572> Ces comparaisons - Jésus
lui-même se servait de comparaisons pour faire comprendre ses enseignements à
ses disciples - permettront à beaucoup de comprendre ce qu’est la prophétie
et ce que sont les prophètes, ce qu’est l’inspiré ou le voyant et combien il
faut les croire, car ils annoncent ce qu’il est bon de savoir pour progresser
sur une voie sûre, à condition toutefois qu’ils ne disent rien d’incompatible
avec la foi et la grande Révélation.
Les prophéties sembleront à certains, non seulement incompréhensibles car
trop obscures, mais aussi obsolètes si elles se réfèrent à des événements
survenus il y a plusieurs siècles de cela. C’est certain : bien des
choses qui y sont mentionnées ont eu lieu et ne se répèteront pas. Mais
beaucoup se reproduiront comme ce fut déjà le cas chaque fois que l’humanité
s’est retrouvée dans la même condition que celle pour laquelle cette
prophétie fut livrée. Ainsi, l’incarnation du Verbe et la fondation de
l’Église ne se reproduiront pas, puisque l’Église fondée par Jésus, son
Pontife et Chef éternel, ne peut périr en raison de la promesse divine, de
sorte qu’il ne sera jamais nécessaire d’en fonder une nouvelle. En revanche,
il est vrai que les punitions permises par Dieu, à la suite des abominations
qui ont pénétré dans le lieu sacré et des injustices humaines, se
reproduiront comme elles le font d’ores et déjà. Il en ira de même pour bien
d’autres choses.
Tout comme l’humanité connaît des cycles alternés de justice et d’injustice,
de foi réelle et de foi simplement
extérieure - "la lettre et non l’esprit de la foi" - ou même de non
foi en ce qui concerne les cinq dixièmes de la population mondiale, elle
connaît également des cycles alternés de châtiments et de pardons, déjà
soufferts et obtenus sans qu’elle en devienne meilleure pour autant. Et comme
les prophéties sont annoncées par des personnes qui ont pu voir "le Temps"
sans limites dans le temps, elles servent souvent à être lumière et guide,
voix de la vérité, conseil de miséricorde pour
chaque époque.
Prophétie de l’apôtre de la lumière et de l’amour, l’Apocalypse éclaire - et
ce par amour - les temps, chaque temps,
jusqu’aux derniers temps.
Haut de page
573> Dix-neuf siècles sont déjà passés depuis que Jean eut la
révélation qu’on appelle "l’Apocalypse", et l’on pouvait dire que
le temps de sa réalisation, comparé à l’éternité, serait "proche".
Certes ce temps d’attente, mesuré à l’aune du temps terrestre, fut et demeure
long, mais si l’on se réfère à l’état des sept Églises, il est actuel
aujourd’hui comme hier.
Lorsque Jean voyait les sept Églises de son époque, les sept lumières plus ou
moins lumineuses d’alors, il ne voyait pas qu’elles seulement, mais aussi les
autres Églises qui allaient se former au cours des siècles, tout comme il a
entrevu ce qui est arrivé et ce qui doit arriver, sur terre, au ciel et aux
enfers.
Il a vu les lumières de sainteté et les ombres d’injustice, la croissance de
la spiritualité et celle de l’humanité - ou plutôt du matérialisme -. Il a vu
le feu de la charité et de la sagesse qui s’en nourrit flamboyer en s’élevant
vers le ciel. Mais il a aussi vu les fumées brumeuses de la science privée de
sagesse ramper sur le sol quand l’homme tente de se donner une explication de
lui-même et de bien d’autres choses de la création par son seul savoir; les fumées
nauséabondes des luxures du moi, de toutes les luxures; les fumées coupables
des égoïsmes et des férocités. Fumées, fumées, rien d’autre que de la fumée,
et une fumée nocive qui rampe à terre, s’insinue, souille, empoisonne et tue.
