597> L’homme reste l’homme.
"Comme des enfants nouveau-nés" (I P 2, 9) demandent du lait spirituel non frelaté pour croître et
devenir "la race élue, le sacerdoce royal, la nation sainte, le peuple
de Dieu", Pierre passa de l’état d’homme à celui de saint: héroïque ment saint, toujours plus saint, il devint
réellement "un autre Christ " par un travail assidu. Mais il fut
d’abord "l’homme". De même, Paul fut "l’homme" en qui la
loi de la chair combattait celle de l’esprit, un homme qui, après avoir été
ravi au troisième ciel, connut encore le soufflet de l’ange de Satan, les
élans de la chair (Rm 7, 23 - 2 Co 12, 7). Et bien
d’autres serviteurs de Dieu furent également "hommes", martyrs de
leur moi et bienheureux pour en
avoir triomphé et s’être régénérés dans le Christ.
Pierre demanda un jour à Jésus: "Combien de fois devrai-je
pardonner?" Et Jésus répondit: "Soixante-dix fois sept fois",
soit un nombre illimité de fois (Mt 18,
21-22). Jésus savait en effet que l’homme, même s’il est régénéré par la
grâce et nourri de l’eucharistie, même s’il est confirmé dans la grâce par la
confirmation, même s’il est élevé au sacerdoce, resterait toujours
"homme", cet homme qui a besoin de compassion et de pardon, parce
qu’il lui est facile de se tromper.
Sous l’effet de l’orgueil ou de la tiédeur, des séparations et des hérésies
ne tardèrent pas à apparaître au sein de l’Église: gnostiques, nicolaïtes,
simonites, biléamites... Et plus tard la triste époque de la cour pontificale
en Avignon, puis celle encore plus triste du népotisme et de ce que cela
entraînait. Comme tout astre, l’Église, astre perpétuel, connaît des phases.
Mais c’est une flamme qui ne s’éteint pas, bien que flamboiements et
affaiblissements y alternent comme pour toute flamme.
Mais puisque son Chef, Jésus, et son Ame, l’Esprit Saint, sont éternels et
parfaits, puisque leur puissance et leur volonté sont éternelles et infinies,
elle peut passer par des phases de déclin et d’affaiblissement momentanés.
Mais elle ne peut tomber ni s’éteindre tout à fait. Au contraire, après l’une
de ces phases, telle une personne qui se réveille d’un assoupissement ou
qu’un remède puissant ragaillardit, elle se redresse et reprend vigueur pour
mener à bien son service et son admirable mission universelle. Et il faut
dire que c’est précisément dans ce qui est douloureux de voir en elle — ses
relâchements momentanés ou la persécution de ses ennemis — que réside la
cause d’une nouvelle phase ascendante.
Haut de page
598> Ceux qui ont l’orgueil facile ou qui aiment critiquer et
porter un jugement sur tous, sauf sur eux-mêmes, diront ceci: « Mais
elle est surnaturelle! Donc sa perfection ne peut pas s’affaiblir. »
Voilà ce que soutiendront les premiers. Et les seconds argueront: « Si
elle était telle qu’ils le prétendent, tous ses membres seraient parfaits.
Mais au contraire… », et ils citeront cas sur cas, plus ou moins vraiment blâmables — je dis vraiment parce que, parfois, telle
chose peut avoir l’air mauvais, mais ne pas l’être en réalité.
Tous deux feront erreur. Car l’Église est, certes, une société ou une
congrégation de membres choisis, régénérés à la grâce par le baptême,
confirmés et perfectionnés dans les vertus et les dons par la confirmation,
nourris par l’eucharistie, purifiés par l’absolution qui suit la pénitence,
soutenus dans leur mission d’époux et de procréateurs par leur mariage, ou dans
celle de pasteurs des âmes par le sacrement de l’ordre. De plus, l’Église,
comme Corps mystique, est sainte dans son Chef, dans son Ame, dans sa loi,
dans son enseignement, et en bon nombre de ses membres. Oui. En outre, ses
membres "inférieurs" ne doivent pas être méprisés car, bien
souvent, "les membres qui sont
tenus pour plus faibles sont nécessaires" (1 Corinthiens 12, 22) : par leur vie humble, sainte, cachée,
vécue et offerte pour toute la société des chrétiens, ils contribuent en
effet à accroître les trésors spirituels du Corps mystique tout entier; une
autre raison en est que "Dieu a
disposé le Corps de manière à donner davantage d’honneur à ce qui en
manque" (1 Corinthiens 12, 24).
