Le dimanche 2 mars 1947.
(2ème dimanche de Carême – Reminiscere)
186> 572.1 – La
place principale de Sichem connaît un invraisemblable fourmillement de gens.
Je crois que la ville toute entière est là et que sont venus aussi les
habitants des campagnes et des villages voisins. Ceux de Sichem, dans
l'après-midi du premier jour, ont dû se répandre pour donner l'avis en tout
lieu, et tous sont accourus : bien portants et malades, les pécheurs et les
innocents. Une fois la place remplie, bondées les terrasses sur les toits,
les gens se sont juchés jusque sur les arbres qui ombragent la place.
Au premier rang, vers l'endroit tenu libre pour Jésus, contre une maison qui
est surélevée de quatre marches, se trouvent les trois enfants
que Jésus a enlevés aux larrons,
et leurs parents.
Comme ils sont anxieux de voir leur Sauveur, les trois petits ! Tout cri les
fait retourner pour le chercher Lui. Et quand s'ouvre la porte de la maison
et que Jésus apparaît dans l'entrebâillement, les trois enfants volent en
avant en criant : "Jésus ! Jésus ! Jésus !" et ils montent les
hautes marches sans même attendre que Lui descende pour les embrasser. Jésus
se penche et les embrasse, les élevant ensuite : vivant bouquet de fleurs
innocentes, et il dépose un baiser sur les petits visages qui Lui rendent la
pareille.
Les gens font entendre un murmure ému, et s'élève quelque voix qui dit :
"Il n'y a que Lui pour savoir embrasser nos innocents."
Et d'autres voix :
"Voyez-vous comme il les aime ? Il les a sauvés des larrons, il leur a
donné une maison après les avoir rassasiés et vêtus, et maintenant il les
embrasse comme s'ils étaient les fils de ses entrailles."
572.2 – Jésus, qui a déposé les
enfants par terre, sur la plus haute marche, tout près, de Lui, répond à tous
en répondant à ces dernières paroles anonymes :
"En vérité c'est plus que des fils de mes entrailles qu'ils sont pour
Moi. C'est que je suis pour eux un père pour leur âme, et celle-ci
m'appartient, non pendant le temps qui passe, mais pendant l'éternité qui
demeure. Si je pouvais le dire de tout homme que de Moi, la Vie, il tire la
vie pour sortir de la mort !
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187> Je vous ai invités à cela quand je suis venu pour la
première fois parmi vous, et vous pensiez que vous aviez beaucoup de temps
pour vous décider à le faire.
Une seule a montré de l'empressement pour suivre l'appel et pour aller sur le
chemin de la Vie : la créature la plus
pécheresse d'entre vous. Peut-être justement
parce qu'elle s'est sentie morte, qu'elle s'est vue morte, pourrie
dans son péché, et qu'elle a eu hâte de sortir de la mort.
Vous, vous ne vous sentez pas et vous ne vous voyez pas morts, et vous n'avez
pas son empressement.
Mais quel est le malade qui attend d'être mort pour prendre les
remèdes de vie ? Celui qui est mort n'a besoin que d'un linceul et
d'aromates et d'un tombeau où reposer pour devenir poussière après avoir été
pourriture. Car, si pour des fins qui sont sages, la pourriture de Lazare que vous regardez avec des yeux
dilatés par la crainte et la stupeur, retrouva la santé par l'intervention de
l'Éternel, cela ne doit tenter personne à arriver à la mort de l'esprit en
disant : "Le Très-Haut me rendra la vie de l'âme". Ne tentez pas le Seigneur
votre Dieu.
572.3 – C'est à vous de venir à la
Vie. Il n'y a plus le temps d'attendre. La Vigne va être cueillie et pressée.
Préparez votre esprit au Vin de la Grâce qui va vous être donné. Ne
faites-vous pas ainsi quand vous devez prendre part à un grand banquet ? Ne
préparez-vous pas votre estomac à recevoir les nourritures et les vins
choisis, en faisant précéder le banquet d'une abstinence prudente qui rend le
goût net et l'estomac vigoureux pour goûter et désirer la nourriture et les
boissons ? Et n'agit-il pas de même le vigneron pour essayer le vin fait
depuis peu ? Il ne corrompt pas son palais le jour où il veut essayer le vin
nouveau. Il s'en garde parce qu'il veut se rendre compte avec exactitude des
qualités et des défauts pour corriger les uns et exalter les autres, et pour
bien vendre sa marchandise. Mais s'il sait faire cela celui qui est invité à
un banquet pour goûter avec plus de plaisir les mets et les vins, et s'il le
fait le vigneron pour bien vendre son vin, ou pour rendre vendable le vin qui
à cause de ses défauts serait repoussé par l'acheteur, l'homme ne devrait-il
pas savoir le faire pour son esprit, pour goûter le Ciel, pour gagner le
trésor pour pouvoir entrer au Ciel ?