Elle tue les "bonnes" choses, au sens que Dieu donne à ce mot, et
que nous qualifierions de "plus belles": les trois et les quatre
vertus, les rapports sociaux, les consciences, les intelligences, la paix de
la famille... toutes choses que cette fumée, là où l’ardeur de la charité
fait défaut, tue, empoisonne, souille et pénètre. Jean a encore vu la
formation du monde nouveau, le monde de Jésus, de son Royaume. Et aussi la
formation d’un monde nouveau à l’intérieur du nouveau: celui de l’Antéchrist
et de son royaume.
Il a vu les triomphes du christianisme comme ses défaites, l’admirable unité
de la Bergerie du Christ comme la séparation rebelle de parties entières du
troupeau. Jean a tout vu. Sa vision était si vivante qu’il lui semblait que
tout devait se réaliser sur le-champ. Mais non ! Des siècles et des
siècles devaient encore s’écouler avant que ne s’accomplisse tout ce que le
voyant de Patmos a vu. Néanmoins tout s’accomplira comme il l’a dit et comme
cela s’est déjà partiellement réalisé à différentes époques, sans atteindre
cependant l’accomplissement des choses mauvaises vues d’avance par Jean.
Haut de page
574> Tout cela est humain, difficilement parfait, et encore
plus difficile à ne pas répéter. L’appartenance au Peuple de Dieu n’a pas
empêché les Hébreux de retomber fréquemment dans les mêmes péchés. L’exemple
d’Adam, des châtiments divins dont les moyens furent le déluge, la dispersion
des peuples après l’orgueil de Babel, la destruction de Sodome et de Gomorrhe,
l’oppression en Égypte n’empêchèrent pas le peuple de pécher. La miséricorde
de Dieu qui les délivra de l’oppression du Pharaon et voulut leur donner une
patrie et une loi excellentes ne conduisit pas les hommes à ne plus pécher
par reconnaissance à Dieu. Ils péchèrent même pendant le voyage vers la Terre
Promise, alors que Dieu, en vrai Père, les comblait de ses dons.
L’homme restera toujours l’homme, dans l’ancienne religion comme dans la
nouvelle, toutes deux divines. Qu’il appartienne à l’ancienne ou à la
nouvelle Église. « Vous me cherchez, non pas parce que vous avez vu des
signes, mais parce que vous avez mangé
et que vous avez été rassasiés » (Jean 6, 26). L’humanité est toujours la même. Elle est attirée
par ce qui est extérieur et prodigieux, par ce qui représente une nouveauté
ou quelque jouissance matérielle, par des espérances et des promesses
humaines que l’on pense pouvoir atteindre, plutôt que les choses intérieures,
surnaturelles, alors que c’est plus prodigieux, plus joyeux, plus sûr et surtout
plus durable, puisque éternel.
Judas est le prototype parfait des personnes séduites par les prodiges
matériels et les espoirs d’honneurs humains capables de rassasier la cupidité
intellectuelle et celle des yeux. Il en est le parfait prototype, incapable
de conversion.
Cependant, les autres apôtres et disciples eux-mêmes ne furent pas vierges de
cette faiblesse humaine, incomplète chez eux et dont ils se dégagèrent peu à
peu jusqu’à en être si détachés qu’ils pouvaient endurer toutes sortes d’humiliations
et de persécutions, au point de savoir se dépouiller de leur propre vie pour
obtenir la vie éternelle. Une fois confirmés dans la foi, l’espérance et la
charité, confirmés dans la grâce et la sagesse, dans la piété, la force, la
sainte crainte de Dieu, dans tous les dons du Paraclet, ils devinrent autant
de "maîtres" et de
"fondateurs", non pas d’une nouvelle doctrine et de
nouvelles Églises, car une sont la doctrine et l’Église parfaites, mais de la
doctrine et de l’Église dans d’autres peuples et d’autres régions.
Haut de page
575> Depuis, vingt siècles se sont écoulés, de nouveaux
apôtres ont succédé aux premiers, de nouvelles Églises, d’autres Églises,
dans de nouvelles contrées de la terre. L’activité apostolique n’a connu ni
pause ni interruption même si, par la faute des hommes, et malgré ses
progrès, elle régresse en étendue - d’ailleurs pas seulement en cela -.