Dieu prend fréquemment ses sanctificateurs, ceux dont l’action et l’exemple
entraînent des âmes innombrables à Dieu, parmi les plus "petits" du
Corps mystique, parmi ceux qui, sans avoir aucun rang ni ordination, sont
riches en justice parce que chacun de leurs actes les identifient au Christ.
Oui, l’Église, en tant que société de fidèles qui le sont réellement — à
commencer par son Chef —, est sainte, et jamais cette sainteté qui descend de
son Chef et circule dans tous ses membres ne disparaîtra tout à fait. Mais
tous ne sont pas saints, car l’homme reste homme même s’il est catholique, et
même s’il fait partie de l’Église de quelque manière que ce soit.
Lorsque de nombreux membres deviennent davantage "hommes rationnels" qu’ "hommes divinisés″, alors l’Église connaît un temps de
déclin, dont elle se relève par la suite lors qu’elle comprend elle-même
qu’il convient de se redresser pour être en mesure de faire face à ses
ennemis extérieurs et intérieurs.
Haut de page
599> Ses ennemis déclarés qui sont déjà au service de
l’Adversaire ou de l’Antéchrist, et ses ennemis plus subtils qui désagrègent
l’édifice de la foi et refroidissent par conséquent l’amour parce qu’ils
veulent donner une nouvelle version des mystères et des prodiges de Dieu par
le biais de cette "profondeur de Satan et de l’esprit du monde"
dont nous avons déjà parlé.
Que ceux qui ont l’orgueil facile ne prétendent pas: « L’Église ne peut
pas connaître cela, puisqu’elle sera toujours sainte. »
Il est dit — à la fois par une parole divine adressée aux prophètes et par la
Parole divine du Père incarnée et adressée à ses élus — que de grandes
abominations telles que la jalousie et d’affreuses abominations comme
l’adoration d’idoles humaines qu’il ne faut pas vénérer (Ezéchiel 8, 1-17) (or la science privée de sagesse en est une)
auront lieu dans le Temple, et aussi qu’ "un messie supprimé″ (Deutéronome 9, 26-27), le peuple qui
l’aura renié n’existant plus, "la ville et le sanctuaire [seront]
détruits par un prince qui viendra" dont le but sera la dévastation.
Alors viendra la désolation décrétée. "Il fera cesser le sacrifice et
l’oblation et sur l’aile du Temple sera l’abomination de la désolation,
jusqu’à la fin". Il est encore dit, en guise de confirmation directe par
la Parole aux paroles de ses annonciateurs, les prophètes: « Lors donc
que vous verrez l’Abomination de la désolation... installée dans le lieu
saint... il y aura une grande tribulation telle qu’il n’y en a pas eu depuis
le commencement du monde... Aussitôt après la tribulation... apparaîtra... le
Fils de l’homme. » (Matthieu 24,
15 - Matthieu 24, 21) Et « L’amour se refroidira chez le grand
nombre » (Matthieu 24, 29-30 -
Matthieu 24, 12), ce qui sera l’un des signes précurseurs de la fin.
C’est dit, et ça aura lieu. Ouvrez vos yeux spirituels pour lire les
prédictions du ciel ! Si vous les ouvrez, vous lirez la vérité et vous
verrez quels sont les vrais signes de la fin, telle qu’elle advient déjà.
Pour l’Éternel, un siècle représente moins d’une minute. Il n’est donc pas
dit que ce sera demain. Mais si le chemin est encore long pour que tout soit
accompli, les événements qui ont déjà lieu vous annoncent que le processus
final a déjà commencé.