Écoutez mon conseil. Oui, ce conseil, écoutez-le. C'est un bon conseil. C'est
un conseil juste du Juste qu'en vain on a mal conseillé et qui veut vous
sauver des fruits des conseils mauvais que vous avez eus.
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188> Soyez justes comme je le suis. Et sachez donner une
juste valeur aux conseils qui vous sont donnés. Si vous savez vous rendre
justes, vous leur donnerez une juste valeur.
572.4 – Écoutez une parabole : elle
ferme le cycle de celles que j'ai dites à Silo et à Lébona
et parle toujours des conseils donnés et reçus.
Un roi envoya son fils chéri visiter son royaume. Le
royaume de ce roi était divisé en de nombreuses provinces, car il était très
vaste. Ces provinces avaient des connaissances différentes de leur roi. Certaines le connaissaient si bien qu'elles se considéraient comme
les préférées et pour cela se laissaient aller à l'orgueil. Selon ces
dernières, il n'y avait qu'elles de parfaites et qui connussent le roi et ce
que le roi voulait. D'autres le connaissaient, mais sans se regarder comme
sages pour autant, elles s'efforçaient de le connaître toujours plus.
D'autres avaient la connaissance du roi mais elles l'aimaient à leur manière,
car elles s'étaient donné un code spécial qui n'était pas le vrai code du royaume.
Du code véritable, ils avaient pris ce qui leur plaisait et dans la mesure où
cela leur plaisait et, même ce peu, ils l'avaient amoindri en le mélangeant
avec d'autres lois empruntées à d'autres royaumes, ou qu'ils s'étaient
données eux-mêmes, et qui n'étaient pas bonnes. Oui, qui n'étaient pas
bonnes. D'autres encore ignoraient davantage leur roi, et certaines
savaient seulement qu'il y avait un roi. Rien de plus. Mais ce peu qu'ils
croyaient, ils croyaient même que c'était un conte.
Le fils du roi vint visiter le royaume de son père pour donner à toutes les
différentes régions une connaissance exacte du roi, ici en corrigeant
l'orgueil, là en relevant ceux que l'on avait avilis, ailleurs en redressant
des idées erronées, plus loin en persuadant d'enlever les éléments impurs de
la loi qui était pure, ici en enseignant pour combler les lacunes, là en
essayant de donner un minimum de connaissances et de foi en ce roi réel dont
tout homme était le sujet. Ce fils de roi pensait pourtant que, pour tous,
une première leçon était l'exemple d'une justice conforme au code aussi bien
dans les parties sérieuses que dans les choses de moindre importance. Et il
était parfait, si bien que les gens de bonne volonté devenaient meilleurs
parce qu'ils suivaient tant les actions que les paroles du fils du roi car
ses paroles et ses actions étaient une unique chose tant elles se
correspondaient sans dissonances.
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189> 572.5 – Pourtant
ceux des provinces qui se considéraient comme parfaites seulement parce
qu'ils connaissaient à la lettre la lettre du code, mais n'en possédaient pas
l'esprit, voyaient que de l'observance de ce que faisait le fils du roi et de
ce qu'il exhortait à faire, il ressortait trop clairement qu'eux
connaissaient la lettre du code mais ne possédaient pas l'esprit de la loi du
roi, et qu'ainsi leur hypocrisie se trouvait démasquée. Alors ils pensèrent à
faire disparaître ce qui les faisait apparaître tels qu'ils étaient. Et pour
y arriver, ils prirent deux chemins : un contre le fils du roi, l'autre
contre ses partisans. Pour le premier, les mauvais conseils et les
persécutions ; pour les seconds, les mauvais conseils et les
intimidations.
Il y a tant de choses qui sont des mauvais conseils. C'est un mauvais conseil de dire : "Ne fais pas cette
chose qui peut te nuire", en feignant un intérêt bienveillant, et c'est
un mauvais conseil de persécuter pour persuader celui que l'on veut dévoyer
de manquer à sa mission. C'est un mauvais conseil de dire aux partisans :
"Défendez à tout prix et par tous les moyens le juste persécuté",
et c'est un mauvais conseil de dire aux partisans : "Si vous le
protégez, vous vous heurterez à notre indignation".