Poursuite de l’activité, propagation de l’évangélisation, expansion du Corps
mystique, ce sont là des vérités indéniables et des conséquences logiques,
étant donné que Jésus nourrit son Église, la guide et l’encourage; or Jésus
est éternel, il est puissant, il est saint. Sa sainteté descend et circule
dans le Corps tout entier, sa puissance donne des forces mystérieuses à ses
serviteurs, son éternité empêche l’Église de mourir.
Néanmoins, elle a beau progresser et s’étendre depuis vingt siècles dans de
nouvelles régions, elle s’arrête, régresse, meurt même dans d’autres par la
faute et la mauvaise volonté de certains hommes. Est-ce un péché particulier
à notre époque ? Non, il est de tous les temps. Cela arrive plus ou
moins complètement et profondément, quand des déviations, des interruptions,
des séparations et jusqu’à la "mort"
se produisent dans les rameaux qui constituent toute la Vigne mystique. Elles
furent de natures différentes, et plus les siècles passaient plus graves
furent la déviation et la défection de rameaux de la Vigne. Aujourd’hui,
c’est le temps de la Négation.
Jean a vu tout cela. Il a tout vu d’avance. Il les a vues dans les sept
Églises d’alors. Il les a vues dans les Églises d’aujourd’hui, dont les sept
Églises de son temps n’étaient pas seulement la vérité mais aussi la figure.
Il a donc aussi vu d’avance l’horreur actuelle, celle de la Négation dans un
trop grand nombre d’endroits et d’âmes. Il vit d’avance l’horreur
extrême : le temps de l’Antéchrist.
Il a tout vu à travers sa première vision. La conséquence finale est le
résultat de la première conséquence. Cela se répète par cycles au cours des
âges, de façon toujours plus accentuée au fur et à mesure de la croissance de
l’Église. Il est logique, bien que douloureux, qu’il en soit ainsi.
Haut de page
576> Car le Christ est d’autant plus haï et combattu par
l’Antéchrist que son affirmation et son triomphe dans les saints se
renforcent. Le Corps mystique remporte-t-il des victoires ? L’Antéchrist
augmente son pouvoir et déclenche des combats plus atroces. Effectivement, si
le Christ veut triompher, comme il se doit, l’Antéchrist le veut
pareillement, et sa violence augmente à mesure que le Christ triomphe
davantage, pour le vaincre et l’abattre. Oh, il n’y arrivera pas ! Le
Christ est le Vainqueur. Mais il l’espère et il essaie. Et comme il lui est
impossible de remporter une victoire collective sur le Peuple de Dieu tout
entier, il cherche des victoires individuelles ou nationales, en détournant
des intelligences, en possédant des âmes, en arrachant des peuples à
l’Église.
Les sept Églises avaient été fondées peu de temps auparavant, par ceux qui
avaient été envoyés dans ce but par Dieu directement : « Allez
donc, de toutes les nations faites des disciples » (Matthieu 28, 19). Ensuite, et conformément à la promesse divine,
ils avaient reçu l’Esprit Saint qui leur "enseignera tout et leur rappellera tout" (Jean 14, 26) ce que Jésus leur avait
dit de manière à être compris, c’est-à-dire en les rendant capables de
comprendre les choses les plus élevées afin que, "revêtus de la force
d’en haut" (Luc 24, 49), ils
soient capables de devenir les fondateurs de quelque chose d’aussi élevé que
le Royaume de Dieu parmi les hommes. Malgré cela, l’imperfection - et même
plus que l’imperfection - s’était déjà formée dans un grand nombre de ces
Églises, car l’Adversaire (ou Antéchrist) était déjà à l’œuvre
spirituellement, et il travaillait déjà à la corruption et à la destruction
des forteresses spirituelles du Royaume de Dieu : créer des discordes
entre les membres, insinuer de subtiles hérésies, susciter des orgueils
stupides, conseiller de lâches compromis entre la conscience et la loi de la
chair, ainsi que des restrictions mentales odieuses à Dieu dont le langage
est "oui, oui; non, non" et qui veut que ce soit celui de ses
enfants et fidèles; refroidir la charité, augmenter l’amour de la vie
terrestre, des richesses et des honneurs matériels.
