pâque. C'est toute la Journée que je la vois
distinctement, si bien que j'ai pu compter les marches et observer tous les
détails. Puis, maintenant que vient la nuit, mon Jésus
m'amène au reste de la contemplation.
Je vois que la pièce conduit par le petit escalier de six marches à une
entrée sombre qui, à gauche par rapport à moi, s'ouvre sur la route par une
porte large, basse et très massive, renforcée par des clous et des lames de
fer. En face de la petite porte qui du cénacle conduit dans l'entrée, il y a
une autre porte qui mène dans une autre pièce moins vaste.
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490> Je dirais que le cénacle a été
gagné par une dénivellation du sol par rapport au reste de la maison et de la
route, qu'il est comme un sous-sol, une demie cave nettoyée et arrangée, mais
toujours enfoncée d'un bon mètre dans le sol, peut-être pour le rendre plus
haut et proportionné à sa superficie.
Dans la pièce que je vois maintenant se trouve Marie
avec d'autres femmes. Je reconnais la Madeleine
et Marie,
mère de Jacques, Jude
et Simon. Il semble qu'elles viennent
d'arriver, conduites par Jean,
car elles quittent leurs manteaux et, après les avoir pliés, les posent sur
les tabourets disséminés dans la pièce pendant qu'elles saluent l'apôtre qui
s'en va et une femme et un homme accourus à leur arrivée. J'ai l'impression
que ces derniers sont les maîtres de maison et des disciples ou des
sympathisants du Nazaréen, car ils sont pleins d'empressement et de
respectueuse familiarité pour Marie.
Celle-ci est vêtue de bleu foncé, un bleu indigo très foncé. Elle a sur la
tête un voile blanc que l'on voit quand elle enlève le manteau qui lui
couvrait même la tête. Son visage est très flétri. Elle semble vieillie. Très
triste, bien qu'elle sourit avec douceur, et très pâle. Ses mouvements même
sont las et embarrassés comme ceux d'une personne absorbée dans ses pensées.
599.3 – Par la porte entrouverte je
vois le propriétaire aller et venir dans l'entrée et le cénacle, qu'il
éclaire complètement en allumant les becs restants de la lampe à huile.
Ensuite il va à la porte de la rue et il l'ouvre, et Jésus entre avec ses
apôtres. Je vois que c'est le soir car les ombres de la nuit descendent dans
la route étroite entre les hautes maisons.
Il est avec tous les apôtres. Il salue le propriétaire par
son salut habituel :
"La paix soit à cette maison".
Puis, tandis que les apôtres descendent au cénacle, il entre dans la pièce où
se trouve Marie. Les pieuses femmes saluent très respectueusement et elles
s'en vont en fermant la porte, pour laisser libres la Mère et le Fils.
Jésus étreint sa Mère et la baise au front. Marie baise d'abord la main de
son Fils et ensuite sa joue droite. Jésus fait asseoir Marie et s'assoit à
côté d'elle sur un tabouret voisin. Il la fait asseoir en la tenant par la
main et continue à tenir sa main lorsqu'elle est assise.
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491> Jésus aussi est absorbé, pensif,
triste, bien qu'il s'efforce de sourire. Marie étudie, angoissée,
l'expression de son visage. Pauvre Maman à laquelle la grâce et l'amour font
comprendre que c'est l'heure ! Des contractions douloureuses parcourent le
visage de Marie et ses yeux se dilatent à la vision intérieure d'une douleur
atroce. Mais elle ne fait pas de scène. Elle est majestueuse comme son Fils.
599.4 – Jésus prend la parole, salue encore
sa Mère et se recommande à ses prières.
"Maman, je suis venu pour prendre de la force et du
réconfort auprès de toi. Maman, je suis comme un petit enfant qui a besoin du
cœur de sa mère à cause de sa douleur, et du sein de sa mère pour avoir la
force. Je suis redevenu, à cette heure, ton petit Jésus d'autrefois. Je ne
suis pas le Maître, Maman, je suis uniquement ton Fils, comme à Nazareth quand j'étais
petit, comme à Nazareth avant de quitter la vie privée. Je n'ai que toi. Les
hommes, en ce moment, ne sont pas les amis loyaux de ton Jésus. Ils ne sont
même pas courageux dans le bien. Seuls les mauvais savent être constants et
forts en opérant le mal. Mais toi tu m'es fidèle et tu es ma force, Maman, à
cette heure. Soutiens-moi par ton amour et ta prière. Il n'y a que toi qui à
cette heure sache prier parmi ceux qui m'aiment plus ou moins. Prier et
comprendre. Les autres sont en fête, absorbés par des pensées de fête ou des
pensées de crime pendant que je souffre de tant de raisons.
Beaucoup de choses mourront après cette heure. Et parmi celles-ci leur
humanité, et ils sauront être dignes de Moi, tous, sauf celui qui s'est perdu
et qu'aucune force n'est capable de ramener au moins au repentir. Mais pour
l'instant ce sont encore des inconscients qui ne comprennent pas que je vais
mourir, alors qu'eux se réjouissent en croyant que jamais mon triomphe n'a
été plus proche. Les hosannas d'il y a quelques jours les ont enivrés. Maman,
c'est pour cette heure que je suis venu, et surnaturellement je la vois
arriver avec joie.
Mais mon être la redoute aussi parce que ce calice a pour
nom trahison, reniement, férocité, blasphème, abandon. Soutiens-moi, Maman.
Comme quand par ta prière tu as attiré sur toi l'Esprit de Dieu, pour donner
par Lui au monde Celui qu'attendent les nations, attire maintenant sur ton
Fils la force qui m'aide à accomplir l'œuvre pour laquelle je suis venu.
Maman, adieu. Bénis-moi, Maman, même au nom du Père. Et pardonne à tous.
Pardonnons ensemble, dès à présent pardonnons à ceux qui nous
torturent."
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492> 599.5 – Tout en parlant Jésus a glissé
aux pieds de sa Mère, à genoux, et il la regarde en lui étreignant la taille.
Marie pleure sans gémir, le visage légèrement levé pour une prière intérieure
à Dieu. Les larmes roulent sur ses joues pâles et tombent sur son sein et sur
la tête de Jésus qu'il appuie enfin sur son cœur. Puis Marie met sa main sur
la tête de Jésus comme pour le bénir et puis se penche, baise ses cheveux,
elle les caresse, caresse ses épaules, ses bras, Lui prend le visage dans ses
mains et le tourne vers elle, le serre contre son cœur. Elle le baise encore
une fois dans ses larmes sur son front, sur ses joues, sur ses yeux
douloureux, elle la berce, cette pauvre tête lasse, comme si c'était un
enfant, comme je l'ai vue bercer à la Grotte son divin Nouveau-né. Mais elle
ne chante pas maintenant. Elle dit seulement:
"Fils ! Fils ! Jésus ! Mon Jésus !" Mais d'une telle voix qu'elle
me déchire.
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