Haut de page
600> Voici quelles sont les grandes abominations: la jalousie
là où il faudrait seulement l’amour fraternel, l’amour excessif de la science
humaine là où il faudrait seulement l’amour fidèle à la Sagesse, source de la
Révélation, des compromis entre ce qui offre des profits terrestres et ce qui
offre un profit surnaturel pour en bénéficier immédiatement, le Christ tué en
un trop grand nombre d’âmes, trop de personnes de son peuple devenues
renégats de leur Sauveur. Ce sont là les événements préparatoires. Puis
"le peuple qui va venir", dans le but de dévaster (Jérémie 6, 22).
Un autre prophète dit: « Voici qu’un peuple arrive du Nord... un grand
vacarme vient du pays du Nord... Voici qu’un peuple arrive du Nord... ».
(Jérémie 10, 22 – 50,41)
Ces deux prédictions sont si claires qu’il suffit de lever les yeux, de
savoir voir et de vouloir voir, pour comprendre.
Et que dévastera-t-il ? Pas uniquement les bâtiments et les pays !
Mais surtout la foi, la morale, les âmes. D’ailleurs, les âmes dévastées ne
seront pas toutes des âmes communes. Les sacrifices et les hosties
diminueront, d’une part parce qu’il n’y aura plus de liberté de culte,
d’autre part sous l’effet de la crainte, chez beaucoup, d’être pris pour
cette raison. Déjà, et bien que cette dévastation et cette persécution ne
soient pas encore effectives, beaucoup renient la voie qu’ils avaient
choisie, car l’abomination se répand comme un chiendent perfide et la charité
se refroidit tandis que se lèvent les faux prophètes dont parlent le Christ
au chapitre 24 de Matthieu et Paul dans sa deuxième épître aux
Thessaloniciens.
Pour l’instant, cela seulement. Mais ensuite viendra celui qu’elles
annoncent, l’Antéchrist, auquel elles auront préparé le chemin par
l’affaiblissement de l’amour, tout comme Jean-Baptiste avait préparé le
chemin au Christ en enseignant l’amour dont il débordait — il était en effet
"rempli d’Esprit Saint dès le sein de sa mère" (Luc 1, 15) — comme le moyen
indispensable pour être uni au Christ et vivre la vie de Dieu. (Sur les
enseignements d’amour de Jean-Baptiste, voir Luc 3, 10-14).
En vérité, l’amour est le lien qui garde la communauté catholique unie à Dieu
et aux frères. C’est dans et par l’amour que se trouvent l’union et la
nourriture des âmes, ainsi que leur sanctification et celle d’âmes toujours
nouvelles. Si l’amour vient à manquer, l’amour de soi prend sa place. Or la
différence entre ces deux amours est la suivante:
Haut de page
601> L’amour véritable et saint, commandé et conseillé par
Dieu, est recherche de Dieu, reconnaissance de sa toute-puissance visible en
toute chose, et élévation à Dieu. Tout concourt à cette élévation pour celui
qui possède la charité, qui est une pitié en actes à l’égard de tous les
besoins du prochain: en effet, l’amour nous fait reconnaître en chacun un
frère; nous reconnaissons Jésus en lui, Jésus qui souffre des souffrances du
pauvre, du malade, du persécuté, ou qui souffre parce qu’un enfant du Père
est en passe de devenir un fils prodigue qui abandonne la maison du Père pour
partir à la recherche d’un faux bien-être, ou encore qui souffre parce que
tel ou tel doute d’avoir un Père; il importe donc de le convaincre qu’il
existe un Père très bon pour lui éviter de tomber dans la désolation et le
péché.
L’amour de soi, au contraire, est recherche de soi-même, c’est un acte
accompli pour se glorifier soi-même aux yeux du monde. Il est donc
concupiscence de la chair, concupiscence des yeux et orgueil de la vie; de
cet arbre à trois branches proviennent en suite la vanité, la dureté de cœur,
l’orgueil, le désir ardent d’éloges humains, l’hypocrisie, l’esprit de
domination, la conviction de savoir diriger sa vie tout seul, en rejetant
tout commandement ou conseil de l’Amour comme de ceux qui parlent en son nom.