Voilà l’œuvre de l’Adversaire, infatigable lorsqu’il s’agit de travailler à
tenter de vaincre Dieu et de détruire ce qu’il a créé, en tirant profit de
tout ce qui peut le seconder et que les hommes eux-mêmes lui fournissent par
leur imperfection personnelle ou par réaction à des actions injustes menées
par les membres plus forts à l’égard des membres plus faibles.
Haut de page
577> Il faut dire ce qu’il est juste de dire. Manquer à la justice et à la charité - qui attirent
les âmes comme du miel céleste vers la ruche mystique et les y gardent dans
la fidélité - provoque des réactions chez les membres lésés, de la
souffrance, du scandale, et même de la méfiance et des séparations.
L’Église a été fondée par l’Amour, et on devrait toujours y trouver une
charité parfaite. L’Église est nourrie par l’Amour et elle devrait faire
preuve d’une charité parfaite à l’égard de tous ses membres, même et surtout
des plus petits et des faibles, pour les nourrir et les garder en vie.
L’Église a reçu le commandement d’enseigner la charité. Mais malheur si son
enseignement se limitait à la lettre au lieu d’être pratiqué dans son esprit!
Vivre dans l’amour pour permettre aux
agneaux d’y vivre, c’est là le devoir des pasteurs. Malheur à l’agneau
qui ne fait pas preuve d’un amour révérenciel qui va jusqu’à la renonciation
de son libre jugement et de sa liberté d’action pour faire de bonnes choses
que Dieu laisse à l’homme (il lui laisse même toute liberté, se bornant à lui
dire ce qui est bon et ce qui ne l’est pas); or si les agneaux voient que la
charité est exigée par les pasteurs alors qu’ils la refusent aux agneaux, que
se passe-t-il ? À cause d’un cœur qui ne s’ouvre pas aux besoins infinis des âmes — je parle du cœur des pasteurs
—, les âmes se dirigent ailleurs, vont frapper à d’autres portes; or ce sont
parfois des portes qui s’ouvrent sur les besoins matériels, fournissent du pain, des vêtements,
des médicaments, des conseils, une aide pour trouver un emploi, pour ne pas
être chassé de chez soi par quelque riche au cœur dur, mais qui ôtent aussi
la foi et la justice des cœurs. C’est bien ce qui se passe. Pour du pain,
pour un vêtement, un toit, une aide pour rétablir la justice envers un
persécuté, une âme — si ce n’est plusieurs — abandonnent la bergerie, le
pâturage, la voie de Dieu, et s’en vont vers d’autres pâturages et d’autres
voies, les premiers matériels, les secondes antichrétiennes.
Au cours de l’évolution séculaire de la Vigne mystique, il s’est produit
beaucoup de séparations, même de la part de sarments importants. Les causes
en sont multiples, et toutes ne provenaient pas d’une rébellion spontanée des
membres, mais aussi d’une rébellion provoquée par un rigorisme sans charité
ou sans justice qui impose aux autres de porter des fardeaux qu’ils ne
portent pas eux-mêmes.
578> C’est pour cette raison qu’Israël connut guerres intestines
et schismes. C’est pour cette raison que le petit peuple a suivi le Christ.
C’est toujours pour cette raison que, aujourd’hui encore, des membres se
séparent ou, du moins, restent perplexes, quand ils ne tombent pas dans le
scandale.
Les sept églises
(Apocalypse, chapitres 2 et 3 )
Haut
de page
Observons maintenant les sept Églises d’alors, telles que Jean les a vues et
les a entendues être jugées par le Juge éternel. Nous y reconnaîtrons déjà en
œuvre ce qui, par la suite et avec une plus grande ampleur, fut et est
toujours en œuvre dans les Églises ou religions qui portent le nom de
"chrétiennes" sans être pour autant catholiques: les Églises
séparées.
Elles se sont donné une constitution humaine en ne conservant de la véritable Église que ce qu’elles ont
bien voulu garder pour pouvoir se prétendre encore "chrétiennes".