Mais je ne parle pas ici des conseils donnés aux partisans. Je parle des
conseils que l'on a donnés ou fait donner au fils du roi. Avec une fausse
bonhomie, avec une haine livide, ou par la bouche d'instruments ignorants que
l'on portait à nuire en leur faisant croire qu'ils rendraient service.
Le fils du roi écouta ces conseils. Il avait des oreilles, des yeux, de
l'intelligence et du cœur. Il ne pouvait donc pas ne pas les entendre, ne pas
les voir, ne pas les comprendre et ne pas les juger. Mais le fils du roi
avait surtout l'esprit droit du vrai juste et à tout conseil donné sciemment
ou inconsciemment pour le faire pécher en donnant un mauvais exemple aux
sujets de son père et une infinie douleur à son père, il répondit :
"Non. Je fais ce que veut mon père. Je suis son code. D'être fils du roi
ne m'exempt pas d'être le plus fidèle de ses sujets pour observer la Loi.
Vous qui me haïssez et voulez m'effrayer, sachez que rien ne me fera violer
la Loi. Vous qui m'aimez et voulez me sauver, sachez que je vous bénis pour
votre intention, mais sachez aussi que votre amour et l'amour que je vous
porte, car vous m'êtes plus fidèles que ceux qui se disent 'sages', ne doit
pas me rendre injuste dans mon devoir envers le plus grand amour qui est
celui qu'il faut donner à mon père".
572.6 – Voilà la parabole, mes fils.
Et elle est si claire que chacun de vous peut l'avoir comprise. Et chez les
esprits justes il ne peut s'élever qu'une seule voix : "Il est vraiment
le juste car aucun conseil humain ne peut l'entraîner sur la voie de
l'erreur".
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190/191> Oui, fils de Sichem, rien ne peut m'induire en erreur.
Malheur si je tombais dans l'erreur ! Malheur à Moi et malheur à vous. Au
lieu d'être votre Sauveur, je serais pour vous un traître, et vous auriez
raison de me haïr. Mais je ne le ferai pas.
Je ne vous reproche pas d'avoir accepté des suggestions et pensé à des
mesures contraires à la justice. Vous n'êtes pas coupables puisque vous
l'avez fait par esprit d'amour, mais je vous dis ce que je vous ai dit au
commencement et à la fin, je vous le dis à vous : vous m'êtes plus chers que
si vous étiez les fils de mes entrailles, car vous êtes les fils de mon
esprit. Votre esprit, je l'ai amené à la Vie, et je le ferai encore plus.
Sachez, et que ce soit votre souvenir de Moi, sachez que je vous bénis pour
la pensée que vous avez eue dans le cœur. Mais grandissez dans la justice, en
voulant seulement ce qui honore le vrai Dieu pour qui il faut avoir un amour
absolu qu'on ne doit donner à aucune autre créature. Venez à cette parfaite
justice dont je vous donne l'exemple, une justice qui foule aux pieds les
égoïsmes du propre bien-être, la peur des ennemis et de la mort, qui piétine
tout, pour faire la volonté de Dieu.
Préparez votre esprit. L'aube de la Grâce se lève, le banquet de la Grâce
s'apprête. Vos âmes, les âmes de ceux qui veulent venir à la Vérité, sont à
la veille de leurs noces, de leur libération, de leur rédemption.
Préparez-vous, dans la justice, à la fête de la Justice."
572.7 – Jésus fait signe aux parents
des enfants, qui sont près d'eux, d'entrer dans la maison avec Lui et il se
retire après avoir pris dans ses bras les trois enfants, comme au début.
Sur la place se croisent les commentaires, très divers. Les meilleurs disent
:
"Il a raison. Nous avons été trahis par ces faux envoyés."
Les moins bons disent :
"Mais alors il ne devait pas nous flatter. Il nous fait haïr encore
plus. Il nous a bernés. C'est un vrai juif."
"Vous ne pouvez pas le dire. Nos pauvres connaissent ses secours, nos
malades sa puissance, nos orphelins sa bonté. Nous ne pouvons pas prétendre
qu'il pèche pour nous faire plaisir."
"Il a déjà péché car il nous a haïs en nous faisant haïr..."
"Et par qui ?"
"Par tout le monde. Il nous a bernés. Oui, il nous a bernés."
Les opinions diverses remplissent la place, mais elles ne troublent pas
l'intérieur de la maison où Jésus se trouve avec les notables, les enfants et
leurs parents.
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