Ils se croient libres et se prennent pour des rois puisque, à leurs yeux,
personne n’est meilleur qu’eux et puisque — toujours à leurs yeux — ils sont
déjà arrivés au sommet du savoir et du pouvoir. Mais ils sont au contraire
esclaves comme personne, à la fois d’eux-mêmes, de l’Ennemi de Dieu et des
serviteurs de l’En nemi de Dieu. Ils sont esclaves, serviteurs, nus,
aveugles. Esclaves d’eux-mêmes, serviteurs ou esclaves de l’Ennemi et des
ennemis de Dieu; nus, privés de vêtements ornés, du vêtement des noces avec
la Sagesse, des vêtements blancs nécessaires pour le banquet des cieux et
pour suivre l’Agneau en chantant hosanna; aveugles, ou pour le moins myopes,
après s’être abîmé la vue spirituelle par d’inutiles recherches humaines.
Ils le deviennent parce qu’ils ont renoncé à leur droit d’aînesse,
c’est-à-dire à leur filiation la plus élevée, celle de Dieu, en échange d’un
pauvre plat de lentilles, qui est une nourriture terrestre.
Haut de page
602> Ce plat de lentilles, c’est le remplacement des œuvres
sapientielles, surnaturelles, et surtout de la grande Révélation, qu’il faut
accepter et croire sans demi-mesure. Ce plat de lentilles, c’est aussi leur
remplacement par des livres scientifiques, aussi parfaits soient-ils, qui
restent des écrits humains. C’est pourquoi ils pourront paraître plus clairs,
et certainement plus compréhensibles à ceux qui s’arrêtent à la lettre, en
restent à la superficie des choses et ne peuvent aller plus loin à cause de
leur pesanteur personnelle. Mais ils ne changent pas l’homme, ils ne
l’élèvent pas. Les livres sapientiels, en revanche, ces livres dont l’auteur
est Dieu, sont, pour ceux qui savent lire, un moyen de transformation et
d’union en Dieu et à lui, et d’élévation.
Tout ce qui vient de Dieu est moyen d’élévation, de transformation et d’union
plus intime à lui. Même les miracles de toutes sortes, les miracles de
guérison du corps et de l’âme — surtout ces derniers —, servent à la transformation
et à l’union à Dieu. Combien d’incrédules ou de pécheurs purent devenir
croyants et furent sauvés par le prodige d’un miracle !
Il ne faut pas nier les miracles par souci de rationalisme. Ni celui de la
création, ni celui de la guérison d’une âme ou d’un corps. La matière fut
tirée du néant et ordonnée à sa fin particulière par Dieu. Une âme morte ou souffrant d’une maladie spirituelle
inguérissable fut guérie par Dieu,
par tel ou tel moyen, mais toujours par
Dieu. Un corps condamné à mourir peut être guéri par Dieu. Toujours par Dieu, même s’il se sert d’une apparition
ou d’un juste pour convertir et guérir une âme, ou d’une confiance
particulière en un saint pour guérir un corps.
Que les rationalistes apprennent à voir. La raison est certes une grande
chose. Une créature rationnelle est une grande chose. Mais l’esprit est bien
plus grand. Il est plus grand d’être une créature spirituelle — autrement dit
consciente de posséder une âme et qui la place en premier lieu comme reine de
son "moi″ élue au-dessus
de toute autre chose —. Car si la raison aide l’homme à être un homme et non
un animal, l’âme, quand elle est la reine de l’être, fait de cet homme le
fils adoptif de Dieu, le fait ressembler à lui, lui permet de participer à sa
divinité et à ses biens éternels. Que l’esprit prédomine donc sur la raison
et sur la chair (ou humanité). Que le rationalisme ne règne pas, lui qui nie
ou veut expliquer ce qui doit être cru avec foi, et que toute explication ou
simple tentative d’explication mutile. Cela nuit à la foi, quand elle ne
meurt pas tout à fait.
Haut de page
603> Que les rationalistes apprennent à voir. Qu’ils retirent
les lunettes opaques du rationalisme. Elles ne leur serviront à rien. Elles
leur donneront au contraire un aspect altéré des vérités, exactement comme
des lunettes, si elles ne sont pas adaptées à l’œil affaibli, ne servent qu’à
donner une vue encore plus mauvaise. Celui qui penche vers le rationalisme a
déjà une vue spirituelle affaiblie. Lorsqu’il le choisit, il met des lunettes
inadaptées à sa vue affaiblie, si bien qu’il voit réellement mal. Qu’ils
apprennent à voir, à bien voir et à voir le Bien, à reconnaître l’action
continuelle et parfaite de Dieu qui maintient la création à laquelle sa
volonté a donné vie, et qui rend santé et vie là où une mort certaine
s’installait déjà.