Mais être chrétien ne signifie pas seulement prier le Christ, le prêcher de
telle ou telle manière, ça ne veut pas dire être encore plus rigoriste dans
certains domaines que les vrais catholiques. Prier Dieu, prêcher Dieu, être
rigide dans tout ce qui touche au service formaliste de Dieu, les prêtres,
les scribes et les pharisiens de l’époque de Jésus le faisaient tout aussi
bien parmi les hommes. Néanmoins, et à de rares exceptions près, cela n’a pas
fait d’eux des "chrétiens", mais plutôt des
"antichrétiens".
Etre chrétien signifie faire partie du Corps mystique par l’appartenance à
l’Église de Rome en tant que catholique, en appartenant au Christ par une vie
vraiment conforme à son
enseignement et à ses commandements. Autrement, on n’est pas chrétien dans
les faits, pas même si l’on est catholique en ce sens qu’on a reçu le baptême
selon le rite de l’Église romaine ainsi que les autres sacrements. Même si
l’on n’est pas tombé ou resté dans une faute grave, même si on n’en est pas
allé jusqu’à renier sa foi ou à faire partie des sept condamnations de
l’Église, ou encore jusqu’à appartenir à des partis politiques condamnés pour
être précisément condamnables. On n’est pas un vrai chrétien, un chrétien
dans les faits, si l’on ne mène pas une
vie chrétienne; il en va de même si l’on n’honore pas Dieu par un culte
intérieur vivant, constant, même
dans l’intimité de la maison, un culte intérieur toujours présent, même dans le travail intellectuel ou manuel, toujours actif, jusque dans les
rapports sociaux qu’il faut toujours entretenir avec tous nos prochains qui
nous sont plus ou moins unis par les liens du sang ou des rapports sociaux.
Haut de page
579> On n’est pas un vrai catholique ni un chrétien dans les
faits lorsqu’on pratique uniquement un culte extérieur et formel pour être
admiré, ou uniquement intérieur pour ne pas être tourné en dérision comme
bigot, ou encore pour éviter quelque préjudice matériel. On ne l’est pas
davantage tant qu’on ne cherche pas à pratiquer les vertus le plus
parfaitement possible, jusqu’à l’héroïsme si l’occasion s’en présente; tant
qu’on ne pratique pas ce que l’on appelle "le complément de la loi,
c’est-à-dire la charité", dont
les œuvres de miséricorde constituent autant de variantes; tant qu’on
n’essaie pas de renoncer à l’habitude vicieuse qui est cause de péché; tant qu’on
pèche contre l’Esprit Saint en doutant de la miséricorde divine qui pardonne
au repenti, en présumant pouvoir se sauver tout seul, en méprisant ou en
niant les vérités lumineuses de la foi — non seulement les premières et les
principales, mais tout ce que contient le Credo et que les dogmes anciens et
récents ont défini —, en nourrissant de l’envie à l’égard des justes, en
restant des pécheurs et des impénitents obstinés; tant qu’on porte atteinte à
la vie de notre prochain ou même seulement à sa santé corporelle ou à son
honneur; tant qu’on foule aux pieds l’ordre de la nature par des actes
abominables que les animaux eux-mêmes ne commettent pas de manière pleinement fautive puisqu’ils ne
possèdent ni raison ni conscience; ou encore en opprimant les pauvres, en
pratiquant l’usure pour en tirer un profit illicite, en exploitant outre
mesure les travailleurs ou en leur refusant un juste salaire.
Une telle vie mérite les jugements sévères de Jésus aux scribes, aux
pharisiens et aux marchands du Temple. Puisque l’Évangile devrait être un
livre lu chaque jour par tout
chrétien, phrase par phrase, en méditant sur ces vérités qui apportent la
Vie, il serait opportun que les passages où Jésus distingue une vie
religieuse authentique d’une vie religieuse apparente ou mensongère soient
fréquemment lus, relus et médités! Que chacun s’examine lui-même. Qu’il se
compare au pharisien et au publicain, au pharisien et à la pécheresse, au
lévite et au bon Samaritain, qu’il médite sur les riches qui jetaient le
superflu de leurs richesses dans le Trésor et sur la veuve qui y mettait
"tout ce qu’elle avait pour vivre", et qu’il voie à quelle
catégorie il appartient.