Comment ceux qui veulent expliquer la création et la vie par une autogenèse
et une polygenèse peuvent-ils nier que le Tout-Puissant puisse moins que ce
qu’il a pu créer à l’origine, qui n’était pas même matière mais seulement
chaos et qui n’a consisté d’ailleurs qu’en des choses limitées et
imparfaites? Est-il logique, purement logique et raisonnable, d’admettre le
miracle du chaos qui s’ordonne tout seul, engendre tout seul la cellule, que
la cellule évolue en espèce, et cette espèce en d’autres toujours plus
parfaites et plus nombreuses, tandis que Dieu est décrit comme incapable de
réaliser tout seul toute la création? Est-il logique et raisonnable de
soutenir la thèse de l’évolution de l’espèce, et même d’une espèce donnée
jusqu’à la forme animale la plus parfaite puisque dotée de parole et de
raison — même cela seulement —, quand on voit que, depuis des millénaires,
toutes les autres créatures animales n’ont acquis ni raison ni parole bien
qu’elles coexistent avec l’homme ?
Chaque animal est tel qu’il a été créé il y a des millénaires de cela. Il y a
eu, certes, des réductions structurelles, des croisements par lesquels les
premières races créées ont produit des races hybrides. Mais on n’a jamais vu,
au cours des années et des millénaires, le taureau cesser d’être ce qu’il
est, pas plus que le lion ou le chien, qui vit pourtant avec l’homme depuis
des siècles.
Haut de page
604> On n’a pas davantage vu les singes devenir des hommes,
ou du moins des animaux hommes, malgré les millénaires passés et ses contacts
avec l’homme, dont il peut certes imiter les gestes mais pas la parole. Ces
créatures inférieures démentent, avec l’évidence des faits, les élucubrations
des amateurs de science uniquement rationnelle. Ils sont tels qu’ils étaient.
La variété de leurs espèces témoigne de la toute-puissance de Dieu. Mais
elles n’ont pas évolué. Elles sont restées telles qu’elles étaient, avec
leurs instincts, leurs lois naturelles, leur mission particulière, qui n’est
jamais inutile en dépit de ce qu’elle peut paraître. Dieu ne crée pas
d’œuvres inutiles et totalement nuisibles. Le venin du serpent lui-même est utile
et a sa raison d’être.
Que les
rationalistes apprennent à voir. Qu’ils ôtent les lunettes du rationalisme
scientifique et qu’ils voient à la lumière de Dieu, grâce à la Parole divine
qui s’est exprimée par la bouche des patriarches et des prophètes de
l’Antiquité, puis des saints, des mystiques et des contemplatifs des temps
nouveaux, auxquels un unique Esprit révéla ou rappela des choses secrètes,
cachées, ou dont la vérité s’était altérée en passant de bouche en bouche.
Qu’ils voient surtout à l’aide de la Parole incarnée et Lumière du monde:
Jésus, le Maître des maîtres, qui n’a pas changé une syllabe à la Révélation
contenue dans le Livre; au contraire, comme il était l’Omniscient et la
Vérité, il connaissait la vérité tout entière et l’a confirmée et restaurée
dans sa forme première qui est la seule vraie mais était alors parfois
déformée intentionnellement par les rabbins d’Israël.
Vouloir faire des ajouts à ce que la Sagesse a révélé, que la Tradition a
transmis et que la Parole a confirmé et expliqué, c’est ajouter du clinquant
à l’or. Ce ne sont pas les jetons de la science qui ouvriront les portes du
Royaume des Cieux. Ce sont les pièces de monnaie en or de la foi dans les
vérités révélées, les pièces de monnaie en or de l’espérance dans les
promesses éternelles, les pièces de monnaie de l’amour mis en pratique parce
que cru et espéré, celles qui donnent à l’âme des justes puis au corps et à
l’âme des justes leur place dans la Cité éternelle de Dieu.
L’on ne dira jamais assez que la science est de la paille qui remplit mais ne
nourrit pas, une fumée qui cache au lieu d’éclairer et, là où elle étouffe la
foi et la sagesse, c’est un poison spirituel qui tue, de l’ivraie qui produit
du fruit de faux prophètes qui annoncent une parole nouvelle et de nouvelles
théories qui ne sont ni parole divine ni doctrine divine.
Haut de page
605> Ailleurs, là où ce qui est mentionné ci-dessus n’est plus présent, certains paraissent en vie mais sont morts
— en d’autres termes, ceux qui ont seulement l’apparence de ce qu’ils
devraient être et ressemblent en tout point à une belle statue bien décorée,
mais insensible et inapte à communiquer à d’autres une vie qu’elle ne possède
pas —. Ce sont des bouches qui parlent parce qu’elles ne peuvent se taire,
mais qui ne persuadent pas, car il manque à leurs paroles une puissance de
conviction. Eux-mêmes ne sont pas convaincus, ils ne peuvent donc convaincre.
Ce sont des instruments mécaniques qui s’expriment bien, en termes
d’éloquence, mais sans âme.
Il en a toujours existé. Ce sont ceux dont la vocation est fausse. Ils sont
enthousiastes au début, puis cet enthousiasme s’éteint lentement, et ils
n’ont pas le courage de s’en aller. Or mieux vaut un pasteur en moins qu’un
pasteur qui paraît vivant mais est mort spirituellement, ou près de l’être.
Un autre pourrait prendre sa place, un vivant, pour donner la vie. Mais le
faux, le plus faux des respects humains les retient d’avouer ouvertement:
« Je n’en suis plus capable et je me retire. »
Il en a toujours existé. Judas de Kérioth en est le prototype. Il aurait
mieux valu qu’il se retire plutôt que de rester et d’en venir au délit
suprême. « Celui qui a mis la main à la charrue et regarde en arrière
n’est pas apte au Royaume des cieux » (Lc 9, 62), a dit le Maître divin. Et il vaut mieux que celui qui
n’en est pas apte parte plutôt que d’en faire périr un grand nombre, d’en
faire murmurer plus encore et de porter préjudice au sacerdoce en faisant
scandale.
La foule généralise et voit plus facilement le mal que le bien. Quand on se
rend compte qu’on est mort à la mission, il faut se retirer, mais ne pas
permettre que la foule juge, en généralisant et en portant tort à tous les
autres. Si les branches destinées à transmettre la sève aux fruits deviennent
stériles, on les coupe car, non seulement elles sont inutiles, mais elles
prennent de la vigueur à l’arbre uniquement pour se parer de feuilles belles
mais inutiles.
Haut de page
606> Il en a toujours existé, dans tout ce qui a été créé
parfait par Dieu, une partie qui n’a pas su le rester. La première défection
eut lieu dans l’armée des anges, et c’est un mystère impénétrable que cela
ait pu se produire chez des esprits créés en grâce, qui voyaient Dieu, en
connaissaient l’essence et les attributs, les œuvres et les desseins futurs.
Ils se sont néanmoins rebellés, ils n’ont pas su rester en état de grâce et,
d’esprits de lumière qu’ils étaient, vivant dans la joie et la connaissance
surnaturelle, ils devinrent des esprits de ténèbres, vivant dans l’horreur.
La seconde défection fut celle des premiers parents, qui est tout aussi
inexplicable. Comment se fait-il que deux innocents aient pu préférer écouter
le Tentateur et lui obéir plutôt que d’écouter la voix de Dieu qui les
enseignait avec amour et leur demandait d’obéir sur un seul point, alors qu’ils jouissaient des bienfaits
innombrables de Dieu par leur heureux état de grâce et d’autres dons et alors
qu’ils étaient en mesure de connaître et d’aimer Dieu comme personne d’autre
— excepté le Fils de l’Homme et sa Mère, qui étaient comblés d’innocence et
de grâce —? En outre, l’obéissance que leur demandait Dieu était facile. Car
ils n’avaient pas besoin de cueillir ce
fruit-là pour être rassasiés. Ils possédaient tout. Dieu les avait comblés de tout ce dont ils avaient besoin
pour être heureux, sains de corps et d’esprit. Ils se rebellèrent pourtant,
ils désobéirent, ils ne surent pas demeurer en état de grâce. De créatures
vivant dans la joie et la connaissance surnaturelle, ils devinrent malheureux
et cela affecta leur esprit, leur cœur, leur intelligence et leur corps. Ils
avaient les membres épuisés par le travail, l’intelligence prise de peur
devant les difficultés du lendemain immédiat, de leur avenir et de leur
éternité, le cœur brisé par le meurtre d’un fils et la perfidie d’un autre et
l’esprit abattu, pris désormais dans les brumes de la faute qui l’empêchait
de comprendre les conseils aimants du Père créateur pour les aider.