Haut de page
580> Et s’il se rend compte qu’il appartient à la catégorie
qui pratique seulement un culte extérieur, qu’il se ravise et devienne un
vrai disciple du Christ, un véritable enfant de Dieu et un frère du Christ, en d’autres termes un chrétien de nom et,
mieux, dans les faits.
Sinon, de telles personnes auront beau porter le nom de chrétien, ce ne
seront pas des sarments nourris par le Christ. Ils seront des sarments
séparés qui, s’ils ne sont pas complètement secs parce qu’une tendance
naturelle à faire le bien les pousse à agir en justes, se sont néanmoins
replantés tout seuls,
orgueilleusement; ils ont donné naissance à un plant à part qui produit de la
piquette et non du bon vin. Pour que cela soit de nouveau possible, il leur
faut se regreffer sur la vraie Vigne, la seule vraie vigne qui permette aux
sarments de porter des fruits abondants et saints.
Cela vaut aussi bien des sarments individuels que de ceux qui forment une
vigne à part: les Églises séparées. Comme elles se sont séparées et se sont
donné une constitution propre imaginée par leur fondateur — un homme, et non
l’Homme-Dieu —, elles ne peuvent posséder la plénitude de vie spirituelle que
seule l’appartenance au Corps mystique maintient et qui les préserve de
séparations plus importantes, non seulement du Corps en tant que tel, mais aussi
de la vérité et de la lumière qui rendent assuré le chemin de l’Église
terrestre vers celle des cieux.
En outre, ne pas appartenir au Corps mystique fait déchoir de la justice,
comme on le voit plus que jamais aujourd’hui. La séparation s’approfondit.
Effectivement, certaines Églises séparées ne se contentent pas de ne
témoigner ni respect ni obéissance à l’égard du Pasteur suprême. Non
seulement elles se permettent d’élever des protestations quand le souverain
pontife définit de nouvelles vérités grâce à des lumières divines; non
seulement, tout en prétendant servir le Christ, elles lui arrachent — ou du
moins essaient de le faire — des personnes qui lui appartiennent, qui sont de
sa Bergerie et que les séparés
tentent d’amener à eux, vers d’autres pâturages où tout n’est pas bon, en
particulier l’essentiel; mais — et c’est monstrueux — ils se mettent à
célébrer la Bête, l’Antéchrist, et à approuver ses idéologies.
Haut de page
581> Mais cela aussi est dit: "Emerveillée, la terre
entière suivit la Bête" (Apocalypse 13, 3), bien qu’on voie que, par
obéissance au dragon qui lui laisse tout pouvoir, "elle mène campagne
contre les saints et les vainque" (Apocalypse 13, 7) (matériellement).
Elle mène campagne contre les saints, c’est-à-dire contre ceux qui adorent le
vrai Dieu et lui de meurent fidèles en aimant de tout leur cœur le Fils de
l’Homme et de la Femme, et en aimant la Femme qui servit de tabernacle à Dieu
et fut sa louange éternelle, l’image et la ressemblance parfaite de Dieu.
Elle n’est pas comme nous, dès lors que l’hérédité funeste d’Adam a défiguré
et affaibli cette ressemblance divine en nous. Elle n’est pas non plus comme
Adam et Ève avant la faute: c’étaient deux innocents, deux enfants de Dieu,
avec qui le Créateur dialoguait sous une forme, certes mystérieuse mais qu’on
ne peut mettre en doute pour autant (Genèse 1, 28-30; 2, 16; 3,
9-11.13.16-19.21), deux prédestinés à vivre éternellement de et dans la
béatitude de la vision de Dieu. Non. Marie, façonnée par la main divine pour
servir de "forme au Dieu incarné" qui était l’image parfaite du
Père — « Qui me voit, voit la Père » (Jean 14, 9) -; Marie avec qui le Dieu un et trine entretint
toujours des colloques comme on le fait avec une fille, une épouse, une mère
véritables; Marie, qui ne cessa de contempler son Seigneur de toutes ses
facultés fut et demeure le très pur reflet de l’image de Dieu, beauté et
perfection suprêmes. Il s’ensuit que celui qui contemple Marie voit ce qui
constitue la beauté indescriptible qui emporte les habitants éternels du ciel
à des sommets de béatitude.
De par sa naissance humaine, Marie est une créature, notre sœur. Mais elle
est aussi la créature divinisée dont nous pouvons seulement être de toutes petites sœurs spirituelles, à
condition de le vouloir. Elle est le chef-d’œuvre du Dieu créateur des
hommes. Elle est enfin le signe, la mesure, la forme sensible de ce que Dieu
a depuis toujours destiné aux
hommes qui vivent en enfants de Dieu.
L’homme croit imparfaitement à la résurrection de la chair et à la
participation de la chair ressuscitée à la joie de l’âme bien heureuse; il
est incapable de croire à cette vérité - du moins, il en doute - et n’en est
toujours pas persuadé par la résurrection de Jésus Christ puisqu’il dit:
« Lui, il était Dieu, par conséquent... » Mais devant la vérité
établie par l’assomption de Marie au ciel avec son corps et son âme, il ne
peut plus douter. Son intelligence y reconnaît un moyen qui l’incite
puissamment à croire à la résurrection de la chair et à sa participation à la
joie éternelle de l’âme.
Haut de page
582> Jésus est celui qui nous révèle Dieu le Père. Marie est
celle qui nous révèle le bienheureux destin des enfants de Dieu. Jésus est
celui qui, en tant que Maître, nous a enseigné comment vivre en enfants de
Dieu. Marie est celle qui nous a montré dans la pratique comment vivre pour
être enfants de Dieu. Certains hommes connaissent des difficultés pour suivre
l’Évangile et disent: "À lui c’était possible, parce qu’il était Dieu,
et certains élus y parviendront parce que Dieu le Christ leur accorde des
dons particuliers"; mais en voyant la vie, le mode de vie de Marie
depuis qu’elle a ouvert les yeux à la lumière — or elle, qui est la pleine de
grâce, n’a jamais connu cet état de nescience commun à tous les nouveau-nés,
déclarés irresponsables de leurs actes avant l’âge de raison —, ces hommes
peuvent être convaincus qu’il est possible à tous les êtres nés d’une femme, et même à toutes les créatures de
Dieu de vivre en enfants de Dieu, à la seule condition de vouloir vivre en
créatures divinisées.
Que l’on n’objecte pas non plus à cette affirmation: "Mais Marie était
préservée du péché originel et de ses tentations." Ève l’était
pareillement. Mieux, elle était
innocente dans un monde innocent, reine d’un monde qui lui était soumis,
unique créature supérieure en compagnie de son époux, douée
d’intelligence, de grâce, de science, maîtresse de l’univers sensible, guidée
par la Voix de Dieu. Et pourtant elle céda à la première tentation, tandis
que des âmes innombrables, bien que marquées par le péché originel, et
beaucoup de créatures ne cédèrent pas bien qu’elles connaissent ces
tentations, cette terrible "loi de la chair" qui fit gémir Paul,
Augustin et bien d’autres, aujourd’hui saints et saintes au ciel.
À l’instar de Jésus, Marie ne pécha jamais, d’aucune manière, en aucun
domaine, y compris par ce qui aurait pu être la réaction logique, naturelle,
juste d’une mère qui voit son fils être torturé et tué, et pas davantage
contre la charité ou quelque autre vertu. Elle n’a pas voulu pécher, et n’a
pas péché. Dieu a certainement agi en elle d’une manière mystérieuse, afin
que pas la moindre imperfection — que dis-je, pas l’ombre, pas le germe d’une
imperfection — n’altère la pureté et la sainteté parfaites de la Toute-Belle.
Mais il est tout aussi certain que Marie a secondé de toutes ses facultés et de toute sa volonté la volonté que Dieu
avait sur elle.