La troisième défection, tout aussi mystérieuse et inexplicable, est celle de
Judas de Kérioth. Après avoir voulu de son plein gré appartenir au Christ,
avoir profité de son amour pendant trois ans, s’être nourri de sa Parole, il
le vendit pour trente deniers quand il vit ses rêves de concupiscence déçus,
passant ainsi de l’état d’apôtre — c’est-à-dire élu à la plus haute dignité
spirituelle — à celui de traître de l’Ami, de déicide et de suicidé.
Haut de page
607> Ce sont là les défections les plus grandes. Mais il en
existe toujours, bien que de moindre importance. Car l’homme reste l’homme.
Ce qui est créé n’est jamais éternellement parfait, comme l’est le Créateur,
excepté le Royaume des cieux où seuls demeurent des esprits confirmés en
grâce et qui ne sont plus su jets à pécher, et excepté le Fils de l’Homme et
sa Mère. Le premier parce qu’il était l’Homme-Dieu: ayant uni sa personne
divine à sa personne humaine, il avait par conséquent uni ses perfections
divines à ses perfections humaines. La seconde pour avoir répondu aux dons
extraordinaires dont Dieu l’avait comblée dès sa conception par une bonne
volonté et une fidélité qui atteignirent une puissance qu’aucun saint n’a
jamais atteinte et n’atteindra jamais.
Que l’homme soit parfois imparfait ne constitue pas une faute impardonnable.
Dieu est aussi miséricorde. Il est aussi patience. Il attend que celui qui se
trompe se repente, et il pardonne si ce repentir est sincère. Tout homme qui
tombe peut donc se relever et redevenir juste. Il peut même devenir plus
juste car, conscient de sa faiblesse, il peut être moins orgueilleux et plus
miséricordieux envers ses semblables dans son ministère ou dans sa destinée
humaine. Dieu sait aussi tirer le bien du mal quand l’homme ne repousse pas
ses invitations et ses conseils ni ceux d’autres frères plus saints que lui.
Mais quand il se rend compte que l’homme s’obstine dans ses imperfections et
se satisfait d’un quiétisme qui ne lui fait commettre ni le bien ni le mal —
un quiétisme qui ne lui laisse plus que l’apparence de la vie alors qu’il est
mort et que, comme tel, il provoque la mort et l’affaiblissement d’autres
personnes —, alors Dieu vient à lui "comme un voleur sans qu’il sache à
quelle heure il viendra" (Apocalypse
3, 3).
Le Maître conseille à ses disciples: « Ceignez-vous et tenez votre lampe
allumée. » (Luc 12, 35) Il ne
dit pas: « Reposez-vous, dormez, car vous êtes désormais élus, vous êtes
comme il faut. » Le serviteur de Dieu est un ouvrier et Dieu veut qu’il
travaille à tout instant de sa vie sur terre. Or plus il travaille, plus il
reçoit de Dieu des dons d’élévation particuliers et aimants. « À qui on
aura beaucoup donné, il sera beaucoup
demandé » (Lc 12, 48). Qu’il
agisse à l’exemple du Maître, exemple de patience, de miséricorde et d’amour
inlassables.
Haut de page
608> Il nous faut donc mesurer les faiblesses des autres à
l’aune à laquelle nous voudrions voir Dieu mesurer les nôtres, afin de ne pas
encourir la sévérité de Dieu pour en avoir fait preuve nous-mêmes envers les autres. « De la mesure
dont vous mesurez, on mesurera pour vous, et on vous donnera encore
plus » (Marc 4, 24).
D’autres Églises font preuve de peu de
vertu pratiquée avec héroïsme, mais de fidélité à la Parole aussi bien
chacun pour soi que pour travailler à ce que les autres soient fidèles ou le
deviennent, ainsi que de constance à confesser le Nom du Seigneur même face
aux railleurs ou aux ennemis du catholicisme.
Il ne s’agit pas là de persécuteurs, mais d’opposants, d’égarés, d’ignorants
de ce Nom et de celui qui le porte. Ceux-là appartiennent à la
"synagogue" de Satan ou à celle du monde (Apocalypse 3, 9), parce qu’ils ne sont pas instruits dans la
vérité, avec patience et amour selon l’esprit de l’Évangile, de son auteur -
Jésus - et de sa gardienne et dispensatrice - l’Église romaine -.
Ces âmes sont dans les ténèbres mais tendent instinctivement à la lumière.
Elles sont dans l’erreur d’un culte idolâtre ou séparé, mais elles tendent
instinctivement à la vérité. Par nature, elles tendent au bien et
appartiennent ainsi à leur insu à l’âme de l’Église; il ne leur manque qu’une
main, une parole, une aide apostoliquement fraternelles pour devenir membres
vivants du Corps mystique et adorateurs du vrai Dieu.
Or, il est certain que celui qui sauve ou donne vie à une seule âme sauve la
sienne et lui apporte le prix de la vie éternelle — car Dieu est infiniment
reconnaissant à celui qui lui donne un enfant — Et il est tout aussi certain
que Dieu pardonnera bien des choses à ceux qui s’emploient à faire remettre
beaucoup d’âmes sur les voies du Seigneur — les voies qui mènent au ciel —,
en gardant grandes ouvertes la porte de la miséricorde, de la vérité, de la
sagesse, c’est-à-dire l’Évangile afin que, à l’invitation de ce ministre de
Dieu, tous ceux qui le désirent le puissent aisément.
Haut de page
609> Après avoir passé en revue et comparé les sept Églises
de l’époque et l’état actuel des diverses religions et Églises, un
avertissement et une incitation en découlent: ne pas laisser mourir la charité; ne pas suivre des doctrines humaines trop semblables à celle de
Balaam, qui sont occasion de scandale, d’empoisonnement et de fornication
spirituelle, pour les petits — pour ce qui est du "scandale" —,
comme pour les grands à propos des deux autres choses; combattre tous ceux qui fréquentent des personnes des ténèbres ou
en accomplissent les actes, car ils forniquent ainsi avec les puissances du
mal et du mensonge et se nourrissent d’aliments mentaux sacrifiés et offerts
aux idoles d’une science et d’une curiosité impures; se débarrasser du quiétisme et redevenir vivant, pour donner la
vie; réparer les vertus affaiblies
en œuvrant de toutes ses forces disponibles à porter autrui à la connaissance
de Dieu et de l’Évangile et par conséquent aux vertus, afin que les sauvés
plaident pour leur sauveur auprès du Père des cieux et de tous les hommes; être ardent pour enflammer, resplendir pour illuminer, se détacher de ce qui est
concupiscence même en ce qui concerne les richesses, le pouvoir, la santé et
un confort humain tranquille, pour se revêtir de spiritualité et être libre,
sans rien qui fasse obstacle au travail apostolique.
Alors ceux qui auront voulu devenir saints et auront vaincu tout ce qui
s’oppose à la sainteté recevront le "nom
nouveau" (Apocalypse 2-3),
se nourriront de "l’arbre de vie″, de la "manne cachée″,
ils porteront des "vêtements blancs″, ils seront couronnés de la
"couronne" de gloire céleste, ils seront établis
"colonnes" du Temple éternel
et "siègeront sur le trône" préparé pour les vainqueurs.
Chapitre IV
Haut de page
La grandeur de la vision augmente, et cela accroît la puissance de l’extase,
car le voyant n’est plus appelé à voir les événements actuels de son temps,
signes et figures de ce qui, de manière différente et pour diverses causes,
allait se répéter au cours des siècles, mais des choses surnaturelles et des
événements futurs, les premières connues des citoyens des cieux, les seconds
de Dieu seul.
|