Haut de page
583> Dieu n’a pas fait de Marie une esclave qui ne peut
qu’obéir au maître qui l’y oblige, mais une reine, sa Reine, à qui il envoie
un archange comme ambassadeur pour lui annoncer le dessein de Dieu. Or ce
dessein ne se réalise pas avant que Marie ne réponde spontanément:
« Qu’il me soit fait selon ta parole. » (Luc 1, 26-38).
Ce même archange avait révélé au prêtre Zacharie (Luc 1, 5-25) une autre maternité miraculeuse car en dehors des
lois naturelles, étant donné l’âge des époux et la stérilité de la future
mère. Mais bien qu’il soit prêtre et dans la plénitude de ses fonctions
sacerdotales devant le Saint des Saints, il douta de la puissance et de la
miséricorde de Dieu comme de la vérité des paroles de l’ange, de sorte qu’il
en fut puni.
Voilà quelle est la différence entre justice et justice parfaite. Marie
possède une foi et une obéissance absolue
bien que son miracle soit incomparablement plus grand. Mais pas Zacharie.
Pourquoi cela? Parce que Marie était réellement la Femme et parce que la
Parole du Père avait besoin de la Femme pour prendre chair humaine. Mais
cette femme s’était tellement dépouillée de toute humanité naturelle, elle
était si riche de nature surnaturelle, qu’elle n’avait plus aucun de ces
liens et de ces obstacles qui entravent ou appesantissent les facultés de la
créature à suivre la volonté de Dieu; or c’est sur un tel terrain, dans un moi dépouillé de tout ce qui fait
obstacle aux actions divines, qu’il peut accomplir les œuvres les plus
grandes de sa toute-puissance.
« La terre suivra la Bête et
mettra à mort les saints qui n’adoreront pas la Bête de la terre »
(Apocalypse 13, 7 ?). C’est la première des manifestations de l’Antéchrist;
ce dernier est "de la terre" puisqu’il nie Dieu et tout ce qui
vient de Dieu; il tombe dans l’idolâtrie de ce qui n’est pas Dieu mais au
contraire contre lui; il supprime la loi divine pour y substituer la sienne —
qui n’est même plus la loi morale naturelle — et va jusqu’à tenter d’en
effacer le souvenir chez les créatures; enfin, il opprime et tue ceux qui ne
veulent pas devenir mauvais, non-croyants et opposés à Dieu.
Haut de page
584> La Bête dévore les agneaux pour arracher à Dieu le plus
grand nombre possible de ses enfants. Or voici que notre époque voit
l’horreur de ministres d’Églises séparées — qui se qualifient néanmoins de
"chrétiennes" — adhérer aux paroles et aux volontés de la Bête de
la terre, à cette monstruosité qui combat le Christ, et vénérer cette idole
idéologique, corruptrice et impitoyable, sans y être contraints comme ceux
qui sont ses sujets là où elle règne et sans penser que, si elle pouvait
régner partout, ils seraient eux-mêmes tôt ou tard dévorés, torturés, privés
des libertés les plus sacrées de l’homme libre, jusqu’à la liberté de pensée.
Mais voici vingt siècles que le Christ a indiqué ces déviations et leurs
causes.
Telle Église fait preuve d’activité et
de patience mais "elle a perdu son amour d’antan"; la vie en
Dieu s’est donc affaiblie, quand elle n’est pas tout à fait morte, car là où
il n’y a pas d’amour, Dieu n’est pas présent, ni la vie de Dieu dans la
personne, ni la vie de la personne en Dieu. Telle autre montre au contraire un amour pour les richesses de la
vie — autrement dit de la santé et de la vie —, alors que ceux qui
désirent servir Jésus Christ doivent ne pas s’attacher à la vie matérielle,
ils doivent ne pas craindre les persécutions ni les fuir, mais les endurer si
nécessaire jusqu’à la mort, car c’est ce qu’a fait le Christ; d’ailleurs,
celui qui perd sa vie pour le servir le possèdera au ciel d’une manière toute
spéciale.
|